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Beren et Lúthien

Le conte de « Beren et Lúthien » est central dans l’imaginaire tolkiénien – d’autant que l’auteur y mettait de lui-même, en s’identifiant à l’homme Beren amoureux de l’elfe Tinúviel, inspirée par son épouse Édith. Comme pour bien d’autres récits du Premier Âge, il y est sans cesse revenu… mais sans que cela débouche jamais sur un texte achevé et « publiable ».

Christopher Tolkien avait fait part de son souhait de voir paraître un ouvrage consacré à ce conte qui importait beaucoup à ses yeux également il y a trente-six ans de cela. Chose imprévue, sa monumentale Histoire de la Terre du Milieu a été publiée entre-temps (elle n’était pas du tout destinée à l’être), ainsi que d’autres textes sans rapport direct avec le Légendaire. Mais le projet a été ressuscité : âgé de 93 ans, le fils dévoué suppose qu’il s’agira de sa dernière contribution à l’étude des œuvres de son père – cela ne pouvait tout simplement pas être un autre livre.

Mais attention : rien d’inédit ici (même en français), et pas non plus d’adaptation sous la forme d’un texte continu, comme, il y a dix ans de cela, Les Enfants de Húrin, mais plutôt une compilation de textes, en prose et en vers, témoignant de l’évolution du conte, avec un appareil scientifique sciemment limité. Ce qui n’est pas sans poser problème : « le cul entre deux chaises », le livre risque de ne satisfaire ni les exégètes, ni les néophytes…

L’histoire le vaut bien pourtant – celle de ce couple formé par un homme et une elfe, que leur amour impossible amène à affronter Mor-goth en personne pour lui dérober un précieux Silmaril, événement décidant à terme de la fin du Premier Âge ; celle, aussi, de cette elfe vibrante et passionnée, la plus grande héroïne de Tolkien, qui va jusqu’à défier l’ordre divin par son amour, obtenant la résurrection de son amant défunt au prix de sa propre immortalité… Le plus beau des mythes, qui imprègnerait jusqu’au «  Seigneur des Anneaux ».

Le « Conte de Tinúviel » originel différait pourtant largement, avec un Beren qui était initialement un elfe, le vilain chat Tevildo qui serait en son temps remplacé par le plus inquiétant Sauron, et un contexte relativement « simple ». La matière va évoluer au gré d’œuvres en prose tenant davantage du résumé (les différents états du Silmarillion), et surtout dans les vers du long «  Lai de Leithian » : Beren devient un homme, lié via son père Barahir aux elfes de Nargothrond autant qu’à Aragorn des millénaires après lui, et les fils de Fëanor entravent sa quête au nom de l’impitoyable et calamiteux serment qu’ils ont prêté de récupérer les Silmarils à n’importe quel prix… L’ensemble gagne en ampleur autant qu’en précision, dans l’entreprise époustouflante du « Légendaire du Premier Âge ».

Hélas, ce mythe superbe est desservi par le triste choix de l’éditeur de conserver les traductions antérieures de ces divers textes, et d’abord de ceux qui occupent le plus de place ici : celle du Livre des Contes perdus, par un Adam Tolkien désireux de rendre les archaïsmes anglais mais pas toujours des plus habiles pour ce faire ; celle, surtout, d’une Elen Riot, qui massacre le long « Lai de Leithian » en en conservant la forme de distiques octosyllabiques, avec pour résultat une langue hideuse et lourde, proprement illisible, sans rien de la puissance d’évocation et de l’élégance du texte anglais.

Le projet pouvait faire sens, même si déterminer son public exact n’avait rien d’évident. Ce manque d’implication dans l’édition française nous évite hélas de nous poser la question : nul ne gagnera à lire ce bâclage, clairement pas à la hauteur de la merveilleuse histoire qu’il était censé disséquer au gré de ses fascinantes évolutions.

La Course

Quatre voix. Quatre récits. Un labyrinthe d’interprétations. Voici ce que semble proposer le premier roman de Nina Allan. Proche (trop proche ?) des recueils de nouvelles déjà publiés au sein de la même maison d’édition, le livre se dévoile en fragments où la science-fiction n’est qu’un frôlement, à peine perceptible, un léger dépaysement fait d’infimes dissonances. Les destins de ces quatre voix se croisent et se rencontrent parfois, et pourtant, se tiennent si éloignés les uns des autres…

La première partie s’intéresse à Jenna, la sœur d’un éleveur de smartdogs — des lévriers de course génétiquement améliorés pour communiquer avec des humains devenus télépathes (merci les implants bioniques). La narratrice revient sur un épisode de son passé, l’enlèvement de sa nièce douée d’un talent surnaturel pour la communication inter-espèces. Le deuxième texte s’attache au parcours de Christy, qui, s’affranchissant peu à peu de l’emprise de son frère et d’une histoire familiale difficile qu’elle nous raconte, devient écrivain. Le troisième parle d’Alex, journaliste d’origine africaine s’interrogeant sur le racisme auquel il est confronté quotidiennement, et qui s’apprête à rencontrer Christy, des années après le récit de celle-ci. Le dernier chapitre, enfin, suit Maree, une empathe naturelle (oui, il s’agit bien de la nièce devenue adulte) lors de son voyage de l’Angleterre vers la Thalie, une contrée du sud, à travers un océan habité de baleines géantes et parfois hostiles, troupeaux mystérieux et comme étrangers à la planète. Et enfin, en bonus, une annexe, ajoutée à la réédition anglaise, une nouvelle écrite par Christy retraçant une période de la vie de Maree, et ses recherches géographiques et linguistiques autour d’un message indéchiffrable venu d’ailleurs (tréfonds de l’espace ou autre dimension, le doute subsiste).

Pas vraiment un roman au sens classique du terme, pas un recueil de nouvelles non plus, ce livre ressemble davantage à une transition entre la forme courte, chère à l’auteure, et les premiers balbutiements experts vers l’appropriation d’une forme longue. Cet ensemble hétéroclite est cousu d’un fil parfois trop ténu, parfois trop épais, tendu entre les quatre (plus une) parties, tissé de références infimes, de détails aperçus au détour d’une phrase, d’impressions fugitives d’une étrangeté familière. Cela peut être déconcertant, paraître disparate, voire même manqué, mais s’avère au final plus fin que ce qu’on pouvait en penser à la première lecture.

La Belle Sauvage

Enfin ! Après presque dix ans, Philip Pullman revient visiter l’univers qui l’a fait connaître du monde entier. Il nous y avait laissés avec Il était une fois dans le Nord en 2008. Après le film (à reléguer dans une grotte scellée pour l’éternité, et à oublier, sans un regard) inspiré de très loin par le premier tome, après l’adaptation en BD (réussie) de Clément Oubrerie et Stéphane Melchior, après l’annonce du développement d’une série par la BBC, voilà un livre qui fait parler de lui depuis la confirmation de sa parution à venir il y a quelques mois à peine. Pour ceux qui ont grandi (et vieilli) avec le chef-d’œuvre de la littérature qu’est sa première trilogie « À la croisée des mondes », l’impatience était fébrile, les doutes et questions de taille… L’histoire serait-elle à la hauteur ? L’auteur saurait-il de nouveau trouver son originalité si marquante ? Pourrait-il nous surprendre, nous, lecteurs exigeants du premier triptyque ? Parviendrait-il à ne pas tomber dans l’exploitation commerciale d’un sujet désormais exploré ? La réponse est oui, sans hésitation aucune. Pour ceux qui n’ont pas lus les livres précédents, le récit de ce premier tome d’une nouvelle trilogie est une parfaite entrée en matière, l’histoire précédant d’une dizaine d’années les événements débutant dans Les Royaumes du Nord. Pour les autres, lecteurs de la première heure, bienvenue à la maison !

Philip Pullman, véritable joueur de flûte d’Oxford, réussit encore une fois à nous entraîner, hypnotisés par son talent presque magique, dans cette Angleterre parallèle pour mieux nous y perdre. La plume si élégante, si juste, comme toujours, nous balade sur l’eau qui a envahi le pays, et navigue d’Oxford jusqu’à Londres au gré de l’aventure, de péripéties en découvertes, à travers Albion méconnaissable et pourtant si familière.

La Belle sauvage est le nom du canot qui abrite Lyra, une enfant âgée de quelques mois à peine, et Alice et Malcom, ces protecteurs adolescents désignés (presque) par hasard, par le destin, ou par des forces plus puissantes. À leur poursuite, des autorités gouvernementales et religieuses, des rebelles et des universitaires, dont la lutte sans pitié dessine déjà les combats idéologiques et humains qui auront lieu une dizaine d’années plus tard.

Les niveaux de lectures sont multiples, offrant aussi bien au lecteur enfant la simplicité d’un récit initiatique sur la rivière débordante d’activités, qu’au lecteur adulte la complexité d’une réflexion scientifique, philosophique et théologique. Dans cette nature déchainée, on s’amuse, on frémit, on rit, on pleure, on réfléchit, et surtout, surtout, on rêve. Deux impressions persistent, la dernière page tournée : bonheur et impatience. Bonheur d’une promesse ancienne tenue, et impatience, encore une fois, d’en lire plus, et de replonger, bientôt, à la poursuite de cette Poussière.

Dans l'Abécédaire : T

Dans l'Abécédaire, on s'intéresse cette semaine à deux œuvres cinématographiques que deux ans séparent et que rien ne rassemble… D'un côté, Tetsuo de Shinya Tsukamoto, œuvre coup de poing ; de l'autre, Terminus de Pierre-William Glenn, film de SF avec nul autre que Johnny Halliday…

La Ballade de Black Tom chez Gromovar

« Au final, un texte très sympathique qui prouve qu'on peut faire du « Lovecraft » militant et réussir, ce qui n'est pas toujours le cas. Il a obtenu le Shirley Jackson Award 2017 et le British Fantasy Award 2017, et il ne les a pas volés ; c'est à ses qualités propres que la novella les doit, pas au Lovecraft-cleaning en cours dans le petit monde toujours si moutonnier de l'Imaginaire. » Quoi de neuf sur ma pile

Les Ferrailleurs du cosmos chez Lorhkan

« Les ferrailleurs du cosmos est donc un fix-up réussi, faisant parfaitement la jonction entre les space-operas de l’âge d’or et les récits et thématiques plus modernes, avec un équilibre délicat jamais mis en défaut. […] Et accessoirement, on a là la plus belle sortie de la collection « Pulps » qui a de beaux jours devant elle. » Lorhkan et les mauvais genres

Bifrost 90

Le Bifrost 90, spécial Edmond Hamilton, est dès à présent disponible  !

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