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Le Sens du vent

C'est de l'excès permanent que procède le charme de la « Culture ». Autant la civilisation galactique que la série de livres qui en détaille les avatars et les avanies, car Banks adapte la forme au fond, jouant à l'occasion les Ponson du Terrail modernes. « Jouant » est le mot-clé : Banks tient la langue anglaise à sa merci, la malmène et la promène, aussi à l'aise dans l'action démesurée que dans les conversations de cocktail oiseuses et hachées qui sont l'activité principale de tant de citoyens de la « Culture ».

Pour lui remettre les pieds sur terre, pour que les romans aient quelque chose à raconter, il faut bien que la « Culture » se confronte à des civilisations moins avancées, moins bienveillantes. Elle ne court jamais le risque de perdre mais peut infliger à ses adversaires des défaites honteuses, dont les conséquences mettent à mal ses principes même : démocratie et respect des créatures douées de raison. Prenez les Chelgriens : leur société commençait à se débarrasser de son archaïque et révoltant système de castes. L'interventionnisme sans finesse de la « Culture » a précipité une guerre civile. Quatre milliards de morts, une société profondément meurtrie, un quarteron de fanatiques ne rêvant que de revanche. Et le compositeur Ziller, peut-être le plus grand artiste de la civilisation chelgrienne, qui avait choisi de s'exiler sur une Orbitale de la « Culture », n'a aucune envie de revoir sa planète natale, ni non plus Quilan, l'émissaire qu'elle lui envoie…

Ziller et Quilan fournissent un rude et permanent contrepoint à l'hédonisme évaporé de la « Culture » ; le premier parce qu'il remet sans cesse en cause ses activités de loisir extravagantes (excellent prétexte saisi par Banks pour nous les décrire en détail et augmenter d'autant la longueur du livre) ; le deuxième parce qu'il impute à la « Culture » la responsabilité de la mort de son épouse, seul amour de sa vie. Sans qui il perd toute raison de vivre, ce qui fait de lui le parfait candidat pour une mission-suicide clandestine. Parce qu'ils souffrent, parce qu'ils se consacrent à des idées plus grandes qu'eux-mêmes, Ziller et Quilan sont les deux personnages les plus attachants du roman (et peu importe qu'ils ressemblent à des tigres dotés de quelques membres supplémentaires). Et pourtant, face aux machines surpuissantes de la « Culture », le résultat de leurs efforts est insignifiant…

La leçon n'est pas nouvelle : c'était déjà celle de Une Forme de guerre, dont le titre original (Consider Phlebas) voisine avec celui du présent ouvrage (Look to Winward) dans le poème de T. S. Eliot dont ils sont tous les deux tirés. On retrouve d'ailleurs ici, en arrière-plan historique, la guerre Idirane. De même qu'on retrouve une poignée d'éléments glanés dans d'autres romans de la série, comme la construction en flash-backs analogue à celle de L'Usage des armes. Et bien sûr, une débauche de paysages et d'artefacts. Mais pas de voitures automobiles, en dehors des camions militaires Chelgriens : en bonne utopie anarcho-communiste, la « Culture » propose une abondance de transports collectifs. À cela près, pourtant, elle n'a jamais autant ressemblé aux États-Unis : un immense jardin pour des citoyens gâtés, contents d'eux-mêmes et de leurs grands principes, défendus sur leurs frontières par un dispositif militaire (les Circonstances Spéciales) qui se montre teigneux. Jusqu'à la description de la guerre Idirane, et sa conclusion par la Bataille des Novae Jumelles, qui évoque immanquablement la guerre du Pacifique entre Américains et Japonais. Sans même parler de la perspicacité dont fait preuve le livre en matière de relations internationales : un an après sa sortie en 2000, des fanatiques religieux ulcérés par les contradictions internes de leur propre société commettaient aux USA de spectaculaires attentats-suicides. Dead Air, dernier livre en date de Iain Banks, l'alter-ego de littérature générale de Iain M. Banks, tourne autour du 11 septembre 2001. En attendant « l'air mort », vous pouvez toujours vous plonger dans Le Sens du vent, c'est plus léger, Banks y exerce sa verve et son humour cruel, même s'il ne renouvelle pas la « Culture ».

Le Talent assassiné

Tout commence comme un des carnets de voyage de Francis Valéry disponibles sur internet. L'auteur se met en scène dans son quotidien1 et, en l'occurrence, il raconte un voyage à Paris qu'il effectue afin de rencontrer son éditeur, Gilles Dumay. Mais tandis qu'il marche pour aller à son rendez-vous, une explosion le fauche et il tombe dans le coma. Exit Francis Valéry : le narrateur qui rentre en scène s'appelle Jean-Hubert de la Thibaudière et débute son récit par… une visite chez son éditeur, Gilles Dumaysberg… Le roman va dès lors suivre les pas de cet écrivain pour la jeunesse qui, peu à peu, se rend compte de son véritable statut… Sur fond de crimes, à commencer par celui de Dumaysberg tué en pleine action (besognage de stagiaire…), JH rencontrera d'autres auteurs qui, comme lui, sont en situation d'incomplétude, des rencontres qui vont l'aider à comprendre le rapport qu'il entretient avec ces derniers et le mystérieux tueur.

Entrecoupé de passages biographiques et d'un récit dans le récit, Le Talent assassiné est un roman riche. Riche par sa forme, d'abord, assez libre — d'aucuns diront post-moderne —, et qui mêle plusieurs récits enchâssés dont toutes les clés ne sont pas forcément livrées. L'écriture change en fonction des narrateurs et se fait volontiers plus vive, drôle voire non-sensique lorsque JH est aux commandes. Ceci n'est pas gratuit et s'explique par les circonstances qui président à la création de l'histoire que vit de la Thibaudière.

Riche ensuite par les thèmes abordés. Valéry part d'éléments biographiques très concrets pour dériver, par le biais d'une intrigue fine mais loin d'être très originale, vers des sujets qui lui tiennent à cœur. L'écriture, le milieu de l'édition, l'art, les femmes, le Rock n' Roll, le cul, l'enfance, Jim Morrison et même Roswell sont ainsi abordés d'une façon naturelle et personnelle. Quant aux divers clins d'œil qui émaillent le récit, gageons qu'ils feront sans doute sourire les habitués du fandom et de l'édition parisienne…

Difficile, donc, de classer pareil ouvrage. On est dans du mainstream mâtiné de fantastique, alors que l'histoire même emprunte ici au polar, là au porno. Fervent défenseur de ce qu'il nomme « Fusion » dans son guide Passeport pour les étoiles (Folio "SF"), Valéry livre ici un modèle du genre qui, s'il n'est pas un manifeste, demeure un bon exemple de ce qu'il est possible de faire en mêlant sans restriction différents types de littératures et d'écritures. Malgré quelques scènes qui font perdre de l'intérêt à l'ensemble, notamment les histoires d'amours du milieu du bouquin, on prend plaisir à s'égarer dans la (les) tête(s) d'un auteur qui se livre avec largesse. À lire en tous cas.

 

Notes :

1. Lire « Le Talent assassiné : annexe temporaire », texte inédit de Francis Valéry publié dans le présent numéro (p.. 158), pour se rendre compte de la manière particulière de cet auteur sur cet ouvrage. (NDRC)

Mars Heretica

La Terre et Mars sont en guerre. Une guerre de religion qui oppose la très rigoriste et hégémonique Eglise de Sol III et les sages martiens du Néo-Perfectisme. C'est dans cet univers qu'un homme, Jaufré Faydit, recueille sur Terre, après un combat de rue organisé, une jeune femme nommée Sieglinde. Il découvre que celle-ci est une Martienne, adepte de la sagesse Néo-Perfectiste, qui a fui son monde jusque sur Terre. Elle va s'avérer utile pour qu'il puisse mener à bien sa mission. Laquelle demeure bien mystérieuse : on ne sait pas bien quel est le but de Faydit, ni quel est son employeur. Ni d'ailleurs qui il est, certains indices laissant à penser qu'il n'est pas tout à fait celui qu'il prétend être au départ. Ensemble, Jaufré et Sieglinde vont aller sur Mars, où l'aventure ne fait que commencer. Et ils se retrouvent en plein cœur de la guerre entre Terriens et Martiens, à mesure que les origines et les desseins des uns et des autres se révèlent au grand jour…

Mars Heretica marque le passage de Claire et Robert Belmas au roman, après les nouvelles publiées ici et là, puis réunies en partie dans le « fix-up » Chroniques des Terres Mortes. Peut-on parler de tentative réussie ? Pas vraiment. En effet, si le style est assuré, efficace et sans fioriture, si l'intrigue progresse de manière satisfaisante, alternant scènes d'action et révélations, le roman laisse une impression mitigée. La faute sans doute au caractère quelque peu artificiel du roman. On ne croit pas vraiment aux personnages — notamment aux personnages principaux — et la mise en scène sent un peu trop le carton-pâte. Bien sûr, il s'agit là d'un roman de pure action, ainsi l'ont voulu les deux auteurs qui n'en font pas mystère (comme le prouve la dédicace à Stefan Wul, B.R. Bruss, F. Richard-Bessière et Julia Verlanger). Mais à trop vouloir insister sur le caractère « pif-paf » et le rythme effréné des péripéties, les auteurs en oublient quelque peu de camper des personnages ayant une vraie épaisseur. De telle sorte que l'on finit par s'ennuyer, ce qui est bien le comble pour un roman de ce type. Bref, un livre maîtrisé mais qui manque paradoxalement de souffle, malgré le caractère trépidant de son intrigue. Bof.

L'Empire de la poussière

Un univers en forme de gouffre. Immense et en perpétuel affaissement. Empli de cités « volantes », reliées entre elles par des voies commerciales empruntées par des dirigeables dont les ballons sont en fait d'énormes créatures. Celles-ci sont du reste à l'origine de la plupart des industries de l'Empire de poussière : leur chitine est utilisée pour la construction de nombre de produits manufacturés. C'est dans ce décor particulier qu'évoluent les protagonistes, essentiellement répartis entre deux peuplades elfiques antagonistes, les Dökkalfars, plutôt belliqueux, et les Ljosalfars, qui vivent davantage en harmonie avec leur environnement. Au centre de l'intrigue, la naissance d'un être parfait, censé rétablir l'équilibre entre Dökkalfars et Ljosalfars et résorber l'affaissement général des cités jusqu'au Niflheimr, le fond du gouffre. Un double être parfait, car il s'agit en définitive de jumeaux. Eïla et Falko sont d'abord recueillis par deux volväs, prêtres ljosalfars, qui les séparent pour les cacher et, ce faisant, éviter que l'Heptarchie, le gouvernement qui régit ce monde emmené par le vil Odmar, ne les supprime avant qu'ils n'accomplissent leur destin suprême. Pourtant, il faudra bien qu'un jour les jumeaux sortent de leur cachette pour révéler leur existence à tout l'Empire de Poussière…

La première réaction, à la vue de ce livre, c'est malheureusement un constat trop souvent fait ces dernières années : il s'agit, encore et toujours, du premier tome d'un cycle. Nicolas Bouchard, en bon « faiseur », avait jusque-là écrit un certain nombre de romans (qu'on échelonnera du bon au très moyen) qui se lisaient indépendamment. Et on l'appréciait aussi pour cela. Sans doute a-t-il jugé que son histoire nécessitait davantage d'espace. On se retrouve ainsi avec un livre inachevé une fois la dernière page tournée, chose hautement énervante. Néanmoins, une fois cette première réaction passée, on peut se plonger dans le roman, et trouver que Bouchard réussit à nous livrer un roman d'aventures/apprentissage réussi, car haut en couleurs et peuplé de personnages attachants. Une imagination débordante, qui débouche sur la création d'un univers étrange que l'on découvre peu à peu : rarement livre aura été autant basé sur les mythologies scandinaves que celui-ci. Peut-être trop, car le prix à payer est une surcharge de noms nordiques, parfois difficiles à assimiler pour qui n'a pas envie de prendre des notes, sans que, toutefois, cela ne nuise véritablement à la lecture. Bref, un livre sympathique et rythmé, qui souffre toutefois de quelques longueurs, et dont on aurait aimé qu'il fût davantage un roman autonome que le premier tome (de cinq cent pages) d'un énième cycle de fantasy. Parce que ça, vraiment, ça commence à bien faire…

Utopiae 2002

À l'heure actuelle, Utopiae est la seule anthologie originale disponible. Certes, on peut trouver un best of francophone annuel au Bélial' (le SF 2000-2002), pléthore d'anthologies thématiques qui vont des sujets les plus bateaux (l'érotisme) aux plus improbables (les cochons), en passant par le hard boiled S-F et les invasions. Il y avait eu les Escales du Fleuve Noir et les Horizons lointains de R. Silverberg en « Millénaires »… Aussi, quand il n'y a pas d'antho, il en faut.

Et Bruno Della Chiesa s'est engagé, avec l'appui des éditions l'Atalante, sur les traces des pionniers des S-F exotiques que furent Jean-Pierre Moumon et Bernard Goorden. On retrouve d'ailleurs au sommaire le Brésilien Roberto De Sousa Causo, que l'on avait pu lire naguère dans Antarès, la publication dirigée par Moumon, et qui figure ici en compagnie de deux autres latino-américains.

La vraie curiosité est bien sûr la nouvelle de l'Indien Ashok K. Banker. Elle ouvre ici ce recueil sur le thème de la transmigration de l'âme du martyr dans l'enveloppe charnelle du bourreau, sujet jadis traité par feu Marion Zimmer Bradley puis par Serge Lehman dans un de ses meilleurs textes, « Dans l'abîme ».

W. Jeschke aborde la traque des résistants arabes à la mondialisation occidentale par des moyens à la fois génétiques et nanotechnologiques et de hideuses armes non létales d'autant plus odieuses que bien pensantes sur une Terre qui rappelle un peu Ventus de K. Schroeder.

Dans « La Plus belle femme du monde », de Roberto de Sousa Causo, les extraterrestres sont venus et repartis, dégoûtés que nous ne valions pas mieux qu'eux.

L'Espagnol Rodolfo Martinez produit ici un texte sans intérêt où le dernier homme vient mourir à bord d'un train automatique.

La fable anti-féministe du Tchèque Jan Polacek amuse en mettant en scène une société où la libido mise à contribution pour produire de l'énergie est censée être stimulée par ses propres produits technologiques. Celle du héros étant davantage stimulée par le sexe opposé, le voici déporté sur une île déserte qui servira de jardin d'Eden.

James Morrow revisite sa thématique eschatologique selon l'humour absurde de Robert Sheckley, ou les aventures de deux missionnaires rationalistes chez les robots intégristes darwiniens.

« L'Ouragan » de Jean-Marc Ligny est un beau texte, intimiste et juste. Sur fond de catastrophe écologique globale, il nous livre un drame sans en faire trop, ce qui n'en donne que plus de force à sa nouvelle.

Le texte du mexicain Roberto Lopez Moréno oscille entre La Rédemption de Christophe Colomb d'O.S. Card et En des Cités désertes de Lewis Shiner. Les Mayas y sont maîtres de l'espace et du temps…

Lucas Masali fait très fort : des sorcières féministes ressuscitent Nicolas Eymerich, l'inquisiteur médiéval, dans le corps d'un pape réactionnaire mais trop matérialiste à leur goût afin d'avoir un adversaire digne de ce nom et justifier leur existence.

« Les Jardiniers du monde » de Jean-Louis Trudel, qui nous a habitués à mieux, n'a aucun intérêt.

Dans « Le Métayer », Liz Williams met en scène la résistance agricole de paysans musulmans ouzbeks face à un état fasciste vendu aux capitalistes pourvoyeurs d'OGM.

Avec le texte du Cubain Yoss, on traite de l'invasion en revenant aux prémices du Canal Ophite de John Varley.

La lecture de cette anthologie est révélatrice de la capacité, voire de la nature même, de la S-F à gommer les particularismes locaux au profit d'une expression de l'imaginaire de l'Occident chrétien et technologique qui ne varie guère d'un pays à l'autre. La S-F apparaît donc ici comme un élément actif de la mondialisation de l'imaginaire selon le canon anglo-saxon, quand bien même elle est critique. Et en France, critique, la S-F l'est la plupart du temps, sans jamais toutefois déroger au politiquement correct. Or, cette critique n'est qu'un mode de la rebelle-attitude en kit aseptisé que les marchés sont rompus à vendre.

Les textes de Banker et Moréno, qui ont les plus forts ancrages locaux — dans la spiritualité traditionnelle de l'Inde et l'histoire précolombienne — s'apparentent néanmoins sans difficulté à d'autres textes du panthéon S-F. L'Occident a depuis longtemps, et c'est sa force, appris à intégrer de telles données et à les traiter. C'est une sorte de civilisation virale qui pénètre les autres et les fait tourner à son profit ; ainsi deux textes européens exploitent-ils l'Islam. Non seulement il intègre les caractéristiques utiles, mais surtout fait produire de l'occidentalisation.

Cette anthologie internationale a le mérite de nous permettre de voir à l'œuvre le mécanisme consistant à instiller la pensée occidentale chez autrui par le truchement de son autocritique afin de se rendre familière et de dédramatiser les méfaits du capital. Même si le texte de Liz Williams n'est pas publié en terre d'Islam, il finira par toucher, par percolation, quelques musulmans. Et il n'est qu'un des grains de sable du désert…

Utopiæ 2002 intéressera davantage par ce qu'elle révèle à travers son concept que par les textes qui y sont inclus. Néanmoins, la plupart se lisent agréablement.

La Science-Fiction

Suffisamment rares sont les ouvrages sur notre genre de prédilection pour que nous n'omettions point d'en parler (même avec un an de retard !).

Mais avant toute chose, tâchons de déterminer à qui s'adresse celui-ci.

Certainement pas aux connaisseurs, non, mais plutôt à tous ceux qui veulent savoir ce qu'est cette bête étrange que l'on nomme science-fiction et à qui il apparaît nécessaire ou souhaitable de savoir de quoi il en retourne. Aux profs, par exemple…

Les auteurs commencent par essayer de répondre à la question : « Qu'est-ce que la science-fiction ? » Ils abordent sa dimension anticipative, sa vision technoscientifique et son approche rationaliste, soulignent qu'il s'agit d'une littérature spéculative et non pas prophétique, axée sur l'exploration de divers possibles soumis à condition et non sur une quelconque prédictibilité.

Ainsi, la S-F explore non seulement ce qui pourrait se passer lorsque les E.T. viendront (s'ils viennent, s'il y en a), mais aussi ce qui se passerait s'ils étaient déjà venus, si l'Axe avait gagné la Deuxième Guerre Mondiale, etc.

Les auteurs tentent également de définir la S-F par rapport à des genres voisins avec lesquels on (le béotien) tend à la confondre : le merveilleux, la fantasy, le fantastique, l'utopie, etc. Après quoi ils approfondissent quatre types de S-F : le space opera, la hard science, le cyberpunk et le steampunk.

Cette introduction terminée, nous est proposé un historique du genre, suivi d'une recension des thématiques qui constitue le gros de l'ouvrage. Les auteurs les parcourent, de la conquête spatiale à l'uchronie en passant par les extraterrestres, le voyage temporel, les sociétés futures, mutants, ordinateurs et autres robots, l'impact de la science sur l'homme, la politique, la métaphysique et l'eschatologie, le réel et le virtuel, les univers parallèles. Un dernier chapitre, enfin, est consacré au traitement humoristique. À cette exception près, les auteurs esquivent le débat sur la forme et c'est peut-être dommage.

Le principal défaut de l'ouvrage tient à ce qu'il s'apparente trop à un catalogue de la production de S-F en France. Paradoxalement, c'est aussi ce qui fait sa qualité et révèle combien les auteurs sont des prosélytes qui aiment le genre et connaissent sur le bout des doigts ce qui s'est publié dans l'Hexagone, au point que l'on peut critiquer l'excès de citations. Un auteur actuel et abondant, comme Pierre Bordage, y voisine avec la production plus discrète mais exigeante d'une Sylvie Denis, des space opera oubliés d'un Maurice Limat au Fleuve Noir ou des anciens tels que Rosny Aîné. Du coup, les annexes constituent une autre force de l'essai. Elles sont au nombre de cinq. Un dictionnaire des principaux auteurs avec notices biographiques ; un glossaire pratique des termes spécifiques pour ceux qui n'y connaîtraient vraiment rien ; un répertoire des fort nombreuses œuvres citées (livres, BD et films) classées par auteurs ; un index des notions et un index des noms propres. On déplorera que le répertoire des œuvres ne bénéficie pas d'un renvoi de page et qu'il faille transiter par l'index des noms pour accéder au texte depuis une référence. Il faut aussi noter que seule la production traduite est prise en compte ; le livre fait comme si ce qui n'a pas été traduit n'existait tout simplement pas.

C'est un ouvrage essentiellement descriptif. Pas une œuvre critique. D'une manière générale, les auteurs s'abstiennent de commenter le genre. Ils n'opèrent pas de distinguo entre une S-F animée de véritables ambitions littéraires, tant stylistique que problématique, d'une autre ayant avant tout vocation divertissante (nonobstant le fait qu'il existe de bons divertissements et des spéculations médiocres). On pourra donc considérer comme regrettable qu'un ouvrage destiné en priorité à des béotiens ne demandant qu'à apprendre présente la S-F comme si tout y était intéressant.

Avant de conclure, il nous faut abonder dans le sens des auteurs qui voient depuis 20 ans un certain affadissement du genre, pour ne pas dire un affadissement certain. Le nier reviendrait à adopter la politique de l'autruche. La S-F est un produit culturel des XIXe et XXe siècles où dominait une idéologie de progrès ; elle ne saurait être une littérature du XXIe siècle tel qu'il s'annonce, au mieux conservateur, voir réactionnaire. Ainsi Francis Fukuyama, l'éminence grise (brune) de Reagan qui s'est fendu d'un ouvrage intitulé La Fin de l'Histoire, où il estime le capitalisme indépassable, vient de récidiver avec La Fin de l'Homme, essai ultraréactionnaire sur la bioéthique parce qu'une transcendance de l'humanité représente une menace pour le capitalisme. C'est cette pensée, rigoureusement hostile au concept même de science-fiction, qui aujourd'hui domine totalement le bassin culturel de la S-F, l'Occident. Aussi notre littérature de prédilection est-elle pour l'heure vouée à ressasser les clichés du genre selon un canon politiquement correct, en passant sous les fourches caudines d'un terrorisme intellectuel plus virulent que jamais. Les bons ouvrages spéculatifs, tel Le Feu sacré de Bruce Sterling, sont désormais la portion congrue, très congrue. À l'inverse, foisonnent les ouvrages de fantasy médiévale véhiculant une idéologie féodale et un obscurantisme de mauvais aloi où l'homme est livré à des forces qui le dépassent (sans doute les forces du marché). Difficile d'imaginer un contexte macroculturel moins favorable à la S-F. Il lui incombe néanmoins de porter l'espoir du progrès et d'imaginer un monde meilleur, ne serait-ce qu'en critiquant celui-ci, comme le firent les auteurs des années 60/70.

La Science-Fiction est un ouvrage didactique de base, à caractère essentiellement descriptif, qui ne s'adresse pas aux fans chevronnés. Les autres y trouveront un panorama qui pourra leur être utile. Les connaisseurs y puiseront de quoi alimenter leurs querelles de chapelle, opposer moult objections, polémiquer à loisir et animer maintes controverses, mais rien de rédhibitoire qui permette de vouer l'ouvrage aux gémonies.

Le Mangeur d'âmes

À une époque où l'on gaufre le papier pour faire croire au lecteur potentiel que les gros livres sont très gros, un roman de 190 pages seulement en vient à représenter la plus savoureuse des aubaines : un livre où l'auteur n'a pas tiré à la ligne de manière éhontée. Un récit où les idées n'ont pas été diluées dans une crue de mots jusqu'à ce que tout sens soit perdu dans un limbe d'ennui, voilà qui honore son éditeur.

Nicobar Lane, chasseur d'exception, est un homme riche et réputé. Aussi, lorsqu'un commanditaire lui commande la « peau » du Marchand de Rêves, Lane l'envoie-t-il paître, de même que le ferait tout chasseur se respectant à qui on demanderait une tête de yéti ou de serpent de mer. Mais… Dans un système où il a à faire, il rencontre un étrange objet spatial qui s'échappe aux abords d'un trou noir. En compagnie du « vieux marin », qui affirme avoir jadis croisé le Marchand de Rêves et voudrait prouver qu'il a bien encore la tête sur les épaules, Nicobar Lane finit par se mettre en quête… Une quête qui se fait vite obsession, compulsion. Comme le junkie, Nicobar Lane oscille bientôt entre un tropisme invincible et une violente répulsion pour ce qu'il est en train de devenir, prise de conscience qui renforce son obsession à vouloir la mort de cette créature. On voit Lane se désocialiser progressivement, s'éloigner de ses amis, renoncer à son métier et renier ses engagements, dilapider son capital, arnaquer et finir par sombrer dans le crime pour assouvir son penchant. Après avoir trouvé une arme susceptible de détruire le Marchand de Rêves, il poursuivra la créature par-delà les trous noirs…

Le Mangeur d'âmes est davantage un roman psychologique qu'un livre d'action. C'est un roman sur l'obsession, cette volonté de contrôler ses désirs qui doit supprimer le dégoût de soi-même éprouvé pour avoir cédé à la jouissance. L'obsession conduit Lane à perdre la maîtrise de tous les autres pans de sa vie pour n'en contrôler qu'un, celui qui l'obsède. Le Marchand de Rêves apparaît alors comme une métaphore de l'altérité radicale de l'objet lacanien du désir et, tout au long du roman, on voit Nicobar Lane perdre sa dimension symbolique dans son déficit de « Parole », on observe sa chute hors de l'Humanité. Page 183, Resnick utilise les mots « amoureuses » et « reconnaissantes », qui sont du registre symbolique et pourraient ouvrir sur la rédemption si Lane n'était allé trop loin. S'il échappe toutefois à la damnation, ce n'est que pour le purgatoire…

Voilà un bon roman, agréable, certes, mais pas uniquement. Mine de rien, ce petit space opera intimiste est bien plus près de la littérature, du roman psychologique que l'on ne s'y attend de prime abord. N'est pas Vance qui veut, aussi le dépaysement n'est-il pas vraiment au rendez-vous. Mais l'intérêt est ailleurs. On imagine tout l'ennui que ce roman aurait sécrété étendu sur 500 pages. Ici, en à peine 200, il prend toute sa mesure. Le Mangeur d'âmes est une bonne surprise.

L'Espace de la révélation

Les Presses de la Cité ont pris la bonne habitude de nous livrer de la S-F pure et dure. On leur doit la Trilogie Martienne de Kim Stanley Robinson, la « trilogie séquelle » de Fondation par Bear, Benford et Brin, et d'autres romans de Benford. Elles nous offrent ici, sous la signature jusqu'alors inconnue d'Alastair Reynolds, un grand space opera.

Bien que fort de 700 pages, force est d'admettre que l'ouvrage n'impressionne pas que par son poids. On ouvre et on commence à lire en se disant que c'est plutôt bien, éminemment lisible et puis, mine de rien, au fil des pages qui défilent, on se retrouve ferré. On s'aperçoit que c'est très bien fichu, très professionnel. Ça s'articule autour de trois personnages principaux, Dan Sylveste, Ana Khouri et Ilya Volyova, d'un nombre limité de figures secondaires, Sajaki, Hegazi, Pascale et Calvin Sylveste, respectivement femme et père numérisé de Dan, de quelques personnages de troisième plan et d'un élément, « le Voleur de Soleil », qui, bien qu'actif, ne saurait être qualifié de personnage. Deux planètes, un artefact et surtout un vaisseau spatial leur servent de théâtre. Trois lignes narratives pour commencer, dont deux se rejoignent rapidement, puis une seule avant même que le roman ne soit mis à l'équerre. Comme quoi il n'y a nul besoin de pléthore de lieux ni d'une foultitude de personnages où se perdent le lecteur et qui, à mon sens, servent à masquer l'indigence d'une intrigue et de son cadre. On notera que Reynolds n'utilise guère que les patronymes de ses personnages, y compris des femmes, à l'exception de Pascale et Calvin afin d'éviter les confusions possibles ; l'effet qui en découle cadre fort bien avec le récit et ses protagonistes. Il n'a pas davantage éprouvé le besoin de conférer de profondeur particulière aux personnages, ce n'est pas un drame mais un roman d'action. Jamais il ne le perd de vue. Il entretient savamment le suspense en sautant d'un personnage à l'autre au moment critique à la manière du David Brin d'Elévation. Le procédé n'est peut-être pas de la plus grande finesse et pourra irriter les amateurs d'élégance raffinée, certes. Mais il marche. L'ambition littéraire, la virtuosité stylistique, l'élégance de la construction ne sont en rien les préoccupations majeures de l'auteur. Le propos est de nous conter une bonne histoire de S-F. Et Alastair Reynolds s'y entend à merveille.

L'action dope le récit et le propulse au sein d'un « background » particulièrement dense, d'une richesse de science-fiction peu commune. À l'instar de Ventus, ce roman n'est pas idéal pour amener à la S-F de nouveaux lecteurs. L'usage pointu qui y est fait de la quincaillerie nécessite une culture S-F qui dépasse Star Wars de cent coudées. Ce serait comme de s'initier à l'alpinisme en s'attaquant au K2. Oui, vraiment, une certaine familiarité avec la S-F est requise. Autant le savoir… (mais comme vous avez fourré votre long nez entre les pages de Bifrost…)

Plusieurs aspects de ce gros roman renvoient aux grands space operas qui l'ont précédé : Inexistence, le tout aussi imposant ouvrage de David Zindell récemment réédité, ou Un Feu sur l'abîme de Vernor Vinge. On retrouve des éléments présents dans le cycle du « Centre Galactique » de Gregory Benford, notamment le respect de la vitesse de la lumière par les astronefs. Plus marquant, Reynolds exploite l'idée de machines intelligentes cherchant à éradiquer toute vie organique de la galaxie. Les Berserkers chers à Fred Saberhagen ne cessent de progresser. Reynolds puise son histoire à double titre dans le passé ; celui des personnages revient comme un retour de flamme tandis que l'Humanité — dont la survie est en cause, comme dans tout space op' qui se respecte — s'inscrit dans une histoire galactique vertigineuse. L'humanité est d'ailleurs plus divisée que jamais, à la manière dont on peut la voir dans Étoiles Mourantes d'Ayerdhal et Dunyach. Bref, en un mot comme en cent, Reynolds a intégré à son roman tout ce qui court l'espace science-fictif actuel, y compris ce qu'il faut de génétique et de nanotechnologie. Voilà qui risque de constituer un mur pour le lecteur inexpérimenté, mais sera un mets de choix pour les autres.

C'est un nouveau jalon dans l'évolution du genre qui se pose après « Les Fulgurs » d'E. E. "Doc" Smith et La Poussière dans l'œil de Dieu de Larry Niven et Jerry Pournelle. C'est moins écrit que L'Anneau de Ritornel de Charles L. Harness ou Hypérion et tout n'est certes pas parfait dans ce livre. Le final, notamment, déçoit un peu. Sans aller jusqu'à dire qu'il est tiré par les cheveux, il manque d'envergure, de souffle. Tombe un peu à plat. À la lueur de la fin, et bien qu'elle tienne debout et retombe sur ses pattes, l'intrigue paraît un peu branlante. Rien de rédhibitoire toutefois. On aurait préféré mieux, sans pouvoir dire quoi sinon que le deus ex machina est malvenu et que, pour une fois, on aurait souhaité une fin ouverte et peut-être plus grave. Bien des défauts subsistent et nombre d'imperfections émaillent le récit sans jamais porter atteinte au plaisir de lecture, balayés qu'ils sont par le torrent de l'action. En fait, ils ne se révèlent qu'à posteriori, quand on revient sur le livre pour en parler.

L'Espace de la révélation n'est pas un ouvrage que l'on va lire pour s'esbaudir devant sa facture. Ce n'est pas de la littérature snob. C'est un divertissement pour lecteur de S-F chevronnés. Ça aurait pu être mieux, mais, comme chacun sait, le mieux est l'ennemi du bien et l'ennemi mortel du très bien. Aussi nous satisferons nous de « pu être mieux », et pas qu'un peu…

Starplex

En 2076, les Humains et les Dauphins découvrent que leur galaxie est parcourue par un réseau de transchangeurs, des portes artificielles permettant de voyager instantanément de système stellaire en système stellaire. Des créateurs de ces portes, nulle trace. Si la plupart de ces transchangeurs sont en sommeil, quelques-uns donnent accès à des systèmes abritant la vie. C'est ainsi que les Humains et les Dauphins découvrent deux autres races, les Waldhahuds et les Ebis. Rapidement, ces quatre peuples mettent sur pied une alliance : le Commonwealth des Planètes. Trente ans plus tard, devant l'immensité de la tâche que représente l'exploration du réseau des transchangeurs, le Commonwealth décide de construire un gigantesque vaisseau spatial destiné à la recherche, le Starplex, dont la mission consiste à découvrir d'autres races intelligentes. Mais bientôt, les choses tournent mal…

Autant le dire de suite : cette histoire n'a rien de captivant. Si le rythme du récit reste soutenu, si on ne s'ennuie pas tout à fait, l'intérêt a bien du mal à décoller. La trame se compose de trois ou quatre histoires, que l'auteur parvient péniblement à lier et qui sont pour la plupart assez superficielles. Les (rares) personnages sont insignifiants et creux, avec pour seul bagage psychologique leur savoir scientifique. Certains sont même assez pénibles, notamment le capitaine du Starplex qui a la quarantaine gonflante et les problèmes qui vont avec — suis-je encore capable de séduire ? Les deux autres races du Commonwealth, qu'il aurait été intéressant de voir vivre, ne sont là que pour donner la réplique aux Humains dont la culture, omniprésente, étouffe tout sentiment d'exotisme. Et les Dauphins ! Censés constituer un des quatre peuples formant le Commonwealth, et à ce titre entrer dans la même part que les autres dans la composition de l'équipage du Starplex, on ne voit apparaître le premier représentant de cette race… qu'après la page 150 !

L'action est constamment entravée par des pages d'explications scientifiques qui semblent droit sorties de manuels universitaires, explications qui plus est d'un niveau peu accessible aux non scientifiques. Sawyer, pourtant très disert dès qu'il s'agit d'astronomie, de physique, de chimie ou d'astrophysique, se trouve subitement muet face au paradoxe temporel — il en évacue proprement toute allusion — et utilise d'énormes ficelles, telles la perte de mémoire ou la supériorité scientifique et technologique, bien commodes dès qu'il faut apporter des réponses délicates à des questions embarrassantes.

Pas franchement ennuyeux, mais pas vraiment intéressant, un de ces livres qui ne laissent aucune trace dans la mémoire après les avoir refermés. Se dire que Sawyer nous a déjà livré pire n'est hélas, en l'espèce, d'aucun réconfort…

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