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Le Baiser aux abeilles

Séparé de sa troisième femme, Sam Bayer, écrivain à succès, est en panne sèche lorsqu'il fait la connaissance d'une séduisante journaliste, Veronica Lake. Ils entament très vite une relation. Veronica est ravie d'apprendre qu'une visite dans la ville de l'enfance de Sam, Crane's View, lui a fourni le sujet de son prochain roman, centré sur Pauline Ostrova, une jeune fille dont il était amoureux adolescent et dont il retrouva le cadavre dans l'Hudson. Le meurtre ne fut jamais entièrement élucidé malgré l'arrestation de son petit ami, qu'on retrouva pendu dans sa cellule. Pauline, en effet, était une fille fantasque et pressée, qui collectionnait les amants et ne laissait à personne le soin de régenter sa vie.

Veronica lui ressemble : les bribes de son passé, que Sam découvre par hasard ou suite aux recherches de sa fille Cassandra — qui s'inquiète pour son père — , dessinent un portrait déroutant, voire inquiétant. Menteuse, voleuse, dissimulatrice, elle semble avant tout dérangée. Mise à distance, Veronica n'en continue pas moins de l'aider à écrire son livre, retrouvant avant lui les personnes à contacter, dépensant même des sommes exorbitantes dont on ignore l'origine. L'affaire se complique quand des meurtres se succèdent, apparemment perpétrés par le véritable assassin de Pauline, qui ne manque pas de se signaler à Sam par des graffitis ou des messages, pour qu'il écrive ce qu'il considère déjà comme « son » livre. Durant son enquête, Sam Bayer découvre progressivement les secrets de la petite ville de Crane's View, les zones d'ombres de son entourage… et celles qui le hantent.

Le polar est le roman de la vérité, et Le Baiser aux abeilles en est indubitablement un, fort bien mené, même, où la voix de Jonathan Carroll fait entendre une tessiture nouvelle et pourtant familière. Le ton reste indéniablement fantastique et le lecteur a plusieurs fois la conviction de voir s'agiter des fantômes. Pauline ou la découverte du coupable importe moins que l'évocation de l'énigmatique Veronica, Sam traquant davantage la vérité du présent derrière les masques du réel. Avec son sens de la concision et du détail révélateur, Carroll a l'art de saisir au vol l'essence d'un geste, d'un personnage, exhibant plusieurs vies en 300 pages, là où d'autres en auraient commis le double ou le triple. Devant la densité du roman, comme par le réalisme magique dont l'auteur ne se départit jamais, on reste confondu par tant de virtuosité.

Babaluma

Dans cette nouvelle enquête de Tem, le détective transparent qui a déménagé ses locaux à l'Atalante (les trois premiers titres de la série y ont été réédités), Ramirez apprend qu'il est lui aussi porteur de l'ADN étrange des millénaristes et désire identifier son père. La recherche conduit Tem au Plessis-Robinson, devenue une ville fantôme livrée aux archétypes et aux démons alliés à des humains sans scrupules jouant un remake de Main basse sur la ville. Mais Le Plessis-Robinson est un piège : il est impossible d'en sortir ni de communiquer avec l'extérieur. Les rues arborent les noms des plus sinistres personnages de l'histoire et il y rôde les terribles Molosses de la Nuit, qui se déploient sur huit dimensions. Mais on relève aussi, au pochoir, sur les murs, le dessin d'un chat rouge au poil hérissé. Méfiant, Tem avait chargé Eileen d'appeler ses connaissances à la rescousse en cas de problème : elle ramène nombre de protagonistes croisés dans les précédents volumes, auxquels s'ajoutent des tøøns, une ribambelle de chats parfois habités par des fantomas, dont Peggy Sue, la fille de l'aya Gloria. De révélations en rebondissements, tout ce petit monde se retrouve dans le plus joyeux désordre pour une confrontation finale plus carnavalesque qu'épique, mais qui permet tout de même d'avancer dans la compréhension de la psychosphère.

Parallèlement à ces intrigues croisées, on découvre, exhibées par l'écrivain Edgar Zyviec, les notes de Richard Montaigu, le grand-père de Tem, l'auteur du Faisceau chromatique, qui le premier a deviné la menace planant sur sa ville. Par ce biais Roland Wagner, en une charge féroce, règle ses comptes avec la municipalité du Plessis-Robinson. Il injecte ainsi dans le récit des fragments autobiographiques (Montaigu, c'est lui !) et noue des fils avec ses romans antérieurs : leur fusion dans le cycle des Futurs Mystères de Paris, la traque des concordances thématiques permettant de joindre les pièces de son puzzle littéraire, le montrent à la recherche d'une unité qui serait le socle d'une œuvre cohérente et personnelle.

L'assemblage ne se fait pas sans tâtonnements, de même que le présent récit, en multipliant les pistes, n'échappe pas à la confusion. Mais Wagner est souple comme les chats qui parsèment le récit : il finit toujours par retomber sur ses pattes et se tire des intrigues complexes par une pirouette, d'une réjouissante malice. Il parvient même à définitivement trancher la question de la différence entre le fantastique et la science-fiction en faisant intervenir dans son roman les deux archétypes qui les caractérisent et qui ont une apparence féminine : la Science-fiction est blonde et le Fantastique brune.

Qui dit mieux ?

Le Vieil Homme et son double

[Critique commune à Le Message et Le Vieil Homme et son double.]

Après un purgatoire d'une bonne décennie, l'œuvre de Joe Haldeman connaît depuis peu un retour en grâce auprès des éditeurs français. On peut ainsi découvrir cette année trois de ses romans récents — un vrai chef-d'œuvre non S-F chez Denoël, Les Deux morts de John Speidel, et les deux ouvrages dont il est question ici. Autant le dire d'entrée : il s'agit, pour ces derniers, de livres relativement mineurs, mais non dénués de qualités.

Le Message est le plus classique, du moins sur le fond. Dans un futur proche, une scientifique américaine reçoit de l'espace un message qui, une fois décrypté, se révèle fort simple : NOUS VENONS, répété soixante fois. Sa source ? Un objet en approche frôlant la vitesse de la lumière, qui atteindra la Terre trois mois plus tard, pour le Jour de l'An. Essentiellement, la suite du livre examine les conséquences de cette nouvelle sur la politique, la diplomatie et le quotidien des États-Unis durant ce laps de temps. Sauf que rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît, ni chez les visiteurs annoncés, ni chez ceux qui attendent leur venue avec des sentiments mêlés… et des intérêts contradictoires.

On le voit, on est ici en terrain connu, balisé — et traité au cinéma avec Contact, adapté d'un roman de Carl Sagan, ou The Arrival. Le style, en vignettes nerveuses abondamment dialoguées, rappelle celui d'un film. (La structure, tout en changements de point de vue au gré du ballet des personnages, évoque certains Altman.) Haldeman réussit en outre à surprendre et à séduire par la crédibilité de l'avenir décrit, très fouillé, rendu par une multitude de petits détails semble-t-il anodins, et par la résolution de l'intrigue, assez surprenante. Bref, un divertissement intelligent. Le Vieil homme et son double est un tantinet plus ambitieux — la novella qui lui sert de base a d'ailleurs réalisé le doublé Nebula/Hugo, ce qui n'est pas si fréquent. Ici, tout part de la rencontre d'un érudit et d'un escroc. Spécialiste d'Hemingway, l'érudit envisage un article sur les œuvres de jeunesse perdues de l'écrivain… jusqu'à ce que l'escroc le persuade de les « découvrir » (autrement dit, de rédiger sur machine à écrire et papier d'époque des pastiches plus vrais que nature). Mais ce serait sans compter sur certains êtres qui veillent sur la trame des possibles et qui estiment que la supercherie, menée à son terme, mettrait en péril la structure du réel, vu la place que l'image de l'œuvre d'Hemingway occupe dans la psyché américaine et, partant, mondiale. L'érudit devra donc mourir… plusieurs fois, au besoin.

Cette idée tordue permet à notre auteur de s'en donner à cœur joie sur le registre des univers parallèles et des paradoxes temporels, jusqu'au vertige. (Ce n'est sans doute pas pour rien que le texte cite Heinlein, coupable de deux des traitements définitifs de ces questions.) Mais l'ouvrage vaut aussi par le jeu sur les écrits d'Hemingway, y compris quelques extraits de « pages perdues » très réussis, et par le montage de la supercherie littéraire. Un livre goûteux comme un cuba libre.

Voici donc deux romans futés, plaisants et, ce qui ne gâte rien, traduits à la perfection par deux des meilleurs professionnels du domaine. S'ils sont, oui, mineurs, c'est comme Mozart à l'occasion : cent coudées au-dessus de la concurrence, tout de même.

Le Message

[Critique commune à Le Message et Le Vieil Homme et son double.]

Après un purgatoire d'une bonne décennie, l'œuvre de Joe Haldeman connaît depuis peu un retour en grâce auprès des éditeurs français. On peut ainsi découvrir cette année trois de ses romans récents — un vrai chef-d'œuvre non S-F chez Denoël, Les Deux morts de John Speidel, et les deux ouvrages dont il est question ici. Autant le dire d'entrée : il s'agit, pour ces derniers, de livres relativement mineurs, mais non dénués de qualités.

Le Message est le plus classique, du moins sur le fond. Dans un futur proche, une scientifique américaine reçoit de l'espace un message qui, une fois décrypté, se révèle fort simple : NOUS VENONS, répété soixante fois. Sa source ? Un objet en approche frôlant la vitesse de la lumière, qui atteindra la Terre trois mois plus tard, pour le Jour de l'An. Essentiellement, la suite du livre examine les conséquences de cette nouvelle sur la politique, la diplomatie et le quotidien des États-Unis durant ce laps de temps. Sauf que rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît, ni chez les visiteurs annoncés, ni chez ceux qui attendent leur venue avec des sentiments mêlés… et des intérêts contradictoires.

On le voit, on est ici en terrain connu, balisé — et traité au cinéma avec Contact, adapté d'un roman de Carl Sagan, ou The Arrival. Le style, en vignettes nerveuses abondamment dialoguées, rappelle celui d'un film. (La structure, tout en changements de point de vue au gré du ballet des personnages, évoque certains Altman.) Haldeman réussit en outre à surprendre et à séduire par la crédibilité de l'avenir décrit, très fouillé, rendu par une multitude de petits détails semble-t-il anodins, et par la résolution de l'intrigue, assez surprenante. Bref, un divertissement intelligent. Le Vieil homme et son double est un tantinet plus ambitieux — la novella qui lui sert de base a d'ailleurs réalisé le doublé Nebula/Hugo, ce qui n'est pas si fréquent. Ici, tout part de la rencontre d'un érudit et d'un escroc. Spécialiste d'Hemingway, l'érudit envisage un article sur les œuvres de jeunesse perdues de l'écrivain… jusqu'à ce que l'escroc le persuade de les « découvrir » (autrement dit, de rédiger sur machine à écrire et papier d'époque des pastiches plus vrais que nature). Mais ce serait sans compter sur certains êtres qui veillent sur la trame des possibles et qui estiment que la supercherie, menée à son terme, mettrait en péril la structure du réel, vu la place que l'image de l'œuvre d'Hemingway occupe dans la psyché américaine et, partant, mondiale. L'érudit devra donc mourir… plusieurs fois, au besoin.

Cette idée tordue permet à notre auteur de s'en donner à cœur joie sur le registre des univers parallèles et des paradoxes temporels, jusqu'au vertige. (Ce n'est sans doute pas pour rien que le texte cite Heinlein, coupable de deux des traitements définitifs de ces questions.) Mais l'ouvrage vaut aussi par le jeu sur les écrits d'Hemingway, y compris quelques extraits de « pages perdues » très réussis, et par le montage de la supercherie littéraire. Un livre goûteux comme un cuba libre.

Voici donc deux romans futés, plaisants et, ce qui ne gâte rien, traduits à la perfection par deux des meilleurs professionnels du domaine. S'ils sont, oui, mineurs, c'est comme Mozart à l'occasion : cent coudées au-dessus de la concurrence, tout de même.

Les Enfants du mirage

[Critique portant sur les deux tomes des Enfants du Mirage.]

(Petit préambule : le signataire de cette chronique connaît une bonne part des écrivains ici représentés, entretient des relations d'amitié ou de travail avec certains d'entre eux, a publié dans son fanzine un des textes repris dans ces recueils… bref, l'objectivité de mise paraît hors d'atteinte. Merci au lecteur averti d'en tenir compte.)

Le projet : donner à lire (une fois le troisième volume de cette série paru) une sélection de trente ans de S-F française. Déjà, ce simple énoncé appelle plusieurs commentaires.

1. La sélection est partielle, ou partiale, car Richard Comballot, sous couvert de démontrer une spécificité de la S-F française, privilégie les auteurs les plus « indigènes » culturellement parlant, les moins ressemblants au modèle anglo-saxon, ce qui l'amène à choisir des textes… eh bien, parfois un peu franchouillards.

2. La période concernée est un peu bancale. Trente ans ? Il paraît des nouvelles de S-F française — je veux dire : clairement identifiées comme telles dans des publications spécialisées — depuis le milieu des années cinquante. De 1954 à 1970, deux revues en ont ainsi donné d'abondance, Satellite et surtout Fiction. Il y avait donc matière.

3. Pourquoi se limiter à l'Hexagone, quand la S-F de notre pays a su s'ouvrir depuis longtemps à la Francophonie, souvent avec profit ? La Belgique et plus récemment le Canada ont fourni d'excellents auteurs, lesquels, publiés à égalité avec les écrivains du crû, ont participé au dialogue toujours renouvelé qui est la S-F d'une langue spécifique.

Mais admettons… Une anthologie, c'est un ensemble de choix.

Parlons donc des objets, sans doute les plus beaux livres publiés à ce jour par Naturellement : deux énormes pavés illustrés de couvertures de Caza, rehaussés d'une maquette séduisante, et proposés à des prix tout à fait raisonnables. Il y a là des atouts non négligeables.

Le premier volume couvre les années soixante-dix. On y retrouve, de fait, la plupart des auteurs majeurs de la décennie (Andrevon, Curval, Demuth, Douay, Hubert, Jeury, Léourier, Pelot, Renard, Walther), quelques-uns de ceux qui feront l'actualité de la suivante (Barbéri, Brussolo, Frémion, Wintrebert), des francs-tireurs doués mais peu prolixes (Alain Dorémieux, Bernard Mathon, Gilbert Michel, Henry-Luc Planchat), et quelques auteurs franchement dispensables dans un tel contexte (Christian Vilà, alors débutant, Bernard Blanc, devenu depuis un excellent traducteur, René Durand, reconverti avec bonheur dans le scénario de BD).

Le problème, c'est qu'il y a là, même pour les auteurs reconnus, des textes un peu curieux. Jeury est ainsi représenté par une nouvelle atypique et, avouons-le, plutôt mineure, Douay et Andrevon dans leur veine « politique » première manière ont assez mal vieilli, Dorémieux joue à Ballard avec talent mais a donné ailleurs des textes autrement plus personnels, Barbéri a fait beaucoup mieux depuis, etc. Au bout du compte, c'est dans l'exhumation de perles dont personne ou presque ne se souvient que l'entreprise prend son sens : les textes de Léourier, Grimaud, Mathon, Michel, Christin ou Planchat, par exemple. Ce sont ces auteurs, depuis réduits au silence ou partis vers d'autres domaines, qui sont montrés sous leur meilleur jour. Un symptôme ? Se détachent aussi quelques réussites majeures, tels « La Créode » de Wintrebert, « Permis de mourir » de Curval, « Petite mort petite amie » de Frémion, une « Galaxiale » de Demuth et… heu, c'est tout. Le niveau d'ensemble, malgré quelques ratages, surtout dans le champ de la S-F « militante », reste toutefois convenable.

On sent Comballot beaucoup plus à l'aise sur les années quatre-vingt, qu'il connaît sans doute mieux pour avoir débuté dans le domaine au début de la décennie (je suis dans le même cas ; ceci explique peut-être cela). À moins que la S-F hexagonale n'ait fini, ces années-là, par se mieux définir.

Par ordre alphabétique, on portera au tableau d'honneur Andrevon, plus intimiste et fantastique ; Barbéri, ici égal à lui-même ; Berthelot, avec un chef-d'œuvre issu de Malgré le monde, le recueil collectif et contesté du groupe Limite ; Brussolo, qu'on a connu moins inspiré ; Canal, l'une des révélations de la période avec Dunyach (présent virtuellement au sommaire) ; Demuth, et son texte rare et fort et superbe ; Evrard, la voix la plus originale de la période ; Frémion, toujours poétique et sensuel ; Jouanne, avec un de ses plus beaux titres ; Klein, qui signait un retour fracassant qu'on espère toujours avec lendemain ; et Hubert, et Planchat, et Stolze, et Vernay, et Wintrebert, et de bons exemples de ceux qu'on qualifiait alors de « néo-formalistes », comme Bruno Lecigne, Sylviane Corgiat ou Daniel Martinange. Ici, il y a moins de canards boiteux, même si — mais ce n'est qu'une question de goût — les nouvelles de Jacques Mondoloni et Colette Fayard me semblent déparer l'ensemble. Et je n'ai même pas cité tout le monde !

Enfin, un mot sur les préfaces chaleureuses et engagées d'Andrevon et de Curval, respectivement, deux acteurs incontournables qui élucident le contexte avec profit.

À les relire, ces lignes forcément personnelles (cf. préambule) trahissent une grande perplexité. Mais je crois que le lecteur trouvera son compte dans ces recueils en décidant par avance de ce qu'il y recherche : s'il souhaite le meilleur de la S-F française, ses « chefs-d'œuvre » comme le proclame imprudemment le sous-titre de cette série, je crois qu'il devrait leur préférer les volumes francophones de la Grande anthologie…, au Livre de Poche, ou Les Navigateurs de l'impossible, chez ISF, qui rassemble les prix Rosny (volume critiqué plus avant) ; s'il veut une véritable vue en coupe de la science-fiction nationale, un échantillon représentatif — qualités et défauts —, l'entreprise, utile, effectuée par Comballot paraît plus aboutie, surtout dans son deuxième volume.

Bref, littérature ou histoire, chacun aura ici à boire et à manger, mais devra se pencher sur le menu avec discernement.

Le Crépuscule des chimères

Dans la famille Déjantée… je demande le fils !

Et mon rédacteur-en-chef préféré d'abattre la carte « Barbéri » et de me proposer du tac au tac de me pencher sur le dossier du susnommé, que l'on annonçait comme reprenant du service !

Le dossier…

Cinq ouvrages haut de gamme en « Présence du Futur » et une quarantaine de nouvelles brillantes publiées isolément : un parcours sans faute pour un auteur hors-norme, qui publia l'essentiel de son œuvre entre 1983 et 1993.

Après dix années de « semi-purgatoire » occupées à rédiger des scénarios pour la télévision et le cinéma, il était somme toute assez naturel de le voir un jour péter les plombs de frustration et s'en retourner — tel un Ruellan avec son Mémo, tel un Houssin avec son Temps du twist — à ses premières amours. L'écriture. La vraie. Qui consiste à tenir fermement — ici reprendre — les rênes de son imagination, que notre auteur compare volontiers à un cheval fou qu'il convient de dresser, à la mettre au service de soi-même — et non plus d'un réalisateur ou d'un producteur — , d'un univers personnel, pour tout donner à un lecteur que l'on devine là, réceptif, en attente : ses rêves, ses cauchemars, ses pulsions, son vécu, ses fantasmes, dans un feu d'artifice fictionnel qui se peut appeler roman.

De ce point de vue, force est de constater avec Le Crépuscule des chimères que notre auteur n'a rien perdu de ce qui faisait son charme, il y a dix ans, de sa complexité, de sa superbe, qu'il revient en pleine possession de ses moyens, avec en prime peut-être une tendance à davantage de clarté et, pour tout dire, d'efficacité. Comprenez-moi bien… Barbéri, pour son retour, n'a pas choisi de faire dans la demi-mesure, l'étriqué, le timoré, le tiède, ou dans l'abscons et l'illisible. Il frappe au contraire un grand coup, plantant sa fête foraine monstrueuse sans se poser de question, avec l'assurance procurée par la maturité, mais aussi l'envie d'y proposer des attractions susceptibles de séduire tous azimuts.

Le monde est un théâtre, écrivait Dominique Douay. Barbéri rectifie. Le monde est un asile de fous. Et il nous en propose une visite guidée en suivant la trajectoire d'Anjel Ebner, son « héros », qu'il n'aura de cesse de balader à travers des univers incertains, voués au chaos, à la destruction et à l'entropie.

Tout commence, si je puis dire, lorsque Daren, le frère jumeau d'Anjel, abat froidement leurs parents adoptifs, lui confiant : « Nous sommes d'une autre nature, d'une autre puissance, et nous ne pouvons rien faire d'autre que l'exprimer. » À ce moment-là, Daren bouclé en psychiatrie, Anjel remontant difficilement la pente et sombrant dans l'alcoolisme, on pourrait s'attendre à un roman navigant entre le noir et le fantastique bon teint comme les éditeurs nous en proposent régulièrement, en écho à un certain cinéma à sensation. Or si nous plongeons bien dans le fantastique, celui-ci n'a rien de « bon teint ». Tout y est glauque, malsain, et l'on se retrouve, avec Anjel, englués dans une toile laissant apparaître des accrocs. Et à travers eux une réalité qui ne ressemble pas à la nôtre. Alors… Anjel est-il le sujet d'hallucinations ou l'acteur involontaire d'un drame aux dimensions de l'univers ? Qui est Elena Bergman, condamnée à perpétuité pour actes terroristes et évadée du centre de détention situé sur l'îlot de Garampaga ? Que fabrique là-bas le Professeur Anton Ravon, archétype du savant fou, en triturant les cervelles de ses prisonniers-cobayes ? À force de jouer avec le feu du réel et de l'irréel, du créé et de l'incréé, ne risque-t-il pas de déclencher un conflit de nature cosmique engageant toutes les puissances qui nous gouvernent ? ! Et au milieu de ce vaste puzzle, quel est le rôle joué par Daren ?

Si cela pouvait encore avoir un sens, j'aurais envie de dire que nous passons du noir à la S-F, et de la S-F à la fantasy, et que Barbéri se joue avec naturel, spontanéité et fluidité, des genres et des étiquettes. Vous avez dit fusion ? Ce qui est certain, c'est que tout se déroule dans un brassage d'idées et de concepts qui décoiffent, de phrases qui font mouche, desquelles l'humour n'est pas absent, et l'on ressort de ce roman étourdi par tant de virtuosité. Car si j'écrivais plus haut qu'il était facilement accessible, j'omettais de préciser que son créateur, en lecteur attentif de Franz Kafka, de Philip K. Dick, de tous les théoriciens du réel, mais aussi des scientifiques les plus en pointe, n'avait pu s'empêcher, cette fois encore, de se frotter, et avec brio, à des thèmes qui ont fait de la S-F, comme le soulignait récemment Michel Houellebecq, la littérature majeure du vingtième siècle.

Si vous êtes plutôt portés vers les écrits de Dick, de Ballard ou de Priest, voire de Moorcock et de Brussolo… si vous ne craignez pas de griller quelques neurones en cours de route, en vous abandonnant aux visions de l'auteur… et si a fortiori vous avez aimé ses précédents romans, alors ce livre s'adresse à vous.

Il devrait normalement inaugurer une trilogie « farmerienne » qui, incontestablement, fera date.

Dystopia - 1

Richard Christian Matheson n'est pas un total inconnu en France, puisqu'on a déjà pu lire son excellent roman Cauchemar Cathodique chez Rivages puis dans la défunte collection « Présence du futur » (attention, la traduction n'est pas, dans les deux cas, à la hauteur du texte). On savait depuis les Territoires de l'inquiétude que le fils du grand Richard Matheson (Je suis une légende, L'Homme qui rétrécit, etc.) était un très bon auteur de nouvelles ultra-courtes. Au fil des vingt-huit nouvelles de ce Dystopia-1 (qui, logiquement, devrait être suivi d'un Dystopia-2), Richard Christian Matheson réussit, presque à chaque fois, le tour de force de nous inquiéter ou de nous mettre mal à l'aise. Ce qui est vraiment intéressant chez cet auteur, qui fêtera bientôt ses cinquante ans, c'est son art de la phrase horrible, du point de détail qui transforme une banale histoire (une rencontre amoureuse, deux vieilles qui regardent leurs photos-souvenirs dans un café, un homme qui arpente une route avec un sac en toile, un jogger qui veut courir plus de 80 kilomètres, etc.) en véritable cauchemar.

Voilà un recueil impressionnant, une sorte de fête foraine hybride, cinquante pour cent train fantôme, cinquante pour cent montagnes russes, dont les pics sont probablement « Photos souvenirs » (pages 19-22), « Rouge » (pages 49-52), « Vampire » (pages 97-99), « Troisième souffle » (pages 154-166) et « Incorporation » (pages 171-176). Histoire de pinailler, on regrettera juste les rares incursions de l'auteur dans le domaine de la science-fiction, tel « Le Film » (pages 177-186), excursion post-madmaxienne peu convaincante et bigophonée. Un excellent ouvrage à rajouter au patrimoine d' « Imagine » qui, peu à peu, s'impose comme la collection de référence en matière d'imaginaire tous azimuts.

Le Chemin de la nuit

C'est avec ce fort beau volume — tout simplement incontournable — que Jacques Chambon inaugure son intégrale raisonnée des nouvelles de Robert Silverberg, un travail colossal (toutes les traductions ont été révisées avec méticulosité) qui rappelle celui qu'il a déjà réalisé avec Philip K. Dick (chez Denoël) et Richard Matheson (chez Flammarion), en attendant J. G. Ballard. On lira au fil de ces 728 pages pas moins de quarante et une nouvelles. Des textes à chute comme « Opération Méduse », « Les Collecteurs », d'autres plus poétiques comme « La Colonie silencieuse », des expérimentations littéraires plus ou moins réussies, « Les Chants de l'été », et des chefs-d'œuvre tels « Comme des mouches », « Les Arbres qui avaient des dents ».

Page 118, on lira cette confession de l'auteur qui est aussi la clef de son œuvre : « Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me suis toujours intéressé aux civilisations antiques et aux objets qu'elles ont laissé derrière elles. Enfant, je hantais déjà les musées de New York, surtout pour aller voir des dinosaures, au début, et un peu plus tard pour m'absorber dans la contemplation des vestiges sumériens, babyloniens et égyptiens, sans parler des mosaïques romaines, des codex mexicains ou des poteries des Indiens Pueblo. Je rêvais de visiter les ruines des civilisations disparues qui avaient produit ces objets ; d'ailleurs, dès que j'en ai eu la possibilité, je me suis embarqué chaque année pour un site différent : Pompéi, Chichen Itza, Rome, le Pays Pueblo… »

Et c'est bien à une épopée archéologique que les duettistes Chambon/Silverberg nous invitent. Un voyage dans le passé d'un écrivain trop souvent satisfait de lui-même, mais aussi acteur et témoin privilégié d'une époque passionnante, celle des éditeurs et anthologistes Damon Knight, Anthony Boucher, Leo Margulies, Donald A. Wollheim et Harlan Ellison. Robert Silverberg a écrit quelques-uns des plus beaux romans de la science-fiction moderne : L'Homme dans le Labyrinthe, Un Jeu cruel, Les Ailes de la nuit, Le Livre des crânes, L'Oreille interne ; il a marqué plusieurs générations de lecteurs et d'auteurs et cette intégrale raisonnée prouve — si cela est encore nécessaire — qu'il est le plus grand écrivain de science-fiction vivant.

Le Château sans nom

« Hé ! le Cid, t'es à la bourre !

— Quoi ?

— Le Mickaël Karle, j'attends ta critique…

— J'veux pas la faire…

 — Quoi ? Monsieur le chroniqueur-le-mieux-payé-de-l'équipe-de-Bifrost ne veut pas travailler ?

— J'ai un pressentiment…

— Sans déc' ?

— Je t'explique, cher patron adoré… je dézingue le bouquin de Gaborit, mais lui c'est un mec bien avec une copine sympa, tu vois le genre. Je t'éclate à la chevrotine reliée le premier roman de Colin Marchika, après je rencontre l'auteur et en fait c'est un type sensass'… tu passes des soirées d'enfer avec lui. Là, je vais te dépouiller le Karle comme si c'était un lièvre faisandé et j'ai le pressentiment que c'est un mec super-cool, en plus c'est son premier roman, faut être indulgent.

— Indulgent ? On a payé la meilleure agence de recrutement pour te trouver, en leur disant qu'on cherchait un critique dénué de pitié, style Jason Voohres, Michael Myers ou Freddy Krueger en plus méchant ! Fais attention, le Cid… T'as deux jours, après ça t'es un chroniqueur qui nique plus. »

Clic.

Bon, reste plus qu'à pondre une critique : un petit résumé, et une belle mise à mort.

Mark Drake a des problèmes, c'est pas qu'on le confonde avec Mandrake, mais sa carrière d'écrivain est sur le déclin (s'il écrit comme son papa Mickaël Karle, on comprend pourquoi…). Voilà qu'il hérite d'un château carton-pâte dans une Écosse du même tonneau, où l'attend une mission Club des Cinq/Monstres/Trésors, une quête à la sauce n'importe quoi qui comblera les joueurs de jeu de rôles (du moins ceux qui viennent juste de passer des couches au pot de chambre et apprennent à écrire « gandalphe » et « merlain » avec les pâtes-alphabet de leur soupe).

Au final, Le Château sans nom est un premier roman potache complètement improbable tant on touche le niveau zéro de l'écriture. C'est l'œuvre d'un petit frankaoui qui confond New York avec Sarcelles et l'Écosse avec la Bretagne profonde, « allez ! fais le cochon, grouïc grouïc ! ». Mickaël Karle ne se prend pas au sérieux, grand bien lui en fasse, mais en retour, il est impossible de prendre au sérieux sa prose débilo-prépubère qui aurait gagné à être pensée, aiguisée… et relue ! Voilà encore un livre trop cher, dénué de propos, desservi par un manque de recherches flagrant, des phrases qui ne veulent rien dire, une notion du point de vue très flottante et des notes de bas de page ridicules. Quant aux dialogues, le lecteur se trouvera submergé par une déferlante de « glapit », « répliqua », « intervint », « s'exclama », « ordonna », « déclara », etc.

N'est pas Terry Pratchett qui veut et il ne reste plus qu'à jeter l'ouvrage à la poubelle (après l'avoir piétiné de rage) en regrettant une fois de plus d'avoir perdu trois heures à lire un auteur, peut-être prometteur, mais assurément publié trop tôt. À noter qu'un second volume est sorti en août 2002, comme quoi un malheur n'arrive jamais seul.

L'Adversaire

La sortie du film de Nicole Garcia avec Daniel Auteuil et François Cluzet est probablement la meilleure occasion de parler de L'Adversaire — ouvrage étonnant qui tient à la fois de l'autobiographie, de l'enquête métaphysique et de la recension précise d'un fait divers abominable, irréel par nombre de ses aspects. Mais commençons par les faits : le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand tue sa femme, ses enfants et ses parents, avant de tenter de se suicider, tout ça pour cacher qu'il vivait dans le mensonge depuis des années. Contrairement à ce qu'il avait toujours dit, il ne travaillait pas à l'Organisation Mondiale de la Santé en tant que médecin. Jour après jour, alors qu'il était censé se rendre à son bureau, il allait se perdre en forêt ou lire dans des bars.

On pourrait se demander pourquoi parler de ce livre dans Bifrost. Je me contenterai de donner deux raisons. D'abord, le caractère incroyable/fantastique de la duperie : pendant plus de dix ans, personne n'a soupçonné que Jean-Claude Romand (qui n'avait aucun revenu mensuel, aucun bureau, aucun diplôme) n'était pas médecin, pas même sa femme ou ses parents ! La seconde raison me semble meilleure : Emmanuel Carrère s'est lancé avec ce livre dans un combat contre le diable (Satan est l'adversaire de Dieu), en utilisant des raccourcis (Jean-Claude = Jésus Christ) qui au lieu d'être fumeux se révèlent audacieux et pertinents, du moins sur le plan de la symbolique. Pour comprendre Satan/Le Mal (que Carrère ne considère pas d'un point de vue strictement catholique), il faut comprendre ses créatures et ses serviteurs. Pour argumenter cet éloge d'un livre réellement bouleversant, sorte de Twin Peaks à la française avec ses forêts jurassiennes impénétrables et ses secrets repoussants, j'en reproduis ci-avant deux courts passages. D'abord un extrait de la première lettre envoyée par E. Carrère à J.-C. Romand :

« Monsieur, […] J'aimerais que vous compreniez que je ne viens pas à vous poussé par une curiosité malsaine ou par le goût du sensationnel. Ce que vous avez fait n'est pas à mes yeux le fait d'un criminel ordinaire, pas celui d'un fou non plus, mais celui d'un homme poussé à bout par des forces qui le dépassent, et ce sont ces forces terribles que je voudrais montrer à l'œuvre. » Page 36.

Puis le commentaire suivant :

« J'ai posté cette lettre. Quelques instants après, trop tard, j'ai pensé avec épouvante à l'effet que risquait de faire sur son destinataire le titre du livre qui l'accompagnait : Je suis vivant et vous êtes morts. » Page 37.

L'Adversaire est un livre indispensable, écrit avec sobriété. Carrère y parle de nous à chaque page, en tentant de comprendre un homme qui a assassiné tous les membres de sa famille et leur avait préalablement menti pendant plus de dix-sept années.

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