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Sous d'autres soleils

Inutile d'aller dans les étoiles pour peindre des sociétés étrangères, c'est ce qu'affirme Mike Resnick, l'Africain, qui a depuis longtemps trouvé sa source d'inspiration dans le continent noir. Après Ivoire, Kirinyaga et d'autres, il nous régale à nouveau avec ces huit récits (un de plus que dans l'édition américaine du présent recueil), qui témoignent de sa fascination pour l'Afrique.
Toutes les nouvelles n'appartiennent pas au champ de la science-fiction : à côté de textes apparentés aux contes et légendes, comme « Le Dieu pâle », davantage empreints de magie et de fantastique (dans « La Fine équipe », les colons anglais opposent aux Mau-Mau qui ont convoqué pour les défendre Hermès, un autre dieu antique), on trouve des récits proches de la littérature générale. « L'Exil de Barnabé » s'y rattache, qui présente un chimpanzé bonobo, très doué pour parler le langage des signes, rendu à la vie sauvage faute de crédits, forcé de s'adapter dans un monde dont il ignore les règles.
L'exotisme dont parle Resnick réside d'abord dans la mentalité particulière des Africains, comme l'apprend à ses dépens le Théodore Roosevelt d'un univers parallèle qui a décidé de faire du Congo belge une nation démocratique dévolue au savoir et au progrès (« Épatant ! »).
Malgré un décor très typé, Resnick touche à l'universalité, raison pour laquelle ses récits, limpides dans leur simplicité, parlent à tous. Dans « Mwalimu et la quadrature du cercle », il évoque les ravages de la guerre en imaginant que les représentants de la Tanzanie et de l'Ouganda s'opposent en un inégal combat singulier pour épargner à leurs pays les désordres d'un conflit. « Bibi », écrit en collaboration avec Susan Swartz, traite fort singulièrement du Sida : alors que les associations caritatives, malgré leur insistante bonne volonté, demeurent impuissantes, c'est l'ancêtre de l'homme, la Lucy des origines, qui intervient pour soigner son peuple décimé. Mais le récit le plus universel reste encore « Sept Vues sur la gorge d'Olduvaï », déjà publié dans la revue Galaxies, où des extraterrestres, en Afrique, interrogent des vestiges, recomposant à partir d'eux la fresque de l'humanité depuis ses origines jusqu'à sa formidable expansion dans l'univers et à son extinction… provisoire.
Au total, Resnick nous offre ici une magistrale démonstration qui prouve une fois de plus qu'en prenant l'Afrique pour thème, il parle à tous.

Le Serpent de l'apocalypse

Les millénaristes se sont trompés sur la date de l'apocalypse : celle-ci interviendra en 2012, au solstice d'hiver, date à laquelle se produira un alignement galactique entre la Terre et la Voie Lactée, qui ouvrira une porte permettant à des extraterrestres de frapper la Terre. C'est du moins ce que déduit Julius Gabriel de ses recherches sur le calendrier Maya, les dessins de Nazca, la pyramide de Chichén Itza et celle de Gizeh. Malheureusement, à quelques mois de la catastrophe, il est interné dans un asile, pour délire paranoïde, sur l'initiative malveillante d'un politicien qu'il a eu le tort d'agresser pour avoir voulu défendre son père.
Un peu avant la date fatidique, au fond du golfe du Mexique, une machine enterrée depuis des millénaires se met en branle et envoie ses premiers traits de mort. Les nations s'accusant respectivement d'avoir inventé une nouvelle arme sont sur le point d'anéantir la planète.
Dominique Vasquez, stagiaire à la clinique, troublée par les propos du jeune homme sans oser y croire réellement, l'aide à s'évader et à résoudre l'énigme laissée par de « grands anciens », ces hommes au crâne allongé représentés sur certaines fresques, pour aider l'humanité à combattre le fléau prévu le jour de l'alignement galactique.
Les délires tendant à expliquer les mystères des anciennes civilisations comme étant le fait de contact avec des extraterrestres ne sont pas nouveaux. Mais Steve Alten traite ce thème avec beaucoup de sérieux et une documentation suffisamment détaillée pour le rendre plausible. Les autres parties du livre bénéficient du même souci du détail : l'arsenal militaire déployé lors de la crise, les interventions sur le lieu de nouvelles maladies épidémiques, les données astronomiques sont décrits avec un réalisme convaincant et une rare habileté.
Le tout est bien amalgamé à un récit au suspense mesuré, régulièrement ponctué de scènes d'action. Dans la catégorie des best-sellers, ce roman est une heureuse surprise. Malgré son titre fleurant l'angoisse à deux sous et sa couverture fort laide, c'est un pur roman de science-fiction, et de science-fiction divertissante qui plus est.

Les Oiseaux de lumière

Oap Täo, contrebandier, est recruté pour capturer des oiseaux de lumière, ces créatures mystérieuses faites de photons dessinant des ailes chatoyantes de plusieurs kilomètres d'envergure, qui disparaissent dès qu'on émet des ondes à proximité, voire même quand on pense trop fort. Apparue au début du XXVe siècle, l'espèce est protégée. La chasse tourne court, Oap Täo étant arrêté par le GRIS avant sa première proie.
Il est fort heureusement sauvé par Frieda, qui désire réaliser un reportage sur ces fascinants oiseaux. Alors que le GRIS traque le contrevenant évadé, tous deux, bientôt accompagnés de la mystérieuse Hu-Reï, partent sur d'autres mondes à la recherche de renseignements, interrogeant les Pleiadim et des Hyadim dans l'espoir de déterminer le lieu d'origine des oiseaux de lumière. Leur quête aventureuse est prétexte à la découverte d'autres civilisations extraterrestres, ce qui ne va pas sans poser de problèmes quand subsistent des préjugés.
Dans le registre du space opera, Ligny et Mandy sont proches d'un Roland Wagner. Le ton est léger, volontiers primesautier, et ne manque pas d'humour. Les références à d'autres œuvres abondent, surtout dans les premières pages, clins d'œil parfois réservés à une minorité (Lenklud et les exigences pharaoniques de ses contrats1). Les auteurs s'amusent à parodier le space opera, n'omettant pas par exemple d'adjoindre au héros un fidèle droïde amateur de proverbes, tout en étant rigoureux sur le plan astronomique.
La fin est moins convaincante, par la naïveté de certains propos et la trop grande importance donnée aux aspects sentimentaux, même si ceux-ci se justifient dans le récit et servent à illustrer leur propos. Le respect de l'autre et de sa différence est en effet le message que veulent faire passer les auteurs dans cette adaptation d'un scénario de la Chronique des nouveaux mondes, et qui justifie probablement l'obtention du prix Tour Eiffel qui leur a été décerné en juin dernier2.

Note :

1. L'agence littéraire Lenclud (agent de Stephen King notamment) étant l'une des plus importantes sur la place parisienne.
2. Juin 2001.

Les Démons du Roi-Soleil

Goûtez-moi donc Les Démons du Roi-soleil. Cet arôme ne vous rappelle-t-il pas une cuvée voisine, celle des Conjurés de Florence ? Hein ! ? Deux auteurs, J. Gregory Keyes et Paul J. McAuley, pour un même traducteur, Olivier Deparis, et un même éditeur, Jacques Chambon (chez Flammarion pour l'un, Denoël pour l'autre). Et puis, de façon moins anecdotique, une documentation historique doublée d'une réflexion sur la révolution industrielle dans les deux bouquins. McAuley plongeait brutalement l'Italie de la Renaissance dans l'ère de la vapeur, consécutivement aux découvertes de Léonard de Vinci ; Keyes, dès le premier chapitre, autorise Newton à produire du mercure philosophal… Toutefois, si le roman de McAuley relève bien de l'uchronie — il part d'une altération binaire d'un événement historique, la mort de Laurent le Magnifique au profit de son frère, lequel donne à Vinci les moyens de concrétiser ses intuitions techniques —, celui de Keyes procède davantage de la fantasy. Mais qu'importe. Les deux bouquins empruntent des chemins chers aux littératures de genre : l'intrigue des Conjurés de Florence métisse uchronie et polar, celle des Démons du roi-soleil relève du roman d'apprentissage, ou d'initiation — un procédé archétypal de la fantasy américaine des trente dernières années qui trouve son point culminant avec Alvin le Faiseur. Bref.
Nous voici donc avec deux personnages, dont les destins ne font que s'effleurer, le jeune Benjamin Franklin et la pudique Adrienne qui affrontent des forces aussi maléfiques que surnaturelles pour finalement découvrir leur sexualité, l'un sur le lit d'une pute puis d'une aventurière, l'autre mariée de force à un vieux dégoûtant. Reconnaissons à l'auteur de s'être abstenu de dissimuler pareille découverte derrière le paravent miteux de l'accomplissement d'une quête, du braconnage d'une espèce protégée de reptile ou quelque autre substitut…
Le grand mérite du roman, cependant, outre son refus de la pudibonderie, réside dans le regard porté sur la condition féminine. La plupart des romans de fantasy ayant pour toile de fond une époque révolue, fantasmée ou pas — sauf peut-être l'œuvre de Marion Zimmer Bradley ou le Gloriana de Moorcock —, et ce quel que soit le sexe de l'auteur, adoptent le discours dominant de l'époque badigeonnée, à savoir la soumission des femmes envisagée comme un phénomène naturel. Du personnage féminin, la fantasy vieille école fait un objet de désir ou de répulsion, selon son âge, ou à la rigueur un objet désirant, quoique passivement ; l'étape d'un rite de passage, la simple expression d'une sexualité masculine fruste, immature. Souvent, l'auteur se laisse aller à de curieux fantasmes exprimés de manière symbolique. Ou alors rien du tout, l'intrigue s'efforçant de bannir tout élément explicite de sexualité, de féminité ou d'idées progressistes — en ce sens, on trouve une manière d'apothéose sous la plume de J.R.R. Tolkien, qui, vers la conclusion du Seigneur des Anneaux, fait l'apologie de la virginité, pour lui caractéristique indissociable de la fière jeune fille nordique. Keyes, quant à lui, n'ignore rien de la vie difficile des femmes du XVIIIe siècle. Adrienne, ainsi que d'autres personnages de son sexe, se travestissent régulièrement, au fil du roman, ou complotent dans le cadre d'une société secrète : loin de pitreries à la Rocambole, il s'agit bien d'une nécessité à une époque où on ne considérait pas le savoir scientifique comme adapté à la féminité et où une forte pression sociale exerçait sa tyrannie, pression aussi bien masculine que féminine, d'ailleurs…
Toutefois, même si le roman se hisse largement au-dessus du tout-venant, on n'en soulignera pas moins quelques défauts. Il y a ces clins d'œil à Alexandre Dumas, qui laissent suspecter une émulation, alors que l'on gagne toujours à demeurer le plus personnel, quitte à admettre que l'on ne crée pas ex nihilo. Plus grave, la personnalité des protagonistes relève le plus souvent du cliché. Non pas que l'auteur ait choisi de sacrifier les personnages aux péripéties, car il leur consacre la juste part. Disons plutôt qu'il éprouve des difficultés à s'aventurer au-delà de quelques traits simples, relevants d'une sorte de vulgate psychologique. Et même si ce n'est pas le cas de tous les personnages, la plupart laissent ce sentiment de superficialité convenue. Et puis, ultime reproche : encore une trilogie ! Par conséquent l'intrigue, morcelée, ne se suffit pas à elle-même. Quantités de ses éléments courent vers la falaise sans pour autant s'arrêter, et font une chute fatale dans l'esprit du lecteur qui tourne la dernière page. Assez des trilogies, pentalogies et cycles interminables ! Quitte à ce que le volume accuse son obésité, la politesse la plus élémentaire serait de conclure. Ce qu'on accepte d'un feuilleton construit sur ses rebondissements, ce qui en fait même le charme addictif, n'a pas lieu d'être dans l'écriture romanesque qui n'en relève en rien.
Las. Ces dernières remarquent ne nous empêcheront pas de conclure sur une note fort positive. Car en dépit de ses défauts, Les Démons du roi-soleil n'en est pas moins un excellent roman d'aventures porté par le souffle puissant du dépaysement. On peut certes critiquer, redire, mais on dévore.

Reconquérants

En quarante avant Jésus-Christ, au moment où la République de Rome échoue à renaître malgré le meurtre de Caïus Julius Caesar, le marchand Nilghy organise l'exode de plusieurs dizaines de républicains vers l'Africa. Mais les colons ne toucheront jamais les rives du continent noir, débarquant en fait sur un grand continent qui se trouve à l'ouest de l'Europe. Les siècles passent, la colonie prend de l'ampleur, les indigènes sont matés, et, en 1551 après la fondation de Libertas, le temps de la reconquête de l'Europe est venu. C'est par les yeux du jeune métis Geron — quasiment enrôlé de force — que sera vécu le grand voyage vers le continent originel et ses secrets ; la découverte d'une société vivant en harmonie avec la mer Méditerranée et ses créatures fabuleuses (naïades, dragons de mer, etc.).
Raconté ainsi, le second roman de Johan Heliot, après La Lune seule le sait, se présente comme une uchronie d'une originalité sans faille, mêlant science-fiction et fantasy. Et c'est bien ce mélange des genres qui sauve l'ouvrage, car, pour le reste, on voguera de vague déception en vague déception. D'abord, à cause du prologue, particulièrement mal fichu, souvent mal écrit, lui-même suivi par une première partie hommage au Salammbô de Flaubert (pages 13 à 71) toute en scènes d'exposition lourdes et redondantes, centrées pour la plupart autour de la chose politique (on notera à nouveau le défaut récurrent de l'auteur, à la fois naïf et professoral dans sa vision politique, défaut qui avait plombé en son temps la série F.A.U.S.T. de Serge Lehman). Au sein de la première partie de Reconquérants, le lecteur devra attendre la page 25 pour que le personnage principal apparaisse. Et, premier constat amer : tout ce qui précède la page 71 pourrait tenir en deux ou trois flash-backs et un prologue bien écrit : une version plus étoffée du relatio du début, par exemple.
Une fois la page 76 passée, le roman commence pour de bon et se révèle réussi par bien des côtés, jouant continuellement sur une esthétique intéressante (hommes-volants appelés Aigles, aérostats, dragons de mer). La deuxième partie (pages 75 à 113) réserve deux ou trois morceaux de bravoure et une sacrée trouvaille aux portes de la Méditerranée — le Verrou du Monde —, dont je laisserai l'entière surprise aux lecteurs. Mais le tout est gâché par des descriptions passives et statiques comme s'il en pleuvait, des coquilles beaucoup trop nombreuses pour un ouvrage de ce prix (à se demander si ça a été relu), des titres de chapitre hors sujet (« la croisière, sa muse ») qui sortent le lecteur du sense of wonder qui aurait dû caractériser ce roman d'aventures. C'est dans les troisième et quatrième parties que les plus gros défauts du livre apparaissent, notamment l'absence de véritables personnages (même Geron — pâle Geronimo ; quant au seul personnage féminin, Ekin, il s'agit d'une sorte de sirène nymphomane sans grand intérêt qui n'apparaît que page 150). Cerise sur le pompon : des maladresses et des erreurs logiques inacceptables ne cessent d'éprouver le lecteur, comme la note de la page 179 qui apostrophe icelui, lui rappelant qu'une veille dure trois heures. Et comme un malheur ne vient jamais seul, à partir du chapitre 31, « De Charybde en Scylla » — quelle clairvoyance ! —, l'écriture et la maîtrise se relâchent pour un final bâclé, visiblement écrit à la va-vite (on reconnaît là les conséquences du hou-la-la-faut-que-je-rende-dans-les-temps, aussi appelé deadline, ce qui veut bien dire ce que ça veut dire).
Le constat peut paraître brutal. Et il l'est, sans doute à cause des attentes suscitées par La Lune seule le sait, infiniment plus maîtrisé. Et pourtant, avec ce roman écrit trop vite, qui n'a pas eu le temps de reposer, dans lequel il aurait fallu trancher soixante-dix pages au début et développer la fin, Johan Heliot confirme qu'il est l'auteur francophone le plus original du moment, palme qu'il se partage avec David Calvo. Quant à savoir s'il faut acheter ce Reconquérants brut de décoffrage… même le critique baisse le glaive et avoue ne pas savoir quel conseil donner, tant l'ouvrage réserve de magnifiques surprises et tout autant d'écueils… Il ne reste plus qu'à souhaiter une édition poche remaniée, comme ce fut le cas pour La Voie du Cygne de Laurent Kloetzer en « Folio-SF ».

Douces ou cruelles

Alors là, si ce n'est pas un beau titre-programme pour une anthologie… Hein ! ? Un thème qui, choisi par Daniel Conrad (à qui nous devons déjà De minuit à minuit, autre anthologie au Fleuve Noir l'an passé), trouve sa légitimité dans la volonté du compilateur de défendre ce qu'il nomme la « littérature de l'angoisse ». Késako ? Pour résumer le point de vue théorique développé dans la préface assez brouillonne, il s'agit d'un avatar moderne du fantastique fondé sur la notion de « malaise », lequel trouve sa source dans les drames considérés comme « irrationnels » de la vie quotidienne — comprenez, ceux auxquels on préfère ne jamais penser — plutôt que dans les trucs un peu « kitsch », du style main d'écorché et revenants divers, que l'auteur classe pour leur part dans le « surnaturel ». Un sous-genre qui ne s'appelle plus dark fiction — expression dont Conrad revendique la paternité — parce que l'anglais, ça ne fait pas « politiquement correct » pour une anthologie francophone. Le recueil se veut donc, en partie au moins, le manifeste de cette nouvelle « littérature de l'angoisse ».
Or, depuis que le XVIe siècle a convenu que la femme était d'un naturel soumis aux passions et qu'Hitchcock nous a donné des sueurs froides sous une douche, le personnage féminin semble s'être imposé comme proie idéale des peurs primales. On ne peut donc que se féliciter du choix thématique de l'anthologiste, et avec une couverture dans le genre plan rapproché du Silence des Agneaux mâtiné de Seven, on se voit parti pour cinq cents pages de suspense, de psychopathes sanguinaires ou, pour le moins, de tendances schizophrènes… Alors ?
Force est de constater que cette anthologie recueille des textes pour le moins divers, de tous les genres et, aussi, de toutes les qualités. Moralité : si vous n'aimez pas l'éclectisme et que vous pensez qu'un titre-programme doit absolument être respecté à la lettre, laissez tomber. Conrad a fait le choix avoué d'accueillir des auteurs issus de toutes les tendances littéraires. D'où une diversité de genre et de style parfois extrêmes. Ainsi, un récit typiquement S-F comme « Venue d'ailleurs », de Maud Tabachnik, côtoiera « Mérélune » de Francis Berthelot, texte ressortissant davantage du merveilleux, ou bien encore « Géhenne » d'Elisabeth Vonarburg, très inspiré de Stephen King, en passant par un fantastique plus traditionnel avec « Albatros », de Patrick Eris. La cohésion du recueil en souffre évidemment, ce qui est regrettable quand on considère qu'il est censé illustrer un genre littéraire particulier. Naturellement, on arguera qu'un genre se crée à partir d'inspirations multiples. Mais là, tout de même, à ce point, ça fait un peu fouillis.
Impression foutraque qui se renforce encore lorsque l'on prend en compte l'axe thématique principal énoncé dans le sous-titre de l'antho. Pour tout dire, les nouvelles qui nous montrent des femmes dans l'angoisse, telles qu'on aurait pu les imaginer à la lecture de la quatrième de couverture, on les compte sur les doigts de la main. Il y a les textes totalement hors sujet, tel « Une Belle invention » de Bruno Léandri, nouvelle par ailleurs fort drôle qui n'est pas sans évoquer Fredric Brown. Et puis ceux, nombreux, ou la femme est en définitive plus prédatrice que victime (« Les Sœurs Ténèbres » de Châteaureynaud, qui choisit de faire des trois personnages féminins de son récits les Parques mythologiques, ou encore l'excellent « Jusqu'à ce que la haine nous réunisse » de Claude Ecken, qui attribue lui aussi à la femme le rôle démoniaque — ce qui n'empêche pas ces deux textes, en dépit de leur « perversion » du cadre revendiqué par l'antho, de s'imposer parmi les tout meilleurs du recueil).
Bon, bien sûr, un certain nombre de textes entrent tout de même dans le cadre tracé par l'anthologiste. Seulement voilà, l'angoisse des femmes est ici principalement existentielle. Si l'on excepte le très bon « Vertige », d'Anne Duguël, qui fait du stade du miroir cher à Lacan un mélange de Faust et de Dorian Gray, le reste des textes en est resté au complexe d'Œdipe, menstrues et problèmes de sexualité primaires…
Finalement, on citera tout de même trois récits qui jouent vraiment le jeu de l'angoisse. « Pussy Cat », de Nicole Caligaris, nous fait passer quelques jours de réel malaise avec son héroïne, dans une ambiance digne des romans gothiques. Un texte étrange, dont l'écriture même, torturée, exprime le trouble du personnage, et que l'on a tout intérêt à relire à la lumière de sa source d'inspiration, Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand. « Buanderie » , de Sholby qui, en dépit d'une relative « naïveté », se penche sur l'effilochement du réel, dans ce que l'on peut considérer comme une métaphore filée étendue aux proportions de la nouvelle tout entière, parcourue d'images de tissus déchirés. Enfin, « Dedans », d'Odile Massé, réexploite le thème du loup-garou dans un style kafkaïen tout à fait remarquable.
Et si l'on ajoute à cela quelques bons textes, comme « Le Casino Rouge » de Daniel Walther, « Mira Tcherbo » de Philippe Claudel — une des perles du recueil, économe dans ses moyens mais implacable dans ses effets —, ou « Rosa la rose » de Andrea H. Japp, on peut dire qu'il y a là de quoi passer de bons moments. Pourvu qu'on ne veuille pas spécialement des histoires de femmes en proie à l'angoisse et que l'on passe rapidement sur les mauvaises.
Bref, une antho très disparate mais qui a néanmoins de quoi séduire.

Razzies 98

Cette année, les Razzies de Bifrost fêtent leurs 10 ans ! En attendant le 19 janvier et la liste des lauréats 2012 dans le n°65 de la revue, le blog Bifrost a exhumé pour vous les tous premiers Razzies, datés de 1998 et parus dans Étoiles Vives n°5 !

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Critiques Bifrost 22

Réjouissons-nous ! Les chroniques de livres du Bifrost n°22 spécial Clifford Simak, désormais épuisé, sont maintenant en ligne, avec entre autre un guide de lecture simakien !

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Bifrost n° 114
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