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Shock Rock

Parrainés par ce bon vieil Alice Cooper — qui nous gratifie d'une préface aussi amusante qu'oubliable, ramenant tout à lui-même — ces dix-neuf récits d'épouvante consacrés au rock en déclinent les mythes sur tous les tons. Des mythes ne surprennent plus. Jouer du rock, c'est gagner l'adulation des foules, et toutes les filles faciles de la terre ; dans ces conditions on est prêt à vendre son âme au diable (au vaudou, à une guitare ensorcelée…) pour s'imposer sur la scène. Et si c'est la musique du diable, elle sera bien capable d'expédier le public dans l'au-delà (David Schow) ou, c'est plus original, de l'en faire revenir (Ray Garton). A moins que ce ne soit l'adulation des fans qui fasse revivre un groupe mythique (Brian Hodge), ou une tragédie célèbre (Michael Newton).

Mais on finit par se lasser de ce cocktail de sexe et de malédiction symptomatique d'un regard finalement extérieur sur le rock, même porté par ceux qui en écoutent régulièrement. Surtout quand les nouvelles sont courtes, portées par une seule idée — la deuxième fois qu'il a été question de sexe et de loups-garous, j'ai baillé. La plupart textes qui ne font pas appel à un ressort fantastique (Patrick Gates, Rex Miller, Richard Christian Matheson, Thomas Tessier), obligés de rechercher la terreur dans les perversions de l'âme humaine, en tirent plus de force et de potentiel de surprise. Leurs protagonistes paumés ne sont pas musiciens, mais prisonniers de leur rapport à la musique.

À mon goût, les groupes musicaux fictifs (un expédient rendu souvent nécessaire par les difficultés posées par l'usage de personnalités vivantes…) souffrent de la comparaison avec ceux qui leur ont servi de modèle, qui auront toujours plus d'épaisseur dans l'imaginaire du lecteur. On est loin du fabuleux Armageddon Rag de George R. R. Martin ! A contrario, Graham Masterton réussit bien son coup en mettant en scène Jimi Hendrix dans « L'enfant vaudou », ou F. Paul Wilson, qui fait de Bob Dylan un personnage périphérique. Curieusement, cette nouvelle, qui ouvre le recueil, est de la SF : un voyage dans le temps. Mais on sait bien que la musique est la clé idéale des réminiscences… et que le rock est mort, avec son avenir derrière lui ! Ce qui explique qu'autant de textes de l'anthologie versent dans la nostalgie, situés dans le passé ou mettant en scène des fans fétichistes ou des rockers has-been (Ray Garton réussit fort bien cet exercice).

Jerry Shirley conclut l'anthologie et domine de la tête et des épaules un volume tout compte fait décevant. Sans doute parce que lui connaît vraiment le rock, et son milieu, et met une image vécue et contemporaine de la scène de Los Angeles au service d'une intrigue surprenante, qui emprunte à la SF et à la fantasy autant qu'à l'horreur.

Étoiles Vives 4

Au début des années 70, la collection « Galaxie-Bis », sous couvert de numéros spéciaux de la revue, proposait des romans de SF accompagnés en fin de volume d'une, parfois deux nouvelles. Qui n'avaient rien à voir avec le roman, mais fournissaient l'occasion d'agréables découvertes.

Il serait exagéré de dire que la nouvelle formule d'Étoiles Vives reproduit ce schéma, mais force est de constater que, avec la place que prennent désormais les « dossiers » consacrés à l'auteur-vedette de chaque numéro, les nouvelles additionnelles prennent désormais le statut d'appendice.

Mais pas sans intérêt. Dans ce numéro, Pat Murphy avec « De l'Amour et du sexe chez les invertébrés » nous donne une nouvelle variation sur l'éclosion d'un esthétisme désaxé dans un futur post-cataclysmique. Quand plus rien n'a de sens, le sexe conserve ses droits — pas de prétention à la rationnalité, mais du potentiel poétique.

Les notations sexuelles, par contre, sont introduites avec quelque gratuité dans « L'ultime territoire » de Jean-Jacques Nguyen et Thomas Day (pas vraiment de l'auto-publication de la part de Dumay/Day : le texte avait été accepté par CyberDreams, pour un numéro qui ne verra pas le jour). Ou alors, la ligne narrative de Naï, symbole sensuel, n'a pas le temps de se développer ; le sujet de l'histoire aurait pu être celui d'un roman. J'aurais aimé, en tout cas, voir appronfondir la personnalité perverse et fascinante de Van Hungen, l'astronef tueur automatisé ; j'ai beaucoup aimé les évocations astronomiques ; et beaucoup moins l'aspect mystique de l'intervention des maîtres secrets de la Galaxie.

G. David Nordley, enfin, se taille ici la part du lion. Auteur-phare de la revue Analog, il est dans le droit fil de Heinlein : comme de nombreux américains de l'école hard science, il postule un futur où le système solaire est colonisé et les astéroïdes exploités pour leurs minerais. Il est spécifiquement heinleinien quand il présente ce futur au travers des avanies de la vie quotidienne, et plus particulièrement du groupe familial nécessairement uni par l'adversité des « Compagnons de la Comète ». Ici, la sanction (involontaire) au manque de solidarité, c'est la mort dans l'espace… « Dans la grande faille de Miranda », enfin, est un de ces textes que, dans le paysage SF actuel en France, seule Étoiles Vives peut publier : c'est dans un genre très américain et pas à la mode, c'est très long, l'auteur n'est pas connu ! Félicitations donc à l'anthologiste, car ce récit est une perle : piégés par un séisme à l'intérieur de Miranda, un satellite d'Uranus mal consolidé, fait de bric et de broc, des explorateurs spatiaux doivent traverser le planétoïde entier pour survivre. Et le conteur arrive à nous tenir en haleine avec des pages de chimie et de spéléologie. Chapeau ! Et clin d'oeil brillant au Jules Verne du Voyage au Centre de la Terre.

Aucune étoile aussi lointaine

Après le futur proche de la série F.A.U.S.T., Lehman repart pour l'avenir lointain avec un space opera situé à quatre millénaires de notre époque, et pourtant ponctué de références à l'Histoire du futur dans laquelle s'inscrivent toutes ses oeuvres. Héritier de la famille propriétaire (et régnante) de la planète Murmank, Arkadih Tomekin passe au palais une enfance tissée de rêves de nautes, et de cours sur simulateur de vol. Mais l'âge des nautes et des flottes spatiales est passé, et le Toboggan, portail d'un réseau galactique de transmission de matière, débouche sur Murmank avant qu'Arkadi atteigne son adolescence.

Se fera-t-il commerçant, ou trouvera-t-il contre toute attente un vaisseau spatial prêt à l'emmener à travers la Voie Lactée pour une quête ponctuée de rencontres surprenantes et de batailles haletantes ? Question rhétorique. Le genre exige le vaisseau, quitte à céder à la nostalgie technologique, quitte à faire de l'humain un appendice — d'une discutable utilité — d'une machine plus intelligente que lui. Arkadih s'épanouira comme diplomate-enquêteur, alors que son vaisseau et lui parcourent les franges galactiques à la poursuite d'un ennemi mécanique vieux de trois cents siècles, le Noyau, un astronef voué à la destruction du vivant et légué par l'Avatar, la même force obscure qui a lâché les Hifiss contre les sapients.

S'inscrivant dans un genre, Lehman multiplie les hommages plus ou moins ciblés à sa tradition. Empires galactiques, distances historiques vertigineuses, et vaisseaux spatiaux encore en état de marche après des millénaires appartiennent au fonds commun. On pense au Van Vogt de La Faune de l'Espace quand se multiplient les rencontres avec des extra-terrestres de plus en plus exotiques, et au Saberhagen de la série des Berserkers à propos du Noyau, une machine qui parcourt l'univers pour torturer les êtres vivants (physiquement et mentalement). On pense aussi à leur héritiers plus récents : le Greg Bear de Héritage pour l'algue pensante, et surtout Iain M. Banks, autant pour le vaisseau intelligent qui n'emporte un équipage humain que parce qu'il veut bien, que pour une poignée d'autres détails, comme la présentation des signaux échangés avec l'Omnium ou l'arcologie de la Porte de Dante.

Tout cela est emmené avec maestria, peuples et lieux portent des noms claquants et poétiques (même si l'onomastique de Murmank n'approfondit pas son aspect russifiant), le rythme ne faiblit jamais, et les scènes d'action sont cadencées par des récits qui, mythiques ou vécus, soulignent le tempérament de conteur de l'auteur. Règle du genre aussi, les révélations et les coups de théâtre se succèdent avec une ampleur sans cesse croissante, pour un final de dimensions galactiques. Un travail brillant, qui sacrifie néanmoins l'originalité à la virtuosité.

Sous cette surface, Lehman raconte une histoire qui dévie quelque peu de la norme du space opera. Le space opera classique, comme beaucoup de fantasy classique, s'il n'est pas pur voyage extraordinaire (La Faune de l'Espace), adopte souvent l'intrigue de l'héritage à (re)conquérir, de l'enfant trouvé qui est en fait le prince légitime du royaume, ou du roturier qui conquiert la main de la fille du roi (cf. Les Rois des Etoiles, d'Edmond Hamilton).

C'est l'inverse qui se produit pour Arkadih Tomekin : on peut se demander dans les premiers chapitres du roman si le cadet « royal » de Murmank va se battre pour déposséder sa soeur du titre promis à celle-ci en héritage. Et non. Arkadih reste fidèle à ses rêves d'enfant : il veut se battre et explorer. Résultat, il semble ne jamais atteindre, ou trop tard, sa maturité affective ; et si le space opera classique passait par-dessus de tels détails sans en faire le moindre cas, le héros de Lehman en souffre constamment. Vivre en naute, c'est renoncer à la vraie vie, pour viser un objectif qui se dérobe constamment — au propre comme au figuré. De même que le Noyau, déjà reparti dans son errance, ne se trouve jamais à sa dernière escale connue, le bonheur ne se trouve pas dans les batailles spatiales ou les négociations (réussies) avec des étrangers ahurissants. Pas plus que l'amour dans les bras des filles conciliantes fabriquées sur mesure par les ateliers du vaisseau.

Si Lehman a écrit le livre sucré et calorique que son moi adolescent aurait aimé dévorer, il l'a épicé d'une pointe d'amertume et de doute. Mais on déguste sans prendre de pause.

S.O.S. Antarctica

Nous sommes au début du XXIe siècle, autant dire demain. Le traité qui garantissait à l'Antarctique sa non appropriation par quelque puissance que ce soit (état ou entreprise), son statut de territoire libre, l'interdiction de son exploitation à des fins industrielles, n'a pas été reconduit par les nations signataires. Résultat, en ces temps ou le pétrole est une denrée rare, les enchères montent. Les pays pauvres entreprennent de sonder les ressources du continent, le tourisme de l'extrême se développe, les scientifiques se démènent pour maintenir leurs subventions, les groupuscules d'écologistes radicaux prennent les armes… Les enjeux sont énormes. Au-delà d'un paquet de milliards de dollars, sur cette Terre surpeuplée, polluée, confrontée à un réchauffement intense, l'Antarctique est le plus précieux des symboles. L'humanité sera-t-elle suffisamment sage pour préserver ce dernier territoire propre et vierge en ménageant l'intérêt de chacun et, si elle y parvient, saura-t-elle appliquer cette sagesse nouvelle au reste de la planète ? Il en va de la pérennité de la vie sur Terre…

Pour traiter ce sujet ambitieux, l'auteur prend le parti de nous présenter une poignée de personnages très divers et différemment liés au continent glacé. Il y a les scientifiques, naturellement, leurs quêtes chimériques et leurs vaines disputes ; les prospecteurs de pétroles qu'il serait si facile de juger et pourtant ; ceux qu'on pourrait appeler les « naturels » et qui vivent au fin fond du froid, coupés du monde ; le paumé de service, qui va se trouver une motivation nouvelle au-delà d'une déception amoureuse qui le ruine ; la superbe et infatigable guide de l'extrême en but à ses clients touristes bornés ; le sage chinois aux aphorismes sibyllins mais à l'extrême humanité ; Wade, le politicien ultra urbanisé, par les yeux de qui, en grande partie, on découvre les merveilles de ce monde étrange, presque extraterrestre… Autant de destinés humaines divergentes, voire en totale opposition, qui vont pourtant se croiser, s'affronter, se mêler. Autant de lignes narratives imbriquées qui, petit à petit, tissent une toile de fond extrêmement dense et riche, époustouflante.

Depuis sa fameuse trilogie martienne, on savait Kim Stanley Robinson un auteur précis et minutieux. Avec S.O.S. Antarctica (titre ridicule auquel on préférera l'original, Antarctica, Inc.), il accouche une nouvelle fois d'un livre long, ambitieux, d'une rigueur scientifique sidérante (trop, parfois) et d'une portée humaine considérable. On est ici bien loin d'une science-fiction imagée et divertissante. Les digressions de l'auteur peuvent lasser, mais on reste ébahi devant la maîtrise narrative et l'extrême intelligence du propos.

Dans la gueule du dragon

Jarid Moray est un employé de la Semeru, une de ces entreprises multimondiales colossales et toutes puissantes dont l'étendue des possessions se compte en nombre de planète. Mais pas n'importe quel employé. Moray appartient à cette caste de politiciens d'élites, médiateurs hors-pair, que les multimondiales délèguent dans l'une ou l'autre de leurs précieuses colonies en cas de troubles politiques majeurs.

Muspellsheim, dans le système en formation Pelé, est une boule de lave éruptive, un enfer de chaleur radioactif agité de gaz mortels. Ces conditions pour le moins radicales n'ont pas empêché les humains de s'encrer en une colonie de cinq millions d'âmes dans le ventre d'Ymir, île artificielle réfrigérée en permanence, sorte de vaisseau géant naviguant sur les mers de roches en fusions de Muspellsheim. C'est une évidence : à Ymir, on rigole pas tous les jours. D'autant que les gouverneurs de la colonie ont depuis quelques temps la fâcheuse habitude de se faire assassiner. Et les factions indépendantistes, non contentes de s'entre-tuer, de commencer à poser des problèmes plus que sérieux au gouvernement officiel maintenu sous le potentat de la Semeru. Intrigues politiciennes, meurtres, velléités indépendantistes, séditions : c'est un boulot pour Jarid Moray, le super enquêteur…

Ainsi, après les jungles, l'espace profond, les mondes gazeux ou bien encore de glace (cf. « La fin de l'hiver » dans Bifrost 10), voici venir la lave et la chaleur insoutenable d'une planète en fusion. C'est l'évidence, Laurent Genefort aime à placer le cadre de ses histoires S-F dans des environnements extrêmes — à tel point qu'on en viendrait presque à se demander ou se situera l'action de son prochain bouquin… dans le cœur d'un soleil, peut-être ?

Le problème qui se pose dans le cas d'une semblable démarche est double. D'abord, trouver le juste équilibre narratif entre le cadre et l'intrigue, c'est à dire faire en sorte que l'importance sciemment donnée au décor ne fasse pas passer la trame de l'histoire en arrière plan. Second point : s'attacher à la cohérence et à la vraisemblance scientifique sans pour autant trop en faire (sous peine d'être confronté au premier point évoqué plus haut). Et force est de constater que Genefort se sort ici plutôt bien de cet exercice périlleux (qu'il pratique depuis un bon moment, rappelons-le).

L'histoire matinée de polar du présent roman se tient de bout en bout, et ce en dépit de certaines chutes de rythmes et quelques scènes visuellement peu claires. Quant au personnage de Jarid Moray il sait se faire attachant (on remarquera d'ailleurs qu'au fil des textes, l'auteur maîtrise de mieux en mieux le relief et l'épaisseur de ses protagonistes). Bref un roman sans génie narratif mais efficace, d'une lecture agréable, ce qui n'est déjà pas si courant ces derniers temps au Fleuve Noir…

Reste l'aspect de la cohérence scientifique de Dans la gueule du dragon. Et là, vraiment, rien à redire. On sentait déjà, dans les dernières œuvres de l'auteur, romans ou nouvelles, poindre ça et là la rigueur de la hard science. Néanmoins on ne peut s'empêcher de considérer le roman ici critiqué comme l'avènement réel de l'argument scientifique dans l'œuvre de Genefort, en espérant assister à la naissance du premier véritable auteur de hard science de la nouvelle vague de la S-F francophone. Amen, alléluia, il était temps !

Et on se prend à rêver à un Genefort aussi ambitieux dans le domaine narratif qu'il peut l'être dans son approche d'une science-fiction scientifiquement solide, un Genefort maniant les niveaux de lectures et les trames imbriquées comme il le fait des concepts scientifiques. Patience, un jour viendra…

Le Trône de fer

Pygmalion est un éditeur qui s'est fait une spécialité du roman historique moderne, des grands amours de l'histoire plus ou moins romancés. C'est aussi l'éditeur du best-seller de Marion Zimmer Bradley, Les dames du lac, et de La tapisserie de Fionavar de Guy Gavriel Kay.

George R. R. Martin est apparu en France dans les années 80, dans le sillage d'une vague qui portait Orson Scott Card, John Varley, Gene Wolfe et Scott Baker. Il a laissé deux romans marquants : L'agonie de la Lumière (J'ai Lu), un space opera dramatique, et Armageddon Rag (La Découverte), contant la pathétique tentative d'un journaliste nostalgique de ressusciter le Flower Power à travers un groupe rock. Sans oublier deux recueils de nouvelles impérissables : Chanson pour Lya et Des astres et des ombres, où il a sculpté l'essence même du sombre, du tragique et de la nostalgie.

 Pour Le Trône de ferA game of throne (pas de mention du titre original sur la traduction) — il a obtenu le prix Locus 97 en catégorie fantasy aux côtés de Mars la bleue (S-F) et de Stephen King (fantastique). Excusez du peu, d'autant que George R. R. Martin, bien qu'il soit loin de la notoriété de King ou de celle de la trilogie martienne de K. S. Robinson, n'est pas le parent pauvre du lot. Ce roman achèvera de convaincre certains détracteurs de la fantasy — dont je suis d'ordinaire — en apportant la preuve définitive (s'il le fallait) que ce genre peut aussi produire du bon, du très bon.

De Roger Zelazny à la « Pink Fantasy » chère à Jacques Goimard (Pocket), de R. E. Howard à J. R. R. Tolkien en passant par Elric ou Alvin jusqu'à Tigane et au Cycle des Epées de Fritz Leiber, la fantasy sait faire preuve d'une belle diversité. Martin inscrit son roman dans la veine réaliste de la fantasy médiévale. Il est ici question d'une Terre imaginaire mais résolument anglo-saxonne, où sont morts les dragons et le surnaturel réduit à l'état de légende. L'intrigue emprunte davantage à Alexandre Dumas qu'au Conan d'Howard. Il y a moins de sorcières dans ce roman que dans la réalité, nul magicien et la religion y est maintenue en arrière plan. Inutile de préciser que ce livre n'est pas pour ceux qui, dans la fantasy, recherchent le merveilleux.

George R. R. Martin, c'est autre chose. C'est sombre et dramatique. C'est dur et violent. Humain. Ici, le cynisme et le goût du pouvoir donnent le cœur d'assassiner un gamin de sept ans. Martin réussit à exhaler l'essence même du sordide à travers les pages qu'il donne à lire. Deux camps cependant : le cynisme et l'honneur ; deux clans : les Lannister et les Stark. Entre eux, la maison royale qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle fut. La luxure et l'inceste, le meurtre et la corruption, la lâcheté et le mensonge sont au cœur de l'univers proposé par l'auteur. Autant dire que ce n'est pas de la fantasy juvénile.

Tout cela ne serait rien, vraiment, si n'étaient l'œuvre et le talent de George R. R. Martin. Quand on parle de roman psychologique — sauf au meilleur de la littérature générale — , on entend d'interminables considérations sur les états d'âme des personnages. Chez Martin, la psychologie est inscrite dans l'action, en son cœur même. C'est dans l'action, à travers les péripéties et les événements que, progressivement, se dessine le caractère des personnages. L'évocation est alors d'une force rare. Martin ne se contente pas de dépeindre des caractères, surtout, et c'est bien ce qui fait la richesse de son talent, il les met en relation. Du coup, le roman est — relativement — court. L'auteur n'a pas tiré à la ligne, et c'est un récit intense qui vous embarque à l'instar des meilleurs thrillers, ce qu'il est en fin de compte.

Le Trône de fer mérite amplement son prix Locus. C'est un livre magnifique qui, hors la magie, n'est pas sans rappeler le film Excalibur (celui de Boorman). Martin n'a pas cherché à faire œuvre novatrice et originale, ni non plus à surprendre. Il a relevé le défi du classicisme : faire mieux plutôt qu'autre chose, et y est parvenu haut la main. On se languit déjà d'attendre la suite, Le Donjon rouge, dont la sortie devrait être imminente au moment ou vous lisez ces lignes. Espérons-le, car tout ce qu'on peut reprocher au Trône de fer est de n'être pas un roman complet. On n'attend pas une suite, mais la suite. Peut-être — sans doute — est-il possible de trouver des livres encore meilleurs, mais George R. R. Martin a réussi là un sans faute, rien sur quoi le critique ne puisse fonder un avis négatif, si ce n'est l'emploi des expressions « coma » et « état stationnaire », inadaptées à un cadre médiéval. Une broutille !

Le Trône de fer ne concerne peut-être pas tous les amateurs de fantasy, mais devrait aisément se concilier ceux qui sont rebutés par le surnaturel ainsi que les amateurs de romans historiques, sous réserve qu'ils puissent accepter que le texte soit purement imaginaire. Il faudra une bonne raison pour ne pas lire un roman de cette qualité. Vivement la suite !

L'Œil dans la pyramide

« L'histoire du monde est l'histoire de la guerre entre sociétés secrètes. » Cette phrase, citée en épigramme, résume en une ligne les 480 pages du roman. Tout est à peu près dit.

« C'est un livre horriblement long, explique Wildeblood avec mauvaise humeur, et je n'aurai certainement pas le temps de le lire, mais je suis en train de le parcourir très attentivement. Les auteurs sont de la dernière incompétence — aucun sens du style ou de la structure. Ça démarre comme une enquête policière, puis ça bascule dans la science-fiction et enfin, dans le surnaturel, le tout agrémenté de détails sur des dizaines de sujets tous plus ennuyeux les uns que les autres. Et la chronologie est complètement chamboulée, dans une imitation très prétentieuse de Faulkner ou de Joyce. En plus, il est parsemé de scènes de cul cochonnes au possible, juste pour faire vendre, manifestement ; et les auteurs — dont je n'ai jamais entendu parler — ont le mauvais goût suprême d'introduire de véritables personnalités politiques dans tout ce micmac et de faire semblant de dévoiler une authentique conspiration. Tu peux être sûr que je ne vais pas perdre mon temps à lire des âneries pareilles mais tu auras une critique parfaitement dévastatrice sur ton bureau demain avant midi. » (p. 372/373)

Puisque les auteurs font le boulot à la place des critiques en maniant l'autodérision afin de couper l'herbe sous le pied des oiseaux dans mon genre, pourquoi s'en priver ? Cette citation est placée dans la bouche du critique littéraire de Confrontation, journal où travaillent deux des personnages principaux. Impossible, naturellement, de ne pas reconnaître L'Œil dans la pyramide dans le roman en question. Impossible aussi de ne pas souscrire à cette critique mais — comme le voulait les auteurs, des malins, ceux-là — en étant obligé de la modérer. Ne serait-ce que parce que l'ouvrage contient une bonne dose d'humour qu'il serait de mauvaise foi d'ignorer.

Ce roman de 1975 s'inscrit donc dans la lignée de M. Moorcock, période Jerry Cornélius — épuré de tout romantisme. Le tout allongé d'une maxi-rasade de contre-culture et d'un zeste de William Burroughs, écrivain qui apparaît d'ailleurs dans le texte. Admettons-le, du point de vue romanesque, c'est à peu près illisible ! En 480 pages, en plus ! Et pourtant, même outre l'humour, tout cela n'est certes pas totalement inintéressant. Seulement, loin de faire comme le critique Wildeblood, on le lit ou pas, ce livre… On ne saurait faire semblant ! Dur, dur. Il n'y a pas véritablement d'histoire — mise à part celle de la lutte entre sociétés secrètes, évidemment — , son intelligibilité est difficile et sa cohérence ne se révèle que sur la fin. Par contre, bon nombre de passages, détails et digressions, pris un à un, ne manquent pas d'intérêts. Au final, se dégage une impression d'ensemble. Les points finissent par reconstituer le (un) motif. L'ordre semble naître du chaos. Le texte illustre son propre propos.

Ce roman est un incroyable foutoir où se mêlent Dillinger, Miskatomc, Joyce, l'Atlantide, la mafia, Timothy Leary et les Templiers entre tout le reste. Et bien sûr les Illuminati. Une société secrète qui remonterait à Hasan al Sabbah et ses Hachischins, voire à l'Atlantide, et aurait été remise au goût du jour par Adam Weisshaupt en 1776 ; ils seraient le cœur d'un gigantesque complot visant à leur apporter le pouvoir mondial. Communisme, nazisme, conservatisme, etc, leur serviraient de paravent.

Du barjotage furieux sur la mystique des nombres à la réflexion politique en passant par des traits d'humour : il faut de tout pour faire un monde. Et il faut un certain temps avant de savoir de quel bord est l'ouvrage : gauchiste libertarien et contre-culturel. Très post moderne !

L'ouvrage fait réfléchir, certes. C'est une réussite du point de vue littéraire en ce sens que passe le message des auteurs ; mais c'est bien trop long et d'une lecture décousue et ardue. La plupart des amateurs de S-F peuvent tranquillement passer leur chemin. Seuls s'y attarderont les passionnés de structures narratives éclatées et les nostalgiques de la contre-culture. C'est très intello. Sortez vos petites lunettes rondes et bon courage !

La Compagnie noire

Au fil des années, L'Atalante s'est imposé comme un éditeur fiable, soucieux de la qualité de ses produits — que l'on peut quasiment acheter les yeux fermés — , mais aussi comme le plus audacieux du paysage éditorial tant en polar qu'en S-F et fantasy. D'Écran noir à Patience d'Imakulata, de La route de Mandalay à La captive du temps perdu, que du bon ! Seul Valerio Evangelisti semble récemment leur avoir échappé. Avec La Compagnie noire, Glenn Cook ne déroge pas à la règle.

En fantasy, on a jamais lu ça. L'unique comparaison qui me vient à l'esprit est le film La chair et le sang. Voilà une fantasy qui est aussi un roman noir, livré sous la forme peu usité des annales tenues par le toubib d'une compagnie d'affreux.

Ce n'est pas de la fantasy pour les gosses. C'est dur. Comme peut l'être un roman noir. Sans excès, tout en étant bien différent du Trône de Fer (voir plus loin) de George R. R. Martin, mais tout aussi humain. Cook n'affine pas plus la psychologie de ses personnages qu'il ne cisèle la nostalgie et le tragique ; c'est un authentique romancier noir. Il s'en tient aux faits avant tout. Cependant, les divers protagonistes ne sont pas sculptés dans le papier à cigarette ni ne manquent de substance. Ce sont des mercenaires et, comme tels, ils ne se posent pas trop de questions. Pas plus qu'il n'en faut. Ils ne sont pas le mal absolu si prisé en fantasy ; juste des salauds ordinaires. S'ils ne sont pas dénués de toute morale, elle ne les étouffe simplement pas. La compagnie respecte ses engagements, jusqu'à un certain point…

Ils sont au service de la Dame et de ses Dix Asservis : le camp du mal donc. Pourtant en face, dans le camp du bien, les choses ont l'air guère différentes. Et c'est cette situation où le bien vaut le mal, où les méthodes sont les mêmes de part et d'autres, qui noircit si bien le tableau ; la Rose Blanche comme la Dame n'aspirent qu'au pouvoir. Il faut le toubib d'une compagnie d'affreux pour promener ce regard cynique et acide sur un monde qui ressemble beaucoup au notre. Comme ses compagnons, il a depuis longtemps cessé de se bercer d'illusions sur lui et les autres. La vie n'est pas un fleuve tranquille ; elle les emporte et tous essaient tant bien que mal de garder la tête hors de l'eau.

Ce monde est dominé par la sorcellerie. Les sorciers les plus puissants règnent, les autres sont généraux ou simplement sous-officiers. La magie est opérative et fait fonction d'armes lourdes dans ce monde sans armes à feu. S'il fallait restituer cet univers dans l'histoire terrestre, on dirait l'époque de la Guerre de Cent Ans, après le déclin de la chevalerie. Mais la technologie n'a pas suivi — à cause de la sorcellerie ?

On suit la compagnie à travers ses pérégrinations, de campagnes en casernements, d'une opération à l'autre à travers ses principaux personnages : le toubib, le capitaine, le lieutenant Elmo, les sorciers Qu'Un Œil, Silence et Gobelin, Corbeau ou encore Volesprit, l'Asservi qui les a engagés.

Glenn Cook sort radicalement des sentiers battus de la fantasy. En l'écrivant à la manière d'un roman noir, il en pulvérise son trait le plus caractéristique : le manichéisme. De plus, il renforce son effet inquiétant, dérangeant. Impossible ici de s'identifier à un héros sans peur et sans reproche pourfendant le mal à grands coups d'estramaçon. C'est remarquable et ça mérite d'être lu.

Macno emmerde la mort

Dans Petit homme vert de Gallerne, les immortels héros de la conquête spatiale se suicident. Chez Curval, ce sont les immortels tout court qui désirent cesser de vivre. Ils doivent pour cela déposer une demande au temple du Trépas pour obtenir un permis de mourir qu'il est impossible ensuite d'invalider : passé le délai, n'importe quel citoyen a le droit de terminer le travail. Mais si Yorge, artiste en viande (son médaillon de perdrix est un chef-d'œuvre), décide d'en finir avec la vie, c'est peut-être parce qu'on lui a inoculé des idées de suicide…

Dans cette société d'après la Nue, le cataclysme nucléaire, l'humanité rescapée est rassemblée dans une seule ville protégée par une peau, un épiderme qui n'empêche pas d'avoir une éruption de boutons au contact de l'atmosphère. Pour éviter de nouveaux conflits s'est établie une Policratie (chaque membre est théoriquement propriétaire de la ville) qui ressemble davantage à un purgatoire qu'à un paradis. Les hommes ignorent cependant que la moitié de la population est composée d'androïdes pour pallier le manque de main d'œuvre et accessoirement permettre à l'humanité immortelle de se consacrer à des tâches intellectuelles et artistiques. En réalité, elle a sombré dans l'oisiveté et les androïdes commencent à se révolter.

MACNO, qui a pris les choses en main, découvre la nature du complot contre les immortels, révélation aussi ébouriffante que le reste du roman puisqu'elle n'est pas orchestrée depuis la Terre.

On reconnaît bien là le style de Curval, dont le récit est bourré d'images surréalistes (auxquels MACNO fait d'ailleurs allusion : il cherche à travers le temps l'appui d'un groupe d'artistes et de poètes de 1920 qui prépare la libération de l'homme par le rêve). Le roman regorge d'idées à tous les niveaux, ne se dépare jamais d'un humour en demi-teinte, bref, est un festival réjouissant pour l'esprit.

Nymphomation

[Chronique de l'édition originale anglaise parue en 1997 chez Doubleday]

Lorsqu'il s'agit de parler de Jeff Noon, les mots se bousculent, on ne sait pas par où commencer ni comment faire honneur au talent qui nous saute au visage. Nymphomation, son dernier roman, est une aventure, un voyage au bout du rêve, un bonheur.

Manchester, sous la plume de son enfant prodige, se voit une fois encore transformée en beauté mystérieuse au charme toxique. Le ciel y est habité par les blurbs — oiseaux automatiques — qui véhiculent des messages publicitaires en chantant leurs slogans. On y vit au rythme d'une loterie expérimentale inspirée des dominos et qui chaque vendredi soir apporte l'espoir à la masse anonyme. Au détour de la misère et cachée dans un trou, on retrouve une petite fille perdue, Celia Hobart, qui hante les rues de Manchester autant que l'œuvre de Noon. Personnage récurent au point de l'obsession, Celia est le porte-drapeau de l'enfance privée de rêve. Tous les vendredis soirs elle serre son dommo en suppliant l'Ange de la Chance, vêtue de latex, de l'emmener très loin, au pays de la beauté… Au coté de Celia ou quelques rues plus loin : une cours des miracles d'enfants perdus. Tous passionnés de mathématiques, ils cherchent a percer le mystère des dominos.

Dans le Manchester de Jeff Noon, le rêve est cette fois-ci une équation où les nombres font l'amour et la « nymphomation » transforme les maths en magie noire.

Nymphomation nous entraîne à l'origine de l'univers créé dans Vurt et Pollen. C'est aussi le chaînon manquant qui permet de placer Automated Alice — l'hommage rendu par Noon à Alice au pays des merveilles — dans le contexte du reste de son œuvre. Celia est bien entendu la clef : elle est la femme endormie dont le rêve est offert à tous dans Vurt et Pollen et la petite sœur qu'Alice a fait fuir en lui volant son perroquet dans Automated Alice. Chez Noon, c'est toujours par elle que le rêve arrive.

Nymphomation est un chant d'amour dédié à Celia et, à travers elle, à tous les enfants perdus et à tous ceux qui rêvent.

Malgré sa noirceur palpable, son désespoir, la prose de Noon, qui se fait volontiers harangue, a un rythme qui donne envie de danser. Les mots s'emballent et saccadent : Noon nous offre une manière de rap sur papier, désespéré et sublime.

On ne le dira jamais assez : Jeff Noon est un maître, un grand sorcier.

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