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Lord Cochrane vs l’Ordre des Catacombes

Narrée par Gilberto Villarroel, la première aventure de Lord Cochrane, marin anglais ayant réellement existé, nous présentait ce dernier confronté à l’armée française qu’il assiégeait à Fort Boyard… avant d’y rencontrer les frères Champollion afin d’examiner des éléments archéologiques sur ordre express de Naopléon. Français et Anglais avaient alors fait cause commune face à de terrifiantes créatures, dont la plus exceptionnelle d’entre elles, l’indicible Cthulhu tapi dans une R’lyeh sous-marine située non loin du fort… (Cf. notre critique peu convaincue dans le Bifrost 99.)

À la fin de cette aventure, Lord Cochrane partait en Amérique du Sud afin de participer aux guerres d’indépendance de plusieurs pays. Désormais banni de l’armée anglaise, il revient ici à Paris pour y retrouver Champollion ; en effet, il se murmure qu’un témoignage de première main pourrait bien accréditer la thèse de l’existence de R’lyeh, et donc les affirmations de Cochrane, et ainsi redorer son blason terni par ce que beaucoup prennent pour des affabulations. D’autant que la source de ce témoignage est d’une fiabilité exemplaire : rien de moins que l’empereur César lui-même ! Qui aurait lui aussi, en son temps, croisé la route de Cthulhu et consigné les faits dans l’un des carnets de la Guerre des Gaules. Toutefois, il semble que d’autres personnes aient un intérêt à retrouver ce fameux carnet porté disparu ; l’aîné des Champollion est kidnappé, puis Cochrane se retrouve la cible de plusieurs tentatives d’embuscade. À la tête de ces assassinats ratés : le cardinal de Paris, rien que ça ! Qui dirige d’une main de maître, vicieuse en diable, le fameux mais nébuleux Ordre des Catacombes…

Après l’unité de lieu du décor iconique de Fort Boyard dans Cochrane vs. Cthulhu, Villarroel change de braquet, proposant une histoire qui prend son essor à Paris, où l’on arpente cimetières, parvis de Notre-Dame et catacombes, avant de prendre la route pour Niort, Poitiers, La Rochelle et enfin l’île d’Aix. Le mélange d’histoire réelle et de surnaturel est un cocktail une nouvelle fois détonant, même si la première partie se concentre davantage sur l’aspect historique, mâtinée d’histoire secrète et de secte impie sans pitié. Trépidant, ce roman se révèle toutefois moins percutant que le premier tome  ; la faute, peut-être, à l’abandon du huis-clos, qui concentrait les enjeux, au profit de paysages plus ouverts qui affadissent le propos ? À moins qu’il ne faille incriminer une accumulation d’événements redoutables un rien too much, et ce d’autant que Cochrane, à l’instar d’un James Bond du début du xixe siècle, s’en tire toujours ? Restent malgré tout une lecture toujours énergique et jamais idiote, notamment au travers des extraits de la Guerre des Gaules rythmant l’ouvrage, une galerie de personnages hauts en couleur, sans oublier, bien sûr, les allusions répétées au panthéon lovecraftien. C’est aussi l’occasion pour Villaroel d’ancrer son roman dans un terreau historique qu’on devine travaillé, impression confirmée dans une postface instructive. Et de nous informer que Lord Cochrane reviendra, puisqu’il s’agit là d’une tétralogie ; le prochain tome se déroulera du reste en Amérique du Sud. Villaroel étant chilien (il habite en France depuis 2014), nul doute qu’il saura une nouvelle fois marier l’histoire locale avec des éléments plus fantasmatiques dans un combiné explosif…

Le Peuple du Grand Chariot

Cette nouvelle publiée en 1953 dans The Magazine of Fantasy and Science Fiction nous conte l’histoire d’un jeune demi-gitan qui quitte la Grande Vie (la vie errante) par amour, réitérant de la sorte celle de ses parents. Il y reviendra après la destruction de son village d’élection par une tornade. Ceci dans un contexte post-apocalyptique, après la guerre atomique.

La nouvelle se veut un plaidoyer en faveur des gens du voyage qui ont souvent été persécutés au cours de l’histoire, leur sort étant plus ou moins comparable à celui des Juifs. Dans cette histoire, les Roms restent détenteurs d’un savoir low tech mais pratique, qu’ils livrent avec parcimonie au Gadjé – les Gadjé sont aux Gitans ce que les Gentils sont aux Juifs – ceux qui ne sont pas du Peuple.

Hélas, le texte ne tient ensuite plus la route. Ainsi, on y voit les Gitans donner des conseils en matière agricole : s’il y a bien une chose que les Gitans ne sauraient être, c’est agriculteurs ; l’agriculture étant la cause première de la sédentarité. Mais c’est plus encore l’attitude des Gadjé qui est ridicule de stupidité. On voit tout un village tirer un tracteur à chenille lui-même attelé à la charrue. Quand une chenille vient à se rompre, le village se laisse mourir de désespoir et de dépression. À un autre moment, on voit la mère du personnage s’échiner à monter des seaux d’eau au grenier pour y remplir des réservoirs afin d’avoir de l’eau au robinet pour entretenir l’illusion que la vie continue comme si la civilisation ne s’était pas effondrée. Quand la nouvelle est publiée, en 1953, l’eau courante n’est certes plus rare, surtout en milieu urbain, mais en campagne, c’est autre chose… La guerre atomique date suffisamment pour que Boston soit presque oublié mais des vélos sont encore préservés : or, les pneus de vélos se détériorent au bout de dix ans. Après qu’une faucheuse a été détruite par une tornade, le roi des Roms donne aux villageois la faux ou la faucille pour moissonner…

À la fin du texte, on découvre une explication hétéroclite comme quoi les Roms serait un peuple venu des étoiles, qui aurait progressivement tout appris aux Gadjé qui, dès qu’ils en surent assez, bousillèrent leur civilisation – le cycle se répétant ainsi sans fin. Ce qui est impossible. Les ressources accessibles en minerais, charbon ou pétrole avec des moyens low tech n’existent plus pour un éventuel recommencement ; nous les avons utilisés. Si la civilisation tombe, il n’y aura pas de seconde chance.

Sympathique, cette nouvelle se laisse lire mais n’est guère crédible.

Le Crépuscule de Briaréus

Pour leur acte de naissance, les toutes nouvelles éditions Argyll, basées à Rennes et menées par Xavier Dollo et Simon Pinel, entourés d’une petite équipe, ont choisi de nous offrir la réédition de ce très beau roman de Richard Cowper paru voici 45 ans en « Présence du Futur », chez Denoël.

Construit en flash-back, le roman débute par l’explosion d’une supernova non loin de la Terre, à l’échelle cosmique s’entend. Qui veut avoir une idée de l’amplitude que permet la SF dans le traitement d’une même prémisse comparera ce roman avec Diaspora, de Greg Egan.

Richard Cowper fait partie, avec les Keith Roberts, Christopher Priest et autre Ian Watson, de la génération d’auteurs britanniques des années 1970. S’il fit incontestablement partie du milieu SF de l’époque, il en resta toujours à la marge, plus proche de la tradition, tant littéraire que science-fictive. Le roman catastrophe, et plus spécifiquement post-apocalyptique, que Cowper aborde ici a toujours été au cœur de la SF britannique, de H. G. Wells à J. G. Ballard, et lui-même y reviendra pour son grand œuvre, « L’Oiseau blanc de la fraternité ». Richard Cowper est le pseudonyme de John Middleton Murry, fils d’un très célèbre critique littéraire anglais du début du XXe siècle qui fut l’époux d’une des plus grandes dames des lettres anglaises, la néo-zélandaise Katherine Mansfield, mais Richard Cowper naquit d’un lit ultérieur. Nul autre auteur de SF, à ma connaissance, n’eut l’heur d’ainsi naître dans les plus hautes sphères littéraires de son pays, et donc de se voir donner une éducation tournée vers la tradition littéraire la plus élevée, tradition que l’on retrouve dans son œuvre SF sous forme de citations, des poètes notamment, émaillant ses livres, mais surtout par la qualité de son style, qui, loin de toute lourdeur et de préciosité, «  émerveille par sa prose précise, élégante et généreuse », comme l’écrit Christopher Priest dans sa postface. Et sans omettre aussi, parfois, pour prix de cette haute extraction intellectuelle, un certain conservatisme…

En 1983 (le roman date de 1974), une supernova apparaît donc dans le ciel de la Terre et engendre des catastrophes climatiques tandis que s’installe une période glaciaire. Là n’est cependant pas le pire, car les radiations ont rendu stérile l’humanité et fait advenir une génération de mutants, les Zêta. Dans sa recherche éperdue d’une solution de continuité, l’humanité en vient à les massacrer avec leur consentement, mais en vain, car la solution est ailleurs…

C’est à partir de là que l’on entre véritablement dans la spécificité de Richard Cowper, que seul Gene Wolfe approche plus ou moins. Cowper est gnostique, il croit en l’existence de l’âme. C’est là qu’il ira puiser le remède aux maux qui accablent l’humanité – maux qui, dès lors, apparaissent d’essence biblique, l’expression d’une volonté divine quand bien même ne s’agirait-il pas d’un châtiment. De fait, on peut se poser la question de l’appartenance du Crépuscule de Briaréus à la SF en tant que conjecture rationnelle. Disons que, dans l’optique du croyant, l’action de Dieu est tout aussi réelle et opérative que… la loi d’Ohm. Il y a (p. 215) une très intéressante réflexion à propos de Judas, le réhabilitant comme le seul apôtre ayant compris que le sacrifice de Jésus était la condition de l’accomplissement de son dessein messianique. C’est l’une des clefs du roman où Calvin Johnson finira par acquérir le statut d’une telle figure. Le flux d’énergie de la supernova Briaréus Delta s’avérant alors le vecteur d’entités que l’on interprétera à la fois comme anges et extraterrestres, et dont les Zêta sont les agents. Sous cet angle, Cowper donne ici l’un des plus étranges récits d’invasion qui soit et évoque le Philip K. Dick tardif, Les Enfants d’Icare de Arthur C. Clarke ou Le Vaisseau des Voyageurs de Robert Charles Wilson. Mais là où la SF a donné des interprétations matérialistes du divin, Richard Cowper offre une vision gnostique de l’extraterrestre…

Le livre est complété par deux articles de Christopher Priest, le premier est biographique et présente Richard Cowper, le second narre la rencontre des deux auteurs en 1972. Une interview réalisée par David Wingrove vient compléter ce nécessaire portrait d’un auteur qui n’avait plus été publié en France depuis 1987 (dans Fiction).

Même pour qui, comme moi, ne partage en rien le gnosticisme de Richard Cowper, Le Crépuscule de Briaréus est un roman magnifique, l’un des plus beaux qui nous soient donnés à lire… À découvrir ou à redécouvrir sans plus attendre.

L’Athée du Grenier

Samuel R. Delany qui appartenait à la Nouvelle Vague américaine, fut publié en France entre 1971 et 1984, puis disparut. Son énorme roman, Dhalgren (1975) ne trouva sous nos latitudes personne pour se risquer à le publier, ni Robert Louit, ni Gérard Klein, ni les éditions OPTA qui, tous, l’avait accueilli auparavant. Delany est un excellent styliste, ses livres sont complexes, voire carrément difficiles pour les plus récents. Delany est de « gauche » mais n’a rien à voir avec la gauche prolétarienne ni avec ce que les écrivains soviétiques non dissidents pouvaient bien alors écrire. Sa gauche était en avance de deux générations  : bobo, politiquement correcte, féministe, pro-gay, artiste, anti-raciste, et aurait pu être végane ou écologiste. Après la publication de « La Fosse aux étoiles » chez Denoël dans la collection « Étoile Double », il n’y eut plus rien jusqu’en 2006 et la publication de Hogg, roman hors genre proche de Vice Versa, chez Laurence Viallet. En 2008, Bragelonne sortit un gros omnibus : Les Chants des étoiles, rassemblant les space opera de Delany… En somme, 36 ans depuis le dernier inédit SF.

Et voici, en 2020, L’athée du Grenier. Eh bien, la disette va durer : ce n’est ni de la science-fiction ni même de l’imaginaire. C’est de la littérature mimétique. La novella est constitué d’une partie d’un journal apocryphe du génial philosophe et mathématicien allemand du XVIIe siècle, Wilhelm Gottfried Leibnitz, qui inventa la première machine à calculer et le calcul binaire. Ce journal raconte le séjour que Leibnitz fit pour affaires en Amsterdam en 1676 et le court voyage qu’il fit à La Haye durant ce temps pour rendre visite au philosophe juif Baruch Spinoza.

Les cinq premiers chapitres font état de son arrivée à Amsterdam et des préparatifs de son voyage à La Haye. Le chapitre 6 constitue le morceau de bravoure, racontant la rencontre avec Spinoza. Les derniers chapitres sont consacrés à son retour à Amsterdam et aux réflexions que lui ont inspirées la rencontre.

Contrairement aux assertions en quatrième de couverture, nulle tension ni suspense dans ce texte et la rencontre, si elle est discrète, n’est nullement secrète car il semble qu’en ces temps Spinoza n’ait guère été en odeur de sainteté et ses écrits pour le moins sujet à controverses, voire sulfureux. Les deux hommes évoquent leur monde et le « Rampjaar », cette année 1672 calamiteuse pour les Provinces Unies en guerre qui virent des cas de cannibalisme dans les campagnes ainsi que des questions plus triviales de la vie quotidienne.

Sur le chemin du retour, Leibnitz poursuit sa réflexion sur les selles, les latrines, le lavage des sous-vêtements, la domesticité et l’homosexualité, tout cela lié dans l’intimité. La question du lavage des dessous peut nous sembler pour le moins étrange mais au XVIIe siècle, ceux qui en portaient les faisaient laver par autrui, engendrant un rapport social des plus intimes qui mérite que l’on s’y interroge.

Dans ce journal apocryphe, Delany pastiche Leibnitz sans que je sache dire à quel point il y parvient. L’écriture recourt à des formes et tournures archaïques qui n’en rendent pas la lecture aisée. Écriture d’époque que Delany connait, mais jusqu’à quel point celle W. G. Leibnitz ? Il faudrait un expert du philosophe, ce que je ne suis nullement, pour le dire. De même, dans quelle mesure les questions évoquées ici auraient pu être celle de Leibnitz et Spinoza ou sont-elles celles de Delany, prêtées à ces personnages afin de leur conférer un relief particulier ?

L’article « Racisme & Science-Fiction » nous apprend que la science-fiction est un milieu raciste et accessoirement sexiste, où il y a bien trop de blancs et de mâles ; qu’il faudrait que ça change jusqu’à ce que les Afro-américains y représentent un taux d’environ 20% qui verra le déclenchement d’un conflit communautariste, celui-ci aboutissant à ce que les Afro-américains en viennent à avoir leurs propres congrès et conventions SF. Depuis la publication de l’article en 1998 aux USA, la SF a connu l’affaire des Sad Puppies (2013/2016), un groupe plutôt conservateur et non politiquement correct, en général décrit comme d’extrême droite, de suprémacistes blancs, militaristes et sexistes, qui firent campagne pour des listes de textes plus à leur goût. Delany insiste bien dans son article sur le fait que le racisme n’est pas ce que les Blancs veulent croire : ce ne sont pas que des violences, du mépris, des insultes, de la discrimination (ça l’est aussi). C’est que même les blancs qui prétendent ne pas vouloir être raciste le sont. Ainsi, placer à une table de dédicaces, Delany et Octavia Butler (écrivaine également noire), c’est du racisme, même si l’organisateur pensait bien faire. Si un blanc est amené à prendre toute décision administrative, organisationnelle, managériale ou autre concernant des personnes de couleur, il ne peut être que raciste. De même, si un blanc vote pour attribuer un prix à une œuvre de qualité d’un auteur afro-américain afin de donner de la visibilité au fait que la couleur de la peau n’est nullement un obstacle à la qualité, c’est encore du racisme…

Quant à l’interview, elle présente peu d’intérêt.

La novella ne concerne pas notre club ni les lecteurs de l’imaginaire. Elle présentera de l’intérêt à qui se passionne pour le XVIIe siècle, sa littérature, à sa pensée et à ses penseurs.

Gnomon

Gnomon : « qui est dans la connaissance ». Le titre dit l’ambition de l’auteur : accomplir une œuvre totale. Et il y a de ça dans ce pavé découpé en deux tomes qui pèsent au total près de mille pages, brassant et accumulant les thèmes sans jamais perdre de vue, malgré des digressions multiples, sa proposition initiale. Car Gnomon est d’abord un roman policier, un bon polar cyberpunk qui sort à jets savamment orchestrés d’une plume que se disputent Agatha Christie, Georges Orwell et Jean Baudrillard : un « Masque » pour amateurs de cadavres exquis et d’énigmes technophiles qui ne livrent leur vérité qu’à l’ultime rebondissement d’une enquête allant, entre duplicités et faux-semblants, rêve et réalité truquée, train d’enfer dans un Londres futuriste voué au bien commun, à la sécurité, à la transparence.

C’est que le paysage sociétal de la perfide Albion a bien changé. Exit la monarchie constitutionnelle parlementaire. À la place, le Système, sorte de logiciel de gouvernance, a remis le citoyen au centre de la vie politique et institutionnelle en l’incitant (comprendre : en l’obligeant) à consacrer un certain temps de cerveau disponible à voter sur tous les sujets, majeurs ou insignifiants, qui permettent le fonctionnement normal de la nation ainsi que de faire prospérer une certaine idée de liberté et de la justice.

Tout cela sous la surveillance constante du Témoin. Émanation du Big Brother d’Orwell, le Témoin est cette interface omnisciente qui utilise la totalité des ressources en caméras, objets connectés et données numériques de Grande-Bretagne pour épier la population, punir ou (mieux) prévenir les crimes, et souvent même coacher les individus à leur demande. Sous sa couverture de polar, Gnomon est aussi un grand roman d’espionnage à la John Le Carré, où l’espion est la société elle-même.

Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Pourtant, quelques citoyens suspects ne s’épanouissent guère dans cet idéal de démocratie directe pilotée par les algorithmes, et se font un malin plaisir à dissimuler leurs activités subversives aux yeux – pourtant kaléidoscopiques – des autorités. Reste que le Témoin, pour adoucir les mœurs et normaliser les comportements, dispose d’une méthode d’interrogatoire sous forme de lecture mentale, d’où les indociles ressortent légèrement reprogrammés, plus doux que des agneaux. Enfin, quand l’animal humain se révèle vraiment trop sauvage ou trop étrange, « les inspecteurs sont là, médiateurs-procurateurs de l’État de surveillance ».

Mais voilà qu’advient l’improbable : la dissidente Diana Hunter, auteur de livres devenus introuvables et objet de culte auprès d’une petite communauté d’érudits et de libres penseurs, meurt au cours d’une séance de lecture mentale. L’inspectrice d’investigation Mielikki Neith, secondée par le Témoin lui-même (dans le rôle d’un Dr Watson électronique), se voit priée par le Système de découvrir au plus vite la cause de cette défaillance, d’identifier les vices de procédure, voire d’en désigner les responsables éventuels, et surtout d’expliquer comment Hunter, avant de se débrancher, a pu faire échec à la question du Témoin. Celui-ci est censé être parfait ; s’il n’est plus infaillible ou même compromis, alors tout l’édifice menace de s’effondrer…

En s’injectant dans le cerveau la mémoire de la victime, afin de revivre la séance d’interrogatoire fatale, Mielikki ne soupçonne pas un instant que son enquête, et peut-être même son existence, viennent de lui échapper. Car au lieu de lire les souvenirs de l’écrivaine, c’est à ceux d’un requin grec de la finance qu’elle se trouve confrontée, avant de devoir revivre tour à tour l’histoire d’une alchimiste éplorée du bas-empire romain, d’un peintre éthiopien réfugié à Londres, et d’un être aussi mystérieux que tout-puissant, toutes personnalités présentant de troublantes similitudes mais derrière lesquelles la véritable Diana Hunter reste insaisissable. Au fil d’une traque labyrinthique, conduite comme une descente aux Enfers et scandée par les appels de plus en plus pressants de ces vies imaginaires qui se répondent comme des miroirs, l’inspectrice va progressivement perdre ses dernières illusions et se rapprocher d’un noyau d’indicible.

Gnomon est un roman hénaurme, un voyage dans l’imaginaire nourri par une vaste érudition, qui menace souvent de s’effondrer sous le poids de ses références littéraires et cinématographiques, mais parvient de justesse à les incorporer pour maintenir un certain équilibre. Au-delà des Foucault, Jung, Dick, Gibson, on confesse avoir beaucoup pensé à certains livres de Dantec, dont Gnomon partage les boursouflures et un certain verbiage, mais aussi cette façon radicale de sublimer les genres : de la science-fiction à la science de la fiction, le verbe de l’apocatastase – c’est-à-dire du recommencement – rejoint le mot de la fin dans une malicieuse parabole où est réaffirmé le pouvoir de la littérature.

La fille feu follet

On ouvre parfois de petits livres, qui se referment sur l’impression, simple, évidente, d’avoir lu une œuvre testamentaire au sens où peut s’entendre tout récit écrit par un auteur au crépuscule de sa carrière et de sa vie. La Fille feu follet est de ceux-là, même s’il n’est pas le dernier ouvrage d’Ursula Le Guin (ce qui ne compte guère si l’on admet que l’essentiel de son œuvre, à l’époque de la rédaction, était derrière elle). Cette impression trouve peut-être son origine dans les deux derniers paragraphes du livre, la conclusion d’une histoire modeste où la destinée d’un personnage recroise, de manière métaphorique, celle de l’auteur qui en a fini avec un travail, avec l’écriture tout court. Les catalogues des éditeurs sont remplis de sagas qui n’en finissent pas ; rares sont les écrivains qui savent nourrir la modestie jusqu’à atteindre l’universel en à peine cinquante pages.

Capturée à la suite d’un raid, deux fillettes devenues esclaves, Modh et Mal, découvrent l’univers de la Cité avec ses règles et ses croyances, la division tripartite entre Couronne, peuple-Poussière et Racines, inspirée des travaux de Georges Dumézil sur les sociétés indo-européennes. La Couronne possède la terre et fournit à la Cité ses chefs et ses prêtres. Elle prospère grâce au travail des Racines, des marchands, artisans ou fonctionnaires. La Couronne et les Racines règnent sur la masse esclavagée du Peuple-poussière. Ce système fondamentalement injuste repose toutefois sur une loi qui interdit de se marier au sein de sa propre classe. Un homme de la Couronne ne peut épouser qu’une femme du peuple-Poussière, mais il lui faut céder une partie de sa fortune pour la racheter à son propriétaire. Si la fille est belle, l’union coûtera d’autant plus cher. D’où ces incursions fréquentes en terres nomades, où les filles sont jolies et gratuites – rapts vécus par les jeunes nobles à la fois comme une épreuve initiatique et un investissement. Une fois nubiles et rééduquées, elles pourront rapporter gros. Ainsi se font et défont les alliances dans la Cité, et les femmes-Poussière, à leur insu, sont les pièces majeures de l’échiquier des puissants.

Bela Ten Belen appartient à une vieille famille de la Couronne. Modh devient sa femme. L’un est comme le fils d’un dieu, il veut restaurer le lustre familial amoindri par un mariage ruineux. L’autre, fille de personne, esclave, convertie aux règles de la Cité par la force, favorite du harem puis épouse fidèle, obéissante au destin consenti mais jamais servile. L’amour qu’elle éprouve pour son mari n’a d’égal que celui qu’elle voue à Mal, sa fragile petite sœur, convoitée par d’autres familles. Mais peut-on partager un sentiment sans partage ? Le texte dit l’absolu de ce sentiment dont on ne peut sortir que par le haut, par la mort ou le renoncement. Car au-dessus de l’absolue fidélité, de l’absolue loyauté que les amants ont l’un pour l’autre, il y a la fidélité au rang. Les liens du mariage n’abolissent pas l’appartenance de classe. Chacun sa place. Pour celui qui s’en écarte, il n’y a d’autre choix que la trahison ou l’abandon.

Le récit est complété de brefs essais, de poèmes et d’une interview (un brin décalée) de l’autrice par Terry Bisson, d’un intérêt inégal. Si le premier essai (« Lire sans s’endormir », sur la lecture et l’évolution du monde de l’édition) se lit sans déplaisir, le reste m’a paru très dispensable. Et puis aussi, quel lien avec la nouvelle ? Les titres de cette jeune collection « Rechute » gagneraient peut-être à se doter d’un paratexte. Quoiqu’il en soit, la seule nouvelle-titre procure un plaisir de lecture indéniable.

Léonid doit mourir

Né des œuvres d’un père criminel, exécuté dans les caves de la Loubianka, et d’une mère morte en couches, Léonid débute dans la vie sous des auspices funestes. Interné parmi les enfants attardés, oublié de tous en dépit de ses cris de soiffard, il a heureusement de la ressource à revendre, de l’intelligence à dispenser et une énergie vitale surnaturelle acquise aux tréfonds de la matrice de sa génitrice alors qu’il n’était qu’un embryon accroché à la paroi utérine. Il a aussi la haine pour cette comédie humaine dont il perçoit les effusions pathétiques par le truchement de sa mère. Bref, Léonid est un phénomène.

À sa manière, Angelina Lébédiéva est aussi un phénomène. L’ancienne femme de guerre, ex-sniper de l’Armée rouge et héroïne de la Grande Guerre patriotique jouit d’une santé de fer dans le corps décati d’une octogénaire. Tout le contraire des hommes auxquels elle s’attache et dont elle pressent la mort prématurée avant qu’elle ne survienne. Refusant les outrages de la vieillesse, elle n’aspire qu’à un élixir de jouvence afin de retrouver la peau de pèche de sa jeunesse.

Un peu passé sous les radars de la critique de genre, Dmitri Lipskerov est l’auteur de trois romans parus en France. D’abord publié aux éditions du Revif, les droits de son œuvre ont été cédés ensuite à Agullo pour sa collection « Fiction », lui conférant une plus grande audience. Écrivain remarqué de la Russie contemporaine, le bonhomme n’hésite pas en effet à flirter avec le fantastique comme le firent en leur temps Gogol et Boulgakov. Léonid doit mourir relève de cette tradition, permettant à Lipskerov de brosser un tableau caustique de sa terre natale. Entre URSS et Russie post-soviétique, il ausculte ainsi d’un œil goguenard, voire sarcastique, ses contemporains et la société russe. Un pays en proie aux spectres du KGB, à la pénurie, la pauvreté, la débrouille, la corruption et l’absurdité de l’existence. Rien de neuf sous le soleil de l’Est. Entre quête métaphysique et érotique, l’auteur dresse une série de portraits saisissants de drôlerie, ricanant de la médiocrité des rêves de grandeur des uns comme des autres. En dépit de la désillusion imprégnant les vies de Léonid et Angelina, Dmitri Lipskerov ne peut s’empêcher de montrer un peu de tendresse pour ces existences incomplètes, ployant sous le joug du destin, de l’Histoire et de la fatalité, laissant percer quelques fulgurances d’une cruelle lucidité.

Léonid doit mourir est donc une fable truculente, un récit picaresque dont la beauté baroque et la drôlerie tragique nous submergent sans coup férir. Assurément, voici une œuvre à découvrir.

Émissaire des morts

Andrea Cort se considère comme un monstre. Objet de fascination et de répulsion aux yeux de sa propre espèce, depuis sa plus sanglante enfance, elle l’est aussi pour les interlocuteurs extraterrestres avec lesquels l’Homsap est amenée à entrer en contact. Liée par un contrat ressemblant davantage à une forme de servitude à vie, elle sert les intérêts du Corps diplomatique, accomplissant la mission délicate d’aplanir les angles avec les autres êtres sentients lorsqu’un humain se rend coupable de crime. Le plus souvent, on lui demande de déterminer ses mobiles ou de trouver son auteur en procédant à une enquête indépendante. Autant dire un travail délicat, où la vérité est souvent suspendue à la compréhension des mœurs étrangères et aux ressorts plus tortueux de la politique. La Confédération humaine doit en effet maintenir l’illusion de l’unité si elle veut continuer à peser dans le concert des nations extraterrestres, du moins sans avoir recours à l’argument hasardeux de la guerre. Elle doit prouver qu’elle est capable de régler sans compromission les problèmes causés par ses ressortissants, en dépit d’une histoire humaine troublée et d’un contexte présent non exempt de chicaneries et de cruauté. Bref, Andrea est un outil, utile mais évidemment sacrifiable, dont l’efficience n’a jusqu’à présent jamais fait défaut, y compris dans les cas les plus épineux.

Émissaires des morts se compose de quatre novellas et du roman donnant son titre à ce fort volume de plus de sept cents pages. Comme le précise Gilles Dumay en avant-propos, le sommaire résulte plus d’un choix éditorial que d’un calcul commercial. Il s’agit en effet de restituer l’évolution psychologique d’Andrea Cort, dont la personnalité constitue l’un des points forts du récit. La représentante du Procureur général du Corps diplomatique se dévoile en effet progressivement au fil d’enquêtes imaginées par Adam-Troy Castro avec plus ou moins de bonheur. Si l’on peut juger anecdotiques« Les Lâches n’ont pas de secret » ou« Une défense infaillible », « Avec du sang sur les mains » et « Démons invisibles » se révèlent très stimulants du point de vue de l’intrigue et de l’exo-psychologie. Mention spéciale sur ce dernier point au second texte, où l’auteur déjoue avec brio un problème apparemment insoluble d’incommunicabilité. En dépit de son aspect classique, tant du point de vue policier que du point de vue science-fictif, Émissaires des morts ne manque cependant pas de fraîcheur, apportant un petit coup de jeune à des motifs old school que n’auraient pas désavoué des auteurs de l’âge d’or américain comme Poul Anderson. Dans un univers dominé par la libre entreprise, la loi du plus fort et la concurrence acharnée, y compris avec les extraterrestres, l’ironie empreinte d’amertume d’Andrea fait écho au traumatisme qu’elle a vécu, ne faisant finalement pas d’elle l’être le plus monstrueux du lot. Bien au contraire, son point de vue apparaît comme un coup de pied mental salutaire, où la science-fiction semble être un outil pour mieux interroger le présent. En cela, Émissaires des morts peut être lu comme un roman noir où l’enquête se mue progressivement en quête plus personnelle, la collecte des faits cédant la place à l’introspection. Une enquête qui ne néglige pas l’aspect science-fictif, proposant quelques belles figures d’altérité radicale, notamment avec les Catarkhiens et les Brachiens, mais aussi, sous couvert des poncifs habituels du space opera, quelques passionnantes réflexions, peut-être un tantinet sur-explicatives, notamment sur le libre-arbitre et la perception de la réalité.

Entre enquête et quête intime, roman noir et science-fiction, Émissaires des morts déploie une palette d’arguments en mesure de séduire l’amateur de science-fiction, mais aussi le lecteur attiré par un questionnement flirtant avec la philosophie et la politique. De quoi réjouir les tenants d’une science-fiction divertissante axée sur les images autant que les idées.

Le Crépuscule de la Hanse

Notre patience est enfin récompensée avec la parution décalée, pour cause de pandémie, du dernier volet du cycle de la « Hanse galactique ». Depuis la sortie du Prince-Marchand en 2016, David Falkayn, Adzel et Chee Lan ont vécu bien des aventures au service de leur mentor gargantuesque, le prince-marchand Nicholas van Rjin. Hélas, l’atmosphère n’est plus au franc optimisme et l’avant-propos du traducteur et maître d’œuvre Jean-Daniel Brèque n’est pas superflu pour replacer les divers éléments de ce contexte funeste. Les événements semblent en effet se précipiter autour de la planète Mirkheim, entrevue dans la nouvelle « L’Étoile-guide », et point focal de toutes les attentions belliqueuses de ce coin de la galaxie. De façon inattendue, le danger prend la forme des Baburites, une race de sophontes hydropneumates (respirant de l’hydrogène). En principe guère intéressés par des mondes incompatibles avec leur biologie, ils bénéficient pourtant de l’aide d’oxypneumates (créatures respirant de l’oxygène) dans leur volonté d’expansion hégémonique. De quoi secouer la fausse quiétude du Commonwealth et mettre davantage à jour les tensions animant la Ligue polesotechnique. De quoi aussi faire sortir de sa retraite le directeur de la Compagnie solaire des épices et liqueurs et son trio de mousquetaires. Mais les héros sont désormais fatigués, ou du moins pas très loin de se ranger des familles. Falkayn a épousé la petite-fille de van Rijn et n’aspire plus qu’à une vie tranquille avec femme et enfants. Quant au maître-marchand, il vocifère toujours autant, entre deux plats d’anguilles, pendant que Chee Lan et Adzel vaquent chacun de leur côté à leurs projets personnels. Entre coups fourrés et regard désabusé sur l’histoire telle qu’elle va mal, ils vont rempiler pour une ultime mission, soldant leurs comptes définitivement, ou du moins pour un temps, avec les fossoyeurs de leur rêve de liberté.

On peut appréhender une œuvre au regard de ses différentes parties ou selon le tableau d’ensemble qu’elle compose. Dans la première acception, le cycle de la « Hanse galactique » forme une série divertissante où prévaut un sense of wonder indéniable. Poul Anderson propose ainsi une suite de nouvelles et de romans animés par des archétypes bigger than life, dont la faconde exubérante et la droiture ne sont jamais prises en défaut, même au plus fort des tractations roublardes d’Old Nick. Mais, à la lecture de l’ensemble, le cycle prend une toute autre dimension, celle de la tragédie dont la postface inédite de Poul Anderson dévoile la genèse et les soubassements politiques. Si l’auteur n’apprécie guère l’État, du moins sa tendance à la bureaucratie, avide de réglementations contraignantes ou sensible à la corruption, il n’aime pas davantage le capitalisme dans sa version monopolistique qui voit la libre-entreprise succomber sous le coup des ententes illicites. Bref, il prêche pour la liberté et la concurrence non faussée, seules vertus aptes à ses yeux à préserver la paix et le progrès. En cela, il reste donc très américain. Le cycle de la « Hanse galactique » peut cependant être lu aussi comme une tentative pour extraire une morale de l’Histoire, certes un tantinet inspirée par la Guerre froide. Élaborée à l’aune des réflexions de John K. Hord et d’Arnold Toynbee sur l’essor et la chute des civilisations, l’œuvre de l’auteur américain apparaît comme une mise en récit de son amour pour les idées, donnant matière à réfléchir à ses lecteurs.

Avec Le Crépuscule de la Hanse, Poul Anderson semble vouloir tourner la page, dans tous les sens du terme, donnant l’impression de clore un cycle, du moins provisoirement, avant de voguer vers d’autres aventures. Et si le tombé du rideau n’étaient finalement que le prélude d’un nouvel âge, plus ouvert à la liberté ? Tant que l’entropie prête vie à l’intelligence et à la camaraderie, on peut y croire.

Aucune terre n’est promise

Lior Tirosh écrit de la fantasy pour trouver refuge dans un ailleurs moins dur ou du moins loin de la souffrance d’une existence tragique. Un père tyrannique, un frère mort en héros et une mère décédée du cancer après avoir divorcé, il a finalement cédé à l’exil, poussé dehors, à l’extérieur, loin de la Palestine voulue par les pères fondateurs en Afrique. Mais, si l’imagination n’est qu’une illusion et l’évasion qu’un pis-aller fragile face au caractère concret et désenchanté du monde, quelle réalité Lior cherche-t-il à fuir exactement ? Il semble en effet doté d’une faculté singulière et inexplicable, suscitant la convoitise de puissances occultes dont les desseins ne semblent guère animés des meilleures intentions. Un phénomène affectant jusqu’à sa mémoire et ne paraissant pas sans conséquence sur le(s) cheminement(s) historique(s).

Fondé sur un épisode méconnu de l’histoire du sionisme, plus précisément le projet avorté d’implantation d’un État juif sous autorité britannique, entre Kenya et Ouganda, Aucune terre n’est promise nous emmène dans une ligne historique alternative, adoptant le pas de côté cher à l’uchronie et à la science-fiction. Un décalage salutaire, voire un dépaysement salvateur, permettant de reconsidérer notre propre monde et notre histoire avec un autre regard. Un point de vue différent, libéré des rhétoriques partisanes, permettant de prendre la mesure de la duplicité d’une humanité prompte à s’aveugler pour ménager un illusoire confort intellectuel. Mais, peut-être les choses sont-elles un tantinet plus compliquées. Lavie Tidhar s’y entend bien à brouiller les pistes ou flouter les contours d’une réalité consensuelle pour le moins fluctuante, jouant des références à la Kabbale et à la physique quantique pour déployer un faisceau d’univers multiples. L’auteur interroge ainsi sa propre judéité, mettant sur la sellette la fondation d’Israël, cette nation de parias issus de la diaspora qui progressivement a épousé les méthodes de ses oppresseurs, incarnant non plus un idéal mais un coup de force permanent. Qu’importe les intentions ou la pureté du projet initial semble dire l’auteur, le seul invariant commun aux multiples itérations des possibles reste l’injustice, prélude aux désastres présents et à venir. En cela, Aucune terre n’est promise se révèle politique, dans la meilleure acception du terme. Mais le réduire strictement à cet aspect serait négliger les qualités d’un roman subtil et nuancé, traversé par des fulgurances magnifiques et un sentiment d’échec tragique. Un gâchis frappé au coin de la fatalité.

Avec Aucune terre n’est promise, Lavie Tidhar ne prône pas la haine de soi. Bien au contraire, il dresse un constat d’une douloureuse lucidité, à l’adresse de ceux ne parvenant pas à se résoudre à l’inacceptable, mais restant conscient du peu de poids de leur existence face au mouvement inexorable de l’Histoire, telle que les hommes l’écrivent. Bref, un roman indispensable.

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