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Si c'était à refaire

Reporter au New York Times, Andrew Stilman est assassiné peu après son mariage. Il se réveille exactement deux mois plus tôt, ce qui laisse soixante jours pour comprendre la raison de son meurtre et pouvoir modifier le futur.

Sur la base d’un scénario de science-fiction qui semble être une variation du Replay de Ken Grimwood, je m’attendais à l’émergence d’un futur post-apo dans lequel une guerrière aurait un symbiote greffé entre les nibards.

J’ai été déçu…

Flashback

2035. L’Amérique a connu de profonds bouleversements, en comparaison desquels la guerre d’Indépendance fait figure d’aimable partie de croquet disputée entre gentlemen anglais et colons mal dégrossis. Mais dans tous les cas, de vrais Anglo-saxons. Les étrangers sont aux portes du pays, mais côté propriétaires. Les Russes sont des gangsters très cruels, les Latinos tiennent le Nouveau-Mexique dans l’élan de la Reconquista et taguent les églises. Alors que jusqu’alors les gominés étaient croyants, tout se perd. La palme revient cependant aux Japonais qui contrôlent tous les postes clefs. Et les porte-clés aussi, vu qu’ils ont accès à tout. Les nyakoués sont habillés de superbes costumes à la mode des années 60, font montre d’arrogance, s’expriment d’une voix suave et évoluent dans un environnement composé de shôji et de tansu. Ce dès la première page ; on repassera pour la traduction. Lorsqu’apparaît le mot tatami, le lecteur respire, il se retrouve en territoire connu, et pour le rassurer il y a même un jardin de gravier. On évoquera par la suite les attendus bushidô et seppuku.

Dans ce futur pas si lointain, en fait notre présent cauchemardé par un redneck sous méta-amphétamine, les descendants du Mayflower ne sont pas à la fête. « Les temps sont durs pour les petits entrepreneurs », c’est dire si l’on est en pleine prospective. Quant aux jeunes, ils s’expriment par « cool », « pas cool » voire « mégacool » pour les plus lettrés d’entre eux. Ils évoluent en bandes et violent à l’occasion une fillette hispanique, « une de ces mignonettes petites vierges avec juste un filet de poils au-dessus de la fente ». Val, le fils du héros, n’est pas vraiment coupable vu qu’il s’est contenté de regarder. D’ailleurs, il reviendra dans le droit chemin lorsque son papa lui offrira un gant de base-ball, véritable relique d’une Amérique disparue.

Et puis il y a le flashback. Une drogue qui permet de revivre, au choix, n’importe quel événement du passé dans ses moindres détails. La substance est sévèrement prohibée ici et ailleurs. Au point que dans le nouveau Califat Global sa possession entraîne la décapitation immédiate. Cela arrive suffisamment souvent pour que le réseau d’al-Jazira diffuse les exécutions en continu.

Dans ce merdier ambiant, un détective privé est engagé par le puissant Nakamura pour reprendre l’enquête non résolue relative à la mort de son fils. Nick Bottom avait suivi l’affaire du temps où il appartenait à la police de Denver. Mais depuis il travaille pour son compte. Il est mal sapé et exhibe un trou dans sa chaussette devant l’élégant Japonais. Nick a une caisse pourrie, il est en indélicatesse avec les flics officiels, sa femme est morte. Depuis il est accro au flashback, ce qui pourrait présenter un atout dans la reconstitution des faits. Nick Bottom accepte le contrat et se lance, assisté de Sato le colosse, bras droit de Nakamura. Comme dans toute buddy story, les deux partenaires ne peuvent pas se piffrer mais ils finiront par mieux se connaître.

Le roman Flashback suscite deux réflexions. D’une part il atteste clairement des vues de Dan Simmons. Après avoir résisté durant des décennies, l’Amérique est tombée sous les coups de boutoir assénés par Marx, Le Che, Marcuse, Oussama Ben Laden et la prolifération des migrants attirés par tous les droits qu’offre le pays sans en respecter les devoirs. Ce niveau de lecture est une réussite, dans la mesure où il traduit la pensée politique de l’auteur, celle amplement diffusée sur son site. Hasard de l’actualité éditoriale, Flashback apparaît comme l’équivalent du Armageddon Rag de George R. R. Martin, toutefois à l’opposé du prisme politique. Ici les films des années 40 et 50 remplacent les disques des années 60 et 70, et chacun profère une nostalgie de l’Amérique. Pas la même, c’est certain. Une analogie entre Martin et Simmons qui ne tient que si l’on excepte la qualité d’écriture…

D’autre part, le succès de la confession politique recouvre un complet ratage, celui de l’intrigue et de la narration. Tout, absolument tout a déjà été lu et vu mille fois. A commencer par le personnage principal, ce qui est ennuyeux, détective privé forcément vêtu comme un clochard, déchiré à l’alcool la drogue, incapable de faire le deuil d’un traumatisme qui lui a brisé sa vie, en conflit avec la police mais drôlement futé. Echec complet y compris pour le flashback, substance permettant de revisiter son passé, a priori une excellente idée. Sauf que l’auteur ne parvient pas à faire mieux que ce qui est déjà un lieu commun, à savoir les souvenirs continuellement ressassés par les privés depuis Hammett et Chandler.

Alors la quatrième de couverture a beau invoquer Hypérion, Terreur et Drood (mais curieusement, pas L’Echiquier du mal), façon méthode Coué, nous n’avons affaire ici qu’au meilleur Michael Crichton écrit depuis sa mort. On l’aura compris, ce roman, mettant en scène le détective Bottom dont le nom sonne juste, est une merde liquide expulsée au travers d’un amas d’hémorroïdes.

Starters

Le décor : après la guerre des spores, seuls survivent les enders (plus de 60 ans) et les starters (moins de 20 ans), considérés comme les plus vulnérables et ayant donc bénéficiés du vaccin contre les spores du génocide. Le reste de la population a été décimé. Une dystopie sur la sécurité sociale ? Non, attendez la suite. Callie, jeune starter de 16 ans, tente de survivre avec son petit frère malade, Tyler. D’immeubles désaffectés en squats, elle doit tantôt échapper aux marshalls qui traquent les adolescents en errance pour les enfermer à l’institut 37, tantôt se battre contre d’autres perdus en quête de nourriture. Afin de se sortir de cette situation, Callie décide de louer son corps à… la banque des corps. Le principe : des enders fortunés, dont la durée de vie peut aller jusqu’à 150 ans, louent le corps de starters retouchés à coup de chirurgie esthétique, pour vivre ou revivre des expériences que leur corps ne leur permet plus : sport, soirée disco… Seulement voilà, le locataire de Callie a un autre projet : un meurtre.

Premier roman « jeune adulte » de Lissa Price traduit en français, paru dans la toute nouvelle collection « R » dédiée aux adolescents et plus des éditions Robert Laffont, Starters aurait pu nous convaincre avec autant de thèmes riches à explorer : culte de l’esthétique, le corps comme objet de consommation, esclavagisme organisé, quête de la jeunesse éternelle… En effet, sans être très originale, l’idée initiale du livre s’avère plutôt bonne. Sauf que le traitement laisse à désirer. D’abord, le roman est bourré de maladresses et souffre d’erreurs qu’on qualifiera de jeunesse (justement). Un exemple ? Un point d’ancrage fort de l’intrigue se trouve être une soirée organisée par la Ligue de la jeunesse, le 19 à 20 heures ! Information essentielle que l’auteur va nous rappeler au moins cinq fois. Le 19 à 20 h, le 19 à 20 h, le 19 à 20 h… Bon, c’est vrai qu’on est tatillon, mais quand même, c’est lourd. Et puis il y a quelques perles : « J’arrive au lieu de rendez-vous : une patinoire (…) il y fait très froid, à cause de la glace » ! Sans commentaire… Par ailleurs, les personnages manquent cruellement de profondeur, la réflexion sur le thème de l’esclavagisme légalisé, qui aurait mérité un développement étayé, est inexistante ou presque, sans parler de l’intrigue, qui, pour être honnête, se révèle cousue de fil blanc. Et on passe allégrement sur la mièvrerie de la romance : c’est mignon tout plein. Reste un texte rythmé plutôt bien ficelé dans sa mécanique. On reconnaît là l’expérience de Lissa Price en tant que scénariste. C’est au final un peu court et cela n’apporte pas grand-chose. Voilà donc un roman ado (plus que « young adult ») qui se lit vite, bien, facilement et sans prise de tête… c’est le cas de le dire. Il est très possible que certains adolescents apprécient le livre, mais l’âge du chroniqueur ne lui aura pas permis d’en saisir toutes les subtilités. Peut-être le second volet, Enders, à paraître en novembre 2012, complétera-t-il les lacunes d’un premier texte en définitive assez décevant. Pourquoi pas sur la plage, pour se détendre ? On ne voit que ça.

La Soif primordiale

Le vampire est une engeance qui, à l’instar du chiendent, pousse partout ou presque (y compris dans les pages de Bifrost ; on se reportera à notre n°60 pour s’en convaincre). Enfin, le vampire s’installe là où vivent les auteurs ayant envie d’écrire des histoires de vampires ; aussi, le mythe du vampire a-t-il quasiment fait le tour du monde. Parti de Valachie et de Transylvanie, le vampire a conquis le monde. Comme bien des gens, le vampire s’est trouvé une terre d’accueil aux Etats-Unis et tout particulièrement à Hollywood. Mais tous les émigrés européens n’ont pas gagné l’Amérique du Nord. Pablo De Santis étant argentin, on en rencontre donc aussi à Buenos Aires… Dans les années 50, en pleine dictature…

Sous la dictature, mieux vaut se tenir tranquille, ce qui convient parfaitement aux vampires locaux qui n’aspirent qu’à vivre peinards en toute discrétion, ne demandant rien à personne. « Ces êtres extraordinaires que l’on nomme “les antiquaires” vivent dans la pénombre, entourés d’objets anciens, vendent de vieux livres et sont la proie de la soif primordiale, la soif du sang », nous apprend la quatrième de couverture.

Le roman est découpé en huit chapitres correspondant à des phases bien tranchées de l’intrigue. Le personnage principal, Santiago, jeune réparateur de machines à écrire, se retrouve en charge de la rubrique ésotérique du journal où il s’est fait embaucher et devient informateur du ministère de l’Occulte qui s’intéresse aux phénomènes qualifiés comme tel. Personnellement, j’aimais beaucoup cette idée de ministère de l’Occulte dont les bureaux étaient dissimulés dans les locaux de la Poste centrale de Buenos Aires, mais Pablo de Santis a choisi de la délaisser. Après avoir été témoin d’un meurtre, Santiago va non seulement entrer en contact avec les « antiquaires », mais en devenir un à la suite d’une transfusion… Si Buenos Aires ne se réveille pas chaque matin jonchée de cadavres exsangues, cela tient à ce que les « antiquaires » disposent d’un élixir qui calme la soif primordiale. Malgré cela, certains s’intéressent à eux de beaucoup trop près à leur goût, intrigués et envieux de la longévité des « antiquaires ». La lutte s’engage dans l’ombre…

En suivant Pablo de Santis, on reste toujours à prudente distance de la violence, on la côtoie parfois, certes, mais lorsqu’on en vient à l’effleurer, c’est mine de rien, comme en passant. De la même manière que La Soif primordiale côtoie la littérature populaire, la tutoie sans s’y jeter à corps perdu. Ménageant avec brio la chèvre et le chou des effets, de Santis parvient à rester sur la berge la plus littéraire sans se perdre dans un récit insipide. Voilà un livre que l’on pourra ranger précieusement entre Le Jeu de l’ange de Carlos Ruiz Zafon et La Librairie des ombres de Mikkel Birkegaard, pour un fantastique où les livres jouent un rôle important, mais aussi parmi les meilleures histoires de vampires actuelles, non loin de La Vierge de glace de feu Marc Behm, L’Aube écarlate de Lucius Shepard ou Riverdream, roman signé par l’auteur auquel le présent Bifrost consacre un dossier. Pablo de Santis ne réinvente pas le mythe du vampire. Ces vampires contrôlant leur soif primordiale qui ont fait les choux gras de la bit-lit’ n’attendaient qu’un auteur de talent capable de leur rendre le lustre littéraire de leurs anciens modèles. Voilà qui est fait.

Le Pays fantômes

Après L’Entité 0247 paru à l’automne dernier (critique in Bifrost n°65), voici Le Pays fantôme, qui en est la suite presque directe. De fait, s’il n’est pas indispensable d’avoir lu le premier roman pour aborder le second, c’est tout de même recommandé tant il est ici fréquemment fait référence aux événements survenus dans l’opus initial.

On reprend les mêmes : c’est-à-dire Paige Campbell et Travis Chase, ainsi que l’ex-président des Etats-Unis, Richard Gardner, et on recommence. Paige Campbell est l’unique survivante d’un groupe d’agents de Tangent tombés dans une embuscade style « Petit Clamart » alors qu’ils gagnent un aéroport de Washington après une entrevue avec le nouveau président des Etats-Unis. Une double entité nommée l’Iris, sortie de la Brèche, permet d’ouvrir une fenêtre sur un futur de 80 ans. Il apparaît alors que la « Fin du Monde » a eu lieu… Plus d’Humanité. Et cela, à cause d’événements qui vont survenir dans les quatre mois qui viennent. Une course poursuite s’engage, passant du présent à l’avenir et retour via les « iris », aussi appelés « cylindres », dont chaque camp détient son exemplaire. Chase et Campbell doivent non seulement échapper à leurs ennemis, mais comprendre comment on en est arrivé là. Un scénario qui n’est pas sans évoquer celui de L’Armée des 12 Singes — Finn et sa femme, Audra, écœurés par les échecs de l’action humanitaire qui leur semble consister à appliquer un emplâtre sur une jambe de bois, décident de remettre les compteurs à « zéro » et se voient bien en nouveau Noé. Les Extrêmement Basses Fréquences, EBF, seront leur déluge au risque que l’ « Arche » coule à pic…

L’action est menée tambour battant. Les protagonistes n’ont qu’une vue très partielle des événements qu’ils essaient de comprendre et de contrecarrer. On reste perplexe devant un président américain partie prenante d’un complot visant à la fin du monde. En revanche, on conçoit parfaitement qu’une puissance disposant soudain d’une arme susceptible d’éradiquer tous ses ennemis, tant intérieurs qu’extérieurs, potentiels ou avérés, tout en épargnant quelques copains triés sur le volet, soit mise en œuvre séance tenante.

Le Pays fantôme est un roman d’action qui plaira sans aucun doute à ceux qui ont apprécié L’Entité 0247. Il ne donne pas ce sentiment de « beaucoup de bruit pour rien » du précédent, semble meilleur, mais, en contrepartie, on a perdu le charme de la découverte…

Intrépide

Voici donc le septième tome des aventures de John « Black Jack » Geary, héros revenu d’entre les morts après une hibernation d’un siècle dans une nacelle de survie. Dans les six tomes précédents, il a pris le commandement de la flotte de l’Alliance, tombée dans un piège mortel au cœur de l’espace des Mondes Syndiqués, et l’a ramenée chez elle après de durs combats remportés grâce à un sens tactique qui lui fut inculqué à une époque où l’on avait encore le temps de former des officiers… Au cours de ce périple, il a découvert l’existence d’une race extraterrestre baptisée Enigma, connue des Syndics mais ignorée de l’Alliance. Ce sont ces ET qui sont à l’origine de la guerre fratricide qui déchire les Humains. Ils ont aussi secrètement fourni, tant à l’Alliance qu’aux Syndics, des portails hyperspatiaux permettant de voyager beaucoup plus vite entre les étoiles mais qui peuvent être convertis en ADM et exploser comme des novæ, dévastant des systèmes solaires entiers. L’histoire n’est pas si complexe que la lecture des volumes précédents soit un prérequis indispensable à celle de celui-ci. C’est néanmoins préférable pour découvrir les personnages.

On retrouve dans ce premier tome de la deuxième série, Par-delà la Frontière, les principaux personnages de la première. Outre Geary lui-même, le capitaine Tanya Desjani commandant du vaisseau-amiral Indomptable et Victoria Ryone, ex-sénatrice de la République de Callas (alliée de l’Alliance) victime d’un retour d’urnes. Les capitaines Duellos, Tulev et Badaya continuent d’assumer les seconds rôles en compagnie de quelques têtes nouvelles.

Comme Ulysse, « Black Jack » Geary est rentré chez lui alors qu’on ne l’y attendait plus et lui aussi gêne. Le problème n’a rien de neuf : que faire des soldats maintenant que cette nouvelle « Guerre de Cent Ans » est finie ? Bien que les héros morts soient moins encombrant que les vivants, Geary a été promu amiral : difficile de faire autrement. Le gouvernement de l’Alliance et le QG de la flotte le craignent et se demandent comment se débarrasser de lui et de ses escadres. Ils voient en Geary un potentiel potentat, à l’instar de César ou de Bonaparte ; nul ne semble envisager qu’il puisse entrer en politique comme Grant, De Gaulle ou Eisenhower, sans rompre avec la démocratie. Il semble que Campbell ait envie de nous conter de nouvelles batailles spatiales plutôt qu’électorales…

Les coups bas pleuvent sur la flotte victorieuse. Après qu’une majorité des officiers a échappé à la cour martiale et frôlé la mutinerie, Geary et sa flotte sont renvoyés en mission dans l’espace Enigma, au-delà des Mondes Syndiqués, avec des ordres qui sont autant d’injonctions paradoxales. On a voulu lui retirer tous les personnels ayant des compétences en matière de portails, celles-ci ayant naguère sauvé la flotte. Le QG a ensuite tenté de soustraire à une flotte menacée par l’obsolescence programmée ses vaisseaux ateliers… Geray reçoit finalement l’ordre de libérer un camp d’officiers supérieurs prisonniers des Syndics, dont les politiques espèrent bien qu’ils sèmeront la zizanie dans la chaîne de commandement. Pour découvrir au bout du compte que, tandis qu’on refusait des fournitures essentielles à ses navires repartant en mission, l’Alliance construisait de nouveaux astronefs de combat dans son dos. Le lecteur, lui, se demande s’il s’agit simplement des manigances de politiciens accrochés à leur fauteuil comme des bernacles à leur rocher, ou si les Enigma sont réellement derrière tout ça.

Plus gros que les volumes précédents, Intrépide est aussi bien meilleur sans pour autant qu’il y ait de quoi casser trois pattes à un canard. « Une très grande réussite que cette saga riche et généreuse, profondément humaine et sincère (…) Un très grand volet de l’histoire de la science-fiction », nous annonce une quatrième de couverture qui en fait encore des tonnes. Non mais franchement ! On ne voit pas comment le Nobel de littérature pourrait échapper à Campbell, d’autant que vu la thématique, il devrait aussi décrocher le Nobel de la Paix ! L’idée qu’il y ait « un avant et un après » Etoiles Mourantes, roman signé Ayerdhal et Dunyach, livre au demeurant bien meilleur et plus ambitieux que celui-ci, avait en son temps prêté à sourire… A-t-on jamais envisagé les palmes académiques pour l’auteur de L’Empereur d’Eridan ? Non ? Curieux. Ce vieux Fleuve Noir « Anticipation » de Pierre Barbet vaut bien Intrépide, qui est un roman à lire à la pause-café, dans le bus ou sur le trône. Pour faire la coupure entre deux bouquins plus ambitieux. Plus intéressant que la première série, certes, ça n’en reste pas moins pour fans de la série télé Battlestar Galactica, et autres aficionados de combats spatiaux. Ceux qui ont aimé le premier cycle y trouveront leur compte, les autres peuvent passer leur chemin sans regret aucun.

Le Temps du Déluge

Avec Le Temps du déluge, Margaret Atwood nous propose à nouveau un récit d’anticipation post-apocalyptique, et puisque c’est à la mode, disons-le, une nouvelle dystopie, dans la même veine que La Servante écarlate et Le Dernier homme, dont on retrouve ici certains personnages.

Balayée par le « Déluge des Airs », l’humanité a été décimée. Le monde pullule maintenant d’espèces génétiquement modifiées et seules deux jeunes femmes semblent avoir survécu. Toby, qui se cache dans un centre de balnéothérapie, et Ren, enfermée dans le bordel de luxe où elle était danseuse trapéziste. Toutes deux s’étaient rencontrées au sein de l’étrange secte écolo-religieuse des Jardiniers de Dieu, dirigée par le mystique Adam Premier. A l’époque, le monde « exfernal » était déjà totalitaire, régi par une entreprise de sécurité qui avait pris le pouvoir, le CorpSeCorps. Des communautés s’organisaient pour sortir des Plèbezones, lieux de débauches sexuelles, de trafic de drogues, de mutations transgéniques et autres déchéances. Au gré des souvenirs de Ren et Toby, nous suivrons leur quête de survie, avant et après l’apocalypse. Salué par la presse internationale (The Times, USA Today, The San Francisco Examiner…), cet ouvrage n’en reste pas moins difficile à chroniquer. Seule certitude, Margaret Atwood est sans conteste un auteur brillant et sa dernière production ne peut souffrir d’aucune critique d’un point de vue littéraire stricto sensu. Ce qui ne signifie pas que ce texte soit simple… D’abord par sa construction narrative, alternance de souvenirs des protagonistes, de scènes du présent, de sermons d’Adam Premier et d’extraits du Livre des cantiques des jardiniers de Dieu. Pas la construction la plus évidente d’accès… Ensuite, par le choix de structures langagières pour le moins déroutantes. Margaret Atwood est une créatrice de langage. C’est à la fois fascinant et troublant. D’aucuns pourraient être rebutés, voire irrités, par tant de néologismes et de termes inventés : zécâlines, plèbegang, zécailles, spasolaire, liogneaux, porcons, malchatons… Une prise de risque linguistique de la part de l’auteur qui lui fermera sans doute les portes d’un certain lectorat, tant il est difficile d’entrer dans cet univers décalé. Il faut s’accrocher pour dépasser les cent premières pages ! (Petites parenthèses pour saluer le travail de Jean-Daniel Brèque, qui a dû bien s’amuser à traduire cet ouvrage à l’écriture délirante.) Difficile à chroniquer, donc. Parce que oui, Margaret Atwood est visionnaire, oui, elle est talentueuse, et oui encore, son regard cynique sur les dérives du fanatisme religieux et sa relecture de la Genèse s’avèrent jubilatoires. Mais aussi parce que l’on a parfois l’impression désagréable que l’auteur se regarde un peu trop écrire. Dans le présent ouvrage, c’est pesant. Beaucoup de digressions, de passages dont on aurait pu faire l’économie, sans parler d’une tendance New Age horripilante. Apparemment, tout le monde aime Margaret Atwood. Pour notre part, on ressort de cette dernière lecture plutôt dubitatif. A vous de voir…

Les Créateurs

Court recueil de six nouvelles publié aux éditions Critic, cette dernière livraison de Thomas Geha est un très bon cru. Souvent poétique, documenté, doté d’un style déjà bien affirmé, une sensibilité rare, et le souci permanent d’explorer les sentiments et les émotions de ses personnages, l’auteur affirme ici une plume encore jeune mais déjà bien affutée autour du thème de la création. Impossible de ranger ce recueil dans une classification particulière. On se promène avec bonheur entre le conte, le fantastique, la transfiction, l’uchronie, l’onirique. Le recueil s’ouvre avec « La Voix de monsieur Ambrose », l’histoire d’un acteur de théâtre renommé que la gloire fuit parce que sa voix ne porte pas assez… jusqu’à ce qu’il rencontre un certain Arthur Machen. Dès ce premier texte, Thomas Geha fait montre de l’entendue de son savoir-faire en livrant un Paris du xixe siècle parfaitement réaliste. « Là-bas », Prague, la légende du Golem, une parabole sur un destin brisé. Etrange, dérangeant. L’auteur dit lui-même que cette nouvelle prend sa source dans une expérience amoureuse personnelle et dans le drame Cantat/Trintignant. Envoûtant. « Copeaux » est un conte de Noël bouleversant, le récit d’une jeune orpheline recueillie par ses grands-parents dont le papé est un taiseux. Une nouvelle sombre, triste et belle. Simplement belle. Un exercice pourtant difficile tant le risque d’excès de pathos était grand ; écueil négocié sans heurt par Thomas Geha qui, indubitablement, parvient à toucher le lecteur et lui laisser ce texte en mémoire pour longtemps. « Bris » est une histoire d’amour sur fond de voyage temporel. Un texte étonnant, étrange même, entre rêve et réalité, plein de poésie et de magie. « Dans les jardins », seul inédit de ce recueil, nous plonge à nouveau en terre de Bretagne ; s’y ajoute une lanterne magique, un jardin habité, un peu de fantastique, beaucoup de poésie et une histoire d’amour poignante. La dernière nouvelle, « Sumus Vicinae », est un hommage au compositeur flamand Nicolas Lens. Construite à la manière d’un requiem, c’est surement la plus difficile d’accès, la plus exigeante, tant l’auteur semble parfois parti loin, très loin.

Reste donc, on l’aura compris, un recueil de haute tenue, l’illustration quasi idéale des possibilités de la forme courte qui n’interdit en rien, bien au contraire, de présenter des personnages fouillés et des univers riches de détails. Une vraie réussite. Que dire de plus ? Que Thomas Geha confirme à nouveau avec Les Créateurs qu’il est un auteur à suivre ? Définitivement. Et l’occasion de rappeler ici le travail prometteur des jeunes éditions Critic (tout en renvoyant à la rubrique « Paroles de libraire » du Bifrost n°67).

Women in chains

[Critique commune à Du sel sous les paupières et Women in chains.]

Je ne ferai pas l’affront de présenter Thomas Day aux lecteurs de Bifrost. Rappelons simplement qu’il a commis une cinquantaine de nouvelles, dont certaines lui ont servi de cadre pour développer ses romans ultérieurs (La Voie du sabre, L’Instinct de l’équarisseur).

Du sel sous les paupières s’inscrit dans une démarche identique, l’auteur ayant exhumé et complété un texte paru en 1999 dans l’anthologie steampunk Futurs antérieurs (éd. Fleuve Noir).

Saint-Malo, 1922.  La Grande Guerre vient seulement de s’achever. Sous l’étrange brume qui recouvre désormais toute l’Europe, le peuple tente d’oublier qu’un autre conflit majeur s’annonce déjà, Français et Allemands s’activant pour mettre au point l’arme décisive qui fera gagner leur camp. Judicaël, alias l’Apache, garçon de seize ans, habite avec son grand-père dans la coque d’un bateau retourné. Pour survivre, il vend des illustrés et commet quelques menues rapines. Deux évènements vont le forcer à se hisser au-dessus de sa condition misérable : la mort du vieux bonhomme et l’amour de la jolie Mädchen. Bientôt la jeune fille disparaît… Victime du Rémouleur, le tueur d’enfants qui terrorise la cité corsaire ? Ou victime des expériences menées par les militaires dans la base souterraine située sur la Rance ?

Le roman m’a laissé une impression mitigée. Ni le décor ni les personnages ni le thème ne sont en cause. Le pouvoir d’évocation de l’auteur ne s’est pas émoussé, pas plus que sa capacité à agréger en un tout cohérent les figures et les influences les plus diverses (pêle-mêle : Vernes, Dickens, le cinéma de Caro et Jeunet, et, pourquoi pas, les Celtiques d’Hugo Pratt), situant le texte au carrefour du conte de fée, de l’uchronie et du steampunk. Day réussit en outre à rendre son jeune héros crédible en paumé attachant (à mi-chemin entre Gavroche, Oliver Twist et Huckleberry Finn), métamorphosé par l’amitié et l’amour, l’amitié d’une machine, l’amour né d’un simple regard, la morale de l’histoire s’appuyant d’ailleurs sur cet axiome tout simple : l’amour et l’amitié peuvent tout, ils sont plus grands que la maladie, que les militaires et leurs guerres absurdes, que les dieux du passé. Tout juste pourra-t-on reprocher au texte une dynamique un peu fragmentée, une faiblesse au niveau du déploiement de l’intrigue (la quasi disparition de l’Überspion dès le second acte, par exemple ; par ailleurs, les développements autour de l’IRA et du personnage de Patrick Nolan ne m’ont pas paru très convaincants — plaqués artificiellement sur le cours d’un récit qui n’avait sans doute pas besoin de cet expédient pour trouver une résolution pertinente). Plus embêtant, en mettant un peu d’eau (de rose ?) dans le jus de désespoir où il trempe habituellement sa plume, autrement dit en voulant normaliser son texte il me semble que l’auteur en diminue la portée littéraire. Bien sûr, la dédicace du début laisse peu de place au doute. Mais qu’est-ce qui cara-ctérise Thomas Day ? Qu’est-ce qui le distingue de la meute ? Son univers de violence âpre et dure. C’est pour ça aussi qu’on le lit et qu’on l’aime. Ecrire un roman sans arme ni haine ni violence n’a rien d’infâmant en soi. Mais au milieu d’un tel foisonnement de références (voir exemples supra), je n’ai pas retrouvé l’empreinte habituelle de l’auteur, sa touche personnelle. En l’état, Du sel sous les paupières aurait presque pu être écrit par un autre (ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il soit raté).

Roman édulcoré, Du sel sous les paupières n’ira pas jusqu’à rebuter les lecteurs acharnés de Thomas Day — n’exagérons rien. Toutefois, par sa vocation adolescente, par sa tentation de la normalité, il les laissera peut-être sur leur faim.

Par contraste, les nouvelles qui composent le recueil Women in chains sont terribles, insupportables. L’auteur décrit, par le prisme de quelques vies, la misère de la condition féminine. Cinq destinations, combien de destins brisés ? Mexique, Allemagne, Groenland, Afghanistan, France. On se déplace beaucoup chez Thomas Day, mais comme le précise Catherine Dufour dans sa préface, le recueil « n’est pas un guide touristique […] mais un guide du désespoir. Les voyageurs de Thomas Day ne se promènent pas d’une carte postale à une autre : ils hantent le côté obscur du monde. » Et les voyages se terminent, presque systématiquement, en cauchemars, en trips létaux.

« La Ville féminicide » évoque le mystère des disparues de Ciudad Juarez : un récit brutal qui a l’inconvénient d’arriver après ceux de Sergio González Rodriguez et Roberto Bolaño.

Dans « Eros-Center », une jeune Africaine ambitieuse devient la proie d’un sorcier proxénète (sic) qui l’envoie tapiner à Francfort. Heureusement, une bonne étoile veille sur elle, en la personne d’un immigré turc qui rêve de se faire déniaiser… L’histoire, plaisante, souffre d’une construction éclatée qui peine à imposer son évidence, comme avait su le faire « Dirty Boulevard » (du même auteur, dans le recueil Stairways to hell, éd. du Bélial’) en son temps.

« Tu ne laisseras point vivre » est le récit d’une nymphomane, douée de pouvoirs divinatoires, qui croit trouver dans les solitudes groenlandaises un remède à la corruption des sens et de l’esprit. L’étreinte glacée du grand Nord ne la sauvera pas de spectres trop humains.

Texte le plus politique du recueil, « Nous sommes les violeurs » (publié précédemment dans Bifrost n°62) nous projette dans un futur possible de l’Afghanistan, déchiré par la lutte contre la culture du pavot. Parmi les forces déployées sur le théâtre des opérations, une poignée de mercenaires va se distinguer en utilisant le viol comme mode opératoire et philosophie de guerre. Je n’en dis pas plus, excepté qu’il s’agit du sommet du recueil. Du grand art.

« Poings de suture » est une démarque étonnante du film Real Steel. A la banalité de la violence conjugale l’héroïne opposera, en devenant star des rings, une volonté farouche de reconstruction. Un texte banal d’apparence mais à l’effet libérateur.

Meurtre rituel, prostitution, viol collectif, bastonnade à mort, violence domestique. Voilà des histoires de sexe et de sang qui rebutent, qui scandalisent, sans doute parce que malgré le filtre du fantastique ou de l’anticipation, elles sonnent particulièrement justes. En tant que lecteur, on sort estourbi, désorienté, de ces cinq voyages au bout de la nuit. A la fois excité par la puissance brutale de l’écriture et accablé par les situations. Heureusement, l’humour (noir) de l’auteur rend çà et là plus respirable le déferlement des humeurs. Et le dernier texte ouvre une petite fenêtre vers un coin de ciel bleu. Parce que, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Du sel sous les paupières

[Critique commune à Du sel sous les paupières et Women in chains.]

Je ne ferai pas l’affront de présenter Thomas Day aux lecteurs de Bifrost. Rappelons simplement qu’il a commis une cinquantaine de nouvelles, dont certaines lui ont servi de cadre pour développer ses romans ultérieurs (La Voie du sabre, L’Instinct de l’équarisseur).

Du sel sous les paupières s’inscrit dans une démarche identique, l’auteur ayant exhumé et complété un texte paru en 1999 dans l’anthologie steampunk Futurs antérieurs (éd. Fleuve Noir).

Saint-Malo, 1922.  La Grande Guerre vient seulement de s’achever. Sous l’étrange brume qui recouvre désormais toute l’Europe, le peuple tente d’oublier qu’un autre conflit majeur s’annonce déjà, Français et Allemands s’activant pour mettre au point l’arme décisive qui fera gagner leur camp. Judicaël, alias l’Apache, garçon de seize ans, habite avec son grand-père dans la coque d’un bateau retourné. Pour survivre, il vend des illustrés et commet quelques menues rapines. Deux évènements vont le forcer à se hisser au-dessus de sa condition misérable : la mort du vieux bonhomme et l’amour de la jolie Mädchen. Bientôt la jeune fille disparaît… Victime du Rémouleur, le tueur d’enfants qui terrorise la cité corsaire ? Ou victime des expériences menées par les militaires dans la base souterraine située sur la Rance ?

Le roman m’a laissé une impression mitigée. Ni le décor ni les personnages ni le thème ne sont en cause. Le pouvoir d’évocation de l’auteur ne s’est pas émoussé, pas plus que sa capacité à agréger en un tout cohérent les figures et les influences les plus diverses (pêle-mêle : Vernes, Dickens, le cinéma de Caro et Jeunet, et, pourquoi pas, les Celtiques d’Hugo Pratt), situant le texte au carrefour du conte de fée, de l’uchronie et du steampunk. Day réussit en outre à rendre son jeune héros crédible en paumé attachant (à mi-chemin entre Gavroche, Oliver Twist et Huckleberry Finn), métamorphosé par l’amitié et l’amour, l’amitié d’une machine, l’amour né d’un simple regard, la morale de l’histoire s’appuyant d’ailleurs sur cet axiome tout simple : l’amour et l’amitié peuvent tout, ils sont plus grands que la maladie, que les militaires et leurs guerres absurdes, que les dieux du passé. Tout juste pourra-t-on reprocher au texte une dynamique un peu fragmentée, une faiblesse au niveau du déploiement de l’intrigue (la quasi disparition de l’Überspion dès le second acte, par exemple ; par ailleurs, les développements autour de l’IRA et du personnage de Patrick Nolan ne m’ont pas paru très convaincants — plaqués artificiellement sur le cours d’un récit qui n’avait sans doute pas besoin de cet expédient pour trouver une résolution pertinente). Plus embêtant, en mettant un peu d’eau (de rose ?) dans le jus de désespoir où il trempe habituellement sa plume, autrement dit en voulant normaliser son texte il me semble que l’auteur en diminue la portée littéraire. Bien sûr, la dédicace du début laisse peu de place au doute. Mais qu’est-ce qui cara-ctérise Thomas Day ? Qu’est-ce qui le distingue de la meute ? Son univers de violence âpre et dure. C’est pour ça aussi qu’on le lit et qu’on l’aime. Ecrire un roman sans arme ni haine ni violence n’a rien d’infâmant en soi. Mais au milieu d’un tel foisonnement de références (voir exemples supra), je n’ai pas retrouvé l’empreinte habituelle de l’auteur, sa touche personnelle. En l’état, Du sel sous les paupières aurait presque pu être écrit par un autre (ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il soit raté).

Roman édulcoré, Du sel sous les paupières n’ira pas jusqu’à rebuter les lecteurs acharnés de Thomas Day — n’exagérons rien. Toutefois, par sa vocation adolescente, par sa tentation de la normalité, il les laissera peut-être sur leur faim.

Par contraste, les nouvelles qui composent le recueil Women in chains sont terribles, insupportables. L’auteur décrit, par le prisme de quelques vies, la misère de la condition féminine. Cinq destinations, combien de destins brisés ? Mexique, Allemagne, Groenland, Afghanistan, France. On se déplace beaucoup chez Thomas Day, mais comme le précise Catherine Dufour dans sa préface, le recueil « n’est pas un guide touristique […] mais un guide du désespoir. Les voyageurs de Thomas Day ne se promènent pas d’une carte postale à une autre : ils hantent le côté obscur du monde. » Et les voyages se terminent, presque systématiquement, en cauchemars, en trips létaux.

« La Ville féminicide » évoque le mystère des disparues de Ciudad Juarez : un récit brutal qui a l’inconvénient d’arriver après ceux de Sergio González Rodriguez et Roberto Bolaño.

Dans « Eros-Center », une jeune Africaine ambitieuse devient la proie d’un sorcier proxénète (sic) qui l’envoie tapiner à Francfort. Heureusement, une bonne étoile veille sur elle, en la personne d’un immigré turc qui rêve de se faire déniaiser… L’histoire, plaisante, souffre d’une construction éclatée qui peine à imposer son évidence, comme avait su le faire « Dirty Boulevard » (du même auteur, dans le recueil Stairways to hell, éd. du Bélial’) en son temps.

« Tu ne laisseras point vivre » est le récit d’une nymphomane, douée de pouvoirs divinatoires, qui croit trouver dans les solitudes groenlandaises un remède à la corruption des sens et de l’esprit. L’étreinte glacée du grand Nord ne la sauvera pas de spectres trop humains.

Texte le plus politique du recueil, « Nous sommes les violeurs » (publié précédemment dans Bifrost n°62) nous projette dans un futur possible de l’Afghanistan, déchiré par la lutte contre la culture du pavot. Parmi les forces déployées sur le théâtre des opérations, une poignée de mercenaires va se distinguer en utilisant le viol comme mode opératoire et philosophie de guerre. Je n’en dis pas plus, excepté qu’il s’agit du sommet du recueil. Du grand art.

« Poings de suture » est une démarque étonnante du film Real Steel. A la banalité de la violence conjugale l’héroïne opposera, en devenant star des rings, une volonté farouche de reconstruction. Un texte banal d’apparence mais à l’effet libérateur.

Meurtre rituel, prostitution, viol collectif, bastonnade à mort, violence domestique. Voilà des histoires de sexe et de sang qui rebutent, qui scandalisent, sans doute parce que malgré le filtre du fantastique ou de l’anticipation, elles sonnent particulièrement justes. En tant que lecteur, on sort estourbi, désorienté, de ces cinq voyages au bout de la nuit. A la fois excité par la puissance brutale de l’écriture et accablé par les situations. Heureusement, l’humour (noir) de l’auteur rend çà et là plus respirable le déferlement des humeurs. Et le dernier texte ouvre une petite fenêtre vers un coin de ciel bleu. Parce que, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

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