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Une mer sans rivage

Suite d'Un Monde sans fin, Une Mer sans rivage continue l'exploration d'Océana tout en faisant progresser l'intrigue. Tristam Flattery ne peut plus ignorer, à présent, la nature magique de ses pouvoirs, mais cherche à comprendre pourquoi il en est le dépositaire. Tandis que les diverses factions composant les membres de l'expédition se battent pour la possession des secrets que les mages auraient dissimulé avant de laisser la place à l'empirisme scientifique, l'intrigue se concentre sur les complots qui se trament en Farreterre contre la cour. De nouveaux personnages apparaissent, dont la plupart évoquent d'authentiques figures du siècle des lumières. Le peintre Averil Kent joue un rôle de plus en plus prépondérant face à Palle, qui gagne ses galons de méchant de grande envergure.

Pendant que se déroulent ces luttes, le véritable enjeu de l'affrontement apparaît insensiblement. Tristam, comme d'autres, n'est qu'un pion dans la dernière tentative des mages à présent disparus pour amener le rétablissement de l'ancien monde. Dans ce second tome, la course de vitesse émaillée de nombreux rebondissements a pris le pas sur les discussions sur la nature du monde. Malgré quelques longueurs, on ne peut qu'apprécier l'art avec lequel Sean Russel mêle aventure et réflexions philosophiques. Sa vision décalée du siècle des Lumières est des plus passionnante, et il nous offre ici une grande histoire.

En un autre pays

[Chronique commune à Mon nom est Titan et à En un autre pays.]

Mon nom est Titan clôt la sélection raisonnée des nouvelles de Robert Silverberg entamée par Jacques Chambon dans la collection « Imagine », chez Flammarion, et achevée ici, chez J'ai Lu, par un Pierre-Paul Durastanti non crédité (la sélection initiale de Chambon et Silverberg prévoyait cinq volumes, le dernier ayant finalement été publié chez Folio « SF » sous la forme de deux recueils distincts : En un autre pays et Né avec les morts). Les commentaires qui accompagnent les 23 nouvelles du volume J'ai Lu permettent de mieux comprendre comment Silverberg gère à présent sa carrière : un roman annuel durant la saison des pluies, quelques nouvelles, souvent de commande, pour des supports payant bien, voire mieux que ça, le plus souvent inspirées de voyages touristiques et culturels. La plupart des commentaires en question ont vraisemblablement été rédigés pour les recueils dont provient l'essentiel de ces textes, et n'ont pas été relus : c'est pourquoi on trouve à deux reprises des considérations sur les univers partagés, propos que l'on trouvera à nouveau dans le recueil chez Folio. C'est un peu lassant.

Les thèmes récurrents sont les voyages temporels et les uchronies basées sur les périodes historiques préférées de l'auteur : Rome (avec une nouvelle appartenant au cycle Romae æterna), Byzance, les empires d'une manière générale et les grands conquérants de l'Antiquité. Ainsi, une fréquence radio met un linguiste en relation avec un univers parallèle où Genghis Khan, enlevé et élevé par les chrétiens, ne devient le sanguinaire qu'on sait que grâce à ses conseils (« Le Sommeil et l'oubli »). Ailleurs, des voyageurs temporels vendent dans le passé des objets très convoités (« La Venue de l'empire »). L'informatique, que Silverberg ne goûte guère, permet de créer des entités virtuelles très proches de leurs modèles historiques, ce qui génère une passionnante discussion entre Socrate et Pizarre (« Entre un soldat, puis un autre »).

On se déplace donc davantage dans le temps que dans l'espace, même si l'on trouve ça et là des extraterrestres, envahisseurs wellsiens ici décrits par Henri James, pacifistes venus éviter une guerre nucléaire (« Tombouctou, à l'heure du lion »), ou occupants d'une zone des USA que des humains fréquentent toutefois (« La Route de Spectre city », un très beau texte sur la tolérance et l'altérité).

Quelques rares nouvelles renouent avec la surprise et l'étonnement propres à la S-F : « Le Deuxième Bouclier » met en scène un sculpteur qui concrétise ses rêves mais se trouve incapable de rêver sur commande la pièce qu'on attend de lui.

Les quatre novellas qui composent En un autre pays peuvent être considérées comme un complément à ce dernier recueil de « l'intégrale » (et on sait pourquoi…). Seule la première, au titre éponyme, où des voyageurs temporels assistent aux grands événements historiques, est une réédition. « Cache-cache » met en scène terriens et extraterrestres négociant avec une grande méfiance, « Ça chauffe à Magma city » présente des marginaux en voie de réhabilitation luttant contre des volcans dévastant la Californie avec leurs fleuves de lave, « L'Arbre dans le ciel » se déroule dans une société rurale frappée par l'apparition d'une comète dans le ciel, et où un extraterrestre vieillissant, prisonnier dans un labyrinthe, explique à un savant surdoué le moyen de réparer sa fusée.

Silverberg a du métier : ses histoires tiennent le lecteur en haleine. Aucune n'est cependant captivante, faute d'originalité, du moins d'idée forte. La prospective et le vertige spéculatif sont remplacés par le plaisir de spirituelles conversations au bord du chemin. Le guide de ces flâneries est des plus agréables, mais ses propos restent peu en mémoire. Bref, la passion n'est plus là. Restent le charme et l'élégance, la bonne compagnie d’un homme fort cultivé, et c'est déjà beaucoup.

Mon nom est Titan

[Chronique commune à Mon nom est Titan et à En un autre pays.]

Mon nom est Titan clôt la sélection raisonnée des nouvelles de Robert Silverberg entamée par Jacques Chambon dans la collection « Imagine », chez Flammarion, et achevée ici, chez J'ai Lu, par un Pierre-Paul Durastanti non crédité (la sélection initiale de Chambon et Silverberg prévoyait cinq volumes, le dernier ayant finalement été publié chez Folio « SF » sous la forme de deux recueils distincts : En un autre pays et Né avec les morts). Les commentaires qui accompagnent les 23 nouvelles du volume J'ai Lu permettent de mieux comprendre comment Silverberg gère à présent sa carrière : un roman annuel durant la saison des pluies, quelques nouvelles, souvent de commande, pour des supports payant bien, voire mieux que ça, le plus souvent inspirées de voyages touristiques et culturels. La plupart des commentaires en question ont vraisemblablement été rédigés pour les recueils dont provient l'essentiel de ces textes, et n'ont pas été relus : c'est pourquoi on trouve à deux reprises des considérations sur les univers partagés, propos que l'on trouvera à nouveau dans le recueil chez Folio. C'est un peu lassant.

Les thèmes récurrents sont les voyages temporels et les uchronies basées sur les périodes historiques préférées de l'auteur : Rome (avec une nouvelle appartenant au cycle Roma æterna), Byzance, les empires d'une manière générale et les grands conquérants de l'Antiquité. Ainsi, une fréquence radio met un linguiste en relation avec un univers parallèle où Genghis Khan, enlevé et élevé par les chrétiens, ne devient le sanguinaire qu'on sait que grâce à ses conseils (« Le Sommeil et l'oubli »). Ailleurs, des voyageurs temporels vendent dans le passé des objets très convoités (« La Venue de l'empire »). L'informatique, que Silverberg ne goûte guère, permet de créer des entités virtuelles très proches de leurs modèles historiques, ce qui génère une passionnante discussion entre Socrate et Pizarre (« Entre un soldat, puis un autre »).

On se déplace donc davantage dans le temps que dans l'espace, même si l'on trouve ça et là des extraterrestres, envahisseurs wellsiens ici décrits par Henri James, pacifistes venus éviter une guerre nucléaire (« Tombouctou, à l'heure du lion »), ou occupants d'une zone des USA que des humains fréquentent toutefois (« La Route de Spectre city », un très beau texte sur la tolérance et l'altérité).

Quelques rares nouvelles renouent avec la surprise et l'étonnement propres à la S-F : « Le Deuxième Bouclier » met en scène un sculpteur qui concrétise ses rêves mais se trouve incapable de rêver sur commande la pièce qu'on attend de lui.

Les quatre novellas qui composent En un autre pays peuvent être considérées comme un complément à ce dernier recueil de « l'intégrale » (et on sait pourquoi…). Seule la première, au titre éponyme, où des voyageurs temporels assistent aux grands événements historiques, est une réédition. « Cache-cache » met en scène terriens et extraterrestres négociant avec une grande méfiance, « Ça chauffe à Magma city » présente des marginaux en voie de réhabilitation luttant contre des volcans dévastant la Californie avec leurs fleuves de lave, « L'Arbre dans le ciel » se déroule dans une société rurale frappée par l'apparition d'une comète dans le ciel, et où un extraterrestre vieillissant, prisonnier dans un labyrinthe, explique à un savant surdoué le moyen de réparer sa fusée.

Silverberg a du métier : ses histoires tiennent le lecteur en haleine. Aucune n'est cependant captivante, faute d'originalité, du moins d'idée forte. La prospective et le vertige spéculatif sont remplacés par le plaisir de spirituelles conversations au bord du chemin. Le guide de ces flâneries est des plus agréables, mais ses propos restent peu en mémoire. Bref, la passion n'est plus là. Restent le charme et l'élégance, la bonne compagnie d’un homme fort cultivé, et c'est déjà beaucoup.

Aqua TM

En 2030, la guerre de l'eau annoncée est largement entamée. Tandis que les bouleversements climatiques causent des catastrophes aussi bien en Europe qu'en Amérique ou en Afrique, un satellite appartenant à un puissant consortium découvre une nappe phréatique géante dans le sous-sol du Burkina Faso. Un pirate informatique a déniché et révélé l'information à qui de droit. Mais le pays n'a pas les moyens de creuser dans son sous-sol, c'est donc une association humanitaire européenne qui enverra par camion le matériel de forage. Mais les convoyeurs, Laurie, sœur du pirate désormais traqué, et Rudy, sinistré d'une inondation en Hollande et poursuivi par des miliciens d'extrême droite, ignorent que le possesseur du satellite, le pervers Anthony Fuller, revendique les droits de propriété de la nappe phréatique et que, débouté d'un procès, il tente d'empêcher le camion de parvenir à destination…

Bien d'autres personnages et intrigues parallèles achèvent de dresser un tableau saisissant de ce futur proche, comme Pamela, épouse de Fuller, qui entre dans la secte extrémiste et xénophobe de la Divine Légion, laquelle voit une incarnation divine dans son fils Tony, un autiste apparemment doté de pouvoirs psychiques, ou Fatimata Konaté, courageuse présidente du Burkina Faso, qui résiste avec son équipe de ministres pas toujours efficaces. Ces événements, et bien d'autres, sont racontés en brefs chapitres incisifs et nerveux, où dominent les dialogues.

Rien de ce que présente Ligny dans ce roman n'est réellement nouveau, mais l'accumulation des désordres et problèmes visibles dès à présent dressent un tableau pour le moins apocalyptique. AquaTM est la reprise de Aqua, paru au Fleuve Noir « Anticipation » en 1993. En 13 ans, Ligny a largement eu le temps de peaufiner ses projections futuristes très documentées et d'enfoncer le clou : la planète se meurt, générant des problèmes toujours plus vastes, qui n'incitent pas les grands groupes à la mesure mais les poussent au contraire à davantage piller sans vergogne tout ce qui peut l'être encore.

On ne sait s'il faut se réjouir de lire un roman aussi saisissant ou, au contraire, déplorer sa lucidité. Ce qui est sûr, c'est que sa lecture est plus que recommandée, aussi bien pour sa dimension politique et sociale que parce qu'il s'agit d'un excellent roman, tout simplement.

Fiction T4

Ce numéro 4 de Fiction, aurait quasiment pu être sous-titré « Spécial Mœbius » tant Jean Giraud, son œuvre, Métal Hurlant et la BD en général sont à l'honneur : couverture, article, interview, illustrations, textes-hommages, et même réédition de la nouvelle d'où Mœbius a sans doute tiré son pseudonyme : « L'homme non latéral » de Martin Gardner.

Côté fictions, tout commence avec « Les Golems de Detroit » d'Alex Irvine, un texte court qui se rattache à son étonnant roman de fantasy et d'histoire secrète de la Seconde guerre mondiale The Narrows ; souvent qualifié de « Tim Powers du pauvre » par la critique américaine, Alex Irvine vaut plus que son surnom et cette nouvelle sans tension réelle ; d'ailleurs, on s'en convaincra en lisant son premier roman Le Soleil du Nouveau Monde (signé Alexander C. Irvine), dans la collection « Rendez-vous d'ailleurs », une belle fantasy américaine dont l'ambiance rappelle celle du film Gangs of New York, mais avec des sacrifices aztèques en cadeau bonus (cf. ci-avant la critique de Xavier Mauméjean). Suit une nouvelle de notre collaborateur suisse Frédéric « Galactus » Jaccaud, qui montre qu'il a une belle plume, mais que pour le moment il ne sait guère comment s'en servir. Après Jaccaud, Esther Friesner nous fait une délicieuse blague babylonienne et anticléricale, puis Delia Sherman livre probablement le meilleur texte de ce Fiction « Miss Carstairs et le triton », le triton en question étant une sirène mâle (donc un ondin, si je ne me trompe pas… problème de traduction ?). On passera vite sur « Les peluches » de Laurent Herrou, hommage sans intérêt, inutile pour tout dire, au Lunar Park de Bret Easton Ellis, pour découvrir, médusé, l'excellente nouvelle de Martin Gardner « L'homme non latéral », datant de 1951 et qui se trouvait au sommaire du numéro 42 (mai 1957) du Fiction historique. Et le feu d'artifice ne fait que commencer, puisque parmi les bonnes et excellentes nouvelles de ce numéro on citera « Terre promise » de Steven Utley, un de ses célèbres contes siluriens (que je soupçonne néanmoins d'être incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas les bases de ce corpus pour le moins particulier) ; « La Veillée d'astres » de James Stoddard, magnifique fantasy initiatique évoquant L'Ombre du bourreau de Gene Wolfe ; « Notre-dame d'Heinsenberg » de Xavier Mauméjean, nouvelle obscure et ultra-ambitieuse où s'embrassent guerre civile espagnole, poétique de la destinée et principe d'incertitude d'Heisenberg, un texte qui, au final, évoque les nouvelles spéculatives les plus réussies de Ian Watson et certains textes « artistiques » de J. G. Ballard — difficile d'accès, comme toute foire aux atrocités, mais passionnant. Le clou du numéro (avec Delia Sherman, déjà citée) est sans aucun doute la nouvelle de Jeffrey Ford « L'auteur de fantasy et son assistante », qui est probablement le plus beau texte jamais écrit sur Glandar, et son créateur Ashmolean… Comment, vous n'avez jamais lu Ashmolean ? Jetez-vous sans attendre sur Le pourfendeur de spectres de Kreegenvale, à côté duquel Conan c'est de la pisse de marmotte coupée au Champomy, croyez-moi sur parole.

Seule véritable déception en ce qui me concerne : le texte « Le Cosmos de cristal » de Rhys Hugues, qui est le plus long de ce Fiction n°4 et, pour mes goûts, de loin le plus ennuyeux, ce que n'arrange pas une traduction éminemment suspecte (qui, mauvais point, s'ajoute à la traduction foireuse de la nouvelle de Steven Utley). On peut néanmoins supposer que les passionnés d'astronomie et de cosmogonie trouveront de l'intérêt à cet hommage bizarre à Ian Watson (encore !).

Au final, une livraison qui démarre lentement mais finit par se révéler exceptionnelle, à condition d'aimer la BD et les nouvelles humanistes et contemplatives, car c'est sur cette branche de la littérature que sautillent James Stoddard, Jeffrey Ford et Delia Sherman. Une fois encore, on attendra jusqu'à la fin, en vain, le texte méchant, cynique, qui arrache tout sur son passage. Et on rappellera à André-François Ruaud et à ses joyeux coéquipiers de Fiction qu'Albert E. Cowdrey publie de formidables nouvelles coup de poing dans The Magazine of Fantasy & Science fiction.

La Cité de perle

Sur la seconde planète de l'étoile Cavanagh (C2), les humains possèdent une modeste colonie où quelques familles vivent plus ou moins comme des mennonites, sous la protection d'un extraterrestre anthropomorphe et végétalien appelé Aras. Celui-ci est un gardien Wesshar, dont le passé de soldat lui vaudrait, sur Terre, un passage au TPI et un emprisonnement à vie, en quarantaine. Car non seulement ce charmant criminel de guerre a commis un génocide, mais il est aussi colonisé par la c'naatat — une sorte de maladie intelligente, très dangereuse, qui lui permet d'augmenter son capital génétique et d'être immortel ou presque. C2, habitée par les Bezeri — sortes de calamars intelligents tout droit sortis de l'imaginaire de James Cameron, merci Abyss ! —, est convoitée par une autre race extraterrestre, les Isenj, qu'Aras a massacrés lors du dernier conflit en date, allant jusqu'à raser complètement leur cité. Et comme ces Isenj sont bien décidés à attaquer à nouveau ; inutile de dire que la situation est tendue. Une tension qui va grimper de plusieurs crans quand un groupe d'humains (dont des marines de l'espace, merci Aliens !) menés par la surintendante Shan Frankland (Sigourney Weaver, au top de sa forme), débarque sur C2 et détruit de façon accidentelle le véhicule d'Aras…

Ma première réaction après avoir laborieusement terminé cet ouvrage dont je n'aurais jamais lu plus de cinquante pages si je n'avais pas promis d'en faire la critique dans Bifrost, c'est d'en déconseiller l'achat, car pourquoi payer 20 euros ce qu'on n'accepterait pas d'un poche à 7 euros ? Mais, à bien y réfléchir, La Cité de perle est un premier roman, le premier tome d'une trilogie de pure science-fiction, une anomalie dans le paysage actuel qui mérite un brin d'indulgence, même si l'anomalie en question souffre de deux problèmes quasi-rédhibitoires :

1/ Karen Traviss met près de cent pages à trouver comment raconter son histoire, ce qui handicape pour le moins son récit, et risque de décourager bon nombre de ses lecteurs potentiels. Elle aurait pu facilement couper ses 90 premières pages de bouillie, en extraire les rares informations nécessaires à son intrigue, et commencer son roman au moment où Lindsay, la cheftaine scout des marines, avoue qu'elle est enceinte (page 91 de l'édition française). Ne lui restait ensuite qu'à placer au bon endroit les bonnes informations, les flash-back aux petits oignons, et à mijoter doucement le tout ; à croire qu'il n'y a pas d'éditeur chez Eos, où le livre a été publié en VO pour la première fois.

2/ On ne peut pas dire que La Cité de perle soit mal écrit dans le sens où ce roman n'est tout simplement pas écrit (problème de traduction, si plate, qu'elle perdrait le combat contre un sandwich Air France ?). À quelques rares exceptions près, l'auteur est incapable de faire une description, de mener un dialogue ou de créer une scène d'ambiance. C2 ne ressemble guère à une planète extraterrestre, mais plutôt à un morceau du Dutch Country transformé en île.

Voilà pour les deux principaux écueils… Passons maintenant aux qualités de l'ouvrage : tout d'abord on accordera à Karen Traviss un vrai sens du détail passionnant (les velourocs, les chemins vivants…) et une inclination assez convaincante pour les problématiques politiques, écologiques et les dilemmes moraux (la condamnation à mort du Dr Parekh ; les épineuses décisions d'Aras).

On imagine sans mal ce qu'un Robert Reed en grande forme aurait pu faire avec le scénario de Traviss et ses meilleures trouvailles, visuelles et conceptuelles, mais celle-ci n'a pas le talent d'un Reed, d'un Card ou d'un Vinge pour l'exercice de xénopensée ; à l'exception du personnage d'Aras (anthropomorphe ou presque, cela va de soi), ses extraterrestres ne présentent aucun intérêt. Pourtant, il y avait de quoi faire avec les Isenj, les Bezeri, les Matriarches et les Ussissi (mes préférés). Ce sera sans doute au sommaire des tomes 2 & 3.

Comme on pouvait s'y attendre, ce qu'il y a de plus réussi dans ce livre raté, c'est l'histoire (d'amour, d'amitié ?) qui se tisse peu à peu entre Aras, le criminel de guerre, et Shan, l'écolo-pragmatico-facho de service… ce qu'on appellera le « volet sentimental » de l'ouvrage.

En conclusion, Karen Traviss, dont on ne connaissait jusqu'ici qu'une mauvaise nouvelle, apparaît sous nos latitudes sans tambours ni trompettes, ce qui ne nous empêchera pas de lui donner une seconde chance, car son sens du détail signifiant combiné à son ambiguïté politique arrive parfois à nous faire oublier qu'elle (ou son traducteur) écrit comme une batterie de casseroles « premier prix ». Dans le même genre, la trilogie d’Omale de Laurent Genefort et les livres d'Alastair Reynolds sont autrement plus convaincants, sans parler de la trilogie d'Orson Scott Card — La Stratégie Ender, La Voix des morts, Xénocide — politiquement puante, mais à bien y réfléchir, pas plus que cette Cité de perle.

« Tous les miracles ont une explication ordinaire. Votre ville de perle est en fait couverte de merde d'insecte. La vie éternelle est un parasite. Les bulles de champagne sont les pets de colonies de levure. Même cette merveilleuse odeur qui monte du sol après la pluie d'été est une bactérie, l'actinomycetes. Ainsi va l'univers. À toi de choisir — regarde la surface fabuleuse ou la croûte en dessous. » (page 318)

Aquaforte

Poursuivis par l'armée des Héros, le bandit Gwynn et la chirurgienne Raule traversent le désert à la recherche d'un pont qui, une fois franchi et détruit, les mettra à l'abri de leurs traqueurs. Rattrapés, ils livrent bataille (une des scènes les plus spectaculaires du livre), survivent et réussissent à rejoindre la ville d'Escorionte (sorte de cité-oasis dépravée, coloniale et arabisante). Là, la chirurgienne trouve un travail mal payé dans le dispensaire de Citrebois (l'équivalent d'un hôpital catholique pour pauvres), et Gwynn se fait engager comme second couteau par Lorme, un mafieux qui gère des putains, des jeux clandestins, et qui trafique des esclaves. Alors que Raule s'intéresse aux nouveau-nés monstrueux qu'engendrent les pauvresses de la cité, Gwynn, lui, tombe amoureux d'une artiste, Beth, qui crée diverses types d'eaux-fortes : il y a des travaux de commande, souvent érotiques, et des recherches plus personnelles dans laquelle Gwynn prend une place de plus en plus importante, à tel point qu'on se demande si le Gwynn du début du livre n'est pas en train de changer, de devenir un monstre qu'il n'a jamais été, une aberration que Beth construit peu à peu. Evidemment, le destin finira par réunir Gwynn et Raule, qui ne sont pas amants mais plutôt liés par le sang et la douleur, le bruit et la fureur.

Ajoutez à ce résumé un alchimiste-empoisonneur, une chanteuse femme-fatale, des duels, des virées au bordel, une hache baptisée « perle » qui laisse des fleurs dans les plaies de ses victimes, et vous aurez une vue plus précise de cet Aquaforte, premier roman de l'artiste australienne K.J. Bishop (née en 1972), récompensé par l'Australian Ditmar Award 2004 et le William L. Crawford Fantasy Award dans la catégorie meilleur premier roman.

Aquaforte est avant tout une fantasy inclassable dans laquelle tous les genres ou presque se mélangent, roman noir à la Jack O'Connell, roman d'aventures (on pense à La Maîtresse de fer de Paul Wellman, African Queen de Cecil Scott Forester, mais aussi au cinéma, Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone et L'Homme qui voulut être roi de John Huston), steampunk (le texte évoque parfois L'Age des lumières de Ian R. MacLeod, et certains livres de James P. Blaylock), fantasy urbaine (Viriconium n'est jamais loin), réflexion sur l'art… La richesse stylistique de Bishop, son exceptionnelle maîtrise (il s'agit quand même d'un premier roman, détail qu'on oublie bien vite à la lecture), l'originalité de son décor (Escorionte), sa paillardise et sa violence, tout cela fait d'Aquaforte un livre particulièrement convaincant et très agréable à lire. Un roman décadent au charme singulier, car on y boit du Bourgogne et du brandy (cognac) et la faune interlope qui y est décrite semble plus tirée d'un film de Tarantino que d'un roman de Dickens. Seules ombres au tableau : la couverture, hideuse de chez hideuse (pensez à acheter du papier kraft avec le roman), et la traduction insuffisamment relue — Jean-François le Ruyet ne faisant pas de différence entre chameau (deux bosses) et dromadaire (une bosse), et passant à côté de certains particularismes de la langue anglaise, ce qui donne de magnifiques maladresses (extrêmement rares, heureusement).

Un premier roman aussi bon, aussi original et à un prix aussi raisonnable (20 euros + 60 cents de papier kraft), ça ne se loupe pas, surtout si vous êtes fan du Chien de guerre et la douleur du monde et de Gloriana ou la reine inassouvie de Michael Moorcock, ou, plus proche de nous, de La Cité des saints et des fous de Jeff VanderMeer.

Les Anges électriques

Après des années d'atermoiement et de galère, période méandreuse qu'André-François Ruaud évoque dans sa petite présentation sobrement intitulée « Envolée », voici que paraît Les Anges Electriques, une anthologie dont la première incarnation aurait dû être publiée sous le titre Fées & Gestes 2 et qui naît, enfin, sous la forme d'un numéro spécial de la (nouvelle) revue Fiction, dotée d'une couverture anti-commerciale à souhait et d'un prix exorbitant, 28 euros. Etrange destin… et aberration commerciale totale. Car il faut être téméraire ou désespéré pour rattacher une anthologie au thème fort, facile à identifier, autonome (les anges), à une revue Fiction qui ne marche pas en librairie, dont le nombre d'abonnés est insuffisant, dont le format, trop large, est inadapté à la lecture de récits… Parution suicidaire pour les uns, ultra couillue pour les autres, mal ciblée de l'avis quasi général, qui n'aidera ni Fiction ni Les Anges électriques et qui évoque surtout une chevauchée sabre au clair sus à l'ennemi : vingt chevaliers blancs (les auteurs, l'anthologiste, ses traducteurs, son maquettiste) contre les noires armées de la Big Commercial Fantasy, le tout soutenu par la musique quasi-wagnérienne du Carmina Burana de Carl Orff. Problème : ce genre de cavalcade martiale à un contre deux mille, même dans l'Excalibur de John Boorman, ça ne finit pas super bien.

Critiquer le contenu de ces Anges Electriques est difficile car les textes y abondent, dix-huit, excusez du peu. Et comme on peut s'y attendre, il y a des choses qu'on adore, d'autres qu'on déteste, d'autres qui laissent indifférent ou que l'on oublie une fois la dernière page tournée. Dix-huit textes, très différents (il y a de la fantasy, de la S-F, du fantastique, de la mauvaise littérature générale), où il n'est pas toujours question d'anges. Par exemple, dans « Carnation, Lily, Lily, Rose » de Kelly Link, le meilleur texte du lot à mes yeux, il n'y a pas de créatures ailées ; on y suit un « défunt » qui écrit une longue lettre et se promène sur une plage sise non loin d'un étrange hôtel, désert et impossible, comme surgi de l'œuvre de J.G. Ballard. Dix-huit textes, dont malheureusement, à la lecture, j'ai surtout relevé les écueils : fautes de mise en page (on ne foliote pas les pages d'illustration d'une anthologie, les tirets de dialogue sont à géométrie variable), fautes de français, d'orthographe, maladresses de traduction… Des écueils qui ne gâchent peut-être pas tout, mais font un dégât considérable, ambiance « trous dans l'emmental et grincements de dents ».

Comment accepter sans broncher de lire la nouvelle de Kelly Link, de tiquer après dix lignes, de recommencer le premier paragraphe et de comprendre que le traducteur n'a pas compris que c'est du prénom et non du nom de sa femme que le défunt ne se souvient pas ? Des prénoms féminins qui s'enchaînent, Mary, Coraline, Coralee, etc., jusqu'à la fin de cette magnifique nouvelle.

Sur la nouvelle de Rhys Hugues, qui évoque Le Troisième policier de Flann O'Brien (chef-d'œuvre de la littérature irlandaise disponible en poche chez Phébus, comme il se doit), c'est la traduction qui fout tout en l'air, ou presque :

« Son seul avantage était qu'ils étaient gênés par leurs déguisements. C'était là à l'évidence des membres de la police secrète. » p 140. On a emmuré vivant des traducteurs pour moins que ça.

La vraie catastrophe, en fait, en ce qui me concerne, ce n'est pas tellement ces désagréments de lecture, ces cahots sur la route, mais le nombre de textes que j'ai vraiment aimés : trois sur dix-huit, Kelly Link déjà citée, Paul Di Filippo (pour une formidable nouvelle de S-F) et Richard Kearns pour une nouvelle de fossoyeur, typiquement américaine, qu'auraient pu écrire Terry Bisson ou Ray Bradbury (on notera au passage la magnifique traduction de Jean-Daniel Brèque, qui excelle dans ce genre d'exercice).

Pour ce qui est des nouvelles francophones, beaucoup de déceptions : Christian Vilà revient sur les derniers jours d'Edgar Allan Poe, mais comme il n'est pas le premier (« In the sunken museum » de Gregory Frost), que son travail de recherches sur l'Amérique de l'époque a été insuffisant et que son style est loin d'être parfait, je n'ai pas vraiment accroché à son texte, où Poe, poursuivi par des anges de lumière, rencontre une pute grassouillette qui n'est autre qu'Annabel Lee ; Johan Heliot signe une pochade américaine ambiance hippie qui ne rime à rien et ressemble trop à un texte écrit par un petit frenchy pour fonctionner ; Xavier Mauméjean gagne en clarté mais perd en impact sur sa nouvelle « ImCom 15 » ; René Beaulieu écrit comme une patate et son texte s'impose comme le plus long de la sélection (« long » dans tous les sens que peut endosser l'adjectif). Seule bonne surprise francophone, Fabrice Méreste, qui frôle l'excellence, avec un texte trop sensuel pour être qualifié d'eganien, même s'il y a un peu de Greg Egan dedans ; dommage que la chute, qui pourrait être facilement considérée comme un tract catho anti-avortement, ajoute au texte une morale nauséabonde.

Alors, comment conclure ? Juste sur une évidence… Ce livre est beaucoup trop cher pour ce qu'il est et ce qu'il contient (je ne serai pas surpris qu'il reste largement invendu), mais André-François Ruaud, ancien capitaine du Yellow Submarine et actuel berger-chef des Moutons Electriques, mérite le soutien des lecteurs de Bifrost, parce qu'il publie des textes que vous ne lirez nulle part ailleurs, étonnants et souvent enthousiasmants (voir ma critique du quatrième Fiction, plus avant dans ce numéro de Bifrost). Ceux qui ont du cœur, ou mieux, une âme de militant anti-BCF, n'ont plus qu'à faire un tour sur le site pour y choisir un livre, histoire que cette belle aventure continue.

Le Voyageur

Jean Douze Faucons fait donc partie de la caste des écrivains mystérieux. Personne ne l'a jamais vu, pas même son agent ou son éditeur. Si si ! Il utilise un téléphone satellite (comme ses persos), pour ne pas se faire repérer, et déguise sa voix avec un vocoder. Malin. C'est un peu le James Bond du thriller-SF. Il est publié par l'éditeur du Da Vinci code, aux USA comme en France. Un signe, non ? Oui, mais de quoi ? Son premier roman, Le Voyageur, est le premier volet d'une trilogie de cette pure science-fiction que les éditeurs préfèrent appeler thriller. Les trois phrases de quatrième de couverture sont tout aussi mystérieuses, au point de ne rien vouloir dire. L'histoire est parsemée de repères tellement énormes que ça clignote comme une guirlande de Noël en supermarché. Visez donc. Notre monde vit ses dernières années de liberté. Le gouvernement américain a développé un système de surveillance qui s'étend à toute la planète : caméras, réseaux informatiques et électroniques, personne n'échappe à la Grille. C'est un peu Matrix. Ce système est dirigé par un groupe appelé les Frères (ou la Tabula — rapport au massacre des Templiers, mais là, c'est trop long pour que je vous raconte) qui réprime toute tentative d'indépendance des citoyens. Comme dans 1984. Leurs ennemis sont les Voyageurs, des individus capables de se déplacer dans des mondes parallèles en projetant leur énergie… neurale ! C'est héréditaire. Ils reviennent de ces univers nantis de connaissances nouvelles, précieuses, sur d'autres civilisations inconnues, très dangereuses pour l'équilibre de notre société sécuritaire. Pour protéger ces Voyageurs, il y a les Arlequins, des guerriers initiés à la Voie du sabre et hypra-forts. Comme dans Kill Bill. Aujourd'hui, il n'en reste qu'un. Comme dans Highlander. Ou plutôt une, Maya, qui doit absolument sauver le dernier Voyageur sans se faire zigouiller, comme son père et ses autres potes Arlequins. Elle parcourt le monde avec son sabre et découvre qu'en fait il reste deux Voyageurs. Deux frères, dont l'un a déjà été capturé par la Tabula, qui le force à voyager sous son contrôle. Avec l'aide de compagnons sympathiques, Maya sauve l'un des deux frères (elle est carrément amoureuse de lui, ce qui est contraire aux règles des Arlequins, gare !), mais l'autre est passé dans le camp des méchants. Rideau pour cette première aventure, de quasi 500 pages tout de même…

Bon, voilà donc le nouveau prodige qui doit suivre les traces de Dan Brown. John Twelve Hawks a manifestement une certaine expérience de l'écriture : on sent la volonté du divertissement, la construction dynamique, les personnages stéréotypés mais pas pour rire, bref, du sur mesure aux petits oignons pour le prochain film de Ron Howard. Mais formater un livre de S-F pour en faire un best-seller, ce n'est pas si simple. Ça se saurait, du reste. Pourtant, dans une interview du monsieur que l'on trouve sur le site de l'éditeur (retranscrite de l'anglais — je vous la conseille vivement, c'est un morceau de philosophie tel qu'on se demande si, finalement, John Twelve Hawks ne serait pas le clone américain de Henri Lœvenbruck) on apprend avec stupeur que Douze Faucons est simplement un gros parano qui a peur de ces « gens invisibles » qui nous surveillent. Que ce livre est autobiographique, que tout ça, c'est la vraie vie. Alors là, je dis : arrête de regarder la série Alias, c'est pas bon pour ce que tu as. Et voilà pas que je me trompe lourdement : le monsieur n'a jamais vu ni Alias, ni même tous ces films joyeusement pompés dans son bouquin. Sauf le premier, Matrix, mais ça, c'est de la S-F, pas son bouquin, vous comprenez ? Le Voyageur est ancré dans le réel, dit-il. Et là je cite, pour le plaisir : « Personne ne volera jamais dans mes romans ».

Ça tombe bien, il n'y en aura peut-être pas d'autre.

Cid « Dix Vautours » Vicious

Un goût de rouille et d’os

S’imposer en un seul livre, et s’affirmer d’emblée comme un écrivain indispensable, c’est rare, mais ça arrive. La preuve avec Un Goût de rouille et d’os de Craig Davidson. Un premier recueil de nouvelles, huit textes âpres, durs, intenses. Pour une fois, la photo de couverture est à l’image du contenu du livre : on y voit un jeune boxeur, très concentré, prêt au combat. Et c’est exactement dans cet état d’esprit que Davidson a écrit ses nouvelles : frapper fort, tout de suite, de préférence là où ça fait mal. S’attaquer, en costaud, à des sujets difficiles, en laissant les bons sentiments au vestiaire.

Dès la première nouvelle, « Un Goût de rouille et d’os », le ton est donné : un jeune boxeur, par inconscience, a détruit la vie de son neveu. Alors il participe à des combats clandestins d’une violence extrême. Il le fait pour expier sa faute, pour simplement survivre à sa honte et à sa culpabilité. Voilà un texte qui fera date. Puissant, parfait dans sa construction, maîtrisé d’un bout à l’autre, soutenu par une écriture impeccable, précise et brutale à la fois. C’est du grand art. Mais c’est loin d’être la seule très belle surprise de ce recueil.

Dans « La Fusée », un jeune homme travaille dans un parc d’attractions, où il exécute un numéro spectaculaire avec une orque. Il est beau, arrogant, athlétique. Mais un jour, le numéro tourne mal, et l’orque lui sectionne une jambe. Lui qui vouait un culte à son propre corps, le voilà devenu unijambiste, infirme, obligé de s’inventer une nouvelle existence basée sur d’autres valeurs… Dans « Un Usage cruel », un jeune publiciste et sa femme élèvent des pit-bulls pour les faire concourir dans des combats de chiens. L’homme est stérile, ils ne peuvent pas avoir d’enfant. On comprend vite que pour ce couple en bout de course, ces pit-bulls sont devenus des enfants de substitution, une progéniture qu’on aime, qu’on chérit, mais qu’on emmène régulièrement à l’abattoir. Une manière comme une autre de faire l’expérience de la paternité… Il est d’ailleurs beaucoup question dans ce recueil de rapports père/ fils, de confrontations entre l’homme et l’animal. Chaque texte est habité, porté, magnifié par une sorte de tension interne, une électricité palpable, qui se communique directement au lecteur (et on pardonne aisément à Davidson le seul vrai faux pas de ce recueil, la nouvelle intitulée « De chair et d’os », nettement plus banale).

Alors bien sûr, avec des thèmes et des personnages pareils, difficile de ne pas penser à un autre grand « cogneur » de la littérature contemporaine : Chuck Palahniuk. Et c’est vrai que l’influence est évidente. (Un Goût de rouille et d’os a d’ailleurs été salué à sa sortie par Palahniuk). Mais ce serait vraiment injuste de réduire Davidson à un simple suiveur. Il est déjà bien plus que ça. Car même si les thèmes abordés par l’un et par l’autre se ressemblent souvent, le traitement est très différent : là où Palahniuk favorise l’effet choc ; Davidson, lui, est tout en sobriété, en retenue. Il impressionne par sa maîtrise, et par sa maturité étonnante pour un écrivain si jeune (il n’a que 29 ans). Bref, Chuck Palahniuk s’est trouvé un sérieux challenger. Et on peut parier que Craig Davidson n’a pas fini de nous surprendre, comme le prouve la dernière nouvelle, «Précis d’initiation à lamagie moderne ». Un récit bouleversant à la lisière du fantastique (on pense à Clive Barker).

Au final, on sort de cette lecture un peu groggy, chancelant, limite KO. On a pris des coups, quelques uppercuts, et un ou deux directs au foie. Le combat a été rude. Mais on a aussi la certitude, en refermant ce livre, d’en savoir un peu plus sur la vie et sur l’espèce humaine. Et ça, c’est bien la marque des grands écrivains. 

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