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Après le monde

« Un roman coup de poing qui laisse un goût de caresse », déclare le collapsologue Pablo Servigne sur le bandeau ornant ce roman de l’autrice suisse Antoinette Rychner. Pour notre part, si on continue à s’interroger sur le goût précis que peut avoir une caresse, on retiendra surtout l’arrière-goût cendreux-boueux que laisse Après le monde, qui a tout l’air d’être l’involontaire préquelle du Plop de Rafael Pinedo, modèle d’âpreté post-apo’.

Bienvenue dans les années 2030. L’effondrement civilisationnel a eu lieu, et plus tôt qu’on ne le craignait : dès l’automne 2022 – autant dire demain. Un cyclone ravage la côte Ouest des USA, plongeant la première puissance mondiale dans une crise financière dont elle ne se relève pas. Et comme il se doit, le reste du monde subit la crise en un bel effet domino. 2024 : c’est plié, on peut dire adieu à l’eau courante, l’électricité, les soins, les transports, la nourriture à portée de main, l’internet. Les gens se dispersent ou se regroupent, s’essaient à d’autres modèles de société — les uns règnent par la peur et la haine de son prochain, d’autres par l’égalité et l’inclusion.

De retour d’un séjour de plusieurs années en Roumanie, Christelle et Olivier, leur fille et une amie, Barbara, reviennent en Suisse, là où elles ont vécu avant. Elles, oui, car Barbara et Christelle ont élaboré une manière particulière de chant, pour se souvenir, et ont pour coquetterie d’employer par défaut le féminin pluriel dans leur récit. Après le monde va raconter leur périple dans ce monde post-effondrement, au travers du regard des autres femmes qu’elles vont croiser : une histoire en creux, dépeignant une mosaïque d’expériences, fondées sur la résilience ou la nostalgie, la reconstruction et la tendance inhérente à l’humain de tout détruire. Alternant entre « chants de témoignage » et récits de ce futur tout proche, le roman nous dépeint un monde affreusement crédible ; l’espoir reste là, mais les choses sont devenues singulièrement compliquées – surtout que l’effondrement soudain n’a pas retardé les délétères effets du réchauffement climatique. Le dernier quart du roman nous projette vers 2050, dans un environnement nettement plus hostile. Le pire est à venir — mais ce n’est pas comme si nous, lecteurs, lectrices, n’étions pas déjà au courant.

Alors, pourquoi lire Après le monde, qui dépeint avec une acuité effrayante ce qui nous attend probablement ? Parce que le roman est remarquablement écrit et que l’autrice suisse propose d’intéressantes perspectives ? Parce qu’on aime bien se faire peur, aussi ?

Harrison Harrison

On avait déjà croisé Harrison Harrison dans un précédent (court) roman de l’auteur, Nous allons tous très bien, merci, qui se déroulait, pour l’essentiel, dans le cadre de séances de thérapies collectives pour personnes en situation post-traumatique. Chacun parlait de ce qu’il avait vécu, et en ce qui concerne Harrison – qui doit à l’humour de ses parents le fait de porter un non et un prénom identiques —, il était beaucoup question de sa rencontre avec un certain Scrimshander. Rencontre qui fait donc l’objet du présent roman, titré d’après son personnage principal (Harrison Squared, en VO, soit, littéralement, « Harrison au carré »). Or, Daryl Gregory n’étant jamais exactement là où on l’attend, ce livre qui narre des événements tragiques… prend la forme d’un roman pour adolescent. Que son éditeur français, le Bélial’, prend un malin plaisir à publier… sans mention d’une quelconque catégorie jeunesse. On ne saurait blâmer l’un ou l’autre, tant ce roman peut plaire aux deux types de lectorat. Précisons en outre que le livre peut se lire de manière totalement indépendante du précédent.

Harrison, donc, arrive un jour dans la ville de Dunnsmouth (on y reviendra), petite bourgade portuaire de Nouvelle-Angleterre où sa mère, océanographe, doit mener des expériences pendant plusieurs mois. Malheureusement, le père de Harrison ne les accompagne pas, et pour cause : il est mort alors que son fils n’avait que trois ans, sauvant celui-ci après qu’une créature non identifiée – un requin, quoi d’autre ? – a tenté de le bouloter. Harrison y a perdu une jambe, et gagné une solide aversion pour les choses de la mer. À son arrivée à Dunnsmouth, sa génitrice l’inscrit au lycée local, où il a toutes les peines du monde à trouver sa place : les élèves l’ignorent, quand ils ne se montrent pas clairement hostiles, quant au principal et aux profs, ils font montre d’une attitude qu’on qualifiera poliment d’étrange… Harrison commence à se dire que les semaines vont être longues, même si certains comportements bizarres titillent assez vite sa curiosité. C’est alors que sa mère, lors d’une sortie au large, disparaît brutalement…

Les lovecraftophiles auront noté la couverture du présent bouquin, pleine de tentacules, et le nom de la localité qui fait cadre à l’intrigue : Dunnsmouth, croisement évident entre Dunwich et Innsmouth, deux lieux emblématiques de l’œuvre du maître de Providence. Impression confirmée par les illustrations de Nicolas Fructus, grand lovecraftien devant l’éternel, qui parsèment les pages de cette édition, présentant une galerie de portraits tout à la fois hauts en couleur et menaçants au sein d’un ouvrage à la finition soignée (couverture avec rabats, imprimée en couleurs recto/verso, vernis sélectif). On est bien ici dans le registre de l’hommage, mais par le biais d’une histoire contée au travers des yeux d’un adolescent, comme si HPL avait été revisité sauce Goonies (ou, pour nos plus jeunes lecteurs, Stranger Things). Tout y est : la menace sourde qui se précise peu à peu, une atmosphère oppressante qui nous mène progressivement au cœur de l’horreur, des créatures cauchemardesques… mais aussi pas mal d’humour, autre démarcation par rapport à Lovecraft, qui désamorce l’angoisse pour mieux nous y faire replonger quelques pages plus tard. C’est rythmé, efficace, parfaitement équilibré, traversé par des morceaux de bravoure ; et le style de Gregory, qui emprunte à la fois au romans young adult et à la prose lovecraftienne, est admirablement traduit par Laurent Philibert-Caillat. En outre, le roman présente deux niveaux de lecture selon que vous aurez lu ou pas Nous allons tous très bien, merci auparavant : dans la négative, il constituera un excellent roman horrifique, de la plus belle eau, avec visions dantesques que ne renierait pas l’Alan Moore du Neonomicon ; dans l’affirmative, ce récit d’apprentissage résonnera forcément avec le Harrison Harrison devenu adulte, qui tente de régler ses problèmes avec son passé, et avec le Scrimshander, inquiétant ici, terrifiant dans Nous allons tous…

Décidément, Daryl Gregory est rarement là où on l’attend. Et c’est très bien ainsi !

La Guerre uchronique

De Fritz Leiber, si beaucoup connaissent le « Cycle des Épées », les aventures de fantasy de Fafhrd et du Souricier Gris dans le monde de Nehwon, on connaît moins le cycle de « La Guerre des modifications » / « La Guerre uchronique ». Constat logique quand on sait que, alors que le « Cycle des Épées » fut régulièrement réédité, celui de « La Guerre des modifications », publié au Masque « Science-Fiction » à la fin des années 70, ne le fut jamais. Mnémos, au sein de sa collection d’intégrales, nous propose aujourd’hui ce qui ressemble fortement à une édition définitive : tous les textes du cycle sont présents, y compris la nouvelle inédite « Mouvements du cavalier », dans des traductions révisées par Timothée Rey, le grand ordonnateur de ce volume, qui se fend d’un appareil critique considérable, et complète les textes du canon par des nouvelles apocryphes ou connectées thématiquement au cycle.

Mais qu’est-ce donc, au fait, que la Guerre Uchronique ? L’histoire des Serpents et des Araignées, deux clans qui luttent pour le contrôle de l’univers, quels que soient les époques et les lieux auxquels on se situe : on parle bien d’un passé et d’un futur très éloignés, et de planètes aux confins de l’univers. Pour assurer sa domination, chaque camp tente de modifier le passé pour que, par ricochet, l’ensemble de la trame temporelle favorise sa faction. Mais cela n’est pas chose aisée, car la Loi de la Conservation de la Réalité est là qui amortit très vite les turbulences temporelles : même avec le séisme de la plus grande magnitude, difficile de créer davantage qu’un battement d’ailes de papillon. Aussi, sans relâche, Serpents et Araignées enrôlent de nouveaux membres, et modifient la trame. Ce motif global nous est expliqué dans la pièce centrale de la saga, L’Hyper-Temps, roman qui porte la marque la plus évidente de Leiber : l’intrigue se passe dans une Station de Récupération, un lieu pas ou peu soumis aux modifications uchroniques, et ou des Amuseurs et des Amuseuses s’occupent du repos des guerriers. L’intégralité du roman observe strictement les trois règles d’unité (de lieu, d’action et de temps, chose étonnante pour un cycle traitant de voyage dans le temps). Leiber est issu du milieu du théâtre, ses parents furent acteurs dans une troupe shakespearienne, où il officia également, et le théâtre, comme thème récurrent ou dispositif de narration, est l’une des constantes de son œuvre. Ce roman avait en son temps déstabilisé les lecteurs de Fiction, qui ne comprenaient pas nécessairement où Leiber voulait en venir ; pourtant, il s’agit là d’une sidérante vue sur un univers profondément original, décrit avec une distanciation un brin sarcastique, comme souvent chez Leiber.

On retrouve les personnages de L’Hyper-Temps dans « Nul besoin de grande magie », qui pousse l’aspect scénique encore plus loin, puisque le décor est cette fois-ci un vrai théâtre ; théâtre un peu particulier, il convient de le signaler. S’intercalent entre ces deux textes majeurs plusieurs nouvelles ; on en dénombrera six qui font très clairement partie du cycle, s’attachant à nous décrire l’enrôlement des nouveaux combattants ou le principe fondamental de la Conservation de la Réalité. Finalement, on ne voit pas beaucoup de champs de bataille, dans « La Guerre uchronique ». Rien de surprenant à cela : pour Leiber, et comme au théâtre, tout se passe en coulisses.

L’ouvrage se clôt par huit nouvelles supplémentaires qui, sans s’inscrire pleinement dans le cycle, s’y rattachent par leurs thématique : on y croise le motif de l’araignée, le chiffre huit, des créatures extraterrestres qui semblent proches de celles décrites ou suggérées dans le canon de la série, et quelques effets des Vents du Changement. À ce propos, on signalera que le titre original de la saga est « The Change War ». S’il avait été jusqu’à présent traduit par « La Guerre des modifications », ou « La Guerre modificatrice », il est devenu « La Guerre uchronique » pour la présente édition ; à mon sens, le premier titre français est plus fidèle à l’esprit de Leiber : il ne s’agit pas ici de nous livrer une uchronie en bonne et due forme (hormis pour certains textes comme « Dernier zeppelin pour cet univers »), mais bien de décrire un combat où chacun se livre à de petits changements de ligne temporelle qui façonnent peu à peu la trame présente.

On ne saurait conclure cette chronique sans saluer le travail de Timothée Rey sur cet ouvrage : en plus d’en être l’anthologiste, il se fend d’une préface, d’un glossaire, d’une quantité de notes hallucinante (qu’on consultera pour y découvrir des prolongements sur les écrits de Leiber) et d’une énorme et érudite étude sur le motif des Serpents et des Araignées dans l’œuvre de l’auteur. Sans oublier la révision de l’ensemble des traductions, et la traduction des quatre inédits – un dernier point perfectible, sans doute, même si le rendu semble plus fidèle aux textes originaux que pour les rééditions, dues à un assemblage hétéroclite de traducteurs, d’où un sentiment d’hétérogénéité et quelques incohérences.

Ce gros volume rend donc enfin justice à un pan méconnu de l’œuvre de Fritz Leiber, créateur protéiforme aussi à l’aise en science-fiction (« La Guerre uchronique », donc, mais aussi Le Vagabond) qu’en fantasy (le « Cycle des Épées ») et en fantastique (Notre-Dame des Ténèbres et de multiples nouvelles). Depuis quelques années, on assiste à la réédition de plusieurs de ses textes, et si on avait pu se montrer dubitatif sur la réédition récente de Ceux des profondeurs, splendide texte lovecraftien proposé chez Hélios avec une vacuité éditoriale proprement scandaleuse, on ne peut ici que s’incliner devant le travail monumental ayant présidé à cette édition. De quoi se réjouir, en somme, même s’il reste pas mal de textes majeurs à rééditer, sans même parler des inédits. Avis aux amateurs !

Note : Par souci de transparence, signalons que notre collaborateur, Bruno Para, fait partie des personnes remercie?es en fin d’ouvrage, me?me s’il n’est intervenu en rien dans la constitution de celui-ci. [NdRC]

Terre errante

Faut-il se réjouir de la publication de textes courts ? L’élan premier, enthousiaste et naturel, nous fait dire que oui, deux fois oui, bien sûr. Et pourtant… Hors Bélial’ (éditeur dont je ne détiens aucune action), le récent passé éditorial m’incite à la prudence. Côté chinois, le fort bien nommé L’Insondable profondeur de la solitude de Hao Jingfang m’est tombé des mains, selon l’expression consacrée pour dire qu’on ne finit pas un bouquin chiant comme la mort. Grand moment de solitude. Quant au coté Ouest, le recueil de Charlie Jane Anders qui nous refile comme fantasy la resucée d’une vieille opérette d’Offenbach – elle-même tirée d’Esope —, c’est faire preuve d’un certain mépris, dirons-nous ; peut-être là-bas, outre-Atlantique, n’a-t-on jamais entendu parler d’Offenbach, de ses librettistes, ni même d’Esope… mais on s’autorisera à en douter ! Hormis la première nouvelle, il n’y a rien à sauver. Ce recueil est fort heureusement très court et c’est bien là son unique qualité. Alors ?

Terre errante sent la naphtaline : le thème en est vieux comme la SF. On a là le croisement de L’Envol de Mars de Greg Bear et Le Soleil va mourir de Christian Grenier. Liu Cixin nous offre ici une variation de plus sur le thème rebattu (mais peut-être pas en Chine ?) du roman catastrophe. La seule catastrophe qui puisse détruire la planète – n’en déplaise à ceux qui prétendent la sauver –, à ceci près que Cixin, à l’instar de Grenier, avance l’échéance de cinq milliards d’années. En bon vieux lecteur de SF, on va faire comme si on y croyait, ce qui est le postulat de base pour lire de la science-fiction. Ne perdons pas de vue non plus que cette nouvelle fut écrite en l’an 2000, alors que l’on venait tout juste de découvrir les premières exoplanètes. Liu Cixin va très sérieusement progresser pour écrire « Le Problème à Trois Corps », notamment dans l’élaboration des personnages. On est à des millions de signes d’un Stephen King – qui en fait trop, soit dit en passant. Le personnage subit les événements, témoigne, raconte. Sa mère meurt, son père meurt, il va aux Jeux Olympiques, se marie, a un fils, sa femme meurt, le petit chien meurt… euh, non, pas de clebs. De tout cela, Cixin ne nous fait rien ressentir, totalement distancié. On assiste, avec le personnage, aux diverses calamités qui s’abattent sur une Terre cherchant à prendre son essor… C’est en fin de compte un récit très optimiste, surtout en regard de la trilogie alors à venir. Terre errante relève d’une SF plutôt archaïque plus ou moins ajustée techniquement. Soldons la quatrième de couverture : non, Liu Cixin ne manifeste pas dans cette nouvelle vieille de vingt ans le talent que l’on retrouvera dans « Le Problème à Trois Corps ». Je n’ai pas vu le film The Wandering Earth qui a été tiré de ce texte et a, semble-t-il, connu un certain succès, mais gageons que les scénaristes ont dû rajouter une bonne couche de pathos bien larmoyant pour captiver le spectateur et faire pleurer dans les chaumières. On peut écrire comme un pied, avec des personnages en silhouettes découpées dans du papier journal, des récits juste soutenus par l’intérêt technique et moissonner les prix, à l’instar de Rencontre avec Rama, mais n’est pas Arthur C. Clarke qui veut !

Certes, ça se lit. Mais c’est plutôt décevant après « Le Problème… ». Reste à espérer que le recueil à venir sera plus récent et de meilleure tenue, et que cet extrait a été choisi en raison du succès du film et non de ses qualités intrinsèques. Wait and see. En attendant, on passe. Ça fera toujours 9 balles d’économisés.

Lumières noires

En peu de temps, N. K. Jemisin est devenue une figure incontournable de la SF anglo-saxonne. Outre d’évidentes qualités littéraires, qui lui ont permis de rafler tout ce que le milieu compte de prix, son œuvre est marquée par un engagement en faveur des droits des femmes et des Afro-américains. Le titre anglais du recueil s’inspire d’ailleurs d’un précédent essai de l’auteure consacré à Janelle Monae, une icône de l’afrofuturisme. Appliqué à la fiction, le terme renvoie à des formes de récits qui explorent, à travers la technologie ou l’Imaginaire, l’identité et le devenir noirs. Mouvement culturel qui s’enracine dans une pensée décoloniale, l’afrofuturisme entend reprendre possession de l’histoire des afro-descendants, non seulement en inventant des futurs alternatifs, mais aussi en réinvestissant le passé, car il n’est pas d’avenir possible sans connaissance intime de ses origines.

La plupart des nouvelles du recueil s’emploient à illustrer ce discours programmatique, privilégiant des personnages « non-blancs », plutôt féminins, et des cadres qu’on qualifiera pudiquement d’exotiques. L’auteure a toutefois l’adresse de ne jamais verser dans le pensum militantiste. Si quelques nouvelles traitent expressément du ségrégationnisme et du racisme ordinaire au sein de la société américaine, son message vise à l’universel. En donnant voix aux marginaux, aux invisibles, en mettant à nu les mécanismes de domination et d’oppression à l’œuvre dans toute organisation sociale, elle ne s’adresse pas seulement à une minorité, mais à tous ceux, sans distinction de genre ou de race, que le système écrase ou rejette à cause de leurs différences.

Ainsi, forte d’une belle connaissance des thématiques classiques de la SFF, Jemisin parvient à faire de ses convictions profondes le matériau intime d’une relecture militante. À la variété des tropes répond par ailleurs une diversité des modes de narration et des registres. Dystopie, mondes virtuels, fantasy urbaine, steampunk, post-apo’, fantastique, conte : il y a une volonté manifeste de s’essayer à tous les genres, d’expérimenter, l’auteure allant jusqu’à revendiquer dans sa préface ce côté work in progress. En ce sens, Lumières noires est bien plus que la somme de simples histoires. Le recueil représente une chronique de l’évolution de Jemisin en tant qu’individu, activiste et écrivaine. Si l’on peut reprocher à l’activiste un discours parfois trop politiquement correct, l’écrivaine (débutante à l’époque de la rédaction de certains textes) se montre bluffante de maîtrise. Les nouvelles s’avèrent dans l’ensemble impeccablement construites et signifiantes, grâce à une prose toujours juste, dont la magie ne repose pas sur des effets spectaculaires mais sur une grande attention portée aux situations et aux personnages, et sur l’intensité mise dans la description des infimes variations du réel.

Un top 5 pour finir, même si presque tout mériterait une mention : dans le désordre, « Le Narcomancien », « Grandeur naissante », « Pêcheur, saints, spectres et dragons… » (dans la Nouvelle-Orléans dévastée par Katrina), « Vigilambule », « Avide de pierre » (une préquelle aux « Livres de la terre fracturée »). Et le prix spécial du jury pour « L’Alchemista » et « Cuisine des mémoires », où la cuisine occupe une place centrale…

Un régal pour l’esprit et les sens, à déguster sans modération.

Sept Redditions

Sept Redditions poursuit et achève le diptyque commencé avec Trop semblable à l’éclair mais aussi la première partie du cycle « Terra Ignota ». Vaste fresque futuriste et utopie ambiguë, l’œuvre d’Ada Palmer nous projette dans un avenir aux apparences désirables dont les fondations reposent sur un changement total de paradigme. L’autrice nous pousse dans nos ultimes retranchements, nous contraignant à abandonner nos certitudes et nos repères pour mieux nous fondre dans un habitus différent, même si en grande partie infusé à la pensée politique et morale des philosophes des « Lumières ». Hélas, en dépit de tous les efforts pour pacifier l’humanité et assurer son bonheur, la religion, les nationalismes, les genres et toutes les autres sources de tensions ou de discriminations ayant été effacées, la machine molle animale n’a pas renoncé à son emprise biologique sur les consciences. L’esprit de domination, de revanche, la violence et le lucre guident plus que jamais les appétits. Un triste constat dont Mycroft Canner s’est fait le porte-parole omniscient, certes non fiable, interpellant le lectorat pour susciter moult questions.

Si Trop semblable à l’éclair posait le décor, nous invitant à découvrir un univers dense et foisonnant où chaque détail, chaque révélation ajoutait une couche supplémentaire de doute à l’intrigue, l’heure est désormais venue de dévoiler les secrets inavouables et de démasquer les caractères, tout en révélant la duplicité des uns et des autres. Ada Palmer ne sacrifie pas en effet l’intrigue sur l’autel de la complexité conceptuelle ou de l’esbroufe stylistique. Bien au contraire, si les amateurs de philosophie politique trouvent ici encore matière à satisfaction, la narration ne laisse cependant aucune zone d’ombre, aucun mystère à l’écart de la résolution finale. Les événements s’enchaînent, à défaut de se précipiter, mettant en lumière les coulisses d’un véritable drame pascalien où le Léviathan de Hobbes et le droit naturel de Locke se disputent le devant de la scène avec la conception sadienne de la liberté. On assiste ainsi à l’effondrement d’une utopie fondée sur une paix usurpée et au surgissement de la guerre comme avenir inscrit au champ des possibles.

Pièce maîtresse des puissances agissant hors champs, gambit malicieux et monstre bien malgré lui, Mycroft Canner reste au centre d’enjeux politiques dont il peine à saisir les contours et dont il ne souhaite pas restituer toutes les vicissitudes. Il demeure pourtant l’explorateur des soubassements sordides d’une utopie élaborée sur le mensonge. Le pouvoir mais aussi la foi figurent au cœur de Sept Redditions. Entre raison d’État, idéal politique et mystique religieuse, Ada Palmer bouscule nos certitudes et provoque les dilemmes, nous amenant à reconsidérer à plusieurs reprises les faits. Elle sonne le glas de l’utopie agitant le spectre de la guerre de tous contre tous. Sept Redditions marque ainsi la fin de l’illusion, annonçant un retour brutal au principe de réalité. On est maintenant curieux de voir si toutes les promesses esquissées ici seront tenues avec The Will to Battle (annoncé au Bélial’ en 2021) et Perhaps the Stars. En attendant, nul doute que l’on frôle le chef-d’œuvre, en dépit de quelques passages bavards, mais pas au point de refroidir l’amateur d’immersion profonde.

Mermere

Sous une couverture bleue de bon aloi, où se détachent par transparence les silhouettes de plusieurs mammifères marins, les éditions ActuSF ont exhumé pour la rentrée de janvier un roman de Hugo Verlomme, paru en 1978 chez JC Lattès. En glanant sur l’internet quelques informations sur l’auteur, on découvre que celui-ci a écrit de nombreux ouvrages consacrés à la mer, des romans dont beaucoup émargent du côté de la jeunesse, mais aussi des guides dédiées à l’univers marin, au surf et au voyage. Bref, une œuvre qui semble toute entière baigner dans l’écologie, avec comme milieu de prédilection la part aquatique de la planète bleue. Mermere, dont le titre ne laisse planer aucun doute, immerge sans préambule le lecteur dans un futur pas si éloigné de notre présent. L’élévation du niveau des océans y a redessiné les côtes, repoussant l’humanité plus loin à l’intérieur des terres, sans pour autant avoir mis fin à ses nuisances qui continuent de s’écouler vers le large sous forme d’effluents toxiques et de plastiques. Et pourtant, mobilis in mobile, les noés veillent à l’équilibre marin, loin de la folie des terrestres, mais non sans susciter leur crainte et leur hostilité. Noah, Horn, Masha, Noémi, Loul et bien d’autres, toute une communauté a trouvé refuge sur les pentes d’un volcan sous-marin. Humains adaptés à la vie aquatique, transfuges échappés des mégalopoles terrestres où ils étouffaient, dauphins, orques et baleines, tous forment un collectif vivant sous la menace de terrestres n’ayant pas renoncé à leur mode de vie destructeur, sous le regard des étoiles, où d’autres planètes les attendent. Peut-être.

Le propos new age de Hugo Verlomme n’aura sans doute pas échappé au lecteur attentif. Le discours écologiste transparaît en effet rapidement, la terre mère étant ici remplacée par l’eau salée des océans, substitut au liquide amniotique d’où a émergé la vie. Mais, si le côté baba cool attire la sympathie, le discours un tantinet antiscience, perclus de pensée magique, de Mermere, a de quoi agacer, venant sans cesse achopper sur le même écueil qui consiste à assimiler la technologie au mal absolu. Indépendamment de ce point fâcheux, Mermere est également un roman extrêmement mal construit, pâtissant d’un déséquilibre entre deux parties pesant respectivement 200 et 50 pages. Même en passant sur les multiples personnages dont le charisme d’huître ne déparerait pas dans un roman jeunesse de la pire espèce, on ne peut guère sauver grand chose de ces poncifs auxquels on ne s’attache pas un instant. Quant à l’intrigue, on doit se contenter d’un long récit d’aventures sans queue ni tête, certes jalonné de quelques fulgurances poétiques, mais dont le rythme décousu, dépourvu de tension dramatique, donne envie à plusieurs reprises de s’exclamer : c’est assez ! Fort heureusement, le respect dû aux mammifères marins nous oblige au silence.

Si Mermere suscite une curiosité polie, l’enthousiasme espéré ne tarde pas à céder la place à un ennui abyssal contraignant le chroniqueur à se murer dans un monde de silence, accablé. À noter que Hugo Verlomme est revenu dans l’univers des Noés avec un second roman intitulé Sables, les enfants perdus de Mermere. Inutile de dire que l’on n’épuisera pas le marché de l’occasion pour le retrouver.

Autochtones

Une ville, quelque part en Ukraine post-soviétique. L’incertitude règne en maîtresse sur des terres autrefois polonaises, austro-hongroises, soviétiques et désormais en proie au tourisme de masse, des hordes de Japonais rendant périlleuse la traversée du centre-ville. La Wehrmacht a sillonné les lieux jadis, raflant les Juifs pour les expédier vers leur destination finale, avant de succomber à son tour à la pression de l’armée rouge. De cette époque, la ville garde diverses traces, surtout dans les mémoires de vieux messieurs attachés à leurs secrets. Débarqué de Saint-Pétersbourg en qualité de journaliste enquêteur œuvrant dans le domaine de l’art, un inconnu se pique de curiosité pour un groupe de l’avant-garde artistique des années 1920 qui aurait donné une unique représentation à l’opéra du coin. Une œuvre intitulée La Mort de Pétrone, dont on raconte qu’elle aurait plongé le public dans la folie collective. Sauf qu’une fois sur place les obstacles s’accumulent, compliquant l’enquête. Les faits échappent à la mémoire des vieux barbons du cru, ex-directeurs littéraires, collectionneurs, archivistes et autres critiques d’art. Ils plongent également les rares descendants des interprètes de l’opéra dans les faux-fuyants, au point de susciter le malaise, d’autant plus qu’autour de cette représentation gravitent tout un tas de curieux, chauffeur de taxi, vieux monsieur trop poli pour être honnête, riders sans entraves et serveuse au café bien trop empressés à voir solutionner l’énigme de cette unique représentation.

Second roman traduit dans nos contrées après L’Organisation, Autochtones confirme la singularité de l’imaginaire de Maria Galina. De cet univers volontiers absurde, aux références littéraires foisonnantes, mélange de post-soviétisme dépressif et de fantastique lorgnant du côté du réalisme magique, on ressort un tantinet déstabilisé. Les autochtones de l’autrice russe ne se livrent pas sans quelques efforts. Pratiquant l’art de l’ellipse, semant la confusion et cachant les faits sous de multiples couches de mensonges, ils suscitent une impression d’inquiétante étrangeté. Et les moins inquiétants ne sont pas ces créatures échappées d’un bestiaire fabuleux, vampire, loup-garou, sylphe, salamandre, dieu sumérien et autres extraterrestres. Bien au contraire, les personnages les plus dangereux errent aux marges de la normalité, faisant de la banalité de leur existence une couverture efficace. Dans une forme narrative ne ménageant guère la suspension d’incrédulité, Maria Galina nous immerge au cœur d’une intrigue tortueuse, aux marges de l’histoire tragique de ce bout de continent européen, de l’enquête policière et du fantastique. Pratiquant le changement de cadre impromptu, mêlé à une certaine forme de poésie, l’autrice déboussole le lecteur, prenant un malin plaisir à l’égarer dans un récit labyrinthique et redondant, où chaque détail prosaïque, chaque référence érudite, contribue à la bizarrerie de l’ensemble et recèle une part de vérité dont le sens ne se dévoile qu’à force de ténacité. Bref, Autochtones n’usurpe pas sa qualité de lecture rude, mais finalement suffisamment bizarre pour que l’on ait envie de pousser l’expérience jusqu’à son terme. Avis aux amateurs.

L’usine de porcelaine Grazyn

L’Usine de porcelaine Grazyn est un fix-up du canadien David Demchuk, son premier. Intitulé The Bone Mother en version anglaise, il a remporté le Scotiabank Giller Prize 2017. Tournée une couverture sombre et peu explicite, le lecteur tombe sur « Maia », un texte d’une page très inquiétant par ce qu’il suggère. Puis, il lit « Boris », qui en quatre pages introduit l’usine de porcelaine et pose les caractères weird et noir des récits à venir ; c’est par des moyens bien peu ragoutants que sont fabriqués les très fameux dés à coudre Grazyn dont même la tsarine use, et la relation de commensalisme qui lie l’usine aux trois villages environnants qui lui fournissent son personnel est fondamentalement malsaine. Suivent 24 textes, de longueurs variables, qui mettent chacun en scène un personnage, humain ou pas. Tout est weird, tout est sombre, Demchuk convoque le peuple de la mythologie slave, il place son usine entre Ukraine et Roumanie, en un lieu menacé moins par les créatures de la nuit slave ou yiddish que par les exactions staliniennes (la famine notamment) ou la brutalité mortelle de la Police de Nuit, une milice cryptofasciste capable d’agir même à l’étranger pour rattraper ceux qui crurent lui échapper en s’exilant à un océan de distance.

Le père de Demchuk est d’origine ukrainienne. L’auteur — qui jongle à travers les continents et les époques, de la moitié du XIXe siècle aux temps présents — a donc puisé tant à la source d’un folklore ancestral qu’au cœur de l’histoire familiale pour montrer un monde en transformation dans lequel les monstres sont plus souvent des humains que ceux que leur physique ou leurs pouvoirs conduit à décrire comme tels. Il est à noter d’ailleurs que la seconde partie du fix-up, « La Police de Nuit », est plus convaincante et engageante que la première « L’usine de porcelaine Grazyn » ; après beaucoup de freaks et de magie arcanique, le retour des organisations humaines et de leurs crimes volontaires remettent de l’enjeu dans une énumération de personnages et de situations qui, à la longue, commençaient à faire un peu rengaine, d’autant que certaines chutes laissent le lecteur sur sa faim. Alors il y a, certes, plusieurs textes intéressants car vraiment surprenants ou dérangeants – une très émouvante histoire de golem par exemple –, il y a aussi quelque jolies phrases « Tricoter est une bonne façon de passer le temps quand on attend que quelqu’un meure », il y a enfin une plongée torturée dans une mythologie moins connue ici que les grecques ou scandinaves — entre strigoi, rusalka ou dame des bois. Il y a encore, disons-le, une collection de photos (une par texte), réalisées par un photographe roumain dans la première moitié du XXe siècle, qui donnent un ton et créent une ambiance. Mais l’accumulation, si elle sert à ancrer un lieu, fut-il mythologique, dans la réalité perçue du lecteur, met aussi en évidence le manque d’un vrai fil directeur qui l’entraînerait d’une introduction vers une conclusion. Certains fix-up passent le test de cet écueil avec succès, ici le nombre élevé des textes et leur petite taille rend l’exercice plus périlleux.

Et puis, il faut parler traduction. Je ne sais pas si les fautes de traduction tiennent à la traductrice ou aux particularités de la langue québécoise, qu’importe finalement, mais lire «  Il a été frappé par une auto » pour décrire un accident de piéton ou onze fois au fil des pages « Je suis correct » ou « Es-tu correct ? » pour traduite « It’s ok » (et j’en passe bien d’autres) rend la lecture pénible car les imperfections langagières sautent trop aux yeux. Dommage.

Les Affaires du Club de la Rue de Rome

Fin du XIXe siècle. La France – et pas qu’elle – se passionne pour le spiritisme et autres fadaises spiritualistes ; réaction presque inévitable d’un peuple en quête d’une nouvelle spiritualité après que Nietzsche lui eut annoncé la mort de Dieu. Rien d’étonnant alors à ce que, dans ce marigot informe, mijotent tant monstres que satanistes. Rien d’étonnant non plus à ce que le monde artistique cherche un au-delà/ailleurs à percevoir d’abord puis à représenter ensuite ; romantisme, symbolisme, décadentisme se succèdent et s’entremêlent dans la quête d’un altertopos à accès réservé qui tournerait délibérément le dos à la réalité sordide du siècle dans laquelle les naturalistes se vautrent sans vergogne comme des chiens truffiers dans une chênaie.

Dix ans après la fin de la Commune de Paris, dans le Paris de la IIIe République, les idéaux égalitaires ne se concrétisent guère. Et alors même que la période est nommée « la Belle Époque », c’est la fête, certes, mais pas pour tous. La ville est un entrelacs d’artistes plus ou moins en cour, de banquiers, de politiciens, d’urbanistes. Mais il y a aussi, à côté et sur les mêmes trottoirs, les pauvres, artisans, ouvriers, chiffonniers, plus ou moins politisés et/ou orphelins de la Commune. À côté encore, les femmes, à leur place spéciale. Soumises à des règles strictes de déplacement si elles sont de haute condition, à la violence des hommes parfois, à l’adoration des artistes qui en font des muses sans jamais oublier de les mettre dans leurs lits, elles sont toujours considérées comme indignes d’être écoutées, comme des êtres fragiles aux talents structurellement inférieurs et aux capacités tant physiques que nerveuses quasi inexistantes ; d’où leur exclusion de bien des cercles, picturaux notamment – la Femme est peinte, elle ne peint pas.

C’est donc un monde scintillant, si on est du bon côté de la barrière, où se croisent et se reniflent hommes enrichis, leaders politiques, aristocrates survivants, peintres, poètes, phénomènes, anarchistes, ex-communards, danseuses, demi-mondaines, ouvrières, grisettes, prostituées à temps plein. Et dans ce monde fin de siècle vit Mallarmé, « le prince des poètes », un homme respecté, introduit dans tous les milieux, qui tient salon les mardis avec le gratin de la vie artistique parisienne. Mais ce que peu savent, c’est que, derrière la façade du club littéraire, Mallarmé dirige en fait – en Mycroft Holmes local – la lutte coordonnée des artistes (et des artistes, vous en croiserez de nombreux dans le recueil) contre les forces sataniques ou monstrueuses. Mais ici les enquêtes relèvent moins du police procedural que de recherches fondées sur l’intuition, les liens ténus, les correspondances, les symboles ; c’est logique.

Les Affaires du Club de la rue de Rome raconte cette lutte par l’entremise de quatre auteurs. Adorée est un hommage à l’Adoré Floupette qui, pastichant en 1885 le décadentisme, contribua à le définir ; elle trace le même sillon en redonnant vie à un genre tout d’excès et de rebondissements feuilletonesques. Elle s’assure juste de donner une bien meilleure place aux femmes ainsi que de rappeler le contexte socio-politique – sans excès larmoyant, et c’est heureux.

« L’Étrange Chorée du Pierrot blême » (Léo Henry), un texte aussi trépidant que son titre, balade son lecteur à travers Moulin rouge et Chat Noir, entre danseuses et phénomènes, jusqu’aux souterrains des compagnies de gaz lampant d’où surgit une menace fongique inédite. Dynamique et vif, drôle même avec son évocation rigolarde de Hadji-Lazaro, le texte est plaisant ; on pourrait lui faire un tout petit reproche : celui d’abuser de cabochons littéraires au risque d’en devenir clinquant.

« L’Effroyable affaire des souffreuses » (Raphaël Eymery – dont on voudrait savoir ce que son pseudo doit au nom de Rachilde) est le plus décadent de tous. Un fou enlève des filles prépubères pour leur faire subir un traitement pire que la mort. Un groupe de poètes est à ses trousses. Mais comment lutter contre l’anti-puberté quand on est soi-même amoureux de la pureté virginale des petites filles ? Fond et forme captivants.

« Coquillages et crustacés » (luvan) nous invite dans le Paris cosmopolite avec aristocrate russe et pauvre antiquaire juive. Ici, le lucre des puissants se nourrit de ses propres enfants pour invoquer les démons familiers des mythes slaves. Un texte hélas qui, à trop vouloir faire érudit et complexe, en devient peu plaisant à lire, d’autant que sa narration hachée n’aide pas non plus.

« Les Plaies du ciel » (Johnny Tchekhova) est à la fois le plus politique (avec de faux airs du Zombies de Romero) et le plus sage dans sa forme, même s’il s’autorise quelques moments presque steampunk rappelant le Spring-Heeled Jack. Au fil de la course effrénée contre une terrible malédiction, il dit encore une fois les inégalités et le surplomb de classe, la place subalterne dans laquelle se morfondent les femmes, et même le côté petit bourgeois d’une figure de l’anarchisme telle qu'Octave Mirbeau ou le conservatisme paternel d’un Stéphane Mallarmé.

L’ensemble fait revivre avec brio une époque révolue et fascinante, en adoptant plutôt bien le vocabulaire suranné de celle-ci et en rendant explicites les contradictions d’une société qui voulait l’égalité sans la faire, admirait les femmes comme de fort beaux objets à chérir ou baiser, et dissertait ad nauseam sur la beauté sans jamais sembler voir la misère et la crasse présentes devant ses yeux.

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