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Le Testament d'un enfant mort

[Critique commune à Le MercenaireLa Tour des damnésLe Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Le Mercenaire

[Critique commune à Le MercenaireLa Tour des damnésLe Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Un logique nommé Joe

[Critique commune à Le Mercenaire, La Tour des damnés, Le Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Le Temps du rêve

DreammasterTM est une société à la croisée des neurosciences et des jeux vidéo qui propose des rêves sur mesure, en fonction du client et de ses envies. D’entrée de jeu, le programme de démonstration du Temps de votre rêveTM invite à coiffer une résille et à insérer la puce de réglage sur les fréquences de ses zones sensorielles cérébrales. La suite est contée à la deuxième personne du singulier, alternant le sexe selon le scénario, à la façon d’un Livre dont vous êtes le héros. Elle met en scène un mari modèle ou une étudiante au bal de fin d’année se positionnant en concurrente pour attirer l’attention du prince charmant de la soirée. Des rêves formatés pour le moins communs ou insipides… Il est possible d’en choisir de plus élaborés dans le catalogue de La Caravane des rêves, qui relèvent du cinéma : dans un univers de science-fiction et de fantasy mêlés, le rêveur affronte en duel le redoutable Magus Majoris ou vainc un dragon pour gagner les faveurs d’une princesse brûlante de désir. Ces oniropuces sont classées TP (tout public), - 12 et - 18, le niveau Sans Restriction des situations les plus extrêmes n’étant pas officiellement disponible. Mais il est possible de télécharger auprès de Pirates du Temps des rêves, à ses risques et périls, des programmes plus âpres, pas toujours dénués de cauchemars traumatisants ni de vers ou de virus. Au fil des situations rêvées, le rêveur se trouve en toujours plus fâcheuse posture, jusqu’à finir coincé dans des impasses oniriques, poursuivi par un blob infâme ou jeté dans une fosse de cadavres, prêt à être écrasé par un poids géant.

On l’a compris, la progression se calque sur l’histoire du Net, avec sa succession d’antivirus et de chevaux de Troie, dans une spirale sans fin. Les passages d’un rêve à l’autre finissant par lasser invitent à méditer sur les addictions numériques qui poussent à préférer des rêves uniformisés à sa propre créativité, au risque d’y laisser sa santé mentale. Nul commentaire ne se rajoute aux scènes : elles sont délivrées brut de décoffrage jusqu’à la fin, ce qui fait l’originalité de l’exercice mais définit aussi ses limites. Malgré un suspense apparu dans le dernier tiers, ce court roman aurait gagné à présenter des rêves plus concis qui auraient frappé par leur densité.

A signaler en exergue l’émouvant hommage de Norman Spinrad à ses traducteurs, notamment à Roland C. Wagner dont il fut le père symbolique, en quelque sorte rêvé.

La Science-fiction en France

Les études littéraires sur la SF sont rarissimes, frilosité que déplore Gérard Klein dans sa préface après un bref état des lieux. C’est donc tout à l’honneur de Simon Bréan que de proposer une théorie et histoire de la littérature de science-fiction en France, centrées sur les trois premières décennies, des années 1950 à 1980. Voici déjà un parti pris à rebours des thèses traditionnelles : si Bréan inventorie rapidement la proto-SF, de la fin du XIXe siècle à la seconde guerre mondiale, il n’y voit pas de relation de continuité avec la SF d’après-guerre, qui est d’influence états-unienne. Son corpus thématique se situe davantage en concurrence avec le corpus anglo-saxon, déjà solidement constitué lors de sa réception en France, et vers lequel la proto-SF ne semblait pas converger. Elle s’organise autour d’une poétique de l’anomalie, dans une méfiance de la science peu orientée vers l’esquisse de nouvelles perspectives.

En introduction, évacuant d’emblée la relégation de la SF en genre, Simon Bréan définit et justifie avec minutie les termes qu’il emploiera avant d’engager le débat. Ainsi, toute fiction est pour lui soumise à un régime ontologique (le monde dans lequel s’inscrit la fiction) de type poétique (minimaliste pour la littérature ayant le réel pour référent) matérialiste (l’effet de réel du texte) qui se décline selon trois modes : extraordinaire, rationnel, spéculatif.

Quelques points de sa thèse concernant les précurseurs et modèles sont discutables, sans cependant mettre à mal le propos général. L’analyse pointe bien le malentendu qui s’instaure entre deux types de lecteurs, conduisant, malgré des débuts prometteurs, à séparer la SF des autres littératures. Selon Bréan, le rendez-vous manqué, la survie en tant que niche éditoriale, contrarient davantage encore l’émergence d’une école française, déjà handicapée face au socle solide d’une SF US vieille de trente ans, à laquelle elle est censée se rallier sans cependant l’imiter. Il lui faudra précisément trois décennies pour asseoir sa spécificité et acquérir son autonomie, chacune d’elles traitant de l’espace selon un axe particulier : l’aventure spatiale contrariée, l’exploration planétaire et la fuite hors de monde inhospitaliers, ce qu’une analyse du corpus (un millier d’ouvrages !) met en évidence.

Celui-ci, très large, accorde une même attention aux auteurs du Fleuve noir qu’à ceux du « Rayon fantastique » ou de « Présence du futur ». Une vingtaine d’entre eux sont plus particulièrement analysés, décennie par décennie, accordant une place privilégiée à Gérard Klein et Pierre Pelot (Steiner et Wul en second plan), ainsi qu’à l’œuvre isolée de Surface de la planète de Daniel Drode, qui résume à elle seule les malentendus des origines.

L’étude historique fait ressortir les faits saillants, comme la longévité de la collection « Anticipation » du Fleuve noir soumise à des exigences éditoriales figées, le rôle central de la re-vue Fiction et celui, essentiel, de Gérard Klein, comme promoteur incontournable aussi bien comme auteur, critique et éditeur. Cette mise en perspective éclairante, enrichie de lectures mais aussi de réceptions critiques, est complétée par un rapide bilan historique jusqu’à nos jours.

La seconde partie tente de dégager les spécificités littéraires de ce même corpus, ce qui occasionne quelques répétitions dans la présentation et le résumé d’œuvres, peu dérangeantes ceci dit, en raison des éclairages différents. Simon Bréan reprend et prolonge les théories de ses prédécesseurs, du novum de Darko Suvin à la xéno-encyclopédie de Richard Saint-Gelais. En abordant successivement les constructions lexicales et les néologismes aptes à produire des réalités jusque-là indistinctes, les stratégies discursives pour matérialiser un monde, rhétorique doublée d’une nécessaire participation du lecteur à la création de l’univers (il constitue pour ce faire son propre vade-mecum), Simon Bréan semble dégager des propriétés et reproduire des processus d’écriture et de lecture propres à l’ensemble de la science-fiction.

S’il faut établir des différences, c’est à partir du macro-texte, notion originale que Bréan prend le temps de défendre point par point et qu’on peut définir comme étant les coordonnées précises d’une culture en un temps et un lieu donnés, artefact modelant l’horizon d’attente des œuvres nouvelles. Cette notion est peu opérante en littérature générale, qui n’entretient pas avec le monde réel un rapport aussi dynamique, au contraire de la SF, littérature collective qui procède par ajouts, implique le lecteur et suppose, de la part de l’auteur, une connaissance de l’ensemble du champ, sous peine de manquer de pertinence. L’approche théorique de Simon Bréan est de nature à délivrer une définition plus précise de la science-fiction. Ainsi, cette phrase au détour d’un commentaire : « Produit artistique, elle incorpore et transforme en données fictionnelles des représentations et des analyses du monde réel, qui dialoguent librement avec des images récemment extrapolées et des modèles généraux formés par le raffinement incessant d’anciennes conceptions. »

Le graphique des intersections des trois régimes ontologiques matérialistes donné en conclusion situe avec une remarquable efficacité les différents genres et leurs articulations. En annexe, des chronologies indicatives de la SF ou de l’édition en France complètent cette lecture en tous points passionnante. Adapté de la thèse de doctorat en littérature française que Simon Bréan a soutenue à l’ENS en 2010, cet ouvrage est non seulement indispensable sur le plan de l’analyse littéraire, mais se veut aussi, grâce à ses patients résumés, un guide de lecture qui saura guider le profane dans sa découverte de la science-fiction française. 

Anthologie 01

Ce recueil, c’est aussi bien une anthologie qu’un manifeste. Examinons les choses dans l’ordre.

Après une introduction qui présente la maison d’édition, son histoire et ses projets, le sommaire aligne les récits. « Le Vieux M. Boudreaux », de Lisa Tuttle, est une histoire de hantise, et de filiation, et de retour à l’enfance ; c’est aussi un petit chef-d’œuvre de subtilité et de classe. « Coups de feu dans la forêt », d’Yves et Ada Rémy, une novella, renoue quelque peu avec l’ambiance des Soldats de la mer, en mettant en scène un jeune homme, dans une petite ville allemande du XIXe siècle, que la vision fortuite d’une femme dont il va aussitôt tomber amoureux précipite dans une succession de rêves signifiants ; comme toujours avec ces deux magiciens du verbe, l’écriture est à se damner. L’autre novella, « L’Arbre à épines », de Robert Holdstock et Garry Kilworth, raconte une obsession aussi vieille que le monde, la quête de l’immortalité, qui promène son archéologue de protagoniste aux quatre coins de l’horizon et permet aux deux complices de livrer des parodies enjouées de divers auteurs du patrimoine, de Homère à Shakespeare en passant par Chaucer ; le tout est aussi goûteux qu’un bon beef broth. « Journal anticipé d’un écrivain mythomane », du regretté Jacques Mucchielli, est une métafiction sur Yirminadingrad qui s’inscrit dans ledit cycle ; un texte douloureux et sensible que Léo Henry présente avec la pudeur des vrais amis. Suit un long entretien avec ces deux compères (et l’illustrateur Stéphane Berger), toujours sur le cycle en question, et un extrait de Sur le fleuve, roman picaresque des mêmes.

Cette Anthologie se veut bien évidemment une vitrine du travail que réalise Dystopia et propose d’ailleurs un certain nombre de pistes pour qui souhaiterait aller plus loin que faire son simple boulot de lecteur ou de lectrice. Sur le plan purement formel, force est de reconnaître que la qualité est au rendez-vous, et tout le mal qu’on souhaite à ces fêlés de la chose littéraire, c’est que de plus en plus de monde puisse s’en rendre compte. Ce beau volume devrait y contribuer.

La Porte des limbes

La Porte des Limbes est le premier roman d’Erik Wietzel, aujourd’hui réédité par Mnémos dans une édition revue (définitive ?) par l’auteur.

Passons sur le prix (cent quatre-vingt pages pour dix-huit euros… heureusement que le roman n’en faisait pas quatre cents, si l’on suit cette logique !) pour nous concentrer sur le texte, découvert d’un œil neuf, la version originale n’étant jamais tombée entre mes mains.

Et il apparaît bien vite que La Porte des Limbes vaut avant tout pour son ambiance, plutôt réussie. L’atmosphère invoquée, celle d’un Paris décadent du XIXe siècle, comme le précise la quatrième de couverture (au cas où ça ne nous sauterait pas aux yeux), n’est pas désagréable. Mais l’intrigue n’est guère palpitante, la faute à des chapitres trop courts pour permettre au lecteur de véritablement s’investir dans le récit. Alors, certes, le rythme est de fait soutenu et les choses gagnent nettement en intérêt dans le dernier tiers du roman, porté par des « révélations » attendues mais intrigantes. Toutefois, le roman dans son ensemble demeure par trop bancal et on aurait apprécié que cette édition révisée soit l’occasion d’éviter quelques maladresses stylistiques. Si certaines tournures contribuent sans doute du point de vue de l’auteur à nourrir l’ambiance du livre, ces lourdeurs n’en demeurent pas moins regrettables.

L’un dans l’autre, La Porte des Limbes n’est pas désagréable pour autant. Pour peu que le lecteur réussisse à s’affranchir de la première moitié du roman et en arrive à sa véritable moelle, il en tirera une lecture plaisante quoique vite oubliée. Mais une chose est sûre, on ne pourra pas le taxer de tirer sur la corde.

On se doute bien que les éditions Mnémos ont voulu miser sur une réédition de plus pour minimiser les risques en cette période difficile, Erik Wietzel n’en étant plus, justement, à son premier roman, même s’il n’est pas le plus connu des auteurs français. Un constat qui n’entre en rien dans l’intérêt à porter (ou pas) au roman, un thriller fantastique dans la moyenne que l’on aurait malgré tout plutôt vu en poche, surtout quand l’éditeur vient d’annoncer vouloir se (re)lancer dans ce domaine avec une collection dédiée…

Le Lion du Caire

Précédé d’une réputation flatteuse car « adoubé » par un Patrice Louinet ayant retrouvé dans ce roman ce souffle howardien que certains cherchent désespérément, Le Lion du Caire était donc attendu.

Roman d’un peu plus de près de cinq cents pages dans sa version française, l’ouvrage de Scott Oden nous entraîne dans les pas d’Assad, un redoutable assassin (ou Hashishin), qui va avoir fort à faire pour accomplir la mission qu’il se voit confier par un calife aux abois.

Autant le dire tout de suite : Le Lion du Caire constitue une variation réussie autour du roman d’aventure à la Howard, justement.

Le lecteur peut tout d’abord compter sur un rythme soutenu, d’autant que Scott Oden nous propose un contexte finalement rarement exploité, du moins dans le cadre d’un roman de fantasy. Une véritable « cour des miracles » à l’échelle d’une cité entière, aussi dangereuse qu’enivrante. Mais si la plume de l’auteur se montre alerte (le récit démarre vraiment pied au plancher, ou plutôt épée à la main), en particulier lors de scènes d’action aussi variées que réussies, elle ne mise pas uniquement sur son dynamisme. Le roman s’avère en effet mieux écrit que la moyenne, et ce d’un bon cran (certes, nous ne sommes pas pour autant chez Guy Gavriel Kay période Les Lions d’Al-Rassan…).

Mais un roman abouti doit également pouvoir compter sur ses protagonistes. Sur ce plan, si l’on pouvait craindre de rencontrer une fois de plus un « simple » assassin parmi d’autres, de ceux dont la fantasy nous a tant abreuvés ces dernières années, il n’en est rien. Le personnage d’Assad est à la fois attachant et intéressant, de par son parcours comme par son caractère nuancé. C’est logiquement la figure la plus marquante du roman, qui possède toutefois quelques seconds rôles sympathiques.

Concernant la dimension « historique » du livre, celle-ci n’écrase pas, et loin s’en faut, l’aspect fantasy de l’intrigue, auquel l’auteur fait toutefois appel avec une certaine parcimonie, l’utilisant toujours à bon escient. On retrouve ce parfum de pulp qui plaît tant, tout en ayant souvent l’impression que Scott Oden est parvenu à invoquer l’esprit du Robert E. Howard période Le Seigneur de Samarcande. Ce n’est pas un petit compliment, mais l’auteur le mérite bien. Cela dit, rassurez-vous (?) : si vous n’avez pas accroché à la plume du créateur de Conan, Oden ne cherche pas à le singer et possède sa propre voix. Disons qu’ils œuvrent dans un même registre dans le cas présent, le contemporain dédiant d’ailleurs son récit à son prédécesseur.

En fin de compte, Le Lion du Caire constitue une lecture divertissante, voire réjouissante, mais pas décérébrée pour autant, au contraire. Et franchement, au prix de trois romans Assassin’s Creed, chez Milady, pourquoi se priver de faire dans « l’original » ? 

Cagebird

[Critique commune à WarchildBurndive et Cagebird.]

Si l’on se limitait à considérer la trilogie de Karin Lowachee sous le seul angle de la quincaillerie qu’elle déploie, il serait presque tentant de la classer parmi ce que la sci-fi compte de plus conventionnel, celle dont on fait les séries à rallonge. Qu’on en juge un peu : une guerre interstellaire entre humains et extraterrestres, des pirates de l’espace, des combats au laser, des abordages au cœur du vide… l’auteur n’hésite jamais à faire appel aux stéréotypes les plus éculés du space opera. Bien entendu, réduire ces trois romans à ce seul aspect reviendrait à passer complètement à côté de tout ce qui leur donne leur originalité et leur identité propre.

Dans Warchild, le premier roman de cette série (qui n’en est pas tout à fait une, mais nous y reviendrons), Karin Lowachee a la bonne idée de nous faire découvrir l’univers qu’elle met en scène à travers le regard d’un enfant de huit ans, Joslyn Musey. Et effectivement, de son point de vue, la guerre qui oppose les braves humains du ConcentraTerre aux cruels aliens Striviirc-na est on ne peut plus simple et manichéenne. Jusqu’à ce que son monde vole en éclats, lorsque son vaisseau est attaqué par un navire pirate et ses parents tués. Capturé par le sinistre Vincenzo Falcone, libéré par les Striviirc-na et leurs alliés humains qui vont assurer son éducation, envoyé enfin à bord d’un navire terrien qu’il sera chargé d’espionner, Joslyn ne va cesser d’être balloté d’un camp à l’autre. Et en même temps que sa vision du monde s’élargit, celui-ci lui apparait (et au lecteur par la même occasion) dans toute sa complexité : les humains ne sont pas forcément les victimes de ce conflit, tandis que les Striviirc-na qu’il imaginait comme des ogres de cauchemar possèdent une culture d’une grande richesse et d’une élégante subtilité.

Dans le cadre de cette guerre, Joslyn n’est qu’une victime anonyme parmi d’autres, mais une victime au destin singulier, appelée à jouer un rôle crucial dans les évènements à venir. C’est ce destin qui constitue le cœur du récit, et auquel Karin Lowachee accorde toute son attention. Le portrait qu’elle fait de cet enfant, fragile, émotif, ayant perdu tous ses repères en même temps que ses parents, ce qui en fait une proie de choix pour les adultes entre les mains desquels il passe, est le plus souvent bouleversant de justesse. Avec pudeur, elle élude les scènes les plus violentes de son histoire, sans faire l’impasse sur les traumatismes qui en découlent. C’est certainement ce qui fait de Warchild le roman le plus émouvant de cette trilogie.

Burndive constitue la suite de Warchild sans en être tout à fait une. Certains évènements du roman précédent sont prolongés, d’autres sont revisités, et une partie du casting y fait une nouvelle apparition. Mais il s’agit d’un récit totalement indépendant, d’un autre destin brisé par la guerre.

D’un certain point de vue, avec Burndive, Karin Lowachee semble avoir voulu prendre le contrepied de son prédécesseur. Son personnage principal, Ryan Azarcon, se situe aux antipodes de Joslyn Musey. Jeune adulte, il n’est pas une victime anonyme du conflit opposant humains et striviirc-na : au contraire, c’est bien parce qu’il est le fils d’un militaire haut placé et d’une riche héritière qu’il va être la cible d’un attentat. Un évènement qui va bouleverser son existence de manière radicale et le forcer à abandonner sa vie de jet-setter désœuvré pour le plonger au cœur du conflit en cours.

Comparé à WarchildBurndive souffre en premier lieu du peu d’empathie que l’on éprouve pour son héros, pauvre petit gosse de riche cynique et superficiel. Plus gênant encore, son histoire familiale, entre un père absent et une mère distante, occupe beaucoup de place dans le récit, sans guère émouvoir ni beaucoup sortir des sentiers battus. Par défaut, on se rabat donc sur l’arrière-plan du récit, cette nouvelle donne initiée dans les derniers chapitres de Warchild qui prend ici quelques détours inattendus. De ce point de vue, Burndive parvient à enrichir la lecture que l’on pouvait avoir de son prédécesseur, mais considéré sur ses qualités propres, le roman déçoit.

Fort heureusement, dans Cagebird, Karen Lowachee renoue avec les qualités du premier tome. Il n’est guère étonnant que son histoire s’en rapproche davantage, quoique le ton y soit encore plus sombre et désespéré. L’auteur y met en scène une autre victime de Vincenzo Falcone, Yuri Kiriov, recueilli à l’âge de huit ans à bord du Gengis Khan, après avoir passé quelques années dans un camp de réfugiés sordide suite à la destruction de sa colonie natale au cours d’un raid des Striviirc-na.

Le sort de Yuri rappelle celui de Joslyn Mosey, à la différence près que cette fois personne ne lui viendra en aide pour le libérer de l’emprise de Falcone. Lequel Falcone va tout mettre en œuvre pour déshumaniser son « protégé » afin d’en faire à la fois un objet sexuel et une arme mortelle. A l’inverse de Warchild, ici Karin Lowachee n’élude rien du parcours initiatique terrifiant de son héros. Certains passages sont d’une cruauté terrible, fort heureusement tempérée par l’écriture d’une élégante sobriété de l’auteur. Même dans ses scènes les plus douloureuses, le roman ne sombre jamais dans le sordide. Au contraire, de l’horreur qui imprègne Cagebird finira par s’extraire une lueur d’espoir, celui d’une nouvelle vie, encore possible, détachée de son passé.

A travers Warchild et ses « suites », Karin Lowachee dresse donc le portrait de trois enfants marqués à tout jamais par la guerre, trois destins singuliers, trois voix amenées à se faire entendre quand bien même on souhaiterait les faire taire à tout jamais. Dans le genre, on a rarement fait mieux.

Burndive

[Critique commune à WarchildBurndive et Cagebird.]

Si l’on se limitait à considérer la trilogie de Karin Lowachee sous le seul angle de la quincaillerie qu’elle déploie, il serait presque tentant de la classer parmi ce que la sci-fi compte de plus conventionnel, celle dont on fait les séries à rallonge. Qu’on en juge un peu : une guerre interstellaire entre humains et extraterrestres, des pirates de l’espace, des combats au laser, des abordages au cœur du vide… l’auteur n’hésite jamais à faire appel aux stéréotypes les plus éculés du space opera. Bien entendu, réduire ces trois romans à ce seul aspect reviendrait à passer complètement à côté de tout ce qui leur donne leur originalité et leur identité propre.

Dans Warchild, le premier roman de cette série (qui n’en est pas tout à fait une, mais nous y reviendrons), Karin Lowachee a la bonne idée de nous faire découvrir l’univers qu’elle met en scène à travers le regard d’un enfant de huit ans, Joslyn Musey. Et effectivement, de son point de vue, la guerre qui oppose les braves humains du ConcentraTerre aux cruels aliens Striviirc-na est on ne peut plus simple et manichéenne. Jusqu’à ce que son monde vole en éclats, lorsque son vaisseau est attaqué par un navire pirate et ses parents tués. Capturé par le sinistre Vincenzo Falcone, libéré par les Striviirc-na et leurs alliés humains qui vont assurer son éducation, envoyé enfin à bord d’un navire terrien qu’il sera chargé d’espionner, Joslyn ne va cesser d’être balloté d’un camp à l’autre. Et en même temps que sa vision du monde s’élargit, celui-ci lui apparait (et au lecteur par la même occasion) dans toute sa complexité : les humains ne sont pas forcément les victimes de ce conflit, tandis que les Striviirc-na qu’il imaginait comme des ogres de cauchemar possèdent une culture d’une grande richesse et d’une élégante subtilité.

Dans le cadre de cette guerre, Joslyn n’est qu’une victime anonyme parmi d’autres, mais une victime au destin singulier, appelée à jouer un rôle crucial dans les évènements à venir. C’est ce destin qui constitue le cœur du récit, et auquel Karin Lowachee accorde toute son attention. Le portrait qu’elle fait de cet enfant, fragile, émotif, ayant perdu tous ses repères en même temps que ses parents, ce qui en fait une proie de choix pour les adultes entre les mains desquels il passe, est le plus souvent bouleversant de justesse. Avec pudeur, elle élude les scènes les plus violentes de son histoire, sans faire l’impasse sur les traumatismes qui en découlent. C’est certainement ce qui fait de Warchild le roman le plus émouvant de cette trilogie.

Burndive constitue la suite de Warchild sans en être tout à fait une. Certains évènements du roman précédent sont prolongés, d’autres sont revisités, et une partie du casting y fait une nouvelle apparition. Mais il s’agit d’un récit totalement indépendant, d’un autre destin brisé par la guerre.

D’un certain point de vue, avec Burndive, Karin Lowachee semble avoir voulu prendre le contrepied de son prédécesseur. Son personnage principal, Ryan Azarcon, se situe aux antipodes de Joslyn Musey. Jeune adulte, il n’est pas une victime anonyme du conflit opposant humains et striviirc-na : au contraire, c’est bien parce qu’il est le fils d’un militaire haut placé et d’une riche héritière qu’il va être la cible d’un attentat. Un évènement qui va bouleverser son existence de manière radicale et le forcer à abandonner sa vie de jet-setter désœuvré pour le plonger au cœur du conflit en cours.

Comparé à WarchildBurndive souffre en premier lieu du peu d’empathie que l’on éprouve pour son héros, pauvre petit gosse de riche cynique et superficiel. Plus gênant encore, son histoire familiale, entre un père absent et une mère distante, occupe beaucoup de place dans le récit, sans guère émouvoir ni beaucoup sortir des sentiers battus. Par défaut, on se rabat donc sur l’arrière-plan du récit, cette nouvelle donne initiée dans les derniers chapitres de Warchild qui prend ici quelques détours inattendus. De ce point de vue, Burndive parvient à enrichir la lecture que l’on pouvait avoir de son prédécesseur, mais considéré sur ses qualités propres, le roman déçoit.

Fort heureusement, dans Cagebird, Karen Lowachee renoue avec les qualités du premier tome. Il n’est guère étonnant que son histoire s’en rapproche davantage, quoique le ton y soit encore plus sombre et désespéré. L’auteur y met en scène une autre victime de Vincenzo Falcone, Yuri Kiriov, recueilli à l’âge de huit ans à bord du Gengis Khan, après avoir passé quelques années dans un camp de réfugiés sordide suite à la destruction de sa colonie natale au cours d’un raid des Striviirc-na.

Le sort de Yuri rappelle celui de Joslyn Mosey, à la différence près que cette fois personne ne lui viendra en aide pour le libérer de l’emprise de Falcone. Lequel Falcone va tout mettre en œuvre pour déshumaniser son « protégé » afin d’en faire à la fois un objet sexuel et une arme mortelle. A l’inverse de Warchild, ici Karin Lowachee n’élude rien du parcours initiatique terrifiant de son héros. Certains passages sont d’une cruauté terrible, fort heureusement tempérée par l’écriture d’une élégante sobriété de l’auteur. Même dans ses scènes les plus douloureuses, le roman ne sombre jamais dans le sordide. Au contraire, de l’horreur qui imprègne Cagebird finira par s’extraire une lueur d’espoir, celui d’une nouvelle vie, encore possible, détachée de son passé.

A travers Warchild et ses « suites », Karin Lowachee dresse donc le portrait de trois enfants marqués à tout jamais par la guerre, trois destins singuliers, trois voix amenées à se faire entendre quand bien même on souhaiterait les faire taire à tout jamais. Dans le genre, on a rarement fait mieux.

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