Connexion

Actualités

LGM

En 1967, la Terre, médusée, assiste à une révélation bouleversante : Mars est habitée ! La preuve : ce cliché envoyé par la sonde américaine Arès-1 juste avant de se crasher sur le sol de la Planète rouge, où l'on peut voir en gros plan un petit homme tout vert qui tire la langue. Trente ans plus tard, et après moult tractations, Mars se décide à envoyer sur Terre un ambassadeur. Mais voici que notre ambassadeur martien est enlevé ! Par qui, pourquoi ? La DGSE mène l'enquête et apprend que l'ambassadeur serait détenu dans le Camps de Mars, une communauté verte hippie installée sur le Larzac. Elle envoie sur place un policier chargé de récupérer l'ambassadeur sans faire trop de casse, mais il s'avère qu'en fait d'enlèvement, l'ambassadeur aurait plutôt fait une fugue. Alors que le policier essaye de persuader en douceur le Martien de rentrer au bercail, le Camps de Mars subit un véritable assaut militaire : explosions, mitraillages, hommes armés jusqu'aux dents. Cette fois, la tentative d'enlèvement est sérieuse. Et ce n'est qu'un début ! Mais quel pays a donc intérêt à enlever l'ambassadeur ? Et surtout, pourquoi ? Entre la fonction de garde du corps de l'ambassadeur et celle d'enquêteur sur le terrain, notre homme de la DGSE aura fort à faire, car dans le monde trouble de l'espionnage et de la politique internationale, les apparences sont souvent trompeuses et la vérité difficile à appréhender…

Cinq ans, c'est le temps qu'il aura fallu aux fans de Roland C. Wagner pour pouvoir enfin lire la conclusion de L.G.M. À l'intention de ceux qui n'auraient pas suivi, L.G.M., découpé en quatre parties à suivre, paraît en 2001 dans la défunte collection des éditions Onyx. Les deux premières parties sont éditées, mais malheureusement l'aventure d'Onyx s'achève avant de pouvoir publier les deux dernières, laissant les lecteurs sur les dents. Cinq années plus tard, donc, L.G.M. sort enfin en un seul morceau, avec un début, un milieu et une fin, comme il se doit. L'attente en valait-elle la peine ? Absolument ! Un Wagner en grande forme, incisif et plein d'humour, pour une Terre uchronique déjantée ou notre auteur en profite pour mordre quelques postérieurs de façon bien sentie. Un découpage des frontières qui reste (presque) le même, mais où le monde politique est à rebrousse-poil. Les Etats-Unis d'Amérique sont en pleine récession (un dollar équivaut à 0,41 euros), gouvernés par un Président sortant, le Petit Buisson (sic), dictateur en puissance qui atteint des sommets de rigidité patriotique et religieuse. De l'autre côté, l'U.R.S.S. est gouvernée par un Gorbatchev éclairé qui conduit son pays à marche presque forcée vers le capitalisme et la démocratie. Inutile de dire que dans ce contexte, la Guerre Froide atteint des proportions grandioses. Au milieu, l'Europe est toujours là, égale à elle-même, molle du genou, quoi. Les Chinois sont également mentionnés. Seuls grands absents, les mondes Arabes et Musulmans ne figurent pas au générique, ce qui fait tout de même un grand trou dans ce tableau au demeurant fort croquignolet, où Roland C. Wagner maîtrise de main de maître l'art difficile de l'uchronie. Tissée toute en finesse, cette toile de fond sert de fondation à une histoire déjantée et assez parodique d'une première rencontre du troisième type, qui tourne rapidement à du Fredric Brown façon moderne : sexe, drogue et rock'n'roll, évidemment.

Le cocktail est une fort belle réussite, donc je vous livre ici la recette. Prenez Roland C. Wagner, découpez-le en cinq et gardez les trois meilleures parties. D'abord le militant, l'homme politiquement engagé, voire enragé, aux opinions bien arrêtées et cependant terriblement humaniste. Et puis, bien sûr, l'écrivain chevronné, technicien hors pair, qui parvient à lier des univers pas forcément compatibles, qui porte en lui des mondes un peu dingues qui vous font valser cul par-dessus tête et qui n'oublie jamais que le rire est le meilleur ami de l'homme. Enfin le créateur, l'accoucheur de personnages et de paysages magnifiques, plein de couleurs, de vie, de fantaisie, souvent farfelus et toujours dépaysants. [Pour les deux autres parties, que je vous laisse deviner, oubliez-les, on ne conserve ici que l'excellent.] Passez au four d'une lecture de quelques heures, et vous voici avec l'un des meilleurs bouquins de l'auteur, tout simplement. Embarquez donc à bord de L.G.M., vous ne serez pas déçus !

Faërie Thriller

En Surface, à la FNAC Saint-Lazare à Paris, un double meurtre est commis la veille du lancement ultra-médiatisé du dernier roman d'Etienne Verbellec, l'auteur phare des éditions Magillard. Au même moment, en Faërie, un corps salement amoché est retrouvé dans l'immense bibliothèque de la Folie Clébédia. Visiblement, ces meurtres sont liés : un rire cristallin, des petits pas légers mais un être invisible, des résidus de magie d'une couleur inusitée et inquiétante. Il n'en faut pas plus à la fey Lil et au Capitaine Lartagne pour reprendre du service et mener l'enquête. Alors que les crimes s'enchaînent en Surface comme en Faërie, l'étau se resserre autour de Verbellec et des éditions Magillard, qui semblent être au centre de tous ces phénomènes meurtriers. Qu'a fait Verbellec, quel genre d'entité a-t-il bien pu réveiller, quel pacte a-t-il conclu — et n'a pas honoré ? Autant de questions auxquelles Lil et Lartagne aimeraient bien que l'écrivain réponde, mais encore faudrait-il pouvoir lui mettre la main dessus…

Or donc, voici que la belle fey Lillshellyann Aleiannhyless Lliannhsell'an (Lil pour les intimes) et le Capitaine Lartagne endossent à nouveau leur défroque d'enquêteur au service d'Obrasian Phulmis, le presque-dragon, pour cette seconde plongée en Faërie, leur monde d'origine. Enfin, plongée, c'est vite dit. Car dans cette séquelle, la place accordée au monde de Faërie est assez minimaliste, l'action se situant pour la plus grande part en Surface. De Faërie, nous n'apercevrons que la Folie Clébédia et ses jardins, de ses habitants, nous n'aurons droit qu'à un pauvre Troll et son compagnon de Nain, ainsi que quelques Panous-panous en robe de bure. La Surface n'en est pas mieux lotie pour autant. Le décor se compose presque exclusivement de l'intérieur des éditions Magillard, et seul le final nous fera prendre un peu l'air en nous emmenant à la montagne. Johan Heliot a donc resserré les liens géographiques et revu à la baisse ses prétentions de bestiaire. En soit, cela n'a rien de déshonorant, bien sûr, même si cet auteur nous avait habitué à plus d'envergure. Cependant, gare à l'attente du lecteur tombé amoureux de Faërie dans le premier opus et dont les yeux brillaient déjà de convoitise : cette attente sera déçue.

Autant Faërie hackers était au service de Faërie, de ses habitants et de sa magie, autant Faërie thriller est au service… de Johan Héliot. À lire cet ouvrage, on a l'impression que les aventures de Lil et du Capitaine ne servent que de vague prétexte pour peindre avec une joyeuse férocité, non dénuée d'humour, le milieu de l'édition. La galerie de personnages, du grand Sachem à l'écrivain superstar maison, en passant par l'attachée de presse, est haute en couleurs et assez savoureuse. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Heliot n'est pas un tendre lorsqu'il parle de ces gens-là ! Ah, par contre, il fait une exception pour les éditions Mnémos, son éditeur dans la vraie vie, pour lesquelles on sent en filigrane un hommage assez appuyé. Dans la même veine, à signaler également l'identité du premier mort appartenant au petit monde littéraire français, qui m'a fait hurler de rire, ainsi que la toute dernière page, un régal d'espièglerie, avec un joli clin d'œil en passant à votre revue préférée.

Alors, Faërie thriller, une immense private joke de 315 pages ? Un terrain miné pour règlements de compte ? Difficile de choisir, sans doute un peu des deux, et plus si affinité, tant ce roman donne l'impression d'avoir été écrit pour les copains plus que pour l'histoire elle-même. Résultat : Faërie thriller est un cran en dessous de Faërie hackers. L'action s'essouffle en fin de parcours. L'intrigue est basique et bien moins inventive, sans grande surprise et un peu molle du genou. L'espace est étriqué et il n'y a pas foule. Les personnages, pourtant toujours aussi savoureux, manquent cette fois sérieusement de motivation et semblent un peu se traîner.

Un auteur peut-il s'essouffler dès la première séquelle ? Possible, mais tout est relatif. Si on ne retrouve pas ici ce qui fait habituellement la force de Johan Heliot, ce roman reste cependant bien troussé et fort agréable à lire, d'une seule traite et avec enthousiasme. Bien sûr, le propos risque d'en agacer plus d'un, même si les Bifrostiens purs jus adoreront le mordant et la truculence, et ce en dépit d'une histoire qui, on l'a dit, se révèle d'une envergure bien faiblarde.

Crépuscule d’acier

2006 sera-t-elle l'année Mozart Charles Stross ? Possible. En tout cas, après le remarqué Bureau des atrocités fin 2004, voici que la collection « Ailleurs et Demain » récidive ces jours-ci avec Une Affaire de famille, le premier opus de la série des Princes marchands. Quant aux éditions Mnémos, elles nous livrent ce Crépuscule d'acier (Singularity sky en VO, personnellement, je préfère), texte assez ancien de l'auteur, premier tome d'un diptyque complété par Iron Sunrise et finaliste du prix Hugo, comme à peu près tout ce qu'écrit Stross. L'auteur S-F dont tout le monde parle en Anglo-Saxonnie est-il sur le point de conquérir la France ? À voir. Reste que tout amateur exclusif de steampunk, si tant est qu'il y en ait, se jettera à coup sûr sur ce livre du fait de la couverture de Manchu. Et gageons qu'il risque d'être vite déçu : ici, c'est de space opera hard science post-singularité dont il est question. Aussi peut-on légitimement s'interroger sur la pertinence d'une telle couverture, un choix étonnant et décalé là où un bon vieux vaisseau des familles, sur fond d'étoiles, se serait révélé nettement plus « cœur de cible ». Bref… Passons sur cette erreur d'emballage toute relative et penchons-nous d'un peu plus près sur le contenu.

Lorsque le Festival, civilisation interstellaire constituée d'entités diverses et virtuelles, se place en orbite autour de Planète Rochard, c'est le début de la fin pour les habitants de ce monde appartenant à la Nouvelle République. En effet, dans ce pseudo-empire galactique, la technologie est officiellement bannie, histoire de mieux contrôler les masses. C'est donc une société de type victorien (d'où la couverture) qui va se confronter à une singularité économique : tout ce qui leur était interdit leur est désormais accessible, tous leurs souhaits sont désormais réalisables par le Festival, en échange d'informations. Imaginez que nous fassions un bon technologique de 500 ans en quelques heures : on voit d'ici le bordel ! De fait, une situation insurrectionnelle s'installe aussi sec sur Planète Rochard, ce que ne peuvent tolérer les dirigeants de la Nouvelle République. Ces derniers orchestrent donc une expédition militaire, l'idée étant de se rendre sur place plus vite que la lumière (si si !) afin d'arriver avant le Festival. Tout cela est bel et bon, à ceci près qu'une telle entreprise viole la loi de causalité, ce qui énerve sévère l'Eschaton, une entité omnisciente prétendument issue du futur à même de détruire un système entier d'un simple coup de supernova. Rachel Mansour, agent spécial de l'ONU, et Martin Springfield, ingénieur en astro-navigation, en contact avec un mystérieux employeur, vont se retrouver embarqués dans cette histoire tordue qui pourrait bien leur coûter la vie et, au passage, celle d'un paquet de systèmes solaires.

Batailles spatiales, militaires obtus (jusqu'à la caricature), entité quasi-divine, rien ne manque à ce space op'. Stross joue des clichés avec humour et, c'est une habitude, mêle les genres avec brio. Tout semble irréprochable dans ses explications scientifiques, explications qu'on ne se risquera pas ici à détailler, parce qu'il faudrait déjà les comprendre… Professeur Lehoucq, à l'aide ! Si cet aspect ardu rebutera plus d'un lecteur (à commencer par moi), Crépuscule d'acier reste un bouquin qui n'oublie pas de réfléchir (sur les aspects scientifiques, économiques, sociaux…), une bonne histoire sans autre prétention que de divertir. Un livre à lire, en somme, en attendant qu'un éditeur se penche sur le dernier roman en date de l'auteur, Accelerando, dont la lecture en anglais laisse toutefois plus que dubitatif : a-t-on affaire au premier chef-d'œuvre S-F du siècle nouveau, ou à un gros machin enflé, mode et prétentieux ? Pour ma part, j'aurais tendance à pencher vers la première hypothèse, mais on attendra sa parution sous nos latitudes pour confirmation.

Enfin, on conclura sur une pensée émue pour tous ces arbres sacrifiés sur l'autel de la tyrannie du gros livre : une dizaine de doubles pages vierges pour séparer les chapitres du roman, ça fait tout de même beaucoup…

Invisible

Ça ne sent toujours pas la rose dans les favelas de Rio en 2020, et les gangs de gamins rôdent à la recherche du coup qui rapporte. Ainsi Tiago et Douglas, qui braquent un fourgon blindé et se retrouvent en possession d'un mystérieux tube. Mais leurs vrais ennuis commencent lorsque le tube se casse : Tiago et Douglas ont libéré des nanorobots incontrôlables dans l'atmosphère. Des nanorobots agressifs qui prennent possession des corps de leurs hôtes et les transforment en machines à tuer…

Fabrice Colin s'attaque à une branche de l'avancée scientifique, la nanotechnologie, qui fait particulièrement peur car ses applications pourraient tout à la fois servir l'humanité pour le meilleur, mais aussi l'asservir pour le pire (comme l'essentiel des découvertes scientifiques, finalement). Quoi de plus effrayants que des microbes intelligents capables de vous modifier à votre insu, de se servir de vous comme des pantins ? Colin joue sur les atavismes et met en scène un vrai scénario conspirationniste doté d'un arrière-goût de réel fort déplaisant — on se surprendrait presque à se gratter tout en vérifiant que rien d'anormal ne nous arrive.

Au-delà de la dénonciation des dérives scientifiques, l'auteur nous balance encore en plein visage les réalités absolument pas science-fictives de notre monde actuel farci de gamins misérables totalement livrés à eux-mêmes. L'horreur quotidienne est là, sous nos yeux, et même si nous ne pouvons pas toujours y faire face, c'est bien à la S-F de nous la rappeler. Un travail de mémoire et de témoignage savamment accompli par l'auteur, qui propose une fois encore des personnages attachants et réalistes dans un livre qui se veut aussi une véritable aventure humaine : amour, haine, survie, tous les ingrédients de la tragédie.

Au total une belle réussite, une de plus à mettre au crédit de Fabrice Colin, dont on soulignera notamment le final, qui n'est pas sans rappeler la scène de l'autodestruction de Tetsuo dans le manga Akira. Un roman remarquable et angoissant pour tous, vraiment pour tous.

49302

En fouillant dans les affaires de sa grand-mère, Elora tombe sur un texte au titre mystérieux : « 49 302 ». Titre chiffré qui n'est autre, en fait, que le numéro matricule de Loïk Gwilherm, son ancêtre, accusé à tort d'avoir tué son meilleur ami et condamné à purger sa peine sur la station-bagne XV de la planète Syringa. Au fil des pages, Elora découvre le calvaire mais aussi la lutte de cet homme contre l'injustice et la malveillance…

Il est incontestable que l'affaire Seznec est une erreur judiciaire du siècle dernier qui restera dans les mémoires. C'est aussi l'exemple d'un combat pour la réhabilitation de la vérité et de l'honneur d'un homme. Et avec l'affaire d'Outreau, autant dire que l'écho est plus que brûlant. Où est la vérité ? Où situer les limites de la justice ? Où placer la frontière entre justice et injustice, si tant est qu'il y en ait une ?

D'une part, Nathalie Le Gendre décrit avec force et dureté l'emprisonnement de Loïk, sans nous épargner les humiliations, le goût du sang, des excréments et de la déshumanisation des bagnards. Elle appuie sur la tête de son lecteur, lui enfonce le nez dans la fange, le fait trembler de froid, de peur, bref, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Mais l'auteur ne s'arrête pas à ce qui aurait pu rester un roman presque écœurant de réalisme. Nathalie Le Gendre s'attaque aussi à la bêtise humaine, qui donne toute sa mesure dans la rencontre entre Loïk et les habitants de Syringa. Rencontre qui, finalement, permet à l'auteur de transmettre un message d'espérance.

Certes, on pourrait critiquer le fait qu'elle recourre à un principe un tantinet simplet en opposant l'humanité à un peuple en accord parfait avec la nature environnante, ne cherchant rien d'autre que la vie en harmonie et volontiers pétri de bons sentiments. Mais après tout, n'est-ce pas là le paradis rêvé par beaucoup ? Enfin davantage de paix, avec soi-même et les autres ? C'est en tout cas un moyen indiscutable de révéler la face obscure de l'Homme, de l'inspecter, la triturer et la cracher à la figure du lecteur pour le mettre face au problème. Et réfléchir.

Reste un roman de science-fiction qui s'impose comme un vibrant hommage à Guillaume Seznec, mais aussi un livre de réflexion sur l'humain, écrit avec rythme, finesse et brutalité. Un savant mélange pour ne jamais oublier les vrais combats.

L’Enjomineur 1793

Ce second opus de la trilogie consacrée à la Révolution en Vendée (cf. critique in Bifrost n°38 pour le premier opus) concentre son action sur Paris. Cornuaud, possédé par la sorcière africaine qui le pousse à commettre des meurtres particulièrement barbares, sort de prison pour devenir un espion de la Révolution. La période et le poste lui permettent de se livrer à ses exactions sans crainte. Il s'amourache même d'une jeune femme satisfaite de trouver en lui un protecteur.

De son côté, Emile, misérable et sans ressources, fuit la Vendée. Il emporte avec lui la dague que lui a remise la fée Mélusine, découvrant avec stupeur que quiconque s'en empare est tué sur le champ. Successivement hébergé par de bonnes âmes, mais aussi des traîtresses qui le dénoncent, il retrouve le cheval blanc qu'il avait précédemment perdu, lequel le mène jusqu'aux portes de Paris. Au plus fort de la Terreur, il entre à nouveau en contact avec des représentants de l'autre peuple, afin de se faire préciser sa mission. Comme d'autres, il s'intéresse aux agissements des conspirateurs de la secte de Mithra, dirigée par le mystérieux Père des Pères, et dont le but est de répandre le mal sur terre.

Bien d'autres personnages portent leur regard sur cette période troublée, complotent ou se terrent pour échapper aux jugements et exécutions sommaires. L'intrigue principale s'enlise un peu dans des rebondissements accessoires, voire répétitifs, qui permettent à l'auteur de tenir son calendrier des événements et de donner à voir, entendre et sentir la peur, le sang, la misère et la saleté qui font de Paris un enfer. Mais Bordage reste un narrateur hors pair. Si ce second tome ne voit pas avancer l'action, il permet en tout cas de rendre avec un réalisme morbide la confusion et l'horreur qui régnaient alors. Le plaisir de lecture reste malgré tout au rendez-vous.

Catastrophes

Cinq romans composent cet omnibus consacré aux catastrophes dans la science-fiction : La Fin du rêve de Philip Wylie, Terre brûlée de John Christopher, Soleil vert de Harry Harrison, La Goélette des glaces de Michael Moorcock, et Génocides de Thomas Disch. On notera sans surprise que trois des auteurs sont britanniques, le thème catastrophiste étant récurrent chez nos amis d'outre-Manche. Ces romans ont tous été écrits entre 1956 et 1977, soit une période de vingt ans au cours de laquelle la prise de conscience écologique commençait à se faire jour, tout au moins chez les écrivains de S-F. Avant cette période, l'humanité connaissait des fins du monde plus brutales et plus spectaculaires, par la bombe atomique ou toute autre arme de destruction massive. Hiroshima était dans toutes les mémoires et personne n'avait encore pris la mesure des dangers que les activités humaines faisaient peser sur la planète.

La Fin du rêve reste à cet égard la plus saisissante mise en garde écrite avant que le mot écologie ne soit à la mode. Nous sommes en 2023 et quatre-vingt-dix pour cent de l'humanité a péri. Le narrateur, co-créateur de la Fondation pour la Préservation de l'Humanité qui tente de créer un nouveau noyau de civilisation, cette fois respectueux de la nature, raconte dans un ouvrage les étapes de la catastrophe, recensant méthodiquement l'eutrophisation des rivières, les sur-pêches, les pollutions urbaines, les calculs cyniques des financiers pour profiter des dégâts au lieu de les réparer. Même si des données ont aujourd'hui changé et que les menaces actuelles ne correspondent pas entièrement à celles que prophétisait Wylie, le réquisitoire est implacable et saisissant. Comme l'écrivait John Brunner, autre catastrophiste écologiste étonnamment absent de ces pages : « Il allait jusqu'au bout de sa pensée. » Malheureusement, ce roman de 1972 est plus que jamais d'actualité.

Terre brûlée pourrait être une anecdote s'inscrivant dans la trame des événements qui précèdent. Examinant la situation par le petit bout de la lorgnette, John Christopher imagine que, suite à une famine impossible à juguler, le gouvernement britannique projette de détruire ses grandes villes pour permettre aux autres de survivre. Mis dans la confidence, un homme tente, accompagné par sa famille, de regagner les terres de son frère agriculteur. L'équipée se transforme bien vite en mission périlleuse tant les instincts grégaires reprennent rapidement le dessus dès lors que l'ordre social n'est plus assuré. C'est avec une rapidité étonnante que de bons pères de famille se transforment en tueurs retors et impitoyables, guidés par le seul impératif de survie.

Le manque de nourriture est également au centre du célèbre Soleil vert de Harry Harrison, lié à celui de la surpopulation. Inutile de résumer ce livre popularisé à l'écran par Charlton Heston dans le rôle d'Andy Rush, le flic chargé d'enquêter sur le meurtre d'un privilégié. Harrison signe avant tout un polar efficace et nerveux, et met dans la bouche de ses protagonistes ses remarques concernant l'état de la planète. Le roman s'achève lors du passage à l'an 2000, dignement fêté, alors qu'un protagoniste se demande comment le monde pourrait encore continuer mille ans de la sorte.

Plus loin dans le temps, la société, qui a régressé et s'est adaptée au nouvel âge glaciaire, s'inquiète du redoux. Au cours d'un long périple maritime, Konrad Arflane découvre la cité mythique de New York, occupée par des gens ayant maintenu un haut niveau technologique qui lui apprennent, ainsi qu'aux passagers de La Goélette des glaces (ex Navire des glaces — on s'interroge sur la pertinence du changement de titre…) que les modifications climatiques avaient été provoquées par un hiver nucléaire. Comme trop souvent chez Moorcock, les longueurs et rebondissements sans intérêt amoindrissent la portée de la révélation finale. L'ensemble aurait pu tenir dans une novella.

Cet Omnibus s'achève sur une catastrophe qui n'a rien à voir avec l'écologie ni n'est la faute des humains. Génocides raconte comment les extraterrestres, en prenant la Terre pour un potager, organisent sans le savoir la fin de l'humanité, ici considérée comme parasite. Ce roman majeur de Thomas Disch, par sa noirceur et son humour pince-sans-rire, figure depuis longtemps dans le patrimoine de la S-F, mais n'aurait-on pas pu lui préférer, pour rester dans les préoccupations des précédents, un Sécheresse de Ballard ou un Tous à Zanzibar de Brunner ?

Comme la plupart des titres de cette sélection sont épuisés, cet ouvrage reste une acquisition indispensable à qui ne disposerait pas des éditions originales dans sa bibliothèque.

Les Amazones de Bohême

Libuse, reine dans la Bohème du VIIIe siècle, est une habile diplomate qui a su contenir les belliqueuses ardeurs masculines, abolir l'esclavage et imposer l'égalité entre les sexes, notamment en s'entourant d'une garde de filles. Danna, conseillère avisée, est à la fois irritée et fascinée par leur capitaine, l'énergique Wlasta, une ancienne esclave qui a progressivement gravi les échelons de la société. Pour empêcher la venue des armées de Charlemagne évangélisant les pays voisins à la pointe de l'épée, Libuse accepte la présence de deux missionnaires dans sa communauté. Mais, malade, elle meurt prématurément, et son mari Premysl, paysan peu fait pour gouverner, revient progressivement sur les réformes de son épouse. Refusant ce retour en arrière, Wlasta s'en va fonder, en compagnie d'épouses fuyant la violence de leurs maris, une cité indépendante, uniquement dirigée par des femmes, où les hommes vivent à l'extérieur de l'enceinte. Premysl s'accommode mal de cette sécession et cherchera à mâter ces rebelles, alors que, déçue par les maigres résultats des évangélistes qui ont pourtant réussi à se faire accepter en ces lieux, l'Eglise envoie les troupes de Charlemagne en Bohème…

Certes, il s'agit d'un roman historique, mais il est dû à une de nos plus belles plumes de l'imaginaire francophone et n'est pas sans parenté avec la science-fiction, la cité de Wlasta constituant un bel exemple d'utopie, même si celle-ci, véridique, ne dura que le temps d'un feu de paille et s'acheva de façon tragique.

On comprend que cet épisode fameux (peu connu en France mais célèbre plus à l'Est, Libussa servant à désigner en Allemagne des associations lesbiennes), par l'étonnante ouverture d'esprit de cette cité dirigée par des femmes, sa tolérance, sa liberté de mœurs prônant l'amour libre et autorisant l'homosexualité, ait incité Joëlle Wintrebert à le reprendre à son compte, même s'il fut déjà traité par Christiane Singer dans La Guerre des filles. Elle le fait avec beaucoup de sensualité, manifestant une grande tendresse pour ses personnages, si complexes et attachants qu'ils resteront longtemps dans les mémoires. La langue, par ses tournures et son vocabulaire, nous plonge davantage dans l'atmosphère de cette Bohème du VIIIe siècle que Joëlle Wintrebert, qui s'est déplacée jusqu'à Prague pour sa documentation, plante avec une précision et un souci du détail exemplaire. Un grand roman, vraiment !

Seulement l'amour

Et on reparle de Philippe Ségur dans Bifrost, après Poétique de l'égorgeur critiqué dans notre numéro 37. Ce coup-ci, pour son quatrième roman chez Buchet-Chastel, Seulement l'amour, il nous revient avec une véritable (si, si) histoire de voyage dans le temps.

Hypocondriaque et neuropsychiatre à l'hôpital Cochin, Hippolyte Sicher a quarante-quatre ans ; il saute sa secrétaire Sylvia, roule en Aston Martin, s'intéresse à la musique et à la phytothérapie. Seule ombre au tableau : vingt ans plus tôt, il a abandonné la belle Mado le jour de leur mariage, sans être capable de se souvenir pourquoi. Cette ombre rémanente lui gâche un peu la vie, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que, soumis à certains stimuli (une chanson de Depeche Mode, un parfum), il peut voyager dans le temps, du moins dans son passé. Réussira-t-il à reconquérir Mado ? Et si oui, à quel prix ?

Soyons clairs : je suis très partagé. Toute la partie littérature générale m'a semblé brillante ; Philippe Ségur écrit très bien, bien mieux que la plupart des auteurs critiqués dans Bifrost, il excelle dans la description du quotidien, ses personnages sont très humains tout en restant absolument loufoques (on pense alors aux personnages d'Abe Kôbô, ou d'Haruki Murakami) mais la partie voyage dans le temps m'a fait l'effet d'un ressort narratif prétexte, du moins jusqu'à la moitié de la troisième partie, où elle prend, tardivement, toute son importance. Par ailleurs, j'ai déjà lu ça — ce cocktail de voyage dans le temps et d'histoire sentimentale — cent fois ; je citerai Replay de Ken Grimwood, Le Voyage de Simon Morley de Jack Finney, Le Jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, et, surtout, Fugues de Lewis Shiner. Des références, incontournables à mon sens, auxquelles on ajoutera deux films : le formidable Peggy Sue s'est mariée de Francis Ford Coppola et L'Effet Papillon de Eric Bress et J. Mackye Gruber.

Seulement l'amour est un livre de science-fiction pour ceux qui n'en lisent jamais, une catégorie à laquelle les lecteurs de Bifrost n'appartiennent pas. On peut s'en plaindre, mais aussi s'en réjouir, en se disant que pas mal de gens qui ne lisent jamais de S-F vont y plonger, sans trop le savoir, grâce à Philippe Ségur, de plus en plus populaire, et à son sens de l'humour remarquable car humaniste (il est si facile d'être marrant en étant méchant).

Science-Fiction 2006

Après Fantasy, voilà la revue de science-fiction des éditions Bragelonne, Science-fiction 2006 : superbe couverture de Stéphane Martinière, belle mise en pages (ce qui nous change chez cet éditeur), prix de vente imbattable, en cette période où les livres sont si chers, et sommaire alléchant.

Tout commence avec un petit texte sympathique, ode à la forme courte, due à l'éditeur et auteur anglais Peter Crowther. Puis les choses se corsent sévèrement avec l'édito de Stéphane Marsan, une introduction bragelonnocentriste et partisane dont certains passages m'ont laissé dubitatif : « … l'édition, c'est le boulot des éditeurs. Et moi les amis je ne suis pas éditeur de SF. Je n'y connais rien, je n'en connais pas l'histoire, les ressorts, les tendances », page 15 ; d'autant plus dubitatif qu'en lisant entre les lignes une vraie profession de foi apparaît : Bragelonne va sauver l'édition française de science-fiction en publiant des NSO (Nouveaux space opera). La démonstration, initialisée sans brio par Stéphane Marsan (mais on l'excuse, il le dit lui-même, il n'y connaît rien), est finalisée par son nouveau pote avec qui il se marre beaucoup, Jean-Claude Dunyach, via un article publié pages 231-238, plutôt intéressant, mais entièrement au service d'une thèse indéfendable. Il me semble que la science-fiction ne peut être sauvée que si les éditeurs se remettent à en publier, c'est-à-dire à publier des œuvres prospectives, débordantes de créativité, dignes héritières de celles de John Brunner, Brian Aldiss, Christopher Priest, Philip K. Dick et J.G. Ballard (ou de Kurt Steiner, grande période, si je ne devais citer qu'un français). Nombre d'auteurs publient des nouvelles de ce genre : Greg Egan, James Patrick Kelly, Robert Reed, Ted Chiang, Vernor Vinge, Paul Di Filippo, Ian R. MacLeod, entre autres ; les romans se font plus rares mais existent, il y en a même chez Bragelonne : Days de James Lovegrove, Avance Rapide de Michael Marshall Smith. Le space opera (nouveau ou ancien) relève, sauf exception rarissime (Iain M. Banks, John C. Wright, Robert Reed), du western ; le trésor de la Sierra Madre devenant l'artefact de Sigma Draconis. Nous voilà une fois de plus confrontés à des éditeurs (Stéphane Marsan, Jean-Claude Dunyach) qui confondent chiffres de ventes, prix littéraires et créativité (la vitalité d'un genre littéraire ne se mesure pas à l'aune de son chiffre d'affaires, mais à l'aune de sa capacité à se renouveler). Ce n'est pas parce qu'un livre se vend qu'il apporte quoi que ce soit au genre auquel il appartient, Hypérion et les sous-produits Star Wars en sont la preuve la plus flagrante ; ce n'est pas parce qu'un livre a eu le prix Hugo qu'il est excellent — je vise ici Loïs McMaster Bujold —, et, d'ailleurs, pour être tout à fait clair à ce sujet, les auteurs vraiment novateurs de ces quinze dernières années (Greg Egan, Lucius Shepard, l'illisible John C. Wright, Jeffrey Ford, Jeff Noon, Ian R. MacLeod) ne se vendent pas ou peu.

Maintenant que la profession de foi a été battue en brèche, parlons du sommaire de ce Science-fiction 2006. C'est Peter F. Hamilton qui ouvre la danse avec un texte ni fait ni à faire, « Je rêvais d'étoiles », où il est question d'elfes des bois, d'une Terre dépeuplée de force dirigée par des fascistes écologistes et de gamins qui jouent à la guerre. Les quelques idées formidables que contient le texte ne sauvent en rien un traitement approximatif et un manque d'émotion patent. « Je rêvais d'étoiles », affaibli par ses ellipses ahurissantes tant elles cassent l'ambiance générale, ressemble à un roman mal résumé plus qu'à une nouvelle. Dommage.

Le lecteur découvre ensuite « Continuum », un texte intriguant de James Lovegrove qui, personnellement, m'a semblé abscons, mal traduit, mais aussi drôlement gonflé, l'auteur ne s'intéressant pas aux planètes étrangères que visite son pseudo-voyageur temporel, préférant parler d'obsession et de deuil.

À mon grand étonnement, c'est Elizabeth Moon qui livre la première vraie bonne nouvelle de cette anthologie, un texte pas ambitieux pour un sou, mais plein d'humour et franchement bien vu : « La Réjuv générique de Milo Ardry » (tout est dans le titre !). Un petit amuse-gueule comparé aux « Rémoras » de Robert Reed (texte déjà publié dans Le Monde), une novelette incroyablement cruelle, dénuée de toute idée originale, mais blindée d'émotion et de maîtrise. À mon humble avis, jamais vaisseau-génération n'avait été aussi bien décrit.

Plus loin, Patrick O'Leary nous offre une pochade martienne franchement idiote, franchement marrante, à mille lieues de son beau roman de fantasy gigogne inédit en français, The Gift. Vient ensuite une nouvelle de Karen Traviss évoquant un synopsis de Ursula Le Guin développé par Gérard De Villiers ; ça parle d'extraterrestres et de cannibalisme avec bien moins de talent que Parade nuptiale de Donald Kingsbury, le chef-d'œuvre en la matière ; une chose est sûre, ce n'est pas ce texte (abo)minablement traduit qui va m'inciter à lire le NSO de la même Traviss à paraître chez Bragelonne, La Cité de perle. Vient ensuite le tour du texte le plus long de ce sommaire : « Le Front pour l'humanité » de Ken MacLeod, novella que j'avais lue il y a quatre ans dans le Year's Best Science-fiction, nineteenth annual collection de Gardner Dozois et dont je ne me souvenais plus du tout, et pour cause, car ce mélange d'uchronie brouillonne, d'univers parallèles et de roswelleries ridicules ne fonctionne pas. Il y a de belles idées, une relation intéressante entre un fils guérillero communiste et son père médecin, mais la partie (géo)politique du texte est un fouillis inextricable, à tel point que les enjeux mettent longtemps à se dessiner pour… rien, ou si peu (on est loin du virtuose Land and Freedom de Ken Loach auquel le texte semble sans cesse faire allusion). Tout comme pour le texte de Peter F. Hamilton, j'ai eu l'impression de lire un roman non abouti, transformé en novella.

Je passerai vite sur l'article de Jean-Claude Dunyach, évoqué plus haut, et l'interview express de Iain M. Banks dont je reproduis pour le plaisir une phrase syncrétique : « Je me souviens avoir eu l'idée qu'il était grand temps pour la gauche de reprendre le terrain moral du space opera, occupé par la vieille garde américaine impérialiste et proto-fasciste », page 227.

Des trois nouvelles qui concluent la sélection, j'ai particulièrement apprécié les textes de Laurent McAllister (Jean-Louis Trudel et Yves Meynard en collaboration) et de Paul J. McAuley, une aventure spatiale très inventive. Enfin, Science-fiction 2006 se clôt de la façon la plus navrante qui soit avec une nouvelle chrétienne et crétine de Peter Crowther qui m'a absolument gonflé.

Au final, voilà mon bilan purement subjectif : deux textes formidables (McAuley, Reed), trois bons textes, trois ratages et deux navets (Crowther, Traviss). L'ensemble est moins convaincant que le Fiction n°2 des Moutons électriques (débordant de créativité), mais devrait séduire davantage les amateurs de « vraie » science-fiction. Je doute fort que le Nouveau space opera soit en mesure de redynamiser la science-fiction actuelle (qui me semble agonisante depuis la parution d'Hypérion, belle épitaphe), mais si l'équipe de Bragelonne me prouve le contraire, je serai le premier à faire amende honorable dans un prochain Bifrost.

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 713 714  

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug