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La Complainte de Foranza

Quelque chose de pourri hante les rues et venelles de Foranza/Firenze. Une série de crimes épouvantables touche les modèles féminins de quelques-uns des peintres les plus réputés de la cité-État suscitant l’émotion du gouvernement. Pour bien des hommes, ces atrocités apparaissent comme une insulte à la cité, aux artistes qu’elle chérit, aux fées qu’elle adore, un acte impie, une infamie. L’une des meilleures enquêtrices a été désignée par les autorités pour mettre un terme aux agissements de celui que l’on surnomme déjà le monstro et dont les femmes craignent désormais les actes. Mais l’individu n’est pas le seul motif d’inquiétude. La révolte gronde parmi les plus pauvres. Les hommes revendiquent les emplois dont les femmes les privent. Ils réclament le rétablissement de la primauté du sexe masculin dans le domaine professionnel. Et pendant que les viols et les émeutes se multiplient, une mystérieuse maladie frappe exclusivement les femmes, confirmant que quelque chose est vraiment pourri à Foranza.

Premier roman de Sara Doke, La Complainte de Foranza est une évocation de la Renaissance italienne mâtinée de fantasy et d’anachronismes. Elle insère dans cet écrin raffiné une intrigue très noire que n’aurait pas désavoué Paul McAuley et son roman Les Conjurés de Florence, l’une des inspirations avouées de l’autrice. Elle adjoint également au récit un propos féministe tout en nuance dont l’argumentation fait écho à l’actualité. Hélas, l’intrigue oscille autour d’une double trame dont l’entrelacement dessine un récit bancal où le politique et le féerique ne parviennent pas vrai-ment à entrer en résonance. Bien au contraire, la féerie vient parasiter la trame principale contribuant à rendre les enjeux confus. Le fait est regrettable, d’autant plus que Sara Doke distille une réflexion salutaire sur la notion de progrès social, sur le rôle du politique dans la société, sur l’évolution nécessaire des mœurs et sur l’extrémisme résultant de changements mal vécus. Elle prend ainsi le contre-pied des stéréotypes de genre sans verser dans l’outrance, nous faisant prendre conscience que les mutations sociétales résultent de bouleversements sociaux plus profonds et d’une certaine façon inéluctables.

Par son univers décalé, son propos politique et sa dimension éthique, La Complainte de Foranza reste toutefois une œuvre riche de promesses qui, même si elles ne sont pas toutes tenues avec satisfaction, n’en demeure pas moins intéressante. Pour peu qu’on aille au-delà de l’intrigue paresseuse et de l’entrelacement narratif laborieux afin d’en apprécier la saveur.

Les 7 Pierres de l’espace

Le temps passe aussi vite que le Comète en quête de nouveaux défis à relever. Voici déjà le cinquième opus des aventures du capitaine Futur, le sémillant géant à la chevelure de feu et à l’intelligence remarquable. Sortez les midinettes, le héros est toujours un cœur à ravir, même si Joan le couve plus que jamais d’un regard jaloux. Mais ne soyez pas trop impatient quand même, car la liste des ennemis de l’humanité est longue avant de pouvoir trouver le moment propice à compter fleurette. D’autant que le sorcier de la science a toujours une expérimentation sur le feu, histoire de ne pas rester oisif. Une fois de plus, il affronte un adversaire implacable, un véritable génie du mal, déterminé à dominer les neuf planètes pour en repousser les limites à son avantage exclusif. Un adversaire évidemment à la démesure de Curt Newton et de ses Futuristes, persuadé que l’univers, de l’infiniment petit au plus grand, lui appartient, prêt à être façonné à sa convenance. Face à Ul Quorn, l’hybride maléfique, et à sa caravane de l’étrange, toutes les ressources athlétiques et intellectuelles du Capitaine ne seront pas de trop pour le mettre hors de nuire.

Lire Capitaine Futur, c’est un peu comme retrouver une paire de pantoufles auprès du feu. Périls terrifiants dont on sait que le héros parviendra à se dépêtrer à force de courage et de ténacité, sense of wonder suranné, voire kitschouille, décontraction et frisson sans prise de tête, les aventures de Curt Newton proposent un condensé de cet esprit pulp cher à l’Âge d’or de la science-fiction américaine. Dans l’univers du feuilleton ou plutôt du serial, Edmond Hamilton tire son épingle du jeu, en dépit de l’aspect répétitif des intrigues, de l’humour lourdingue du duo Otho/Grag et de rebondissements un tantinet téléphonés. Si les recettes d’écriture ne changent pas vraiment, l’auteur introduit pourtant une petite variante, dévoilant d’emblée l’identité de l’adversaire du Capitaine. Il s’agit donc moins de démasquer celui-ci que de le prendre en flagrant délit ou de le devancer afin de l’empêcher de mener son projet à terme. Le mano a mano entre Curt et Ul Quorn n’empêche pas le respect d’exister, voire même une certaine admiration mutuelle de se développer entre les deux personnages, malgré l’antagonisme irréductible qui les oppose. Il en va souvent ainsi du héros et de son âme damnée. Bref, Les Sept Pierres de l’espace s’apparente à un petit changement dans la continuité où l’ambivalence des motivations reste toujours exclue et où les poncifs constituent l’ordinaire d’un système solaire réduit aux dimensions d’une Amérique fantasmée.

Macha ou le IVe Reich

Le dernier roman de Jaroslav Melnik est la dystopie d’une humanité qui s’épuise, dans tous les sens du terme, et fait de l’anthropophagie une allégorie de notre monde contemporain, qui se dévore jusqu’à la destruction.

À la toute fin du ive millénaire après Jésus Christ, les stors constituent l’essentiel de la force de production et la principale ressource de nourriture pour les hommes. Après une nouvelle faillite du nazisme et du progrès technologique au cours des deux derniers millénaires, les hommes sont revenus à une vie préindustrielle, travaillant s’ils en ressentent le besoin, au sein d’une société, le ive Reich, qui ne connaît plus la coercition et laisse chacun de ses membres s’exprimer librement. Dima, le narrateur, exerce une activité de journaliste, spécialisé dans le fonctionnement des abattoirs de stors. Ces derniers ressemblent en tous points à des hommes mais, preuve en a été donnée à l’issue du dernier régime néonazi, il ne s’agit point d’hommes : ils sont dépourvus de sens et d’aptitudes conceptuelles. On peut donc les élever, les faire travailler et les abattre pour les manger comme on le ferait de tout animal. Cette vie simple et jamais questionnée jusqu’alors va s’enrayer pour le héros, qui va se sentir de plus en proche d’une de ses stors, Macha, dont l’apparence d’humanité le trouble. Parallèlement, un nouveau mouvement politique, nommé le Parti Humaniste Conservateur, cherche à persuader la société que les stors sont des humains à part entière, et qu’il faut donc changer sans attendre et radicalement de modèle de vie, maintenant que la monstruosité du comportement de la société est révélée. Mais comment cette société pourrait-elle accepter un si profond bouleversement du jour au lendemain, même mise en face de l’urgence à agir ?

Les échos sont nombreux dans ce très riche roman de Melnik : on y retrouve Orwell, Malson, Wells, et par l’efficacité de son écriture, il se hisse à la hauteur de ses références, notamment grâce à un style qui mélange récit, textes de presse, communications politiques, lettres ouvertes. Ce dispositif lui permet d’alterner narration à la première personne et moments plus spéculatifs, dans une réelle démarche dialectique, qui entretissent nombre de questions, primordiales et très actuelles : la condition animale, bien sûr, le possible basculement des démocraties dans des régimes néo-nazis, la ségrégation sociale violente et absolue, mais plus encore l’exploitation de nos ressources jusqu’à épuisement de la nature et de toute humanité, et, corollairement, les conditions du changement de paradigme écologique et humaniste, à rebours d’un extractivisme sans espoir. Et c’est là, en creux, que réside sans doute le plus grand intérêt du roman : il porte en lui toute la pensée actuelle qui croise anthropologie, éthologie, écologie et philosophie, pour repenser le rapport au vivant de manière générale. Car ce qu’il y a de plus marquant dans cette humanité dénaturée que nous présente Melnik, c’est avant tout son absence totale de liens avec le vivant dans son ensemble. Les hommes sont seuls avec eux-mêmes et cet enfermement monstrueux découle pour une part de notre pensée moderne qui n’accorde au monde que le sens que les hommes y peuvent mettre, en oubliant qu’ils sont pourtant inscrits dans la gigantesque culture du sens que le vivant fait jaillir de tous ses acteurs interdépendants. On peut regretter néanmoins que ce questionnement reste trop en filigrane du roman. Le twist final, qui donne un peu plus encore à ce récit l’aspect d’une fable, est tout sauf un happy end car avec toutes les questions qui ont été posées au fil du récit, il ne saura nous renvoyer qu’à la nécessité impérative de changer rapidement notre mode de vie et d’être les héros de ce changement.

Le Sanctuaire

Quelque part en montagne, à l’écart, au-dessus d’une forêt et non loin d’une mine de sel, juste avant la zone des pierriers. Gemma, une préadolescente, y vit dans une cabane avec sa famille : son père, sa mère et June, sa sœur aînée. Ils se sont réfugiés là, dans ce Sanctuaire, il y a des années maintenant, pour échapper à une pandémie mortelle transmise par les oiseaux et à l’effondrement social qui en résulta. À l’abri, loin de l’invisible risque viral et des innombrables périls humains.

Dans le Sanctuaire – où on est une « Équipe » – on vit chichement, de biens récupérés lors des descentes du père dans la vallée – au-delà de la zone interdite à tous sauf à lui –, de cultures sommaires et de chasse. On craint ce qui rôde en bas, dans le monde des hommes – inconnu de tous sauf du père –, on tue les oiseaux qu’on voit, puis on les brûle, indispensable prophylaxie. Dans l’idéal, on ne redescendra jamais. Le Sanctuaire est sûr, le monde dangereux.

Le père, en Dieu tutélaire, pourvoit ; il a tourné la page de l’avant et vit fermement ancré dans le new normal. Il rayonne de charisme. La mère, ancienne écrivaine, gère l’espace domestique et garde, à travers des livres glanés, le souvenir de l’ancien monde qu’elle fait revivre à l’oral telle une conteuse. Elle rayonne d’amour.

Des trois membres de la famille, Gemma est la seule qui n’a pas connu l’avant. Voilà pourquoi elle est la plus à l’aise, entre amour pour ses parents, rivalité complice avec sa sœur, « expéditions forestières » et prouesses de chasse.

Mais même une plante de serre peut finir par trouver son pot trop étroit. Car si June se navre depuis longtemps d’un avenir qui n’aura rien de ce qui faisait d’ordinaire la vie, Gemma commence, elle, à trouver les frontières imposées par son père bien trop étouffantes. À l’insu de tous, elle trouve le moyen de passer de l’autre côté de la mine, vers un ailleurs si proche où vit un vieillard répugnant en compagnie de rapaces apprivoisés et d’un aigle majestueux, impérial dans sa force et sa liberté. Gemma, fascinée par l’aigle et commençant à éprouver des désirs qui sont les siens propres, acceptera de payer le prix de sa passion, alors même que sa famille se craquelle.

Le Sanctuaire est le second roman de Laurine Roux. C’est un texte magnifique, qu’il faudrait lire même s’il ne disait rien. Car on y rencontre une écriture rare, d’une précision naturaliste, et des images superbes qui semblent couler de source au point qu’on se maudit de ne pas y avoir pensé soi-même. La nature, les sentiments, dans leurs vérités incontestables, sont présentés au lecteur dans leurs plus petits détails. Roux tient la loupe et donne à voir un monde infiniment détaillé.

Mais, qui plus est, le texte nous dit quelque chose. Ode à une nature aussi belle et amicale que dangereuse et imprévisible, Le Sanctuaire est aussi un texte « familial », tendu comme un arc prêt à libérer une énergie proprement terrifiante. Comme chez Shirley Jackson, la famille est un cocon protecteur et aussi une prison. Comme dans la tradition victorienne, les femmes de tous âges y vivent dans une sorte de rêve éveillé, sous la domination – normalement paisible mais potentiellement terrible – du père, qui, comme les pater familias romains, interagit seul avec l’extérieur quand la mère gère la domus. Quand se fissure le rêve d’un présent perpétuel, dans lequel vivrait la famille comme dans une boule à neige, et d’un Sanctuaire qui serait prison et armure à la fois, quand la puberté de Gemma actualise dans le réel le passage du temps, le choc entraîne une bascule, du genre de celle de Sukkwan Island (David Vann), et génère un momentum qui emporte la famille, aussi inarrêtable qu’une avalanche. Et si la tragédie qu’on sent se dérouler attise l’intérêt, c’est la beauté pétillante de l’écriture qui captive le lecteur.

L’Obscur

Futur presque proche. Le monde de L’Obscur est le nôtre en pire. Des inégalités encore plus grandes, une part des actifs occupés de plus en plus faible, un changement climatique toujours plus intense.

Dans le monde de L’Obscur on appartient à l’une des quatre classes qui structurent l’humanité. La classe salariée routinière dont le narrateur est l’un des membres et où on vit dans l’angoisse de la requalification (un licenciement présenté comme une opportunité), la classe des cadres sup’ chiens de garde du capitalisme pour Marx, la « classe » des sans-emploi (l’armée industrielle de réserve), ou enfin l’Überclass des super riches, détenteurs du capital et extracteurs de l’essentiel de la plus-value globale.

Individualisme humain et consumérisme ultra-libéral infantilisant ont œuvré ensemble à créer un monde dans lequel les jobs semblent si bullshit qu’on ne comprend jamais vraiment quel est celui du narrateur, dans lequel les humains, dans un globish improbable de termes anglais et corporate, n’expriment que des sentiments superficiels, dans lequel on vit gavé d’info globale insignifiante, de divertissement et de réseaux, dans lequel on est assisté par un job-coach pour tenter de devenir salarié et un coach médical qui lutte à grands coups de médocs anti-trauma contre les dépressions et psychopathologies diverses qu’une telle société ne peut que générer. Ah, j’oubliais, c’est aussi un monde dans lequel il n’y a quasiment plus de nature sauvage, restent les « Aires Récréatives Protégées ». Tout est sous contrôle. Sauf que non.

Dans ce monde en tension permanente, les inégalités sont telles que le pain et les jeux ne suffisent pas à assurer la stabilité sociale. Des forces « anti » protègent ce qui peut payer pour l’être, entreprises ou gated communities. Nonobstant, les émeutes sont fréquentes, de plus en plus, les morts qui en découlent aussi. C’est Journal de nuit (Jack Womack) version premium.

Dans ce monde vit le narrateur. Introverti, solitaire, peu liant, il est une aberration dans une société qui prône le contact et l’extraversion exhibitionniste comme des vertus cardinales. Il a frère, sœur, parents, mais n’est vraiment proche d’aucun. Lunaire, inadapté, il rêve d’autre chose, de s’envoler dans un ciel immobile – tel le héros de Brazil. Il a eu une amie, Pia, qu’il retrouve alors que la Suisse dans laquelle il vit (et plus largement le monde) est touchée par de massives coupures de courant inexpliquées et que la première colonie martienne, si loin, semble affectée par un mal inexplicable qui pourrait l’anéantir. Mais quand les coupures se prolongent de plus en plus, même si on peut sortir de chez soi, contrairement aux colons, on ne peut pas aller se réfugier ailleurs. Jared Diamond l’a montré dans Effondrement, la Terre, à son échelle, est aussi une île dont on ne peut s’échapper ; et quand le courant vient à manquer vraiment, une civilisation qui tirait sa possibilité même de l’énergie électrique s’effondre. L’homme, déjà décivilisé par la société du divertissement, revient par nécessité de survie à des comportements de chasseurs cueilleurs en micro-groupes hostiles ou méfiants les uns envers les autres. Le narrateur va tenter de survivre à la nouvelle donne, en compagnie de Pia, au milieu de risques que n’avaient plus connus les Occidentaux depuis des siècles ; le retour à la Nature est celui de Hobbes, pas celui de Rousseau.

Testa, dans une langue travaillée, raconte le monde fou à venir, l’effondrement inexpliqué (qui peut venir de n’importe quel grain de sable, cf. Le Paradoxe de Fermi de Boudine), la fin de la société et le retour aux communautés. Si le roman peut rappeler ceux de Jean Baret, il est moins rigolard ; on se trouve ici plus près du désespoir existentiel de Houellebecq, par exemple, celui d’une humanité arrivée au bout d’un modèle intenable, et alors que les super-riches ont fait sécession comme l’expliquait Bruno Latour récemment dans Où atterrir ?, la réponse de Testa est simple : chez les nomades de Marshall Sahlins.

2069

2069 est un recueil qui prétend traiter la question de la sexualité et des relations amoureuses du futur, à partir des tendances que l’on observe déjà. On y trouve douze nouvelles de longueurs et de types variés, du voyage dans le temps au sexe spatial en passant par les sexbots. Disons-le tout de suite, ce n’est ni érotique, ni excitant, en dépit d’une couverture qui est de fait racoleuse. Malheureusement, ce n’est guère prospectif non plus, à moins d’être complètement déconnecté des avancées technologiques. Brève revue.

Deux bons textes. « Chicago » est sans doute la plus science-fictive, la plus intéressante, et la plus émouvante, avec ses sexbots qui acquerront peut-être une conscience et la liberté qui va avec. « Le Bousier » est sans doute la plus tragiquement réussie, avec son personnage passant une vie à visiter toutes les formes de relations pour finalement mourir seul comme tout le monde ; la chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.

Quelques autres émergent un peu. « One more time » imagine des thérapies de couple qui consistent à envoyer le dit couple revoir des moments clés de son passé. Boucle temporelle prévisible. « Conditions générale de Ventre » décrit un monde où PMA ou GPA sont augmentées d’amélioration des gamètes, ou permises même sans partenaire, grâce à des gamètes synthétiques. Jusqu’à la révélation finale. « Good Girl » est une digression sur une sous-catégorie porno du futur, dont il ne sort pas grand-chose une fois l’affaire comprise. « La Sonde » est une variation amusante sur le destin de Pioneer 10 et le paradoxe de Fermi.

Le reste ? De la télé-réalité spatiale à Greta Thunberg in the Wild en passant par le hacking des slips connectés (qui, visiblement, ont captivé la presse hors Bifrost), les rêves érotiques sur abonnement, le délire genderfluid ou l’élection papale orgiaque qui offre un cliché si éculé (pardon !) que même Charlie Hebdo ne doit plus l’utiliser, l’ensemble n’est guère excitant, ni pour l’esprit, ni pour le corps.

Paradoxalement, c’est lorsqu’il décrit les développements prévisibles de la société du spectacle ou les conséquences du changement climatique que, sans être brillant, l’auteur est le plus convaincant. Problème : ce n’était pas son thème, pas en tout cas celui qu’il nous a vendu.

Globalement, mis à part sur les deux bons textes et un ou deux des quatre moyens, l’ennui est au rendez-vous et le sense of wonder proche de zéro. Ajoutons-y un argot branchouille qui fait parfois vieux et une volonté humoristique qui suscite la compassion. Enfin, les nouveaux genres, les nouvelles sexualités et préférences, font l’objet d’un traitement dont on ne sait jamais s’il est ironique, factuel, compatissant ou charmé. Par-delà la forme, ça fait donc peu d’idées nouvelles et peu de prises de position (désolé !), peu de fond à vrai dire.

69 fut une année érotique. Josselin Bordat veut nous convaincre, avec son recueil 2069, que notre avenir le sera aussi. Mais n’est pas Gainsbourg qui veut. Post coïtum animal triste.

L’Hiver de la sorcière

Au lendemain du terrible incendie qui a ravagé une partie de Moscou, le peuple cherche un coupable. Qui d’autre que Vassia, la sorcière qui, grimée en homme, les a trompés pendant un temps, s’attirant honneurs et sympathie par son courage jusqu’à ce que sa nature de femme soit mise au jour ? La foule, menée par le père Konstantin écartelé entre désir et haine, lui érige un bûcher après avoir tué son magnifique cheval Soloveï. Vassia parvient à fuir et trouve refuge dans La Minuit en échappant à l’Ours Medved. Il est dit qu’elle suivra son propre chemin malgré les dangers omniprésents d’un monde surnaturel qu’elle ne connaît pas encore. Dans la Rus’, les Tatars lèvent une armée sous l’égide d’un chef de guerre sanguinaire, Mamaï. Le prince Dimitri doit faire parvenir son tribut sous peine d’avoir à livrer bataille contre la Horde d’Or, infiniment plus puissante que ses propres troupes et celles de ses vassaux, si toutefois il parvient même à les unir.

Vassia entreprend un double voyage. Le premier, personnel, celui de l’acceptation de ce qu’elle est et des implications qui en découlent pour elle et pour les autres, passe par la découverte de ses origines. Le second, teinté d’idéalisme, celui de l’unification des mondes et des hommes, représente une tâche immense pour une jeune femme, quelle que soit sa volonté. La guerre et l’opposition ne sont pourtant pas les seuls chemins. Morozko et Medved, les frères jumeaux en conflit ouvert et permanent, magie ancienne et religion chrétienne, hommes et créatures surnaturelles, peuvent coexister. Cette voie médiane, plus difficile à arpenter car il est toujours plus simple de choisir un camp et d’être persuadé qu’il est le bon, Vassia l’incarne. Elle est un trait d’union entre les différences, un pont, solide autant que fragile, entre les mondes. Si ce chemin n’est pas exempt de sang, de mort et de larmes, au moins s’ouvre-t-il sur la possibilité d’un monde meilleur.

Katherine Arden place ses personnages devant des dilemmes moraux qui les poussent à sortir du schéma manichéen du Bien contre le Mal et en profite pour retourner quelques stéréotypes de genre Puisant toujours plus dans les mythes et le folklore russe, elle offre, avec L’Hiver de la sorcière, un troisième volet à la narration maîtrisée, riche en images et en émotions, alliant finesse et fureur. Il clôt en beauté la série. Pour l’apprécier à sa juste valeur, mieux vaut avoir lu les tomes précédents (L'Ours et le Rossignol et La Fille dans la tour), même si l’éditeur assure que ce n’est pas indispensable. Dans son ensemble, cette « Trilogie d’une nuit d’hiver » constitue une lecture hautement recommandable.

La Marche du levant

Un monde. Où le Long Jour dure 300 ans, et contraint ceux qui l’habitent, sans relâche, à se déplacer vers l’ouest, pris en étau entre nuit glaciale et jour brûlant, l’ombre et la lumière, entre chien et loup, sur le fil du rasoir. Un monde hostile, donc, aux longs cycles, à la rotation paresseuse, et dont on comprend vite qu’il s’agit, sinon du nôtre, à tout le moins de notre Terre, sa géographie et ses toponymes, à peine travestis, ne trompant pas. Un monde qui pose donc une ambition, et nous place dans ce qui pourrait bien être notre futur – et du coup fait glisser La Marche du Levant de la fantasy stricto sensu à une espèce d’entre-deux comme les aimait l’immense Leigh Brackett. Comment ne pas non plus penser à Christopher Priest, bien sûr, et ses villes mouvantes du Monde inverti semblables à la présente Odessa en perpétuelle transhumance, tractée par une armée de bœufs, au cœur du récit. On pense à Caza, aussi, et son cycle d’ « Arkadi », voire même, pourquoi pas, à l’Helliconia de Brian Aldiss.

Une prophétie, aussi. Qui annonce l’avènement d’un messie et la chute de l’actuel régime, le monde d’avant. Et son corollaire, la quête, celle du changement, du renouveau, de la régénération.

Et puis les héros, ou plutôt les héroïnes : une maîtresse assassine et une gamine prédestinée, les quelques figures qui les entourent.

Tout est là. Restent l’aventure, le souffle, la démesure. Ou pas.

Léafar Izen est un inconnu. Mais pas un total débutant ; quelques recherches sur le Net nous apprennent qu’il a autoédité un recueil de poèmes et un « précis de (méta)physique à l’usage du commun des immortels » (sic), et fait publier chez un éditeur régionaliste, Bord du Lot éditions, un premier roman, une anticipation, Grand Centre. Il arrive donc ici dans la cours des grands, pourrait-on dire, chez Albin Michel, rien que ça, et sous la houlette de Gilles Dumay, dont on ne peut ici que saluer le travail auprès des jeunes auteurs (il en publie deux sur cette seule rentrée 2020, celui qui nous occupe et Émilie Querbalec – Quitter les monts d’automne –, mais on pourrait aussi citer Jean-Michel Ré ou encore le prometteur Gauthier Guillemin). Pareil adoubement contextuel suscite un brin d’attente…

Las. Si tout n’est pas à jeter dans ce (trop) gros livre, force est de constater qu’on en ressort loin d’être convaincu. Le style, d’abord. Izen n’en est pas dénué, et il gagne même en simplicité, en efficacité, au fil du bouquin. Mais un peu plus de naturel, un soupçon de préciosité en moins (et aussi de « tel », de « nul » ou de « guère », sans même parler des dialogues !), moins de prétention et plus de naturel, en somme (méfiez-vous des livres dont les parties sont appelées des « chants » !). Et puis les maladresses, dans la gestion des points de vue, parfois, et cette manie de cribler le récit d’interjections mentales des personnages dans un mode narratif omniscient… Et encore, sans doute moins véniel, il y a les personnages, qui peinent à convaincre, faute de vraisemblance, et qui pâtissent du choix de les passer du premier plan à un rôle plus secondaire au fil des trois parties. Et c’est long, bon sang, trop, vraiment – même à l’aune d’un Long Jour de 300 ans. Quant à la fin annoncée çà et là comme renversante… bon, vous verrez, c’est selon, mais il est peu de dire qu’il y a matière à débattre.

Pareil inventaire ne signifie pourtant pas, on l’a dit, que tout soit à jeter dans cette Marche du Levant. Léafar Izen est un auteur en devenir, assurément, il a du souffle, tombe d’emblée ou presque un monstre de 650 pages offrant un décor par bien des aspects remarquable ; aucun doute qu’il en a sous le pied. Publier un jeune auteur est toujours un pari sur l’avenir. Il n’est pas impossible qu’il soit payant. Reste que d’ici là, on y réfléchira à deux fois avant de tenter l’aventure de cette première Marche… La vie est courte et nombreux sont les livres passionnants.

Tupinlândia

Saviez-vous que le Brésil a eu, lui aussi, un parc d’attraction égal au Dysneyland américain ? Tupinilândia : un gigantesque complexe niché au fin fond de la forêt amazonienne, un lieu de loisir pensé et conçu sur le modèle de son voisin, mais en mieux, bien sûr, et surtout totalement brésilien – les personnages fétiches, les boissons, le matériel. Tout, ou presque, est brésilien. C’est là une ode à la gloire d’un pays, voulue par un homme, le riche et puissant João Amadeus Flynguer. Fils d’un entrepreneur, il a la chance, à dix-huit ans, de rencontrer le grand Walt Disney et son équipe. D’où l’idée du parc – fondé en 1984. Mais lors de la visite préouverture, les choses dégénèrent : une troupe d’hommes armés, déguisés en journalistes, prend possession des lieux, semant le chaos dans cet univers idéalisé.

Tupinilândia pourrait être une dystopie grinçante. D’ailleurs, Orwell est cité plusieurs fois (y compris sur le bandeau de couverture), mais il n’est finalement présent dans ces pages qu’en filigrane. Certes, la société brésilienne décrite, par moments, y ressemble, avec cette dictature surveillant tout et tout le monde. Certes, la société créée dans Tupinilândia peut y faire penser, avec ses règles ubuesques, son langage formaté. Mais tout cela est un arrière-plan. Davantage un décor qu’un élément essentiel. On est plus près du roman d’action, lorgnant vers les films à grand spectacle. D’ailleurs, l’esprit de Michael Crichton et de Steven Spielberg font de rapides apparition à travers les clins d’œil légers à Jurassic Park : quelques dinosaures animés tiennent un petit rôle.

L’ambiance, légère malgré le propos grinçant, est soutenue par des personnages en décalage avec la réalité, à des degrés divers. Simple difficulté à accepter l’âge adulte et le vieillissement pour Artur, le professeur d’archéologie attiré par le mythe de Tupinilândia, rappel de sa jeunesse passée (comme les héros des romans de Fabrice Caro, pleins d’autodérision et d’une certaine mélancolie pour un temps qui s’écoule sans qu’ils s’en aperçoivent vraiment). Volonté de revivre un âge d’or, pour d’autres, nostalgiques d’une dictature plus forte, plus affirmée.

Le ton est volontiers au burlesque. Les scènes de violence sont émaillées de traits d’humour tarantinesque, à base de coups de feu involontaires. Les méchants de l’histoire, sombres abrutis appartenant à un parti nationaliste brésilien, font penser aux nazis des livres et films de série B, légèrement caricaturaux, mais merveilleusement détestables. Dans les scènes d’action, il est difficile de vraiment s’inquiéter pour les personnages tant l’auteur ne semble pas prendre réellement au sérieux cette dimension. Il est là pour distraire son lecteur, pas pour l’effrayer. Et cela fonctionne au mieux.

« Petit » pavé de cinq cents pages, Tupinilândia est un roman érudit où l’on apprend énormément sur le Brésil et son histoire, et où l’auteur se fait un immense plaisir à dézinguer les tenants d’une certaine façon de penser, pleine d’uniformes et d’interdits, encore bien présente dans son pays. Mais c’est avant tout un roman qu’on lit avec délectation et jubilation. Quand bien même, au début, on se demande où nous entraîne l’auteur, on est vite pris dans le tourbillon. Et on se surprend, à la fin, à regarder une carte pour repérer la localisation des ruines de ce parc – des fois qu’il en reste un petit quelque chose…

Rive gauche

Une catastrophe, vraisemblablement nucléaire, a anéanti la vie telle que nous la connaissons. Des survivants se sont réfugiés dans le métro. Une nouvelle société s’est mise en place, avec ses nouveaux groupes, ses nouvelles frontières, ses nouvelles règles. Cela rappelle évidemment le point de base de la trilogie à succès de Dmitry Glukhovsky. Normal, car l’auteur de « Métro 2033 » a voulu que son idée devienne une franchise : d’autres romans russes sont parus (ceux d’Andreï Dyakov, qu’on peut lire en français au Livre de poche), des jeux vidéo ont vu le jour, de même qu’un jeu de rôle. On parle (mais n’est-ce pas toujours le cas ?) d’un film (un projet a avorté, un autre serait sur les rails). Le pari de l’écrivain russe est donc réussi. Et la greffe a repris en France avec une des valeurs sûres de la SF hexagonale, à savoir Pierre Bordage. Cet univers noir, désespéré et quasi mystique, a-t-il supporté le voyage ? A-t-il, à l’instar de certains habitants du métro, lui aussi subi une mutation ?

À ces deux questions, on répondra par l’affirmative. L’auteur français s’est approprié sans complexe l’univers de Dmitry Glukhovsky, mais sans le sanctuariser. Il a repris le principe de base : un reste d’humanité coincée dans le métro (parisien, cette fois), une vie en surface impossible car irradiée, de nouveaux clans avec leurs spécificités. Mais les tunnels ne sont plus aussi inquiétants, aussi vivants que dans la trilogie russe. Ils ont perdu leur dimension mystique, voire métaphysique. Pour y gagner une dimension humaine accrue. Car Pierre Bordage y a inséré ses thèmes, ses préoccupations propres : notamment la capacité de l’être humain à vivre en société.

Dans Rive gauche, on assiste à des conflits d’intérêt entre les différentes statiopées (regroupements de stations), à des luttes pour le pouvoir, à des visions, souvent contradictoires, de la direction à prendre pour le bien commun. Au détriment de l’intérêt de chacun, bien entendu. La politique dans toute sa splendeur, et surtout dans toute sa bassesse, sa mare grouillante de trahisons et de meurtres, de désirs et de compromissions. Mais le propos de Pierre Bordage n’est pas une soupe démagogique et populiste de bas étage. Pas de « tous pourris », loin de là. Car des individus s’élèvent contre ces turpitudes et réclament une démocratie réelle. Afin de permettre à tous de vivre correctement, décemment, sans profiteurs mesquins. Pour se confronter à la réalité, celle qui empêche d’obtenir du pouvoir sans se salir les mains, sans faire des accrocs dans ses principes…

Ce changement semble devoir venir des femmes, tant la plupart des hommes sont confits dans la recherche et la satisfaction de leurs plaisirs les plus vils. Même les religieux, qui en prennent encore pour leur grade ici. Là réside l’une des plus grandes différences avec l’œuvre de Glukhovsky : la présence forte et quasi centrale des femmes. Le monde souterrain, très masculin dans sa version russe, leur laisse la part belle à Paris. Rien d’étonnant venant d’un auteur qui, dès le début, s’est interrogé sur les liens entre hommes et femmes, et n’a pas hésité à donner un rôle principal à la gente féminine dans les cinq volumes de la « Fraternité du Panca ». Ici, certaines sont dirigeantes et font jeu égal en puissance, voire en cruauté, avec leurs homologues masculins. Certaines usent de leurs charmes et de l’attrait qu’elles provoquent inévitablement dans un monde où l’humanité a régressé, parfois aux limites de l’animalité. Certaines enfin tentent de passer du rôle de proie à celui d’individu à part entière. Mais aucune n’est reléguée au rang de potiche, trop fréquent dans certaines franges de la SF.

Passée la surprise du fossé net entre les romans de Glukhovsky et celui de Bordage, on est à nouveau conquis par la finesse d’observation de cet auteur et la richesse de ses personnages, très vite attachants. D’où une impatience toute naturelle et un espoir de parution rapide de Rive droite et Cité, les deux tomes suivants de cette trilogie annoncée.

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