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J.G. Ballard, hautes altitudes

Sous la direction de Jérôme Schmidt et de la plasticienne Emilie Notéris, cet ouvrage publié aux éditions è®e se présente comme une compilation d’articles consacrés à J. G. Ballard (signés Bruce Bégout, Jacques Barbéri, David Pringle, Rick McGrath, Rick Poynor et Luc Sante), ponctués d’entretiens (avec Ballard bien sûr, mais aussi David Cronenberg, Bruce Sterling et Norman Spinrad), illustrés par les dessins et photographies d’artistes, et suivis par une bibliographie commentée. S’il y est évidemment question de science-fiction, comme le suggèrent les interviews de Norman Spinrad et de Bruce Sterling, Hautes altitudes s’adresse sans doute moins au simple amateur du genre qu’aux lecteurs confirmés du visionnaire de Shepperton.

Signalons tout particulièrement deux textes. Interprétant des extraits d’entretiens, des allusions au « Projet pour un Nouveau Roman » (une fiction expérimentale) dans La Foire aux atrocités et de multiples occurrences du thème de la crucifixion et de la résurrection/réincarnation dans l’œuvre de Ballard, David Pringle, l’un des fondateurs historiques de la revue anglaise Interzone, essaie de retracer une généalogie possible de son premier roman inédit, Toi, Moi et le Continuum, mentionné dans une notule parue dans New Worlds en 1956… Pour Pringle — et Ballard semble le confirmer dans une lettre —, ce roman inachevé aurait été un récit christique expérimental, dont certains éléments furent réinjectés dans La Foire aux atrocités. Enfin dans « Suburbia », Bruce Bégout, fin observateur de la périurbanisation du monde, analyse d’abord l’émergence des « sous-villes », c’est-à-dire de ces banlieues décentrées, qui ne sont plus « une simple extension périphérique de la ville », mais « une nouvelle manière de penser et de constituer l’espace urbain », puis tente de la définir par un surprenant poème phénoménologique, avant de conclure en beauté avec les visions ballardiennes de cette nouvelle forme d’occupation de l’espace.

La Vie et rien d'autre

James Graham Ballard semble avoir vécu plusieurs vies si on considère qu’il a côtoyé très jeune la misère, la souffrance et la mort, tout en vivant entouré de domestiques dans un environnement cossu, qu’il s’est épanoui, adolescent, dans un camp de prisonniers malgré les privations physiques et culturelles (un prisonnier lui avait dit qu’il regretterait Lunghua à la libération), qu’il assimila le monde moderne, les surréalistes et la psychanalyse, au cours d’erratiques études partagées entre la médecine et la littérature, puis collectionna les jobs précaires au gré de ses centres d’intérêt avant de devenir pilote de la RAF au Canada, rentrant au pays pour devenir trois fois père à partir de vingt-cinq ans et veuf à trente-trois. Tout cela en ayant eu le temps de devenir rédacteur en chef d’un magazine scientifique, de participer à la mouvance de New Worlds avec son ami Michael Moorcock, et d’être écrivain depuis sept ans, avec déjà Le Monde englouti, Le Vent de nulle-part et une trentaine de nouvelles, dont « Billenium ». Au regard d’autres carrières, c’est toute une vie, déjà, qui vient de défiler, avec un impressionnant cortège d’atrocités et de coups du sort.

Paradoxalement, c’est de ce parcours que Ballard tire son énergie. Ce spectateur d’un « monde sinistre et cruel » a l’intelligence analytique et la capacité de décision qui caractérisent les gens plongés dans la tourmente, mais, dans son cas, associées à une éducation classique étayant cette vivacité d’esprit. Il est symptomatique que cet homme pressé qui aspirait à une vie conjugale paisible commence à publier au moment de son mariage (« La vie de famille a toujours été importante à mes yeux »). On imagine mal l’auteur de « Pourquoi je veux baiser Ronald Reagan » connaître le bonheur en devenant ce père attentif repassant le linge entre deux chapitres de Crash !. On est surpris d’apprendre que, crucifié par la mort injuste de sa femme, il trouve précisément dans l’éducation de ses enfants la force d’écrire, affirmant même que ce sont eux qui l’ont élevé. En fait, depuis sa retraite de Shepperton, cet homme sans patrie, mais avec un foyer, observe le monde depuis la fenêtre de sa télé, analysant parcours et erreurs de la société pour en faire la matière de ses livres dérangeants, mais éclairants.

Du plus grand romancier contemporain anglais décédé début 2009, on ne connaissait que des pans de vie romancés dans Empire du soleil ou La Bonté des femmes. Voici à présent sa vraie vie, et rien d’autre, aucun chichi, aucun regret ni règlement de comptes ; Ballard se borne à dire les choses comme elles sont, de cette façon un peu clinique qu’il a toujours eue en portant un regard quasi photographique sur nos sociétés, signalant comme en passant ses erreurs de comportement ou de jugement, mais sans jamais les taire, ne s’épanchant que pour dire ses bonheurs et exprimer sa gratitude à ceux qu’il aime ou respecte. Le fait que la dernière phrase de cette autobiographie dise son admiration pour le médecin soignant son cancer de la prostate est un fulgurant témoignage de ce respect d’autrui, qu’il semble avoir appris dans « la découverte du vaste monde mystérieux du corps humain » à la faculté de Cambridge où se faisaient disséquer nombre d’anciens professeurs, mais qui était déjà le sien devant l’atroce misère des habitants de Shanghai, contre laquelle l’enfant qu’il était ne pouvait rien, ni ne comprenait que l’adulte privilégié n’y pouvait rien non plus. Traînent donc dans sa mémoire le souvenir de ce mendiant tendant une boîte de Craven A en fer blanc recouvert par un édredon de neige jusqu’à être effacé du paysage puis de la terre, et la problématique question du « gouffre séparant leur existence de la [sienne] », qu’il ne voyait pas comment combler.

Respect et modestie : d’autres que Ballard auraient ici égrené leurs succès et les hommages rendus dans le but de témoigner de leur importance ; lui ne le fait une fois de plus qu’à titre informatif, notant une anecdote non pour régaler un auditoire de bons mots, mais pour noter un trait significatif de la culture anglaise si honnie ou de la puérilité états-unienne. Aucune griserie n’altère sa capacité de jugement : si acteurs et réalisateurs se révèlent d’excellente compagnie, « le monde du cinéma est une baudruche voyante — portée par l’enthousiasme, une suffisance ridicule et tous les rêves que l’argent peut réaliser ». C’est cette modestie qui lui permet d’approcher la vérité, tout au moins de la traquer dans les recoins où elle se manifeste, avant qu’elle ne soit visible à autrui. C’est ce qui lui permet de comprendre la prochaine déroute anglaise dans d’infimes détails comme les piscines vides et les hôtels abandonnés qui ressurgiront dans son œuvre, alors que ses concitoyens s’aveuglaient encore du fait de leur passé, avant de finir au pays « littéralement enfouis dans un cocon de souvenirs de Chine ». On est frappé par cette mémoire quasi photographique qui s’affranchit de la mémoire pelliculaire pour saisir dans un fulgurant instantané des variations architecturales mineures, mais significatives. L’extraordinaire acuité de ce regard est celle du peintre, ce qui n’étonnera pas de la part d’un visiteur forcené de galeries ayant même organisé une exposition de carcasses de voitures, happening où il se fait entomologiste, les réactions des visiteurs permettant de tester son projet romanesque. Pas étonnant non plus qu’il s’étonne sans cesse de la capacité à s’illusionner de ses semblables aveuglés par le conformisme, lui dont le regard se double d’un instinct sûr, celui d’un chasseur redoutable, qui traque inlassablement les signes du changement, quitte à le débusquer avec son arme, la littérature : « devenir un écrivain voué à prédire et, si possible, à provoquer le changement. Le changement, voilà ce dont l’Angleterre avait besoin, je le sentais ; je le sens toujours. »

C’est cette aspiration qui le porta naturellement vers la science-fiction, quand bien même il se méfiait autant de ses puristes que de ses contempteurs. Ici aussi, s’il célèbre sa vitalité et sa plasticité, il note son paradoxal conformisme, notamment dans les extensions consuméristes américaines que symbolisaient des conquêtes spatiales triomphantes. La S-F sait combien elle lui est redevable de l’avoir débarrassée de ses derniers traits adolescents, notamment au sein de la revue New Worlds, en modifiant le genre en profondeur avec des coups de poing comme La Foire aux atrocités ou « La Plage ultime ».

Respect, modestie et tolérance : Ballard ne perd pas de temps en vaines querelles. Il constate plus qu’il ne juge, déplore plutôt qu’il ne condamne, espère et non revendique. Tout au plus exprime-t-il de sévères réserves envers un Kingsley Amis vieillissant, notamment pour son comportement vis-à-vis des femmes, tout en le remerciant « de sa générosité et de sa gentillesse, dont [il a] eu la chance d’être témoin avant qu’il ne devienne un casse-pieds professionnel ». A maintes reprises dans ces confessions, on le voit qui constate une situation sans prendre parti ; son désir de comprendre autrui ou d’émettre une réflexion sur un comportement l’emporte sur l’indignation ou la colère. Le regard analytique, une fois de plus…

C’est probablement ce qui a fait de Ballard le grand écrivain qu’il est devenu. Il est assez souvent question de science-fiction dans les pages de cette autobiographie, en tant que littérature, mais peu de son aventure éditoriale comme de ses rapports avec le milieu, et même de ses propres livres, à l’exception des plus emblématiques, uniquement dans la mesure où ils font partie de ses préoccupations et se mêlent à sa vie. En revanche, cette biographie étonnamment courte, si on considère la brièveté des descriptions comparée à celles des romans (mais on devine Ballard pressé par la maladie), avec son écriture dense, précise, souvent poétique, a le mérite de délivrer des clés à qui connaît déjà son œuvre. Les autres ne saisiront qu’imparfaitement ses propos, mais resteront séduits par ce retour honnête et sincère sur une vie édifiante à bien des égards.

Millénaire, mode d'emploi

Les fictions de J. G. Ballard témoignaient d’un regard extrêmement lucide porté sur le monde contemporain. Les critiques et articles réunis dans Millénaire mode d’emploi, aux excellentes éditions Tristram, non seulement témoignent de la même intelligence, de la même acuité, mais renvoient en plus l’image d’un homme parfaitement aimable, infatigable arpenteur de nos espaces intérieurs, un homme aux enthousiasmes communicatifs et à l’élégance imperturbable de gentleman, courtois jusque dans la démolition. Qu’il éreinte la faune ridicule de Star Wars (« ce qui s’annonce comme un tour de force — la parade des extraterrestres dans le saloon de la planète frontalière — semble une reprise désopilante du Muppet Show, avec ses monstres hirsutes qui grognent et roulent des yeux »), qu’il brosse le portrait d’Andy Warhol (« le Walt Disney de l’ère des amphétamines ») ou qu’il évoque ses « souvenirs de James Joyce » (Ulysse n’est « peut-être pas le plus grand roman, mais c’est certainement la plus grande œuvre de fiction du XXe siècle »), il fait preuve de la même bienveillance. Ballard, sage éminent de la pop culture ? Sans doute. Ce qui ne l’a jamais empêché de s’intéresser à l’essence de son époque, souvent à contre-courant, jusqu’à faire l’éloge de Blue Velvet, des surréalistes, de Sade, de William Burroughs, ou de se lancer dans une admirable critique, parfois ironique, mais au fond très tendre, d’un manuel pratique de sexualité, où Ballard remarque l’incroyable — mais salutaire — décalage entre ce guide suranné, « monument au mariage et à la relation sexuelle monogame, et à la notion quelque peu démodée que le plaisir d’autrui est plus important que le nôtre », et la réalité, plus avide de perversions que d’étreintes platoniques. « Il est très probable, ajoute Ballard avec flegme, que ce n’est pas la contraception qui mettra fin à l’explosion démographique, mais la sodomie. »

Généralement très courts, les textes réunis dans Millénaire mode d’emploi sont en quelque sorte les reflets apaisés, et d’une lumineuse clarté, des fictions expérimentales de La Foire aux atrocités. Si le feuilletage régulier semble l’usage le plus recommandable, une lecture prolongée nous met en contact avec quelques-unes des plus grandes icônes médiatiques du XXe siècle (Dali, Warhol, Hopper, Mae West, Winnie l’Ourson…) et les entrechoque avec l’assassinat de Kennedy, Hiroshima, Kafka, Mesmer, Freud et Einstein, pour esquisser un tableau des plus singuliers, évidemment surréaliste, à la fois étrangement familier (ce millénaire est bien le nôtre) et totalement étranger. C’est que Ballard était un visionnaire. Le modèle suburbain de Shepperton, où il vécut de nombreuses années, était le symbole du monde à venir, constitué d’échangeurs automobiles, de téléviseurs à écran plat et de pulsions.

Que notre règne arrive

Voici le dernier ouvrage de fiction publié par Ballard. Après Millenium People, qui dépeignait les révoltes sans but ni lendemain de la petite bourgeoisie, que tentaient d’éveiller des terroristes amateurs, Ballard nous entraîne dans les banlieues anglaises. Le personnage principal est un publiciste qui vient de la Marina de Chelsea, où il habite, enterrer son père assassiné en banlieue. Il se propose de retrouver le meurtrier. Rapidement, son intérêt se focalise sur le comportement des banlieusards, qui s’ennuient à mort et vivent englués dans les filets d’un immense centre commercial. Celui-ci sponsorise en soirée d’innombrables matches de tout ordre, et dont les supporters ivres se défoulent à la sortie du stade sur les étrangers. Ces étrangers tiennent des boutiques le long des voies rapides qui conduisent au Centre. Ils ne participent donc pas à l’orgie de consommation qu’entretient le Centre par la voix et l’image de l’idole qu’est devenue l’animateur David Cruise. Ils sont donc doublement étrangers car ils ne participent pas à ces nouveaux ersatz de spiritualité. Afin de se reconnaître, les supporters portent tous des chemises blanches avec une croix rouge — de Saint Georges.

Dans le cadre de son enquête, Richard Pearson se rapproche de l’animateur et devient son scénariste pour des spots publicitaires qui incitent encore plus à la violence, ont un grand succès, lui donnent un statut de chef, et entraînent, sinon justifient, de nouvelles manifestations racistes. Jusqu’au jour où, après un attentat contre l’idole, le Centre se coupe du monde extérieur, gardant des milliers de consommateurs en otage, que la police, enfin présente, délivrera longtemps après. Le roman aura imaginé comment se crée un mouvement fasciste, dont le chef n’incarne rien de précis, mais est appelé par le vide du sens social proposé. La passivité de la police, les dénégations du gouvernement, laissent penser qu’il s’agit pour eux d’un « laboratoire social » grandeur nature. C’est pourquoi ils laissent se développer jusqu’au bout cette « expérience » dont les consommateurs — consentants, à leur insu — sont les victimes. Le Centre Commercial, idolâtré, a remplacé les cathédrales : il invente un espace avec le consumérisme comme horizon spirituel.

Cette dimension religieuse ironique est même accentuée par le titre français qui détourne le « votre » règne du Notre père de façon sarcastique, en un « notre » règne, celui des idoles. Il en va de même dans le choix du nom de l’assassin malgré lui, « Christie », qui, comme le Christ, tente de ressusciter les valeurs anciennes par un acte sacrilège — abattre les ours en peluche grandeur nature —, mais abat involontairement le père de Richard.

Ballard, en situant ses personnages et son héros (?) à la fois dans la réalité sociale actuelle et dans la visée d’un léger décalage anticipatoire, nous offre un avant-goût d’un futur de S-F contre l’advenue duquel toute résistance est vaine et même contreproductive. Un ouvrage à l’ironie ravageuse.

Millenium People

James Ballard est, avant tout, un écrivain. Il a d’abord exploré le domaine habituel de la science-fiction avec ses quatre premiers romans catastrophe, dans la lignée des traditions anglaises de la S-F. Il s’est ensuite intéressé aux catastrophes psychologiques, qui obligent les personnages à changer de vie et d’opinion sur la vie qu’ils mènent, comme on le voit dans L’Île de béton ou dans I.G.H. Dans le sillage de Crash !, l’un de ses chefs-d’œuvre, il prend pour thème la violence et la jouissance qui en résulte. Millenium People est l’ironique vision d’une révolution manquée de la classe moyenne anglaise au tournant du millénaire. Dans la plupart de ses romans, le schéma est celui de l’enquête ou de la quête. Ici, nous avons deux lignes qui s’entremêlent. La première est l’enquête sur un acte de terrorisme (une bombe dans l’aéroport d’Heathrow) qui cause la mort de l’ex-femme du « psychologue industriel » David Markham. La seconde est une révolte urbaine. Cette enquête se déroule alors que les habitants de la Marina de Chelsea, un quartier petit-bourgeois de Londres, sont en révolte contre des taxes fiscales de tout ordre et les parcmètres payants dans la résidence. Dans les deux cas, acte de terrorisme ou révolte de la Marina, David se trouve en contact avec les mêmes personnages troubles. On ne sait pas exactement, jusqu’à la fin du roman, s’ils font tous partie d’un même complot, ou si leurs rencontres relèvent d’une sorte d’affinité entre déjantés. Ils sont pris dans le cadre de la révolte à laquelle ils participent, comme la critique de cinéma Kay se jetant avec sa Polo sur les policiers. Révolte et terrorisme se conjuguent, car le dieu caché et manipulateur de cette révolte est sans doute le psychiatre Gould. Il se sert de cette révolte bourgeoise comme d’un masque pour les actes terroristes qu’il exécute ou fait exécuter ailleurs (aéroport, cinémathèque, Tate Gallery, etc.). Ce pourrait être un bon roman policier, tant l’ancrage dans le paysage londonien actuel est présent. L’enquête aboutit officiellement, sans approcher la vérité. Un trait rattache ce texte à la S-F et rend ainsi au genre une dimension souvent oubliée. C’est le regard d’entomologiste porté sur la société, sur les motivations des individus et des groupes sociaux. Ils sont pris à une distance focale réglée de façon à permettre un léger décalage temporel permettant une vision ironique, comme si le présent était perçu par un archéologue du futur. Il aurait du mal à comprendre, en voyant les mouvements browniens dans la Marina, le sens de ce qui est à la fois une révolte contre ce qui est ressenti comme une injustice, et un vaste mouvement défouloir. Cette révolte sert à remplir, le temps d’une sorte de folie cathartique, le vide existentiel d’une classe bourgeoise qui dans un moment de lucidité (?) brûle tout ce pour quoi elle avait lutté. Ceci, avant de retourner, après une sorte de défi, dans son cadre et ses valeurs traditionnelles. Ironie du ton, pessimisme de la pensée. Un roman d’actualité.

[Lire aussi l'avis de Claude Ecken dans le Bifrost n°38.]

Super-Cannes

En s’intéressant aux psychés mutantes de microcosmes bourgeois dans des environnements hyperfonctionnels en vase clos, où loisirs et intimité sont aliénés par les normes sociales en vigueur, La Face cachée du soleil amorçait en 1996 un nouveau virage — auparavant annoncé par des textes plus courts comme Sauvagerie — de l’œuvre ballardienne. Quatre ans plus tard, son livre jumeau, synthèse explosive de la plupart des grands thèmes de l’auteur, enfonçait le clou, et transposait lui aussi I.G.H. dans la postmodernité, avec son horizontalité diffuse.

Cette fois, c’est Eden-Olympia, technopole située sur les hauteurs de Cannes et inspirée de la Sophia-Antipolis niçoise, qui fournit le cadre du roman. C’est dans ce vaste complexe scientifique expérimental réunissant chercheurs et habitations, et permettant une disponibilité professionnelle optimale, que l’homme nouveau, puissant de corps et d’esprit, est élaboré. Mais c’est également ici qu’un drame impensable a eu lieu : le sage professeur Greenwood, un homme sans histoires, a tué sept personnalités du complexe avant de se donner la mort. Comment, dans cette perfection de luxe, de propreté, de services et de cerveaux, a-t-il pu être atteint d’une telle folie meurtrière ?

Forcé à l’inactivité par un malheureux accident d’avion, et marié à Jane, une chercheuse nouvellement nommée à Eden-Olympia, Paul Sinclair profite de son temps libre — une anomalie à Super-Cannes — pour éclaircir l’affaire. Il découvre au fil de ses investigations la face cachée d’Eden-Olympia : privés de liberté par l’autosuffisance du parc d’activités, les résidents semblent avoir développé un nouveau type de loisirs, motivé avant tout par le besoin impérieux d’évacuer les tensions, exacerbées par l’organisation du complexe. Autrement dit, ces sommités intellectuelles ont recours à la violence — voire à la barbarie — comme palliatif, et multiplient les ratonnades, viols et autres vandalismes. La psychopathologie y agit comme une thérapie de groupe : les hommes se défoulent en bandes, avec une brutalité inouïe, et la vie d’une poignée d’individus ne vaut rien face à la pérennité de la communauté.

Ballard insiste avec une grande subtilité sur les descriptions des lieux, leur donnant vie par métaphore ou métonymie ; de cette manière il redonne au corps sa réalité charnelle, mise à mal par un environnement trop normé, trop aseptisé : les blessures abondent dans Super-Cannes, généralement bénignes, mais révélatrices de ce besoin intense d’exister par-delà les conventions sociales. Et celle de Paul Sinclair, qui l’empêche de voler, l’empêche aussi de rêver, de s’évader de la prison dorée d’Eden-Olympia, monde clos plus aliénant encore que l’Estrella de Mar de La Face cachée du soleil, plus dangereux que les I.G.H., et infiniment plus effrayant que les cataclysmes du Quatuor de fins du monde évoqué plus haut.

[Lire aussi l'avis de Jean-Pierre Lion dans le Bifrost n°24.]

La Bonté des femmes

Né en 1930, Ballard publiait à 54 ans son premier roman de littérature générale, aux allures d’autobiographie, quand bien même était-elle un brin fantasmée : Empire du soleil.

Désireux de revenir une nouvelle fois sur ses pas et conforté par le succès de sa première tentative — roman devenu best seller et porté à l’écran par Steven Spielberg —, il poursuivait quelques années plus tard dans cette veine avec ce que d’aucuns considèrent comme la suite directe du précédent : La Bonté des femmes.

Publié en 1991, traduit chez Fayard l’année suivante, le présent roman « mord » sur son prédécesseur, ne commençant pas là où s’arrêtait l’histoire du petit Jim — « petit garçon anglais, possédant une bicyclette et une imagination débordante » — à la fin du premier volet de ses « aventures », mais revenant sur ses années chinoises et, surtout, sa détention au camp de Longhua. Ce afin de couvrir l’intégralité de son existence, et non uniquement la partie postérieure à 1946. Les premiers chapitres reprennent par conséquent, ou plutôt synthétisent, ce que nous avions pu lire dans Empire du soleil. Passé le cap de cette introduction destinée à nous faire comprendre qu’il serait « toujours hanté par des événements du temps de guerre » et qu’il passerait sa vie « à essayer de mettre un peu d’ordre dans tout ça », nous retrouvons Jim, l’alter ego de Ballard, à son retour en Angleterre — « ce petit pays gris où le soleil se montrait rarement par-dessus les toits » — ; ce pays où il ne se sentira jamais tout à fait à sa place. Son épouse ne lui dira-t-elle pas, plus tard dans le roman : « Ça fait dix-huit ans que tu es en Angleterre et on dirait toujours que tu viens de descendre par erreur du mauvais train » ?!

Il se lance d’abord dans des études de médecine rapidement interrompues — « J’avais quitté Cambridge au bout de deux ans, totalement guéri du besoin de devenir médecin. » Puis il se tourne vers la RAF, avant de trouver sa voie dans le journalisme, devenant rédacteur en chef adjoint d’une revue scientifique, et le romanesque ; après avoir suivi le conseil suivant, prodigué par l’un de ses proches : « Ernst, Dali, le Facteur Cheval… voilà ton véritable programme universitaire. (…) Cramponne-toi à ton imagination, même si elle est un peu effrayante. » Il commence à se reconstruire grâce à son épouse Miriam — « De bien des façons, elle m’avait recréé. Je lui devais tout, mes enfants, la publication de mes premiers livres, mon regain de foi dans le monde » —, mais celle-ci décède lors d’un séjour en Espagne, « tombée par une des fenêtres du temps et de l’espace », le laissant seul avec ses trois enfants. Il passera tout le reste de son existence à tenter de recoller les morceaux, à chercher l’équilibre, se préparant dans le même temps à « cette Troisième Guerre mondiale qui avait déjà commencé à Nagasaki et Hiroshima et dont les premiers épisodes étaient la crise de Berlin et la guerre de Corée. » Le malaise transparaît jusque dans son activité artistique, notamment lorsqu’il organise une exposition de voitures accidentées : « elle résumait une importante partie de mes obsessions de l’époque et annonçait clairement l’accident qui faillit me coûter la vie trois mois plus tard », concède-t-il. Et pour lui, « plus rien n’a d’importance. Jackie Kennedy, le Vietnam, les vols dans la Lune — ce ne sont ni plus ni moins que des spots publicitaires à la télé. »

Ballard finira par écrire : « La guerre avait différé ma propre enfance, que j’avais redécouverte bien des années plus tard, en compagnie d’Henry, Alice et Lucy. L’ère des stratagèmes désespérés était révolue, les accidents de voiture et les hallucinogènes, les déviations sexuelles pillées comme une bibliothèque de métaphores extrémistes. Miriam et tous les morts assassinés d’une guerre mondiale avaient trouvé la paix. »

La boucle sera si on peut dire bouclée lorsque Spielberg fera de son roman, de son histoire, un film réussi et à succès : « le film avait joué pour moi un autre rôle, plus profond — en voyant sa géniale recréation de Shanghai, je m’étais senti totalement purgé ; c’était le dernier acte d’une profonde catharsis qui s’était prolongée sur plusieurs décennies. Toute la puissance du cinéma moderne s’était trouvée mobilisée pour cet exercice thérapeutique. L’énigme s’était enfin dénouée. »

La boucle sera même doublement bouclée puisque Jim se verra offrir, grâce à un séjour aux Etats-Unis lié à la promotion du film, des retrouvailles avec Olga, sa nurse russe, qui, à soixante-cinq ans, et contre toute attente, s’offrira à lui…

La Bonté des femmes, qui raconte la vie d’un homme à travers le prisme de toutes celles qui ont compté pour lui, et à travers elle la vie de l’auteur à peine déguisée, demeure le roman de Ballard le plus sensuel, chaleureux et attachant — tout en étant aussi un des plus méconnus —, nous offrant au bout du compte toutes les clés d’une œuvre cryptée et néanmoins accessible. Pour une fois, Ballard a fendu l’armure, laissé tomber le masque, il n’en paraît que plus humain.

Sauvagerie

Sauvagerie s’inscrit encore dans ce vaste projet d’exploration littéraire de ce que l’auteur avait appelé dans un article de New Worlds en 1962 (à lire dans Millénaire mode d’emploi) les « espaces intérieurs ». Ici, c’est la télésurveillance et le retranchement de familles aisées dans des résidences paradisiaques surprotégées qui fournissent le cadre d’une intrigue sans suspense — l’on identifie rapidement les coupables —, mais d’une remarquable densité. En cent vingt pages, J. G. Ballard nous introduit dans un enfer hyperfonctionnel où rien ne distingue une image de sitcom d’une image de charnier.

Pangbourne Village est un enclos résidentiel du Berkshire, non loin de Londres. Dix familles de riches propriétaires, symboles de la réussite capitaliste, vivaient dans cette édénique enceinte de seize hectares, surprotégée, clôturée, munie d’alarmes électriques, aux allées privées surveillées vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des patrouilles et des caméras vidéo. On y nageait dans un tel bonheur qu’une équipe de la BBC s’apprêtait à y tourner un édifiant documentaire. Alors, comment expliquer l’assassinat des trente-deux adultes, et la soudaine disparition de douze enfants et adolescents ?... C’est ce que cherche à comprendre Richard Greville, consultant psychiatre mandé par le Home Office, auteur du journal médico-légal que nous lisons. Toutes les hypothèses sont examinées, mais aucune n’est jugée réaliste. Deux mois après les événements, la police ignore encore tout de l’identité des coupables, et n’a trouvé aucune trace des enfants kidnappés. Le docteur Greville, chargé du dossier, est d’abord incrédule lui aussi, mais à mesure qu’il s’imprègne de l’atmosphère doucement concentrationnaire de la résidence, il finit par reconstituer les faits, et par entrevoir une vérité extrêmement dérangeante… Greville insiste très tôt dans son journal sur le caractère aseptisé de la résidence, et dessine peu à peu l’image d’une vie parfaitement saine, raisonnable et bienveillante — à laquelle fait d’ailleurs écho le style clinique du texte —, débarrassée de toutes les impuretés et zones d’ombres du monde extérieur. L’endroit va cependant finir par révéler son envers. Et pour commencer, on y reste entre soi, sans pour autant se fréquenter. En rétrécissant leur univers, les habitants de Pangbourne ont effacé de leur conscience tout élément indésirable… Ainsi n’ont-ils rien vu de ce qui se tramait dans leurs propres résidences.

Aux riches heures du thatchérisme, quelques années avant American Psycho de Bret Easton Ellis — et avant le massacre de Columbine —, J. G. Ballard laissait déjà entendre dans ce stupéfiant roman, inspiré des meurtres de Michael Ryan à Hungerford, que dans les paradis sains, civilisés, fermés sur eux-mêmes et étanches au bruissement du monde, dans ces microcosmes hyperréels auxquels aspire l’homme post-moderne, la sauvagerie s’impose comme la dernière forme de subversion, la dernière liberté à sa disposition. Glaçant.

Empire du Soleil

En 1985, j’allai chez Denoël pour signer les exemplaires destinés aux journalistes de mon recueil (assez ballardien) Sept femmes de mes autres vies. En partant, j’eus la bonne surprise de recevoir des mains d’Elisabeth Gille, directrice littéraire, le roman autobiographique de James Bal-lard, Empire du soleil, qu’elle venait de traduire. Je jurai à Elisabeth de faire quelque chose dans la page « livres » des Dernières Nouvelles d’Alsace. J’étais depuis longtemps un passionné de J. G. Ballard. Enfin, je pouvais lire le livre qui avait marqué un tel tournant dans cette œuvre majeure, un livre dont il avait été dit qu’il était le meilleur roman anglais sur la seconde guerre mondiale (John Sutherland). On peut toujours sourire de telles affirmations, mais celle-ci était à peine exagérée. Je n’en veux pour preuve que la considération de Graham Greene pour le livre.

Deux décennies plus tard, la même admiration m’a accompagné dans ma relecture d’Empire du Soleil, le récit des années d’internement du jeune Jim et de ses tribulations à Shanghai et dans le camp de Longhua, de 1942 à 1945. J’ai replongé dans le monde clos de Jim B. avec la même fascination, la même « stupéfaction »… Celui qui avait été pour moi le nec plus ultra de la fiction spéculative, l’explorateur de l’univers intérieur, se révélait également comme un des écrivains les plus considérables de la littérature britannique contemporaine. Ecrit à la troisième personne, le livre de Ballard n’en est que plus frappant encore : « Jim s’était mis à rêver de guerres. La nuit, c’était toujours les mêmes films muets qu’il croyait voir voltiger sur le mur de sa chambre dans la maison d’Amherst Avenue… »

D’errance en mésaventure, Jim va connaître, séparé de ses parents, les nouveaux maîtres de l’Asie, les guerriers de l’Empire du Soleil, qu’il ne peut s’empêcher de respecter, mais aussi tout un monde à la dérive d’exploiteurs minables et de victimes ambiguës, de trafiquants de n’importe quoi, jusqu’à cette journée étrange dans le stade de Nantao, où un éclair lointain lui apportera le message de mort de la bombe de Nagasaki.

Entre-temps, il aura appris à admirer les kamikazes, ces martyrs du vent divin, ces pilotes du crépuscule qui le fascinent, bien plus que les soldats nippons ordinaires, comme le seconde classe Kimura et son armure kendo. « Il s’identifiait à eux… et il était ému par les cérémonies qui se tenaient près de la piste. » Cérémonies préludes à la mort…

Entre l’enfermement finalement salvateur et les trafics de circonstance, Jim s’efforcera d’apprivoiser l’innommable, l’inhumain, afin de continuer de vivre, et échappera au grand jeu de la mort et de la damnation.

Un roman vertigineux, un livre-pivot dans l’œuvre du grand, de l’immortel Ballard. Ecrit avec une étrange et remarquable retenue et un lyrisme carré, très personnel, dénué de tout pathos.

Le Rêveur illimité

« Quels que fussent la voie que je m’étais tracée, le soin que j’apportais à tenter de suivre une orientation nouvelle, je volais droit sur le mur de briques le plus proche », dit Blake, le narrateur. Pour échapper à son destin — ou plutôt pour le trouver, car il conserve « une foi tenace en lui-même » —, il vole un avion — accessoire fréquent du théâtre ballardien, cf. « Appareil volant à basse altitude » —, mais s’écrase en flammes dans la Tamise, près d’une petite ville banlieusarde : Shepperton, au ciel enveloppé d’une lueur prémonitoire. Recueilli par les habitants d’une propriété qui s’avère être une clinique, il tente de quitter les lieux à pied, mais échoue, piégé par l’autoroute, tout comme Robert Maitland, victime d’un accident automobile, échouait à quitter son Ile de béton.

Mais, alors que Franz dans « Urbi et orbi », qui lui aussi rêvait d’abord de voler, est ramené à son point de départ (temporel autant que spatial) par le train, instrument d’une fatalité sociale, c’est ici une fatalité intériorisée qui joue, comme dans L’Île de béton, comme dans I.G.H., comme dans « L’Ultime plage » (« il s’arrangeait invariablement pour se retrouver coincé »).

Blake est lié à Shepperton par son destin, par sa nature ; et ce lien lui apparaît d’abord comme une « frénésie sexuelle », qui le pousse vers la jeune doctoresse Miriam, vers sa mère Mrs St. Cloud, vers trois enfants handicapés, vers tous les habitants, enfin, sans distinction de sexe ni d’âge, et plus tard même vers des animaux sortis d’un « modeste zoo »… ou peut-être de lui-même : car le sexe qui, dans Crash !, se mariait à la mort, est ici source de vie.

Sur le passage de Blake, et souvent des gouttes de son sperme intarissable, germent des fleurs colorées, des plantes tropicales, toute une végétation luxuriante qui envahit la bourgade britannique en même temps que des créatures de l’eau, de la terre et des airs peu communes sous ces latitudes. Les apparences que prenaient parfois ces lieux pour les studios de cinéma qui y ont leur siège deviennent réalité. Décor paradisiaque où, avec une innocence adamique, Blake d’abord, puis les autres à son instar, vont dévêtus : « Il était heureux de sa nudité, heureux d’exhiber son corps bariolé. »

Au lieu de chercher à « échapper à cette ville étouffante », Blake ne songe plus qu’à l’ouvrir, pour une évasion collective de tous ses habitants, en les fécondant et en les libérant. Il s’agit pour lui à la fois de « repeupler Shepperton en plantant dans le ventre de ses ménagères sans défense les graines d’un cortège de créatures extravagantes », et d’opérer une « réorganisation de la réalité au service d’un dessein plus vaste et plus authentique, qui permettrait aux appétits les plus bizarres et aux instincts les plus dévoyés de trouver leur véritable sens ».

Puisque la fuite horizontale est rendue impossible par une sorte de barrière mystérieuse qui, dans l’autre sens, empêche aussi les étrangers d’entrer et même de savoir ce qui se passe, c’est verticale qu’est la voie : vers le bas, la terre et l’eau ; vers le haut, l’air et peut-être le feu puisqu’une lueur d’incendie surnaturel baigne le ciel de la ville.

Ces quatre éléments auxquels Blake a échappé, il y mène les banlieusards : ils côtoient dans les bois les cervidés qui s’y sont multipliés, ils nagent dans la Tamise parmi des cétacés en lesquels ils se métamorphosent peut-être éphémèrement, et bientôt ils voleront. Car l’union de Blake avec Miriam vêtue de blanc est aussi un envol à deux, puis en foule, littéralement un essor nuptial.

Jusqu’à sa mort, Blake est un « messie en attente de message ».

Peintre visionnaire qui, même à l’intérieur de l’homme, trouve des paysages ; chirurgien obsédé par les blessures ; c’est aussi architecte que Ballard se montre, dans la construction de chaque roman et de l’ensemble de son œuvre.

Chaque partie a sa fonction dans l’ensemble, le moindre détail est lié à tous les autres et à leur somme par un réseau serré de relations, rien n’est laissé au hasard, tout se répond et se correspond, s’équilibre et s’enchaîne, tout est cohérent… et tout est fou ! On pense à ces gravures d’Escher où les lois de la perspective sont retournées contre elles-mêmes : un escalier qui ne cesse de monter ramène finalement au rez-de-chaussée, et l’eau qui ne cesse de tomber de cascade en roue de moulin se retrouve à sa source tout en haut. Si Ballard avait pratiqué l’architecture, nul doute qu’il eût su construire « La Maison biscornue » (à quatre dimensions) évoquée par Heinlein !

Très loin, bien sûr, de la science-fiction optimiste qui peignait des lendemains qui chantent, où les projets et les recherches d’aujourd’hui s’épanouiraient en conquêtes et en pouvoirs merveilleux ; mais au-delà aussi de la science-fiction pessimiste qui dissèque les erreurs et les crimes de notre temps pour en déduire les servitudes et les désastres des lendemains qui déchantent, Ballard, avec nos espoirs et nos horreurs, avec ses fantasmes et sa culture, construit un monde personnel, clos sur lui-même et parsemé pourtant de fascinants hiéroglyphes, tracés par le vent ou par les eaux, par le sperme ou par le sang, messages indéchiffrables d’une transcendance inaccessible, sur lesquels pourtant l’homme ballardien ne cesse de se pencher.

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