Connexion

Actualités

Vortex

Dans les précédents volumes, Spin et Axis, les Hypothétiques, extraterrestres dont on ne sait rien, avaient connecté la Terre et Mars à un vaste réseau de planètes accessibles à partir des Arcs. Ils les ont aussi propulsées quatre milliards d’années dans le futur, alors que le Soleil mourant a commencé à entrer en expansion, plaçant par mesure de protection un bouclier filtrant ses radiations. Comment, pourquoi ? Ce qu’on a appelé le spin n’a pas trouvé de réponse.

Après avoir pillé les ressources naturelles, notamment pétrolières, du monde voisin, ce qui acheva de détruire la Terre incapable de supporter la pollution provoquée par les énergies fossiles de deux mondes, les Humains se sont établis sur Equatoria.

Le troisième (et dernier) volet développe deux intrigues parallèles, appartenant à des temps différents. La première se déroule trente ans avant les évènements d’Axis, qui virent Turk Findley et Isaac Dvali enlevés par les Hypothétiques : Sandra Cole, médecin au centre d’évaluation psychiatrique du State Scare de Houston, qui reçoit des mineurs et vagabonds désorientés suite aux événements, est intriguée par le jeune Orrin Mather, probablement parce que l’agent Bose lui voue un intérêt particulier. Il lui confie, pour avis, les premiers feuillets des carnets que le jeune homme aurait rédigés, bien qu’il n’ait pas le niveau intellectuel requis pour s’exprimer de la sorte. Il s’agit des récits croisés de Turk Findley et de Treya/ Allison, censés se dérouler dans un lointain futur, lesquels forment le second pan du récit.

Turk Findley et Isaac Dvali, en effet, sont réapparus dix mille ans après leur disparition dans le désert d’Equatoria et récupérés par Vox, un incroyable monde flottant qui les considère comme des demi-dieux pour avoir approché les Hypothétiques. Vox est une démocratie limbique, où tous les citoyens, reliés par une interface réseau au niveau de la colonne vertébrale, se fondent en une seule conscience appelée le Coryphée, par définition moins agressive et plus humaniste puisque l’intérêt commun est celui de tous. Une utopie pour le moins discutable au vu de l’attitude de la communauté envers certains représentants. Le but de Vox est de rejoindre l’Antarctique où les Hypothétiques se trouveraient, persuadé que leur destin est de lier connaissance avec eux. Tandis qu’Isaac, affreusement mutilé, est reconstruit par la technologie de Vox, Treya, la jeune femme envoyée pour apprivoiser Turk, en retrouvant accidentellement sa personnalité d’Allison Pearl, entre en dissidence.

Sandra Cole, qui apparente ce récit à de la science-fiction, écartée de son patient par ses supérieurs, tente avec Bose de déterminer la raison de cet intérêt pour Orrin : à l’intrigue première se greffe une trame policière qui achève de relier les multiples entrées de ce foisonnant roman.

Les trajectoires de Sandra et Bose, de Turk et Allison se font écho, de même que l’enquête remontant à l’origine d’un trafic se superpose avec l’expédition à la rencontre des Hypothétiques. Les réponses aux questions posées, loin de fermer le roman, lui donnent une envergure encore plus grande, en s’interrogeant aussi bien sur l’avenir proche de l’humanité que sur sa destinée lointaine, ses mutations futures, sur des échelles de temps gigantesques, et ce sans jamais se départir de son humanité ni perdre de vue ses personnages. Du grand art, vraiment ! Et la conclusion à la hauteur d’un triptyque Spin/ Axis/Vortex incontournable.

Mécaniques du ciel

En 1867, Kostya, dix ans, est l’enfant atypique d’une famille nombreuse qui vit plutôt chichement à Riazan, dans la rugueuse Russie centrale. Tout en jouant aux jeux des garçons de son âge, ce turbulent et remuant gamin s’intéresse aux locomotives à vapeur, au point de les reconnaître au bruit, et rêve tellement d’aller plus vite et plus haut qu’il se passionne pour la mécanique céleste. Mais comment un fils de bûcheron saurait-il sortir de sa condition pour devenir un jour celui qui rendrait possible le roman de Jules Verne envoyant des hommes sur la Lune ?

Devenu dur d’oreille suite à une scarlatine, et de ce fait refusé à l’école, Tsiolkovski étudiera en autodidacte à la bibliothèque de Moscou, tout en souffrant du froid et de la faim, puis deviendra un professeur de mathématiques et de physique original, faisant éprouver à ses élèves la taille et les distances des objets célestes via diverses activités…

Mécaniques du ciel n’est pas un roman de science-fiction, mais s’inscrit à la marge, dans la mesure où il relate, en trois parties, l’enfance, l’adolescence et la jeunesse de Constantin Tsiolkovski, accessoirement auteur de science-fiction (Rêves de la terre et du ciel, 1895, et Au-delà de la terre, 1920), mais surtout père de l’astronautique moderne pour avoir décrit le mode de propulsion des fusées à base de propergol liquide, prévu la séparation en plusieurs étages et calculé le rapport de la masse lors de l’accélération (équation de Tsiolkovski), imaginé l’astéroïde évidé comme engin de transport et esquissé la notion d’ascenseur spatial.

Pas d’équations ni de pesantes explications : il s’agit d’un roman d’apprentissage. Bullough montre des tableaux plus qu’il ne raconte des scènes ; les épisodes de la vie romancée de Tsiolkovski s’interrompent parfois en pleine action, plantant dans l’esprit du lecteur une saisissante image synthétique. L’attaque des loups, la description d’un bordel de ville, les rigueurs de l’hiver sont narrées avec brio. La restitution de la vie campagnarde dans la Russie profonde, pour le moins miséreuse mais non dénuée de joies champêtres, rend plus remarquable encore la volonté et la ténacité d’un gamin fantasque acharné à rendre réels ses rêves. Le récit interrompu en 1881, raconte dans sa conclusion la première sortie dans l’espace, émouvante mais éminemment périlleuse, par Leonov, en mars 1965, aboutissement des rêves de Tsiolkovski. Derrière la poésie et la légèreté du récit, une belle méditation sur les forces que l’imaginaire peut mettre en branle.

Les Montagnes hallucinogènes

[Critique commune à Les Montagnes hallucinogènes et Moi, Cthulhu.]

Tout le monde connaît « Les Montagnes hallucinées » de H. P. Lovecraft, court roman dans lequel une expédition américaine en Antarctique découvre les plus hautes montagnes de la planète, et sur leurs flancs les ruines d’une ville à l’architecture démente, ville plus ancienne que l’Humanité qui n’est peut-être pas totalement inhabitée… A l’âge de vingt-deux ans, Arthur C. Clarke écrivait « At the mountains of murkiness », traduit en français « Les Montagnes hallucinogènes » (ce qui n’a pas grand rapport avec le contenu du texte), pastiche poussif du chef-d’œuvre de Lovecraft dont une grande partie de l’humour réside dans le choix du nom des personnages : Professeur Alhamass, Docteur E. Thanazy (ah ah ah), etc. Un texte pas désagréable, parfois à la limite du pathétique et au final totalement anecdotique. En trois mots : une curiosité poussiéreuse.

Plus proche de nous, Neil Gaiman, grand amateur du corpus lovecraftien, auquel il a souvent rendu hommage (comme nous le rappelle Patrick Marcel dans son introduction), nous propose un « Moi, Cthulhu » plus drôle que le texticule de Clarke, malin (il faut une sacrée culture lovecraftienne pour tout comprendre), et par conséquent nettement plus convaincant. L’introduction suscitée, une lettre de Neil Gaiman et un gros appareil de notes complètent ce « Moi, Cthulhu » qu’on recommandera aux fans de Gaiman, à ceux de Lovecraft et aussi aux joueurs de L’Appel de Chtulhu — ce qui fait du monde…

Pour commander ces livres, une seule adresse ; on paye par PayPal, c’est simple, sûr et pratique.

Moi, Cthulhu

[Critique commune à Les Montagnes hallucinogènes et Moi, Cthulhu.]

Tout le monde connaît « Les Montagnes hallucinées » de H. P. Lovecraft, court roman dans lequel une expédition américaine en Antarctique découvre les plus hautes montagnes de la planète, et sur leurs flancs les ruines d’une ville à l’architecture démente, ville plus ancienne que l’Humanité qui n’est peut-être pas totalement inhabitée… À l’âge de vingt-deux ans, Arthur C. Clarke écrivait « At the mountains of murkiness », traduit en français « Les Montagnes hallucinogènes » (ce qui n’a pas grand rapport avec le contenu du texte), pastiche poussif du chef-d’œuvre de Lovecraft dont une grande partie de l’humour réside dans le choix du nom des personnages : Professeur Alhamass, Docteur E. Thanazy (ah ah ah), etc. Un texte pas désagréable, parfois à la limite du pathétique et au final totalement anecdotique. En trois mots : une curiosité poussiéreuse.

Plus proche de nous, Neil Gaiman, grand amateur du corpus lovecraftien, auquel il a souvent rendu hommage (comme nous le rappelle Patrick Marcel dans son introduction), nous propose un « Moi, Cthulhu  » plus drôle que le texticule de Clarke, malin (il faut une sacrée culture lovecraftienne pour tout comprendre), et par conséquent nettement plus convaincant. L’introduction suscitée, une lettre de Neil Gaiman et un gros appareil de notes complètent ce « Moi, Cthulhu » qu’on recommandera aux fans de Gaiman, à ceux de Lovecraft et aussi aux joueurs de L’Appel de Chtulhu — ce qui fait du monde…

Pour commander ces livres, une seule adresse ; on paye par PayPal, c’est simple, sûr et pratique.

Enig Marcheur

Enig Marcheur, 12 ans, vit dans une Angle-terre post-cataclysmique (plus précisément, dans la région de Canterbury, ce qui n’est pas un hasard). Il est à la poursuite de la Vrérité, une sacrée quête du Graal dans un monde où tout ou presque est source de danger.

Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de lire du Mad Max. Dans sa remarquable préface, Will Self prévient le lecteur potentiel : « C’est un livre grandiose, un livre exigeant, un livre déstabilisant. » Eloge dont on retiendra surtout le mot « exigeant », même s’il est vrai qu’il y a des moments grandioses et des moments particulièrement déstabilisants qui mobiliseront tous vos neurones alors passés en mode « traduction du parlénigm ».

Pièce à conviction n°1 (la Défense ne présentera pas d’autres pièces, jugeant celle-là plus qu’éloquente) :

« Ils déclenchèr le Grand Boum et zoumm parut un grand éclair de lumyèr plus grand que le mond en tié et la nuyt de vint le jour. En suite tout deuv nu noir. Rien que la nuyt des années durant. Des pidémies oxir les gens et les nanimaux et rien poussa plus dans le sol. L’homme et la femme famés dans le noir cherchant le chien à manger et le chien cherchant à les manger tout comme. Final ment la nuyt et le jour revinr mais jamais vrai ment. Une nuyt verreuse en gendra un jour verreux et la maladie dans laideux. » Page 25.

A la lecture de cet extrait (qui est un des plus limpides du roman, si si), le lecteur motivé a compris la tâche qui l’attend. Enig Marcheur se mérite vraiment : ça pourrait être une fille trop belle aux exigences insensées, au caractère de cochon, frigide pour tout arranger, mais il n’en est rien, Enig Marcheur est comme un whisky d’exception, on en savoure un minuscule verre chaque soir pendant une vingtaine de jours, on suit chapitre par chapitre (il y en a dix-huit) l’odyssée de cet enfant de douze ans. Jusqu’à la Vrérité (qu’on connaît depuis longtemps), mais ce n’est pas le but qui conte (et compte ?), mais le voyage. Quant aux plus malades, ils se pencheront d’abord sur la légende de Saint Eustache, puis liront Les Contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer, afin de pouvoir jouer en connaissance de cause avec l’écheveau tissé par Russell Hoban.

On louera en guise de conclusion le travail de traduction réalisé par Nicolas Richard, hallucinant, courageux et digne de deux ou trois Grand Prix de l’Imaginaire ; il y a un peu de perte (les sonorités de l’anglais permettent des choses impossibles à reproduire en français ; il a fallu « adapter » comme dans toute bonne traduction), mais c’est vraiment bien fait. Ah, j’oubliais, Enig Marcheur est un livre de fou, il se lit donc à voix haute (de toute façon, aucun regret à ce sujet, vous ne pourrez pas le lire dans le métro ou tout autre « transporc an com1 »).

Omale, l'intégrale

Dix ans après le début de sa publication dans la défunte collection « Millénaires » des éditions J’ai Lu, « Lunes d’encre » réédite l’intégrale de la série « Omale », une œuvre d’une ampleur et d’une ambition peu communes dans la science-fiction française. En créant cet univers, Laurent Genefort s’offrait un terrain de jeu d’une taille sidérante, une sphère de Dyson entourant un soleil, dont la superficie représente plusieurs millions de fois celle de notre planète, et dont l’ensemble des textes réunis dans ces 1700 pages n’explore qu’une infime partie.

Omale (le roman) et ses suites se déroulent dans une zone où tentent de cohabiter trois espèces intelligentes, les Humains, les Chiles et les Hodgqins, et les différents récits au sommaire s’étendent sur plusieurs siècles. On ignore tout de l’origine de ce monde comme des raisons de la présence de ces êtres à sa surface, autant de sources d’intenses débats et conflits entre scientifiques et religieux.

Le premier roman de la série s’intéresse moins au cadre de son action qu’à ses habitants. Laurent Genefort dépeint à grands traits la nature d’Omale, mais focalise avant tout son attention sur les relations souvent tendues entre Humains, Chiles et Hodgqins, en mettant en scène une demi-douzaine d’individus de toutes origines, contraints de collaborer pour parvenir à un but commun. La notion d’altérité est au cœur de ce récit, et pas seulement à travers les relations inter-espèces que le récit illustre. Les différents protagonistes sont pour la plupart des marginaux, voire des parias au sein de leur propre communauté : Alessander est un humain qui a grandi parmi les Chiles, Sikandaïrl est une rochile, une Chile dont le jumeau est mort avant terme, ce qui fait d’elle un individu craint par ses congénères, et Amees’Sixte-deVorsal est un Shadlee, un Hodgqin qui a atteint l’immortalité grâce à des moyens interdits. Le passé de chacun de ces personnages permet à Laurent Genefort de décrire de manière plus précise la société qui les a vus naître.

Si Omale passionne souvent par la diversité qu’il met en scène, ce premier roman n’est pourtant pas exempt de tout reproche. En particulier, son intrigue s’avère artificielle et maladroite. La quête que se sont vu confier ses protagonistes repose sur une série de hasards et de coups de chance tellement improbables qu’elle en perd toute vraisemblance. Et plus sa résolution approche, plus le roman souffre de cette faiblesse, jusqu’à en gâcher les ultimes révélations du récit. Néanmoins, au terme de cette histoire, les fondations de cet univers sont posées, fondations que le romancier va s’empresser d’exploiter davantage dans Les Conquérants d’Omale.

Ce second roman se déroule sept siècles plus tôt, alors qu’une guerre interminable oppose les Humains aux Chiles. Paradoxalement, les habitants d’Omale bénéficient alors de technologies plus avancées que dans le précédent récit. L’explication se trouve dans l’une des trois intrigues qui composent ce récit, évènement crucial de l’histoire de ce monde, brièvement évoqué dans Omale, mais que Laurent Genefort met cette fois en scène de manière plus détaillée. Dans le même temps, on suit une petite expédition scientifique, partie enquêter sur un phénomène de plus en plus inquiétant, qui menace de plonger le monde dans une ère glaciaire. Mais l’essentiel du récit est consacré à une opération militaire rocambolesque et suit les pérégrinations d’une poignée de soldats chargée de s’emparer d’une locomotive atomique afin de porter un coup décisif contre l’armée chile. Cette dernière histoire, avec son lot de péripéties, donne au roman un agréable parfum de série B à l’ancienne, tout en permettant à l’auteur d’élargir le périmètre de son exploration d’Omale.

Il faut toutefois attendre La Muraille sainte d’Omale pour découvrir Laurent Genefort au sommet de son art. Il y suit une expédition scientifique en route vers le Landor, cette zone qui vit débarquer les premiers Humains sur Omale, aujourd’hui entourée d’une muraille de 80 000 kilomètres de long. Un retour aux premiers pas de l’humanité sur Omale, sur lequel plane un parfum d’apocalypse, alors que les rumeurs de fin du monde se font de plus en plus persistantes.

C’est véritablement dans ce roman qu’on retrouve le Laurent Genefort féru de science, qui met en scène une jolie brochette d’explorateurs, lesquels lui permettent de s’intéresser plus précisément à la nature d’Omale et de résoudre quelques-unes de ses énigmes. Le voyage est passionnant de bout en bout, les révélations finales à la hauteur des enjeux.

Les Omaliens réunit de manière chronologique les différentes nouvelles de l’auteur qui se rattachent à ce cycle, et même si l’on sait que ce n’est pas son format de prédilection, le résultat est le plus souvent très bon. « Aparanta » raconte l’arrivée des Humains sur Omale. Entre scènes à grand spectacle de carambolage spatial et tentative de réorganisation des survivants, Laurent Genefort traite intelligemment ce premier contact à la fois avec un environnement totalement étranger et avec une forme de vie radicalement différente. Entre craintes et espoirs, ce premier texte ne tranche pas. Trois siècles plus tard, hélas, les jeux semblent déjà faits, les tensions entre Humains et Chiles ne cessent de croitre, tandis que la science recule face à l’obscurantisme religieux. « Un Roseau contre le vent » met en scène cette opposition entre connaissance et croyance, omniprésente dans tout le cycle. Situé à la même époque, « La Septième Merveille d’Omale » décrit les négociations entre Humains et Chiles autour de la construction d’un barrage. Là encore, les tensions sont palpables, le pire n’est jamais loin, et les compromis fragiles.

Les nouvelles suivantes prennent la forme d’enquêtes policières. « L’Affaire du Rochile » oblige un vétéran humain à reprendre du service pour découvrir qui est à l’origine des dizaines de morts brutales qui menacent de relancer la guerre entre Humains et Chiles ; « Arbitrage » contraint un juge itinérant à superviser une partie de fejij (ce jeu chile, mélange d’échecs, de go et de wargame, qui occupe une place prépondérante dans le premier roman) commencée soixante ans plus tôt, et dont l’enjeu n’est rien de moins que la vie de plusieurs dizaines de milliers d’humains. Enfin, « Patchwork » amène un médecin-légiste hodgqin à s’interroger sur les opérations qu’ont subies certains de ses patients avant d’être conduits dans sa morgue. Outre ses qualités littéraires, chacun de ces textes augmente à sa manière notre connaissance d’Omale, vient éclairer un pan de son histoire, des mœurs de sa population. Et même ceux qui, considérés isolément, souffrent de défauts formels indéniables (Omale en particulier), gagnent beaucoup à être confrontés aux autres œuvres du cycle et s’enrichissent à leur contact. Plus que jamais, le cycle d’ « Omale » apparait comme l’une des œuvres majeures de la science-fiction française. Laurent Genefort a encore progressé en tant que romancier ces dernières années, on aimerait le voir s’y frotter à nouveau1.

Note :
1. Chose qu’il fait en ce moment même, à en croire les milieux autorisés… [NdRC]

Elbrön

En fantasy peut-être plus qu’ailleurs, il est des écrivains comme des lecteurs qui ne conçoivent pas la littérature autrement que par le biais d’interminables séries délayant à l’infini la pauvreté de leur imaginaire et ressassant jusqu’à plus soif les mêmes stéréotypes navrants. Je ne cite personne, les tables des libraires débordent de sagas elfiques à rallonge et de trilogies trollesques en seize volumes.

Quiconque connait un tant soit peu l’œuvre de Thierry Di Rollo sait que cet auteur se situe aux antipodes de telles préoccupations, qu’il ne raisonne qu’en termes d’économie et de nécessité. Et s’il a décidé de nous replonger dans l’univers de Bankgreen, ce n’est pas pour le simple confort que procure le fait de renouer avec des lieux et des personnages désormais familiers, mais parce que tout n’avait pas été dit. D’ailleurs, Elbrön a moins des allures de suite que de coda, et apparait avant tout comme une manière de clore une fois pour toutes le récit précédent. Toutes les tentatives pour relancer cette histoire viennent ainsi se heurter au même mur, celui de l’inexorabilité qui préside aux destinées de Bankgreen et des êtres qui la peuplent.

Plus que jamais, les personnages que l’on croise dans ce roman, brièvement pour la plupart d’entre eux tant leur espérance de vie est courte, sont le jouet de forces qui les dépassent. A commencer par les Shores, autrefois esclaves des Digtères et des Arfans, qui ne se sont affranchis de leur condition que pour se découvrir enchaînés par des entraves bien plus puissantes. Le libre-arbitre ne peut avoir cours sur Bankgreen, chacun est amené à tenir sa place dans l’histoire de ce monde, y compris Mordred, annonciateur de mort et figure emblématique du roman précédent, qui va cette fois renoncer à une part de lui-même pour jouer le rôle qui a été écrit pour lui.

Des figures familières de Bankgreen, on ne retrouve le plus souvent que les échos, les ombres, à l’instar des Elbröns, les fantômes des anciens habitants de ce monde, ressuscités en une parodie de vie et guidés par une irrépressible soif de vengeance. De ces créatures en apparence toutes semblables, presque mécaniques dans leur comportement, Thierry Di Rollo est parvenu à faire un portrait à la fois pathétique et sensible en mettant à jour leur part d’humanité. Et sous sa plume, voir ces êtres au corps cendreux évoluer dans les décors immaculés de Bankgreen sont autant de moments de pure beauté.

Sur la forme, Elbrön offre un récit beaucoup plus linéaire que son prédécesseur, dont les véritables enjeux ne se révélaient que dans les dernières pages et dont les multiples méandres exigeaient du lecteur une attention sans faille. Le cadre s’est lui aussi sensiblement restreint, et l’on regrette parfois la jubilation que pouvait procurer l’exploration minutieuse de ce monde. D’où également cette impression de noirceur accentuée, qu’aucun émerveillement ne vient plus contrebalancer, ou trop rarement. Le romancier s’est recentré sur l’essentiel, l’étude de la condition humaine, dans ce qu’elle a de plus tragique. Le regard qu’il porte sur ses personnages, mélange de cruauté et de compassion, rejoint celui des Runes, ces êtres féériques qui, dans l’ombre, continuent de jouer un rôle crucial dans cette histoire.

Avec Elbrön, Thierry Di Rollo tourne sans doute définitivement la page Bankgreen et lui offre une conclusion à la hauteur de nos attentes. Et malgré la tristesse infinie qui se dégage de ces pages, c’est à regret que l’on quitte ce monde, quand bien même cette fin répond à une nécessité. Car sur Bankgreen, tout a une raison, et prolonger cette histoire davantage n’en aurait sans doute pas.

Béhémoth

Après Starfish et Rifteurs, Peter Watts conclut sa trilogie apocalyptique du futur proche avec cet ultime et volumineux roman, Béhémoth. Tellement volumineux qu’aux Etats-Unis, il fut publié en deux tomes. Le fait que le Fleuve Noir ait décidé de le sortir en un seul volume, à rebours de certaines pratiques éditoriales actuelles, mérite d’emblée d’être salué.

Ceci dit, Béhémoth est composé de deux parties nettement distinctes. La première renoue avec l’ambiance de huis clos paranoïaque de Starfish et se déroule entièrement à l’intérieur d’une base sous-marine, Atlantis, où se sont réfugiés Rifteurs et corpos pour échapper à la fin du monde. Les tensions sont grandes entre anciens exploiteurs et exploités, mais tous ont trop à perdre pour ne pas faire les compromis nécessaires à leur cohabitation. Jusqu’à ce que le monde qu’ils ont fui les rattrape, qu’une nouvelle variante du virus qui a transformé l’Amérique du Nord en champ de ruines soit découverte, et qu’une nouvelle menace extérieure les prenne pour cible. Peter Watts rejoue ici une partition similaire à celle employée dans son premier roman, et même si l’ensemble fonctionne plutôt bien, on ne peut s’empêcher parfois de trouver le temps long. Le romancier semble éluder les véritables enjeux de son histoire au profit de sujets plus anecdotiques, et il faut attendre la seconde partie pour enfin constater les effets dévastateurs sur la planète des évènements déclenchés par Lenie Clarke dans Rifteurs. Retour à la surface donc, dans une Amérique ravagée par le Béhémoth, où les derniers îlots de civilisation sont prêts à tout pour retarder l’inévitable.

Comme dans les romans précédents, Peter Watts n’offre jamais de vision d’ensemble de la situation, ne nous donne à voir que ce qu’en découvrent ses protagonistes au fil de leurs pérégrinations. Lesquels protagonistes ne sont qu’au nombre de quatre : outre Lenie Clarke et son compagnon d’armes Ken Lubin, ce sont Taka Ouellette, conductrice d’une infirmerie mobile venant en aide aux populations frappées par le virus, et Achille Desjardins, déjà connu des lecteurs, désormais libre du carcan neurochimique qui contrôlait ses tendances psychopathes et à la tête d’un arsenal terrifiant. L’avenir de l’humanité va se jouer entre ces quatre individus, dont trois au moins mériteraient la camisole…

Sur le long terme, cette volonté de l’auteur de restreindre son champ de vision et de réduire la situation à un duel entre Clarke et ses compagnons d’un côté, Desjardins de l’autre, finit par nuire au roman. Du point de vue de la crédibilité d’abord, les moyens dont disposent les Rifteurs étant à ce point dérisoires que l’idée même qu’ils puissent parvenir à leurs fins peine à convaincre, d’autant plus que face à eux, Desjardins, aussi seul soit-il, possède des ressources illimitées. Ce qui amène Watts à conclure son roman dans un déferlement d’action spectaculaire, bien foutu, certes, mais qui parait assez trivial dans un tel contexte de fin du monde.

Contrairement à ses prédécesseurs, Béhémoth ne propose guère de nouveaux concepts scientifiques, se contentant de développer un peu plus certains éléments introduits précédemment dans le récit. D’autres semblent aboutir à une voie de garage, notamment le Mael-ström, cette version de l’internet infectée par Béhémoth, qui ne tient qu’un rôle très secondaire dans ce récit. De manière générale, Peter Watts peine à nouer les liens des différents concepts élaborés au cours des romans précédents, renforçant la sensation de frustration que procure la lecture de Béhémoth. Ceci dit, même si le résultat n’est pas à la hauteur de nos attentes, ce dernier volume reste un assez bon roman, dans la lignée des précédents, fascinant par certains aspects, mais loin d’être totalement maîtrisé.

La Symphonie des spectres

Après Grendel il y a peu, Gilles Dumay continue son exhumation des œuvres de John Gardner avec la présente réédition de son dernier roman, La Symphonie des spectres (on pourra légitimement préférer le titre original, Mickelsson’s Ghosts), mais pas dans la collection « Lunes d’encre », cette fois (il est vrai que l’élément fantastique, s’il a son importance, reste diffus tout au long des presque 800 pages de ce monstre littéraire). « Le chef-d’œuvre oublié de la littérature américaine », nous dit la couverture. Le procédé peut faire grincer des dents… mais pour une fois, c’est peut-être bien vrai.

Peter Mickelsson est un professeur de philosophie dans une obscure université de Pennsylvanie. Cet ancien footballeur (il y tient) traumatisé par Luther (il est issu d’une longue lignée de pasteurs) et obsédé par Nietzsche est à bien des égards un raté, cerné par les problèmes. Et notamment ceux qui concernent l’argent : son ex-femme Ellen est dépensière et inconséquente, mais il se sent tenu de lui verser plus que de raison, notamment pour assurer l’éducation de leurs deux enfants, dont il n’a pas eu de nouvelles depuis un bail ; aussi n’a-t-il pas payé ses impôts depuis quelques années, ce qui lui vaut d’être harcelé par l’IRS. Ses cours comme ses collègues le gonflent pas mal, et il ne s’intéresse plus guère à la recherche (même s’il envisage de publier un best-seller de philosophie pour les nuls). Il accumule par ailleurs les déceptions sentimentales, et les faux-pas qui vont avec, notamment avec la prostituée mineure Donnie et la sociologue (non marxiste, un cas unique !) Jessie. Il sombre peu à peu dans l’apathie, laissant traîner son courrier, et ne retrouve un tant soit peu de goût pour la vie qu’en s’exilant dans les Montagnes Infinies, à une heure de route de sa faculté : en effet, bien que n’ayant pas l’argent pour ce faire, il fait l’acquisition d’une vieille demeure près de Susquehanna, bled paumé infesté de sorciers et de mormons ; là-bas, il passe son temps à retaper la baraque et à fabriquer lui-même ses meubles. Seulement voilà : la maison a la réputation d’être hantée… et ça pourrait bien être davantage qu’une superstition campagnarde.

Peter Mickelsson, dans lequel on reconnaît pas mal John Gardner lui-même, est un superbe personnage, d’une humanité rare, aussi attachant qu’agaçant, et merveilleusement complexe. A travers lui, John Gardner dresse un portrait lucide de l’Amérique au tournant des années 80, quand Reagan arrive à la Maison Blanche. Il faut dire que les digressions sont nombreuses (avec des vrais morceaux de cours de philo dedans), qui permettent de mieux cerner la personnalité de ce magnifique loser de héros.

Aussi le roman, loin d’être frénétique malgré ses faux airs de thriller fantastique vaguement conspirationniste (Mickelsson est passablement paranoïaque…), prend-il son temps, se développe-t-il avec une lenteur majestueuse. Mais, tout au long de ces presque 800 pages (on l’a dit), il ne suscite jamais pour autant l’ennui. Belle performance : ce pavé, pour exigeant qu’il soit par moments, notamment du fait de sa trame diffuse et des délires philosophiques plus ou moins sérieux qui le parsèment, est, ainsi que le fait remarquer Fabrice Colin dans sa postface, impossible à lâcher. C’est qu’on se prend vite d’intérêt pour le sort du pathétique Mickelsson, et que Gardner, de sa plume habile et splendide, étonnamment fluide, sait toujours rattraper son lecteur et lui intimer l’ordre de poursuivre.

La Symphonie des spectres est un roman souvent drôle, parfois même hilarant — ainsi, dans sa satire lucide de l’université et des mondanités hypocrites qui vont avec —, mais aussi profondément émouvant. Et, si l’appellation un peu facile et parfois tellement creuse de « roman philosophique » peut sembler plus ou moins pertinente, on se prend cependant d’envie de le qualifier de « roman total », tant il balaye une multitude de thèmes avec un brio sans cesse renouvelé. Tout y passe, du plus trivial au plus sérieux, et les interrogations éthiques abondent à l’égard de l’ensemble. Et c’est passionnant.

Superbe description d’un homme qui sombre pas à pas dans la dépression et la folie (ou pas), l’ultime roman de John Gardner est une merveille d’une richesse insoupçonnée, à vrai dire inclassable. Jamais lassant en dépit de sa longueur, débordant d’humanité et d’empathie, soufflant le chaud et le froid avec une maestria qui n’appartient qu’aux meilleurs, c’est un livre fascinant et en tout point abouti qui ne prête en rien le flanc à la critique. Il relève de la meilleure littérature américaine — et au-delà —, et constitue bel et bien un authentique chef-d’œuvre. Précipitez-vous sur cette merveille, réédition bienvenue après une trentaine d’années d’un injuste oubli. La Symphonie des spectres, avec son ambition phénoménale mais jamais étouffante, est bel et bien la confirmation du génie de son auteur. Un livre rare, bluffant, à chérir précieusement, et dont on espère qu’il augurera de nouvelles publications.

Descendre en marche

Descendre en marche est le cinquième livre de Jeff Noon publié par La Volte  à la différence des précédents, toutefois, ce roman datant déjà d’une dizaine d’années n’est en rien lié au Vurt. Il s’agit cette fois d’une sorte de road novel post-apocalyptique (à vrai dire, on a un peu l’impression, sur ces autoroutes désertes, d’être dans un film de zombies sans zombies…), très éloigné des délires vaguement cyberpunks de Vurt, Pollen, Pixel Juice et NymphoRmation. Autant prévenir d’emblée les amateurs, donc : ils ne s’y retrouveront pas forcément. Car s’il est des éléments qui confirment bien que nous sommes en présence d’un roman de Jeff Noon — et notamment sa traditionnelle obsession pour Lewis Carroll, en l’occurrence ici, comme de juste, De l’autre côté du miroir —, la tonalité d’ensemble est très différente : rien de joyeusement barré et jubilatoire ; cette fois, Noon fait dans le noir, le douloureux, le mélancolique, et son style est beaucoup plus épuré que d’habitude, s’il a toujours quelque chose de déjanté.

L’Angleterre est sous le coup d’une terrible maladie de l’information. Le bruit vient perturber les signaux, quels qu’ils soient, rendant bon nombre d’objets ou de procédés inutilisables — ainsi les livres, les photographies, la musique, etc. On a l’impression d’objets qui deviennent fous ; mais ce sont bien les perceptions des malades qui sont ainsi faussées, et ce sont eux qui en viennent progressivement à sombrer dans l’aliénation la plus totale ; pour éviter ce triste sort, si c’est seulement possible, une seule solution : absorber régulièrement, et « tout en douceur », des comprimés d’une drogue appelée Lucidité (Lucy pour les intimes)…

L’héroïne et narratrice du roman, Marlene, a perdu sa fille Angela du fait de la maladie. Cette ancienne journaliste continue, contre vents et marées, à prendre des notes éparses sur les événements qu’elle est amenée à vivre, en compagnie de l’ex-soldat et petite frappe Peacock, de la colérique Henderson, et de la jeune auto-stoppeuse Tupelo. Ce quatuor roule à travers l’Angleterre désolée, plus ou moins au hasard en apparence. Mais il a en fait une mission à remplir, confiée par le mystérieux Kingsley : retrouver aux quatre coins du pays des fragments de miroirs — le miroir étant le symbole même de la perturbation de l’information — qui sont supposés, une fois rassemblés, offrir de quoi vaincre l’épidémie. Une quête passablement fantaisiste, donc, et hautement symbolique.

Mais ne nous y trompons pas : celle-ci relève à bien des égards du « McGuffin » (de même que la dimension vaguement paranoïaque du roman, avec cette mystérieuse limousine qui semble suivre nos héros). Ce qui intéresse vraiment Jeff Noon — et le lecteur — dans Descendre en marche, c’est bien de capter — si l’on ose dire — les impressions d’une personne qui, emportée par un deuil douloureux, devient folle… et en a en partie conscience. La perte de repères ne se contente pas de constituer le quotidien de Marlene et de ses compagnons, mais imprègne littéralement le texte, lui aussi en forme de miroir éclaté (d’où la couverture — très jolie, une fois de plus). Aussi l’interrogation sous-jacente sur la nature de la réalité et la perception que l’on en a (on pense tout naturellement à Philip K. Dick et Christopher Priest) est-elle ici tant une question de fond que de forme. Une forme parfois hermétique — le roman, pour être plus épuré et moins baroque que les précédentes parutions de Noon à La Volte, n’en est certainement pas pour autant plus « facile », et demande un apprentissage —, mais toujours pertinente, et qui contient quelques très beaux moments (ainsi de la scène du musée des choses fragiles, brève mais absolument superbe).

Au-delà, le roman porte sans doute en lui la réflexion (eh eh) désabusée d’un auteur sur sa propre production : Marlene s’interroge régulièrement sur ce qui la motive à écrire, et il y a ce passage aussi édifiant que troublant où, dans une bibliothèque, Tupelo et elle font, avec la prudence que leur intime le surveillant, l’expérience de livres dont les mots disparaissent une fois lus… On est bien loin, ici, de l’enthousiasme débordant des œuvres précédemment citées ; le ton est grave, dépressif, douloureux…

Impression renforcée par la récurrence du thème du deuil, nécessairement impossible ; la présence d’Angela, insidieuse, se fait toujours ressentir ; elle est à la fois, pour Marlene, incitation à poursuivre son chemin et rappel cruel de la vanité de sa quête. Et Marlene de vouloir à son tour passer de l’autre côté du miroir — le texte de Carroll est régulièrement évoqué, et même complété, au-delà des sempiternelles et improbables parties d’échecs de Tupelo —, là où rien n’a jamais été supposé faire sens. Tentation de vouloir tout laisser tomber. De descendre en marche…

Avec ce nouvel opus, la Volte nous offre la possibilité d’envisager l’excellent Jeff Noon d’un œil différent. Et si Descendre en marche n’est probablement pas aussi bluffant que Pollen ou Pixel Juice, s’il n’a rien en commun avec leur hystérie communicative, il reste à n’en pas douter une réussite dans son genre ; un roman dur, troublant, qui laisse un brin perplexe sur le moment comme à l’arrivée, mais riche en images fortes et interrogations… lucides, qui hanteront le lecteur un bon moment. Et n’oubliez pas : « Si vous lisez cette phrase, c’est que vous êtes en vie. »

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 713 714  

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug