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Magie brute

USA, années 30… Pistolets mitrailleurs Thomson, dirigeables, petite pépés et magie à gogo, tels sont les principaux ingrédients de Magie brute.

Le roman commence par une mission désastreuse pour Jake Sullivan, survivant de la Grande Guerre et « lourd », c’est-à-dire magicien capable d’agir sur le champ gravitationnel et la densité. Missionné par J. Edgar Hoover pour tuer son ancien amour Delilah, devenue une implacable meurtrière, Jake, non seulement échoue, mais s’aperçoit qu’il a été manipulé par le pénible père-fondateur du FBI. Une mission foirée, un ramassis de mensonges, difficile de dire quel est le truc qui le met le plus en rogne. Ça va saigner.

Pendant ce temps, la jeune Faye, (qui a le pouvoir de se téléporter) assiste au meurtre de son père adoptif, un fermier d’origine portugaise aux lourds secrets. C’est un coup de Madi, un garde de fer au service du Président, le magicien immortel qui règne sur le Japon. Obligée de fuir, Faye est recueillie par le Grimnoir, une société secrète de magiciens qui s’est jurée de mettre à genoux le Président et qui informe Jake, rallié à sa cause, que le geotel, l’arme de Tesla qui a rasé la moitié de la Sibérie en 1905, est en passe de tomber dans de bien mauvaises mains.

La guerre peut commencer.

Magie brute est un roman enthousiasmant, un divertissement qu’on lit à toute allure, avec le plus grand plaisir… quatre cents pages durant. Puis, arrivé sur les cinquante dernières pages, le livre qui s’appréhendait jusque-là comme une fantasy urbaine pleine d’humour et d’action échevelée vire au gore, au sadique. Jake tue les « méchants » (sic) japonais avec un plaisir évident, transformant en bouillie tout Jaune se mettant en travers de sa route. Il en est de même pour Faye, qui, jusqu’ici, nous avait été présentée comme idéaliste/naïve et un poil coincée. Cette façon de présenter le bien/le mal, les bons/les méchants, de noyer les idéaux dans le sang et les tripes, rappelle les carnages successifs de la tétralogie L’Arme fatale où Gibson/Glover massacrent dix, douze « méchants » par épisode, avant de se faire un barbecue. Au moment du gueuleton familial, ils pourraient se poser des questions, avoir une baisse d’appétit, mais non, tout va bien, il convient plutôt d’empêcher les saucisses de brûler et de ne pas tomber à court de bière.

Evidemment, on peut se dire que Magie brute est avant tout un comics sans image, à ne pas prendre trop au sérieux, mais comme le récit regorge de détails politiques et uchroniques, ça ne suffit pas à gommer le mauvais goût que ses cinquante dernières pages laissent dans la bouche.

Pour finir, un mot sur la traduction, qui est horripilante tant le livre regorge de vocabulaire relatif aux armes à feu, vocabulaire précis avec lequel la traductrice a un certain contentieux. Ça pourrait passer si Magie brute n’était pas une succession quasiment ininterrompue de scènes d’action et de fusillades. De fait, ça coince un peu. Dommage.

120 journées

Dans Les 120 journées de sodome, œuvre inachevée du Marquis de Sade dont seul le premier quart existe sous forme, disons, définitive, le duc de Blangis, son frère (évêque), le président de Curval et le financier Durcet, s’enferment dans un château de la Forêt Noire, Silling, avec leurs épouses et de jeunes enfants des deux sexes, enlevés à leurs parents. Là se déchaîneront les plaisirs les plus aboutis et les perversions les plus inouïes. Dans Salò ou les 120 journées de Sodome, probablement le film le plus éprouvant de l’histoire du cinéma, Pier Paolo Pasolini (qui sera assassiné juste après avoir achevé ce qui reste donc comme son testament) déplace l’action de la fin du règne de Louis XIV (et donc du château de Silling) à la fin du règne de Mussolini, à Salò.

Jérôme Noirez, lui, nous emmène dans un espèce de Groland banal (la capitale s’appelle Griblain), où huit collégiens de La Macle (deux heures de route depuis Griblain) sont kidnappés par les frères Blangis, Mme Curval et Mme Durcet. Et se retrouvent à Silling, sous la garde de leurs ravisseurs, de la cuisinière Fanchon, fausse infanticide, et de Guenet, vrai psychopathe violeur.

Tous les dix jours, un homme (engagé par les ravisseurs, mais ignorant tout de leurs crimes) raconte une histoire à la radio pour les enfants qui n’interviennent pas, en présence de leurs ravisseurs qui, eux, se permettent d’intervenir. Cet animateur spécialisé dans les faits divers est le papa divorcé de la petite Ninon, la crapote, dont il s’occupe à sa manière, sans doute pas parfaite, mais il n’existe pas de parents parfaits. L’école de Ninon a brûlé, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes.

120 journées est un livre complexe, ambitieux et en fin de compte assez obscur, où imaginaire et réalisme s’interpénètrent sans cesse (son principal défaut étant qu’on ne croit jamais à cette histoire d’animateur radio qui ne comprendrait pas à qui il s’adresse, ce qui place tout de suite le livre sur l’étagère des récits absurdes, un absurde ici très ancré dans le quotidien des parents d’élève). Si toute la partie de l’animateur radio (M. Duclos) est d’une grande puissance, avec ses morceaux de bravoure — « La combustion de tonton », l’histoire de la princesse Pneumonie et de la limnée —, la partie où l’on suit les enfants kidnappés, elle, est nettement moins percutante ; sans doute le lecteur de Sade et le spectateur de Pasolini s’at-tendaient-ils à un déluge d’horreurs. Des horreurs ? il y en a : un viol, un suicide, un crâne éclaté à coups de barre de fer, mais paradoxalement elles ne sont pas hissées très haut par l’auteur, qui leur préfère le passage d’un monde à l’autre, celui du caca-pipi-prout qui devient celui du chattes-règles-bite-enculé. L’intérêt du roman est donc dans des questions comme « qu’est-ce que l’éducation ? », « qu’est-ce que la maturité ? », « en quoi les parents ont le droit de se sentir supérieurs à leurs enfants ? », « comment accompagner ses enfants au moment de leur passage à l’adolescence ? ». Amateurs de supplices en déferlante, d’excès sexuels ou cruels, vous pouvez passer votre chemin. Noirez refuse toute surenchère, son propos est ailleurs.

Si on n’y réfléchit pas trop, 120 journées ressemble à « Another brick in the wall, part 2 », on connaît tous la chanson : « we don’t need no education, we don’t need no thought control », mais à la réflexion, ce roman est beaucoup, beaucoup plus compliqué/subtil que ça (très moral sans jamais être moralisateur). Livre puissant et entêtant, on ne pourra pas lui enlever ça, 120 journées est un roman qui souffre de quelques longueurs et redites ; une œuvre déséquilibrée, dans laquelle une petite fille, la crapote, gagne un combat à distance contre huit kidnappés et leurs médiocres ravisseurs.

Le Prince écorché

Que dire sur les « coups de cœur » de Bragelonne que l’on n’ait pas déjà dit ? Qu’aucun d’entre eux n’a vraiment convaincu depuis Le Nom du vent de Patrick Rothfuss… De fait, les envolées dithyrambiques de l’éditeur Stéphane Marsan ont perdu de leur superbe. D’autant qu’elles ont dangereusement tendance à se multiplier au fil du temps, tout en faisant dans la surenchère constante.

Ici, on nous vante la rencontre entre David Gemmell et… Metallica. Soit. Difficile donc d’aborder ce nouveau « coup de cœur » de façon totalement neutre, surtout quand on constate que l’accent est mis sur la violence et la jeunesse de son anti-héros endossant volontiers les oripeaux du meurtrier. Bref, un premier roman vendu clairement sous l’angle du « coup de poing » dans le ventre d’un lecteur qui n’aurait jamais vu ça.

Autant le dire d’emblée en filant le champ lexical, il n’y a aucune « claque » à attendre à la lecture du Prince écorché. Mais nous ne sommes pas non plus face à une déception de l’ampleur d’un Lame damnée de Jon-Courtenay Grimwood. Ainsi, on ne pourra pas reprocher au roman de Mark Lawrence d’être terne. S’il trempe volontiers dans l’outrance, il évite la plupart du temps la surenchère bêtement grotesque. L’âge de son personnage principal, Jorg, ne manquera pas de faire tiquer, non pas à cause de ses treize ans, mais plutôt à cause de la vraisemblance du tout, qu’importent ses traumatismes. Bien sûr, l’auteur tente d’expliquer le pourquoi du comment et l’ensemble se tient d’ailleurs plutôt bien, mais le choix de la narration à la première personne implique que la voix du personnage nous marque, ce qui n’est pas le cas, la faute à un humour et une noirceur forcés. L’univers recèle quant à lui quelques surprises, même si plusieurs éléments ancrant ce monde dans une certaine réalité semblent souvent tomber comme un cheveu sur la soupe.

Au final, on peut compter sur un récit au caractère dynamique et efficace, ce qui n’est déjà pas si mal en ces temps de disette. Le recours à des chapitres courts et des interludes illustrant l’opinion de Jorg sur ses « camarades de jeux » s’avère un choix payant. Tout comme l’alternance entre passé et présent. Le risque étant de voir le lecteur privilégier l’un des deux axes et survoler l’autre d’un œil distrait, mais Lawrence réussit à éviter l’écueil.

Dommage qu’il n’en soit finalement pas de même en ce qui concerne la profondeur de ses personnages ou l’ampleur de son intrigue. Même dans le contexte du traditionnel premier tome d’une trilogie, ces deux aspects ont un goût certain d’inachevé. On en reste donc à une histoire de vengeance et de colère larvée chez un adolescent pas vraiment comme les autres, certes, mais un ado qui reste un petit garçon perdu malgré tout. Un parti pris qui aurait pu convaincre, si une fois encore le roman n’avait pas été présenté comme une histoire choc à la hauteur des écrits d’un Joe Abercrombie.

Au-delà des attentes potentielles, le roman de Mark Lawrence se révèle encore très loin des maîtres du genre, à l’instar de beaucoup de premiers romans anglais ou américains proposés depuis deux ou trois ans. Si l’on met de côté la violence du roman, il ne reste guère qu’un timide coup de pied dans la fourmilière, plaisant mais pas inoubliable. 

Aucun souvenir assez solide

Ce que l’on ne risque pas de reprocher à Alain Damasio, c’est bien son immense maîtrise de la langue française. On comprend parfaitement que le lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2005 pour La Horde du Contrevent choisisse d’écrire peu, mais magnifiquement. Le travail linguistique de chacune des dix nouvelles qui composent le recueil Aucun souvenir assez solide en donne un parfait exemple.

En revanche, si l’on voulait chipoter, on oserait dire que cette maîtrise de la langue et du néologisme — toujours très bien vu au demeurant — se révèle parfois envahissante dans l’écriture. Trop de mots tuent le mot, souvent, tout comme un style trop ampoulé fini par tuer ledit style, et avec le fond du texte.

Et pourtant j’aime les chats, Marseille et la Perspective Nevski, entre autres.

Sur le susdit fond, il y aura toujours deux écoles : « Je suis en faveur d’un monde qui devient virtuel, je vis avec Twitter, Facebook, MSN, mon Iphone, mon Ipad, et mon blog-où-je-raconte-ma-vie-et-où-j’ai-plein-d’amis » ; ou alors : « Je suis pour défendre les droits du bar PMU pour y prendre mon café le matin en refaisant le monde avec mes potes. » Le parti pris de Damasio est clair : Internet, et tout ce que cela recouvre, tue les vraies relations humaines. D’ailleurs, toute la technologie aussi. Et le modernisme. On soupçonne même votre cafetière de comploter en vue de détruire vos relations sociales. En gros, si Omo lave plus blanc que blanc, Damasio écrit plus noir que noir, et assume cette posture de façon presque caricaturale.

Ce choix semble regrettable, car les textes tombent rapidement dans un extrémisme qui ne fait nullement justice au talent de l’auteur. « C@ptch@ » par exemple, quatrième texte du recueil, donne l’impression que le narrateur s’écoute écrire, se noie dans les fines-ses linguistiques, mais en perd son but, et son lecteur. C’est beau comme un sonnet de Mallarmé, auquel les allusions sont récurrentes, mais on ne construit pas une nouvelle comme un poème, sauf à imaginer que l’on peut subir 250 pages de « Coup de Dés ». Le problème se pose à nouveau pour « Une stupéfiante salve d’escarbilles de houille écarlate », qui confine à l’illisible, si ce n’est pas tout simplement une private joke avec soi-même pour l’auteur. Les mangamaniacs ne pourront s’empêcher de sourire en lisant « J’appelle le Pégase » (merci Seiya, tu peux disposer…). En revanche, inutile de connaître la culture japonaise pour rester consterné devant « Sam va mieux », davantage pour le jeu de mot digne de l’Almanach Vermot plus que pour la nouvelle, s’entend.

Au fil des textes, on alterne entre admiration béate devant une écriture et des trouvailles linguistiques parfois stupéfiantes, toutes révélatrices d’un travail approfondi de construction — un petit amour pour Pérec, parfois ? —, et l’exaspération devant une mise en exergue outrée des changements socioculturels qui, si elle est compréhensible, ne justifie pas un tel radicalisme. On peut avoir une connexion ADSL et des amis en chair et en os. Parfois même, avec une connexion ADSL, vous avez des amis qui vous aident. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

En laissant de côté l’aspect militant, et pour ne s’attacher qu’à la forme, j’oserais dire que les textes gagneraient à être plus courts, à la vue de leur perfection linguistique. Je rêverais de lire « So phare away » dans une forme proche du haïku, d’un sonnet, ou d’un rondel, en hommage au torturé El Levir, auteur maudit de la septième nouvelle (un chiffre saint ou un hasard ?). Je ne doute d’ailleurs nullement qu’Alain Damasio en soit capable.

En résumé, un recueil à lire comme une merveille d’écriture, page après page, mais sans doute plus pour sa forme que pour les idées qu’il défend, bien trop simplistes, paradoxalement, pour un tel niveau rédactionnel.

Dernière note : si vous voulez une analyse parfaitement érudite des nouvelles, vous disposerez de vingt pages en fin de recueil, tout à fait bienséantes, riches de citations philosophiques et conférencesques, qui vous diront combien l’ouvrage est la quintessence de toute réflexion profonde et vitale. Mais personnellement, je n’ai aucun souvenir assez solide du recueil pour en faire une Bible. Aucun lecteur n’a à mon sens besoin qu’on lui explique que ce qu’il vient de lire est génial et hautement philosophique. C’est là que l’on se félicite que Mallarmé ait toujours pris ses œuvres avec beaucoup de désinvolture, non ?

Transition

Depuis ses débuts littéraires voilà un bon quart de siècle, Iain M. Banks a toujours alterné romans de science-fiction et romans de littérature générale, ces derniers étant immédiatement identifiables par la disparition de l’initiale du deuxième prénom de l’auteur dans sa signature. Transition apparaît comme une tentative de réunir ces deux registres, d’interroger le monde contemporain, ses travers et ses dérives, par le biais de la SF. Sans qu’il y ait forcément de rapport de cause à effet, c’est avant tout l’un de ses moins bons bouquins.

Banks renoue ici avec l’un des thèmes les plus rebattus de la science-fiction : celui des univers parallèles. Il met en scène une organisation millénaire, le Concern, dont les agents ont pour mission d’intervenir sur divers mondes pour y faire dévier le cours de l’histoire et éviter dans la mesure du possible la survenue de catastrophes planétaires. Une entreprise parfaitement rodée, jusqu’à ce que des tensions apparaissent à la tête du Concern, tensions incarnées par deux femmes que tout oppose : Mme d’Ortolan et Mme Mulverhill.

Plusieurs narrateurs se succèdent au fil du roman, la plupart désignés sous un nom de code : le transitionnaire, l’un de ces agents capables de passer d’un monde à l’autre à l’aide d’une drogue baptisée Septus ; le philosophe, chargé des basses œuvres du Concern ; un patient anonyme dans un hôpital indéterminé ; et Adrian Cubbish, jeune trader aux dents longues et au cynisme affiché. Iain Banks revient longuement sur le passé de chacun, détaille leur parcours. Ce qui l’amène, dans certains cas, à consacrer des dizaines de pages à histoire d’un personnage qui, au bout du compte, ne tient qu’un rôle tout à fait secondaire dans l’intrigue principale du roman.

Banks, en manipulateur roublard qu’il sait être à l’occasion, s’amuse également à laisser planer le doute sur l’identité réelle de tel ou tel personnage, qui ne sera révélée que dans les toutes dernières pages du roman. Le procédé fonctionnait à merveille dans L’Usage des Armes. Sauf que cette fois, les révélations en question s’avèrent n’être que de navrantes pirouettes, indignes de son talent.

Du point de vue SF, Transition ne brille pas par son originalité. Qu’il s’agisse des méthodes du Concern, de sa politique d’ingérence ou des luttes internes qui s’y déroulent, on ne s’éloigne jamais beaucoup des stéréotypes du genre. Quant aux quelques mondes visités, ils ne sont pour la plupart qu’à peine esquissés.

Pour le reste, Iain Banks évoque effectivement quelques sujets d’actualité, la crise des subprimes et le cynisme du monde de la finance, le terrorisme et le sécuritarisme qu’on lui oppose. Mais il ne fait jamais qu’effleurer ces sujets, sans parvenir à offrir un regard neuf sur ces questions. On termine la lecture de Transition peiné de n’y retrouver à peu près aucune des qualités qui font de Iain Banks l’un des meilleurs romanciers de ces vingt dernières années, et agacé d’avoir gâché sa journée à le lire.

Points chauds

Critique commune à Points chauds et Aliens, mode d'emploi.

Le nouveau roman de Laurent Genefort repose sur une idée tellement simple qu’il lui suffit de quelques paragraphes en début de livre pour nous l’exposer : à partir de 2019 commencent à apparaître un peu partout sur Terre des portails, très vite baptisés les Bouches, des trous de ver reliant de lointaines planètes à la nôtre, variante plus « terre à terre » des portes de Vangk qui parsèment l’œuvre de l’auteur, et d’où vont surgir par millions des extraterrestres de toutes sortes et de toutes formes. La plupart d’entre eux ne ressemblent en rien aux aliens belliqueux que l’on croise si fréquemment dans la sci-fi. Au contraire, ce sont le plus souvent des créatures paisibles et nonchalantes, et si leur fréquentation peut parfois s’avérer dangereuse, c’est surtout parce que certaines espèces ont une fâcheuse tendance à émettre des vapeurs toxiques pour l’homme en guise de bonjour, ou qu’on se sera frotté de trop près à un représentant de telle race dont le corps est couvert d’épines. Les accidents sont toujours possibles.

Même si le comportement de ces aliens ne présente pas une menace directe pour l’humanité, les autorités se retrouvent pourtant très vite totalement démunies face à un tel afflux et une telle diversité, et certains gouvernements vont prendre des mesures extrêmes à leur égard. Nombre de communautés extraterrestres vont également devenir la cible de diverses organisations, sectes et autres groupes mafieux, qu’ils considèrent ces immigrés comme une main d’œuvre corvéable à merci ou qu’ils espèrent tirer profit de la crainte que ces êtres suscitent au sein d’une bonne partie de la population. De ce point de vue, Laurent Genefort dresse un portrait peu flatteur des comportements humains.

Le romancier a intégré dans Points chauds la nouvelle « Remparts », parue il y a deux ans dans ces pages (n°58), et dans laquelle on découvrait cet univers du point de vue d’un militaire, Léo, membre de Rempart, la force internationale chargée d’intervenir chaque fois que la présence d’aliens parmi des populations humaines menace de dégénérer en conflit. Mais Laurent Genefort élargit son champ d’action en donnant la parole à des personnages très différents, dont les récits vont se croiser sans jamais se recouper. Il y a Prokopié, membre d’un peuple nomade de Sibérie, les Nénètses, qui décide d’accompagner une tribu alien dans sa traversée du Grand Nord ; Camila, médecin dans une ONG autorisée à venir en aide aux extra-terrestres victimes de milices en Afrique ; et Raji, un scientifique chargé d’interroger un couple de Corcovados dans un laboratoire de Berne. Tous vont, à des degrés divers, être les témoins de scènes dramatiques, d’exactions ou d’humiliations à l’encontre des aliens. Pourtant, malgré cette violence permanente dans laquelle baigne le roman, Laurent Genefort ne perd jamais tout à fait foi en l’Homme, et l’on trouve aussi dans Points chauds de beaux moments d’humanité, à l’image de cette petite annonce d’une jeune femme qui, lassée par la fréquentation de ses congénères, espère trouver l’âme sœur parmi les extraterrestres.

Les héros que met en scène Laurent Genefort ont en commun une même curiosité, une même volonté de remettre en question leurs certitudes, de se débarrasser de leurs préjugés pour se confronter à cette altérité qui caractérise les aliens, de s’interroger sur leur propre humanité à travers le regard de ces êtres à la fois si lointains et si proches, de se redéfinir à leur aune. Un début de transformation qui va trouver son point culminant dans un dernier chapitre bouleversant, lumineux, qui donne un éclairage profondément optimiste à l’ensemble de l’œuvre. Le genre d’émotion que ne procurent que les plus grandes œuvres de la science-fiction, et dont Points chauds fait incontestablement partie.

On retrouve la même philosophie à l’œuvre dans Aliens mode d’emploi, livre sans doute plus anecdotique mais pas moins agréable à lire. S’inspirant dans la forme du Guide de survie en territoire zombie de Max Brooks ou du plus récent Survivre à une invasion robot de Daniel H. Wilson, il se distingue de ces œuvres par sa tonalité moins belliqueuse, plus espiègle aussi. On y trouve certes quelques conseils pour ne pas succomber en cas de rencontre avec un alien hostile, mais ils occupent moins de place que ceux visant à vivre en bonne entente avec eux, voire à entretenir des relations intimes avec un Usuralyn hermaphrodite ou quelque autre espèce dont les organes reproducteurs vont se nicher dans des endroits insoupçonnés. Dans un registre pince-sans-rire des plus réjouissants, Laurent Genefort s’amuse à multiplier les situations incongrues et les mœurs extraterrestres les plus étonnantes. Le résultat se lit d’une traite, le sourire aux lèvres.

Aliens, mode d'emploi

Critique commune à Points chauds et Aliens, mode d'emploi.

Le nouveau roman de Laurent Genefort repose sur une idée tellement simple qu’il lui suffit de quelques paragraphes en début de livre pour nous l’exposer : à partir de 2019 commencent à apparaître un peu partout sur Terre des portails, très vite baptisés les Bouches, des trous de ver reliant de lointaines planètes à la nôtre, variante plus « terre à terre » des portes de Vangk qui parsèment l’œuvre de l’auteur, et d’où vont surgir par millions des extraterrestres de toutes sortes et de toutes formes. La plupart d’entre eux ne ressemblent en rien aux aliens belliqueux que l’on croise si fréquemment dans la sci-fi. Au contraire, ce sont le plus souvent des créatures paisibles et nonchalantes, et si leur fréquentation peut parfois s’avérer dangereuse, c’est surtout parce que certaines espèces ont une fâcheuse tendance à émettre des vapeurs toxiques pour l’homme en guise de bonjour, ou qu’on se sera frotté de trop près à un représentant de telle race dont le corps est couvert d’épines. Les accidents sont toujours possibles.

Même si le comportement de ces aliens ne présente pas une menace directe pour l’humanité, les autorités se retrouvent pourtant très vite totalement démunies face à un tel afflux et une telle diversité, et certains gouvernements vont prendre des mesures extrêmes à leur égard. Nombre de communautés extraterrestres vont également devenir la cible de diverses organisations, sectes et autres groupes mafieux, qu’ils considèrent ces immigrés comme une main d’œuvre corvéable à merci ou qu’ils espèrent tirer profit de la crainte que ces êtres suscitent au sein d’une bonne partie de la population. De ce point de vue, Laurent Genefort dresse un portrait peu flatteur des comportements humains.

Le romancier a intégré dans Points chauds la nouvelle « Remparts », parue il y a deux ans dans ces pages (n°58), et dans laquelle on découvrait cet univers du point de vue d’un militaire, Léo, membre de Rempart, la force internationale chargée d’intervenir chaque fois que la présence d’aliens parmi des populations humaines menace de dégénérer en conflit. Mais Laurent Genefort élargit son champ d’action en donnant la parole à des personnages très différents, dont les récits vont se croiser sans jamais se recouper. Il y a Prokopié, membre d’un peuple nomade de Sibérie, les Nénètses, qui décide d’accompagner une tribu alien dans sa traversée du Grand Nord ; Camila, médecin dans une ONG autorisée à venir en aide aux extra-terrestres victimes de milices en Afrique ; et Raji, un scientifique chargé d’interroger un couple de Corcovados dans un laboratoire de Berne. Tous vont, à des degrés divers, être les témoins de scènes dramatiques, d’exactions ou d’humiliations à l’encontre des aliens. Pourtant, malgré cette violence permanente dans laquelle baigne le roman, Laurent Genefort ne perd jamais tout à fait foi en l’Homme, et l’on trouve aussi dans Points chauds de beaux moments d’humanité, à l’image de cette petite annonce d’une jeune femme qui, lassée par la fréquentation de ses congénères, espère trouver l’âme sœur parmi les extraterrestres.

Les héros que met en scène Laurent Genefort ont en commun une même curiosité, une même volonté de remettre en question leurs certitudes, de se débarrasser de leurs préjugés pour se confronter à cette altérité qui caractérise les aliens, de s’interroger sur leur propre humanité à travers le regard de ces êtres à la fois si lointains et si proches, de se redéfinir à leur aune. Un début de transformation qui va trouver son point culminant dans un dernier chapitre bouleversant, lumineux, qui donne un éclairage profondément optimiste à l’ensemble de l’œuvre. Le genre d’émotion que ne procurent que les plus grandes œuvres de la science-fiction, et dont Points chauds fait incontestablement partie.

On retrouve la même philosophie à l’œuvre dans Aliens mode d’emploi, livre sans doute plus anecdotique mais pas moins agréable à lire. S’inspirant dans la forme du Guide de survie en territoire zombie de Max Brooks ou du plus récent Survivre à une invasion robot de Daniel H. Wilson, il se distingue de ces œuvres par sa tonalité moins belliqueuse, plus espiègle aussi. On y trouve certes quelques conseils pour ne pas succomber en cas de rencontre avec un alien hostile, mais ils occupent moins de place que ceux visant à vivre en bonne entente avec eux, voire à entretenir des relations intimes avec un Usuralyn hermaphrodite ou quelque autre espèce dont les organes reproducteurs vont se nicher dans des endroits insoupçonnés. Dans un registre pince-sans-rire des plus réjouissants, Laurent Genefort s’amuse à multiplier les situations incongrues et les mœurs extraterrestres les plus étonnantes. Le résultat se lit d’une traite, le sourire aux lèvres.

Jennifer Strange, dresseuse de quarkons

Et c’est à nouveau sous une couverture à côté de la plaque (et accessoirement — ou pas — sous un titre français plus qu’approximatif) que le Fleuve noir publie, dans sa collection young adult « Territoires », le deuxième tome de la trilogie « Jennifer Strange » de l’excellent Jasper Fforde.

Le premier tome, Moi, Jennifer Strange, dernière tueuse de Dragons (critique in Bifrost 63), était tout à fait sympathique, même si l’on pouvait en sortir un brin déçu eu égard aux attentes générées sur un écrivain de la trempe de Jasper Fforde, qui a su nous régaler notamment avec sa fameuse série des « Thursday Next », ou, plus récemment, avec « La Tyrannie de l’arc-en-ciel » (cf. Bifrost 66). On sentait en effet la différence de public visé, ce qui se traduisait par un délire moindre, plus contrôlé.

Avec ce deuxième tome, toutefois, on a rapidement l’impression que l’auteur ouvre les vannes, et s’autorise cette fois tous les excès dans le but premier de susciter le rire. C’est donc très vite avec un grand plaisir que nous retrouvons les Royaumes Désunis, et plus précisément le royaume de Hereford.

L’enfant trouvée Jennifer Strange y dirige toujours, en l’absence du Grand Zambini, l’agence magique Kazam. Et, depuis ses exploits du premier tome, qui ont eu une influence sans pareille sur la magie mondiale (l’énergie sorciérique, ou « crépite »), on peut dire qu’elle ne chôme pas. Néanmoins, elle doit faire face à la concurrence acharnée d’iMagie (oui, parce que tout est tellement plus cool précédé d’un « i »), l’autre agence, dirigée par l’Etonnant Blix, qui se donne du Tout-Puissant Blix, mais parvient difficilement à faire oublier qu’il est le petit-fils de Blix le Hideusement Barbare. Il y a beaucoup de contrats à la clé, dont celui, particulièrement juteux, de la réactivation du réseau de téléphonie mobile… et tous les coups sont permis dans cette lutte de pouvoirs. Kazam se retrouve bientôt dans une fâcheuse situation, alors même que le différend entre les deux entreprises doit se solder par un tournoi de magie.

Accessoirement, un quarkon rôde dans les environs, qui pourrait être le double de celui que Jennifer Strange a perdu en Dragonie. Ah, et puis il y a aussi cette histoire d’anneau maudit — mais ça n’a probablement aucune importance, n’est-ce pas ?

Sans oublier l’élan transitoire.

Jennifer Strange, dresseuse de quarkons s’inscrit résolument dans la foulée de son prédécesseur. Aussi en reproduit-il largement tant les défauts que les qualités. On notera cependant (et pourquoi pas en bas de page, procédé dont l’auteur use et abuse pour notre plus grand plaisir) que, dans ce roman sans véritable trame générale — ou disons qu’elle reste discrète —, le délire est plus franc, et s’exprime dans une succession de gags tous plus improbables les uns que les autres.

Parallèlement, Jasper Fforde garde à l’esprit qu’il s’adresse à un public prétendument adolescent, et son art se plie aux contraintes nécessaires de ce cœur-de-cible. Mais sans que cela devienne jamais ennuyeux pour un lecteur plus âgé.

Au final, et même s’il n’est pas sans défauts, Jennifer Strange, dresseuse de quarkons convainc en fait davantage que le premier tome — grâce à ses héros sympathiques, ses méchants insupportables d’arrogance, et surtout cette ambiance générale de joyeux délire s’exprimant dans un cadre de fantasy uchronique tout à fait enchanteur (et un brin, juste un brin, subversif). C’est donc une lecture des plus agréables, même si l’on n’en fera pas un achat indispensable.

Avilion

Le cycle de « La Forêt des mythagos » est assurément le grand-œuvre du regretté Robert Holdstock, et figure d’ores et déjà parmi les classiques de la fantasy. Avilion, écrit et publié bien après les volumes précédents, est le cinquième — et ultime… — roman prenant place dans le bois de Ryhope, et il vient en quelque sorte boucler la boucle, puisque les événements qui y sont rapportés sont les conséquences directes de ce qui nous fut conté dans le premier tome du cycle (lecture préalable indispensable).

Petit retour en arrière : le bois de Ryhope, en Angleterre, est un vestige de la forêt primordiale, inchangé depuis l’ère glaciaire. Plus grand à l’intérieur qu’il n’y paraît à l’extérieur, il abrite tout un monde fascinant de créatures et personnages mythiques générés par l’inconscient, les fameux « mythagos », ainsi que les a baptisés George Huxley après toute une vie de recherches passionnées les concernant.

Les héros de cet ultime volet sont Yssobel et Jack, les enfants de Steven Huxley, victorieux de son frère Christian, et de la princesse celte Guiwenneth pour laquelle ils se sont affrontés. Les enfants sont donc pour moitié humains et pour moitié mythagos, partagés en-tre le Sang et la Sève : Yssobel a son côté « rouge » et son côté « vert », quand Jack parle de — et avec — son « fantôme ».

Tous deux ont longtemps vécu avec leurs parents dans une villa romaine en plein bois de Ryhope. Mais le départ inopiné de Guiwenneth mettra fin à cette vie calme et heureuse. Yssobel se lance sur les traces de sa mère — mais tout autant, en fin de compte, sur celles de son grand-père maternel Peredur, le vieux roi, et de son oncle paternel Christian, ressuscité à la tête de l’armée intemporelle Légion — et cherche donc à se rendre en Avilion, au cœur de la forêt, que l’on connaissait jusqu’à présent sous le nom de Lavondyss. Jack, de son côté, attiré par la lisière du bois, pense trouver auprès de son défunt grand-père George, dans la vieille demeure d’Oak Lodge, les réponses qui le mettront sur la trace de sa sœur.

Ce double voyage en sens inverse est ainsi le point de départ du roman, qui emprunte largement les traits d’une saga familiale sur trois générations. Mais cette saga, qui pourrait se jouer uniquement sur le mode intimiste, vire à l’épopée en se confrontant, dans les bois, à la légende arthurienne ou encore à L’Odyssée. Et le résultat, pour déconcertant qu’il soit au premier abord — malgré la petite musique familière qui se met très tôt en place, avec le récit des aventures de Jack « à l’extérieur » —, est à la hauteur des attentes du lecteur qui s’était régalé avec les quatre volumes précédents. Avilion vient ainsi parachever le complexe édifice de « La Forêt des mythagos » de la manière la plus subtile, en jouant sur une multitude de registres.

Le roman brille à tous points de vue : écrit dans une langue impeccable, il est riche de personnages complexes et attachants — Yssobel et Jack au premier chef, mais ils ne sont pas les seuls —, et parvient à renouveler utilement les thématiques développées dans les volumes précédents. Le voyage en Avilion, quête des origines envisagée sous l’angle familial, se révèle ainsi, une fois encore, une brillante incursion dans le bois de Ryhope, aussi fascinante qu’intelligente, comme il se doit, et il y a fort à parier que l’amateur de l’œuvre de Robert Holdstock ne sera pas déçu par ce roman qui a pris bien malgré lui une forme testamentaire. On y retrouve en effet tout ce que l’on a pu apprécier auparavant dans le cycle, sans que l’auteur ne se répète véritablement pour autant — ce qui, en soi, relève déjà du tour de force.

Ce roman « approfondi » véhicule ainsi toute une gamme de sensations et de réflexions autrement plus subtiles que les lieux communs de la « big commercial fantasy », dont il constitue en quelque sorte l’antidote. On le louera pour sa finesse, son astuce, sa délicatesse aussi, qui en font le brillant témoignage d’un écrivain au sommet de son art. Lecture chaudement recommandée, même si elle ne saurait donc être envisagée isolément.

Chant du barde nouvelles

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