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Maniac

[Chronique commune à Un prof bien sous tout rapport et Maniac.]

La sortie du deuxième roman d’Eric Bénier-Bürckel, Maniac, chez Flammarion, est un bon prétexte pour faire le point sur cet auteur hallucinant.

Eric Bénier-Bürckel s’est signalé en France dès son premier roman, Un Prof bien sous tout rapport, qui lui a valu les honneurs de la télévision et ceux du prix Sade 2001. Ce prime ouvrage est la recension, fragmentée et vaguement chronologique, de la vie d’un tueur sériel français, jeune professeur de philosophie, qui passe son temps à juger les femmes à l’aune de la taille de leur poitrine, à regarder des conneries à la télé (X-Files et Nulle part ailleurs entre autres), à fréquenter les boîtes de nuit, à voir des ovnis dans le ciel… et qui, de temps en temps, massacre de façon abominable quelque nymphette à gros nichons (à mon humble avis, les pages 230 à 241 dépassent, dans le registre de l’abominable, tout ce qui a été fait précédemment dans le même genre — y compris dans Le Désosseur de Jeffry Deaver). Avec un tel sujet, étalé sur 432 pages pour tout arranger, on était en droit de craindre le pire. Mais il y a une omission dans ce qui précède : Eric Bénier-Bürckel est professeur de philosophie dans un lycée de banlieue, il aime la musique techno et avait vingt-neuf ans au moment de la parution de ce premier livre. En deux mots : il a couché par écrit un vécu qu’il a poussé aux extrêmes limites du fantasme (comment ne pas penser au chef-d’œuvre de Pasolini, sa relecture de Sade, Salo ou les 120 journées de Sodome).

« Je suis prof agrégé de philosophie, j’enseigne dans un lycée de la grande banlieue parisienne, je suis seul, je suis célibataire, j’appartiens à la génération American Psycho, rien ne me choque, tout m’est égal, je ne crains aucune espèce d’autorité, le monde est en train de s’écrouler et… » page 20. Cet extrait m’a plongé dans deux réflexions divergentes et pourtant complémentaires. Première réflexion : cette phrase n’est pas achevée, et si on devait l’achever à la place de l’auteur, on mettrait « … et je participe au phénomène ». Seconde réflexion : le narrateur a lu tous les livres et, contrairement à un Maurice G. Dantec qui croit, lui, avoir compris tous les livres, il ne fait pas de cette culture philosophique une synthèse gloubiboulga à trente centimes d’euro, au contraire, il en fait une synthèse en épée. Je m’explique : Dantec, par réaction contre ce qu’il doit qualifier d’intelligentsia gauchiste bien pensante, mélange L’Art de la guerre de Sun Tzu, les principes du Yoga, ses influences musicales binaires et la relecture nietzschéenne de Gilles Deleuze pour en dégueuler une boue réactionnaire techno-branchouille, vaguement provocatrice, qui ne mène à rien et tend à prouver que les progrès scientifiques et le chaos réorganisent sans cesse le monde (ce dont personne n’a jamais douté). Le procédé de Bénier-Bürckel est inverse : au lieu de faire de la boue, il dresse une épée au dessus d’icelle, une pensée qui domine les autres, une pensée certes biaisée/aiguisée par la folie, mais concise comme un faisceau de lumière cohérente. Cette pensée est simple : « Le monde est en train de s’écrouler et je participe activement au phénomène, car c’est ça être conscient. » Par ailleurs, cette pensée trouve un corollaire tout au long du livre : « Demain, je peux mourir. » Une simple sentence, martelée.

Pour le lecteur de science-fiction, Un Prof bien sous tout rapport est un livre intéressant par de nombreux aspects, car le délire paranoïaque du narrateur, Baptiste Bucadal, est nourri par la théorie UFO-conspiration chère aux X-Files : « Je pense à ma mère, je soupire, et puis je me souviens brusquement d’une chose, je ne sais pas pourquoi juste à ce moment précis : cette nuit, deux petits hommes gris, avec de grands yeux noirs obliques, sont venus dans ma chambre baignée dans une étrange lumière bleue. Ils étaient au bord de mon lit, penchés au-dessus de moi, ils m’observaient sans rien dire. Je les ai vus avec effroi enfoncer une longue aiguille dans mon bras gauche. Je crois bien qu’ils m’ont posé un tube transparent sur la bite et qu’ils m’ont pompé le dard jusqu’à ce que je crache la purée. » Page 49.

Un Prof bien sous tout rapport est-il pour autant un livre parfait ? Bien sûr que non, il y a certains passages qui sont trop longs (notamment, vers la fin du livre, une scène de meurtre réellement insoutenable… vous êtes prévenus). Et la scène clin d’œil à American Psycho, où les téléphones mobiles dernier cri remplacent les cartes de visite des yuppies, est peut être trop appuyée. Il n’empêche que c’est une œuvre puissante, dévastatrice et malheureusement éclairante sur la vie quotidienne des professeurs en France.

Pour ce qui est de Maniac, le second roman de Bénier-Bürckel à ce jour, j’avoue avoir eu le plus grand mal à finir cette plongée dans la paranoïa d’un employé de bureau tête à claques. C’est une œuvre intéressante par certains côtés (avec des passages kafkaïens, des scènes bien senties), mais qui ressemble trop à une version light d’Un Prof bien sous tout rapport. L’auteur continue d’appeler une chatte une chatte, une bite une bite, mais la magie (noire) n’opère plus. Et comme s’il s’en rendait compte, Bénier-Bürckel appelle régulièrement son premier roman à la rescousse : « Je ne suis tout de même pas un canon. Mignon, mais pas beau. Nicolas il est beau. Antony aussi. Ce mec aussi avec qui j’ai discuté l’autre soir au Batofar. Un certain Baptiste. Prof de philo d’après ce que j’ai pu comprendre. Moi je l’aurais bien vu chanter dans un boys band ce mec. Il m’a ricané quand je lui en ai fait la remarque. Tous ces mecs sont vraiment beaux. » Pages 65-66.

Nous avions dans nos chères librairies Parasites de Murakami Ryu, retraçant le parcours d’un tueur sériel japonais, American Psycho de Bret Easton Ellis, évidemment, et maintenant Eric Bénier-Bürckel qui nous parle des psychopathes français avec une langue brutale et crue. Une dernière chose : si vous avez une jolie fille de dix-sept ans environ qui a 1/ une grosse poitrine et 2/ Eric Bénier-Bürckel comme professeur de philosophie, un petit conseil : au nom du principe de précaution, changez-la d’établissement.

Un prof bien sous tout rapport

[Chronique commune à Un prof bien sous tout rapport et Maniac.]

La sortie du deuxième roman d’Eric Bénier-Bürckel, Maniac, chez Flammarion, est un bon prétexte pour faire le point sur cet auteur hallucinant.

Eric Bénier-Bürckel s’est signalé en France dès son premier roman, Un Prof bien sous tout rapport, qui lui a valu les honneurs de la télévision et ceux du prix Sade 2001. Ce prime ouvrage est la recension, fragmentée et vaguement chronologique, de la vie d’un tueur sériel français, jeune professeur de philosophie, qui passe son temps à juger les femmes à l’aune de la taille de leur poitrine, à regarder des conneries à la télé (X-Files et Nulle part ailleurs entre autres), à fréquenter les boîtes de nuit, à voir des ovnis dans le ciel… et qui, de temps en temps, massacre de façon abominable quelque nymphette à gros nichons (à mon humble avis, les pages 230 à 241 dépassent, dans le registre de l’abominable, tout ce qui a été fait précédemment dans le même genre — y compris dans Le Désosseur de Jeffry Deaver). Avec un tel sujet, étalé sur 432 pages pour tout arranger, on était en droit de craindre le pire. Mais il y a une omission dans ce qui précède : Eric Bénier-Bürckel est professeur de philosophie dans un lycée de banlieue, il aime la musique techno et avait vingt-neuf ans au moment de la parution de ce premier livre. En deux mots : il a couché par écrit un vécu qu’il a poussé aux extrêmes limites du fantasme (comment ne pas penser au chef-d’œuvre de Pasolini, sa relecture de Sade, Salo ou les 120 journées de Sodome).

« Je suis prof agrégé de philosophie, j’enseigne dans un lycée de la grande banlieue parisienne, je suis seul, je suis célibataire, j’appartiens à la génération American Psycho, rien ne me choque, tout m’est égal, je ne crains aucune espèce d’autorité, le monde est en train de s’écrouler et… » page 20. Cet extrait m’a plongé dans deux réflexions divergentes et pourtant complémentaires. Première réflexion : cette phrase n’est pas achevée, et si on devait l’achever à la place de l’auteur, on mettrait « … et je participe au phénomène ». Seconde réflexion : le narrateur a lu tous les livres et, contrairement à un Maurice G. Dantec qui croit, lui, avoir compris tous les livres, il ne fait pas de cette culture philosophique une synthèse gloubiboulga à trente centimes d’euro, au contraire, il en fait une synthèse en épée. Je m’explique : Dantec, par réaction contre ce qu’il doit qualifier d’intelligentsia gauchiste bien pensante, mélange L’Art de la guerre de Sun Tzu, les principes du Yoga, ses influences musicales binaires et la relecture nietzschéenne de Gilles Deleuze pour en dégueuler une boue réactionnaire techno-branchouille, vaguement provocatrice, qui ne mène à rien et tend à prouver que les progrès scientifiques et le chaos réorganisent sans cesse le monde (ce dont personne n’a jamais douté). Le procédé de Bénier-Bürckel est inverse : au lieu de faire de la boue, il dresse une épée au dessus d’icelle, une pensée qui domine les autres, une pensée certes biaisée/aiguisée par la folie, mais concise comme un faisceau de lumière cohérente. Cette pensée est simple : « Le monde est en train de s’écrouler et je participe activement au phénomène, car c’est ça être conscient. » Par ailleurs, cette pensée trouve un corollaire tout au long du livre : « Demain, je peux mourir. » Une simple sentence, martelée.

Pour le lecteur de science-fiction, Un Prof bien sous tout rapport est un livre intéressant par de nombreux aspects, car le délire paranoïaque du narrateur, Baptiste Bucadal, est nourri par la théorie UFO-conspiration chère aux X-Files : « Je pense à ma mère, je soupire, et puis je me souviens brusquement d’une chose, je ne sais pas pourquoi juste à ce moment précis : cette nuit, deux petits hommes gris, avec de grands yeux noirs obliques, sont venus dans ma chambre baignée dans une étrange lumière bleue. Ils étaient au bord de mon lit, penchés au-dessus de moi, ils m’observaient sans rien dire. Je les ai vus avec effroi enfoncer une longue aiguille dans mon bras gauche. Je crois bien qu’ils m’ont posé un tube transparent sur la bite et qu’ils m’ont pompé le dard jusqu’à ce que je crache la purée. » Page 49.

Un Prof bien sous tout rapport est-il pour autant un livre parfait ? Bien sûr que non, il y a certains passages qui sont trop longs (notamment, vers la fin du livre, une scène de meurtre réellement insoutenable… vous êtes prévenus). Et la scène clin d’œil à American Psycho, où les téléphones mobiles dernier cri remplacent les cartes de visite des yuppies, est peut être trop appuyée. Il n’empêche que c’est une œuvre puissante, dévastatrice et malheureusement éclairante sur la vie quotidienne des professeurs en France.

Pour ce qui est de Maniac, le second roman de Bénier-Bürckel à ce jour, j’avoue avoir eu le plus grand mal à finir cette plongée dans la paranoïa d’un employé de bureau tête à claques. C’est une œuvre intéressante par certains côtés (avec des passages kafkaïens, des scènes bien senties), mais qui ressemble trop à une version light d’Un Prof bien sous tout rapport. L’auteur continue d’appeler une chatte une chatte, une bite une bite, mais la magie (noire) n’opère plus. Et comme s’il s’en rendait compte, Bénier-Bürckel appelle régulièrement son premier roman à la rescousse : « Je ne suis tout de même pas un canon. Mignon, mais pas beau. Nicolas il est beau. Antony aussi. Ce mec aussi avec qui j’ai discuté l’autre soir au Batofar. Un certain Baptiste. Prof de philo d’après ce que j’ai pu comprendre. Moi je l’aurais bien vu chanter dans un boys band ce mec. Il m’a ricané quand je lui en ai fait la remarque. Tous ces mecs sont vraiment beaux. » Pages 65-66.

Nous avions dans nos chères librairies Parasites de Murakami Ryu, retraçant le parcours d’un tueur sériel japonais, American Psycho de Bret Easton Ellis, évidemment, et maintenant Eric Bénier-Bürckel qui nous parle des psychopathes français avec une langue brutale et crue. Une dernière chose : si vous avez une jolie fille de dix-sept ans environ qui a 1/ une grosse poitrine et 2/ Eric Bénier-Bürckel comme professeur de philosophie, un petit conseil : au nom du principe de précaution, changez-la d’établissement.

Les Poubelles du Walhalla

« Hé le Cid, j’ai pas reçu ta chronique du nouveau Marchika…

— T’as de quoi noter ?

— Beuarr. »

(Rot de bière économique vendue par lot de quarante-huit canettes à 9 euros 99 chez Le Mutant.)

« Heu, rédac’chef… j’ai  dit  noter,  pas roter… Et pour en revenir au livre cité supra, voici mon commentaire : “ Des Poubelles du Walhalla à la poubelle de Bifrost il n’y a qu’un pas, un pas que môa, Cid Vicious, l’unique, le seul, n’hésite aucunement à franchir. ”

— Quoi !? C’est tout ? Tu te fous de ma gueule, Vicious ? Faudrait quand même voire à me trouver un ou deux arguments, sinon le C.S.N.D.A.T.&Co (1) va encore nous tomber dessus ! D’autant que c’est pas tous les jours que Mnémos publie un recueil de nouvelles… Et moi, j’aime bien les nouvelles…

— Des arguments ?

— Ben ouais… des trucs pour expliquer, quoi.

— Bon… Les Poubelles du Walhalla est un livre-concept, un recueil de nouvelles affligeantes publié sous une couverture hideuse servi par un quatrième de couverture grotesque. Un summum du je-men-foutisme éditorial que même un stagiaire de chez Nestiveqnen n’aurait pas réussi à proposer à la publication. Rien à sauver, pas même les deux textes les plus ambitieux : « 20 juillet 1944, vanitas vanitatum » et « Aux portes d’Aleph-Deux », dont il ne ressort pas la moindre maîtrise narrative, ni ambiance, ni climax, ni tension, rien, nada, peau d’nibe, qu’dale. Ça te va, comme argumentation, ou t’en veux encore ?

— Mwouais… C’est sûr que vu comme ça, vaut mieux pas en rajouter…

— Eh, patron !?

— Quoi ?

— Mes amitiés au C.S.N.D.A.T.&Co !

— Connard… »

(1). Comité de Soutien des Nullardos : Dorny, Aubenque, Tanner et compagnie.

Le Songe des Immortels

Dans un futur d'un manque de crédibilité à faire passer George Lucas pour un grand visionnaire, Lewis Khandra est un militaire qui va être envoyé en mission secrète pour infiltrer le Mouvement Révolutionnaire des Villes d'Ombre, suspecté d'être à l'origine d'un attentat meurtrier sur Mars (style 11 septembre ferroviaire). Comme notre Lewis est un gros lourdaud, ça ne va pas se passer exactement comme prévu…

Quantex fait partie de ces livres-dilemmes dont on voudrait dire le plus grand bien, mais dont on pourrait, sans difficulté aucune, dire le plus grand mal. Démonstration…

Le pour : Quantex est un Dune à la française, un projet littéraire qui ne manque pas de gueule, une sorte de roman ayerdhalien mêlant religion, politique et nouvelles technologies. Deux suites sont d'ores et déjà prévues. La forme de voyage spatial est intéressante (c'est du nimportnawak, mais du nimportnawak intéressant).

Le contre : De temps en temps, ça pue la S-F militariste à plein nez. C'est construit n'importe comment, par couches d'exposition successives, style maquillage à la truelle pour pute quinquagénaire en préretraite. Le récit est mou du nœud, les personnages sont creux, les scènes d'action poussives, on frôle sans cesse l'inondation d'adjectifs. Scientifiquement, c'est n'importe quoi (vous me direz, c'est de la science-fiction… cependant, de là à se bombarder, probablement sans s'en rendre compte, auteur de hard-science, de mettre des théories scientifiques en avant, etc. — voilà de la pseudo-physique plaquée, rien n'a été digéré). Le marsénium est une invention des moins inspirées qui n'a pas la puissance évocatrice de la sainte épice.

« Ne me demandez surtout pas comment fonctionne exactement la propulsion transgémellaire. Je n'en sais rien. Personne n'en sait rien ! Tout ce que je peux vous dire, c'est que le secret se trouve au cœur atomique des cristaux de marsénium. » Page 31. Putain ! ce qu'ils sont forts, les scientifiques du XXXe siècle !

Le summum reste quand même l'habituel florilège made in Mnémos : « Farenheit » au lieu de Fahrenheit, « vingt quatre » sans trait d'union, « Franck Herbert » avé le « c », et j'en passe, tellement la liste est longue.

Ludovic Albar a lu Dune, a aimé Dune (l'épice est devenu le marsénium ; le « voyager sans se déplacer », la propulsion transgémellaire ; tout comme Paul Atréides, Lewis Khandra a perdu son père alors qu'il était encore jeune). Voilà donc un nouvel auteur Mnémos plutôt moins pire que les précédents lauréats (Dorny, Marchika, Karle), un auteur qu'on suivra probablement avec plaisir, quand il se sera débarrassé de ses influences trop prégnantes et qu'il aura compris qu'un récit ne se construit pas en plages d'exposition successives.

Le Royaume unique

Parce qu'ils ont trouvé des reliques sur un ancien champ de bataille considéré comme maudit, Tam, Baore et Fynnol ont décidé de descendre la rivière Wynnd jusqu'à Inniseth. Là, ils pourront vendre leurs trouvailles et peut-être acheter des chevaux. Durant leur première nuit passée à la belle étoile, ils rencontrent un voyageur érudit, Alaan, accompagné d'un whyst domestiqué, un oiseau nocturne toujours considéré comme un mauvais augure. Alaan, en réveillant les trois compagnons en pleine nuit, les sauve d'une mort certaine. En effet, des hommes d'armes approchent avec de mauvaises intentions. Couverts par Alaan, qui périt dans l'assaut, Tam, Baore et Fynnol réussissent à s'enfuir mais perdent leur bateau et leur précieuse cargaison. Recueillis par un groupe de gens du voyage, ils racontent leur histoire et rencontrent Cynndl, le quêteur d'histoire qui leur propose aussitôt de les accompagner jusqu'au plateau de Kerns où sont élevés de magnifiques chevaux. Pour arriver à destination, un long voyage en bateau les attend. Un périple merveilleux (à la Marco Polo mâtiné de Braveheart) qui les plongera dans une réalité qu'ils n'avaient fait qu'effleurer, car leur royaume se déchire : deux familles, les Renné et les Wills, s'affrontent par tournois et intrigues interposés afin de succéder au défunt roi Ayr. Au final, Cynndl, Tam, Baore et Fynnol ne pourront qu'entrer dans le tourbillon de l'Histoire.

Après un premier chapitre pour le moins laborieux (problèmes de traduction ?), c'est à une jolie aventure que nous invite Sean Russell (par ailleurs auteur du magnifique diptyque Sea Without Shore, World Without End), une aventure un brin écossaise qui évoque les romans d'exploration de Jack London (omniprésence de la nature et de ses dangers), mais aussi la fresque de Robin Hobb, L'Assassin royal. On notera avec plaisir que, contrairement à bien des productions Mnémos récentes, la traduction, sans être géniale (il reste des pains à droite et à gauche), est 99,9 pour cent du temps agréable à lire. Ce volume étant le premier d'un cycle qui en comptera six (si les dieux prêtent vie aux éditions Mnémos), on peut difficilement émettre un avis définitif, mais par contre on s'autorisera à quelques remarques susceptibles d'aiguiller le lecteur potentiel. D'abord, le style de Russell, qui s'autorise parfois à être contemplatif, est très supérieur à celui de David Gemmell et rivalise sans mal avec celui de Tad Williams ; il en découle de très bonnes ambiances, de jolies scènes. Ensuite, les personnages sont réussis, humains, voire carrément touchants, comme Tam, ou fascinants, comme Alaan et Cynndl. Voilà donc, publié chez Mnémos, un nouveau cycle de fantasy qui, s'il y a un minimum de justice commercialo-littéraire, devrait rencontrer un large et mérité succès.

Mirages lointains

Dans La Tour des rêves, précédent roman de l'auteur critiqué dans le n° 26 de votre revue préférée, on suivait la quête de Blaine Ramsey, prospecteur en archétypes et occidental bon teint désireux de sauver la belle actrice égyptienne Aïda de ses tortionnaires, le tout sur fond d'immeubles qui se pètent la gueule. Dans Mirages lointains, on suit l'immersion de Wayne Dolan dans un environnement particulier, celui de la Fondation Deriwelle : un ramassis de savants (fous pour la plupart) qui cherchent à prouver que Dieu existe ou, au contraire, qu'il n'existe pas. Voilà donc le point de départ de ce roman de trois cents pages (ajoutez à cela une maison sur la plage et vous aurez le décor), sauf que Jamil Nasir ne nous raconte pas cette histoire-là. Il nous en raconte une autre — la sienne sans doute —, celle d'un homme qui essaye de survivre à son divorce, de finir son dernier livre de science-fiction et d'en mettre un petit coup à la fille soyeuse (son fantasme portatif ; une vulgaire pute de luxe en fait). Un homme qui, d'être trop resté adolescent, ne va pas tarder à tomber amoureux d'une insupportable junkie. Une mante religieuse infirme qui va, peu à peu, emporter Wayne avec elle dans sa spirale autodestructrice.

Livre dickien, psychothérapie rémunératrice, réflexion sur Dieu, l'amour et les filles trop belles, Mirages lointains est tout ça et bien plus encore (la beauté est le plus traître des mirages). Malheureusement, une fois l'ouvrage terminé, la frustration est importante car l'auteur ne répond à aucune des questions science-fictives qu'il pose, préférant répondre aux autres et explorer les confins de sa sexualité déclinante. Dans le même genre, avec franchement plus d'action, j'avais préféré Mysterium de Robert Charles Wilson, petit chef-d'œuvre traduit lui aussi par Pierre-Paul Durastanti. Mirages lointains n'est pas un mauvais livre, surtout en regard du reste de la production, c'est juste un livre étrange, déconcertant et axé principalement sur le traumatisme que constitue un divorce. Autre problème, il s'agit d'un ouvrage qui ne commence réellement qu'à la page 112, de quoi laisser bien des lecteurs en chemin.

Blanche neige, rouge sang

Je l'imagine bien, l'Abbé Ruaud, ouvrant son église lyonnaise du jeudi midi et s'apprêtant à faire son prêche tel Orson Welles au début du Moby Dick de John Huston. Je vois parfaitement les visages de l'assemblée, caressés par la lumière colorée que laissent passer les vitraux représentant la féerique trinité : Elric, Merlin et Gandalf. Dans le public, ça frétille déjà des neurones : le maître va parler, une fois ses lunettes recalées sur le bout de son nez. « Mes très chers frères, mes très chères sœurs, lecteurs, lectrices, cette nuit la Reine des Fées est venue à moi. Elle était là, arrivée tout droit de Faërie, assise au bord de mon lit, un hanap à la main. Elle m'a regardé droit dans les yeux et m'a murmuré un secret. Ce secret, aujourd'hui je vous le livre. Des trois anthologies de fantasy publiées ces dernières années par le Fleuve Noir, la meilleure est de loin… » Silence total, même les fées ont arrêté de battre des ailes. Les visages de crispent. Henri Lœvenbruck et Alain Névant se prennent par la main ; coincé entre les deux, Stéphane Marsan s'est caché au fin fond de son col roulé noir. L'Abbé Ruaud se racle la gorge : « L'anthologie d'Ellen Datlow et Terry Windling, Blanche neige, rouge sang. » L'assistance est consternée, les fées se sont remises à battre des ailes et fusent en tous sens, ivres de joie.

Force est de constater qu'elle a raison, cette terrible Reine des Fées, car à l'exception de quelques nouvelles faibles (celles de Gahan Wilson, Kathe Koja, Leonard Ryskyd), le reste tient méchamment la route. Et dans le flot de ces contes anciens (Blanche Neige, Hansel et Gretel, le Petit Chaperon Rouge) remis au goût du jour, modernisés, quelques textes emportent le morceau, telle la version du Petit Poucet que nous propose Steve Rasnic Tem, ou cette « Fille de Gothel » que nous offre le méconnu Gregory Frost. Le texte le plus percutant de cette anthologie est peut être celui de Wendy Wheeler, « Carmina », un mélange sulfureux du Petit chaperon rouge et de Lolita.

Unique bémol, mais de taille : impossible de ne pas signaler la globale médiocrité des traductions, qui oscillent entre l'épouvantable (celles des deux introductions — non signées) et le correct (Florence Mantran) en passant par le médiocre (Duveau et Fazi). Et puis, prendre Siudmak pour illustrer pareil livre…

Queen City Jazz

À qui souhaite se lancer dans la lecture de Queen City Jazz, un conseil : qu'il se munisse d'aspirine et de patience. Parce qu'en ce qui me concerne, ce roman m'a donné autant mal au crâne qu'un solo de saxophone d'une vingtaine d'heures…

L'idée de base est intéressante : les États-Unis ont été profondément transformés par le développement de la nanotechnologie, « pierre philosophale » moderne qui permet les transmutations les plus diverses : n'importe quel élément est susceptible d'être synthétisé à la demande pour un coût quasi nul. Des villes se sont développées, dans lesquelles des abeilles monstrueuses, substituts insectoïdes des ordinateurs éteints depuis longtemps, transportent les informations des « immeubles-Fleurs » à la Ruche. Chaque cité ainsi « convertie » est supposée offrir à ses habitants une qualité de vie supérieure, pourvu qu'ils acceptent d'entrer dans cette « Ruche ». Le problème est que le système s'est manifestement déréglé : les abeilles terrorisent la population, condamnée à vivre et revivre en boucle une vie tirée des fantasmes schizophréniques du bâtisseur de la Cité, hanté par le jazz et la littérature américaine. Pour ne rien arranger, une « peste nanotech » s'est répandue dans le pays, qui pousse les survivants à se diriger, on ne sait pourquoi, vers « Norléans ».

Lorsque cette peste atteint la petite communauté de « Shakers » dans laquelle vit Verity, l'un des Aînés, John, devient fou et abat Braise, ami d'enfance de Verity, ainsi que Caire, sa chienne. Par miracle, Russ, le doyen, dispose de deux couvertures de survie nanotech qui permettent un état d'animation suspendue. Verity, pour tenter de ressusciter ses amis, choisit de remonter à la source du monde nanotech, dans le berceau du Diable, du point de vue des Shakers, à Cincinnati, que, seule, elle ne semble pas craindre. Et qui depuis toujours paraît l'appeler au son délicat d'une cloche. Son parcours dans cette ville lui apprendra les secrets de l'élaboration des Cités Fleuries et la raison d'être des étranges excroissances logées derrière ses oreilles.

Si le monde inventé par l'auteur est foisonnant… le récit a bien du mal à s'organiser. La partie consacrée à la vie du camp Shaker est conséquente, sans pourtant en donner une image nette : que sont donc ces « Dons » des personnages, ou les « Livres » qu'ils tiennent ? De même, on a du mal à saisir l'intérêt des péripéties du voyage vers Cincinnati. Les personnages s'agitent sans vraiment parvenir à prendre corps, souvent d'ailleurs parce qu'ils ne font effectivement que passer dans le récit, tels de simples figurants.

Les explications concernant la naissance des Cités sont fournies — dans le désordre — par des « flashes » dans l'esprit de Verity : leur créateur, Abe Durancy, communique avec l'héroïne au moyen des « éponges mémorielles » placées derrière ses oreilles qui la relient à la Ruche. Le récit s'encombre alors de multiples micro-récits relevant de l'analyse psychanalytique des névroses du nanotechnicien, qui dévoilent un complexe d'Œdipe mal résolu l'ayant entraîné à sauver de la mort sa mère contre son gré en l'introduisant dans la matrice de la Cité et en en faisant la Reine de la Ruche, ce qui semble être la cause du détraquement du système. (Bien que, là-dessus, le récit soit d'une confusion suffisante pour que je ne me prononce pas…) Dans tous les cas, le fils génial souffre d'une fixation affective sur sa mère, générant des problèmes relationnels avec les femmes, ce qui justifie manifestement le choix du modèle de la ruche pour ses Cités, sur le plan symbolique. Et Verity, qu'il a choisi pour être son lien avec le monde et résoudre ses problèmes psychologiques, commet elle-même semblable « faute œdipienne » en imposant la survie à Braise et Caire… Abe, au nom prophétique prédestiné, souffre lui aussi d'un complexe de culpabilité, se rendant responsable de l'échec de la Cité au nom de son égoïsme. Bref, un délice pour freudien en mal de patients…

Le roman, très touffu, est desservi par un mode d'écriture (la faute à la traduction ?) tout en redondances et en redites subtilement modifiées. Un style qu'on qualifierait volontiers d'alvéolaire, pour ne pas quitter l'apiculture : les phrases tournent et se retournent, pour finalement dire toujours la même chose. L'auteur tente par là d'entretenir le suspense, ce qui se solde souvent par une confusion noire ou un échec total. (Non ? ! Pas possible que Verity soit la nouvelle Reine de la ruche ! ? Là, franchement, on l'avait pas vu venir depuis 300 pages…) Plus ennuyeux : après tant de longueurs, la solution finale au problème de Cincinnati alterne entre naïveté bâclée et obscurité. Un simple « virus » qui modifie toute la Cité, prévu des années auparavant par l'amie-amante de Durancy, c'est un peu gros, surtout après une mise en scène à la limite du grotesque d'une partie de base-ball pendant laquelle Verity répand la peste norléanaise pour guérir les habitants de la Cité Reine…

La fin est volontairement ouverte, puisque trois volumes restent à venir, mais ne crée pas de réelle attente. L'épisode est manifestement clos : la jointure avec un nouveau récit risque fort de se réduire à la chaussée du pont que traverse l'héroïne… aucun personnage, même Sphère, le jazzman passionné, l'incarnation finale du Jazz, ne parvient à nous intéresser à son destin. Tous disparaissent derrière l'ampleur presque étouffante de la Cité et de son histoire, un peu comme les abeilles sont « absorbées » par le système de la Ruche.

Au final donc, un livre très confus, tortueux, mais qui révèle néanmoins un imaginaire puissant et novateur. Peut-être la longueur de l'ensemble nuit-elle à la force évocatrice de l'auteur, peut-être la traduction ne rend-elle pas hommage à son talent. Une chose est sûre : il s'agit ici de la première incursion de Goonan dans le roman, et débuter par une tétralogie, ce n'est pas la voie la plus évidente. Il faudra donc attendre le second volume, Mississippi Blues, pour décider plus sûrement de la valeur de l'ensemble. Jusque-là, on considérera ce nouvel auteur américain fraîchement débarqué sur la scène francophone avec un peu plus que de la suspicion…

Le Feu primordial

Un roman à ne pas commencer si vous avez quoi que ce soit d'urgent à faire… Parce qu'une fois ouverte la première page, avant même le début du récit proprement dit, une carte, un plan et une liste des personnages suffisent à vous dire que vous n'en lèverez plus le nez avant l'ultime ligne. Et c'est vrai.

Un sorcier du nom d'Urbain Grandier semble sévir dans la capitale, Vienne. Galen Dubell, sorcier banni du royaume d'Ile-Rien dix ans auparavant, a été rappelé, car le docteur Sûreté, sorcier de la Cour jusqu'alors, est décédé dans d'étranges circonstances… Au même moment débarque Kade, la demi-sœur à moitié fée du roi Roland, fille de la Reine de l'air et des ténèbres, venue régler ses comptes avec son frère et sa belle-mère, Ravenna, la reine douairière au courage exemplaire et à la forte personnalité, qui maintient le pouvoir dans le droit chemin avec un art consommé de la diplomatie… Fantoche faible et impressionnable, traumatisé dans l'enfance par son père Fulstan, Roland est entièrement sous l'influence de Denzil, noble aux mystérieuses machinations, qui le dresse contre la faction de Ravenna. Thomas Boniface, ancien amant de la reine douairière et capitaine de ses gardes, doit alors tenter de maintenir un semblant d'ordre en Ile-Rien et démêler les alliances et projets de chacun, alors que la Horde des fées noires lance l'assaut — aidée par qui ? — sur le palais… On se gardera d'en dire davantage, car le suspense est si parfaitement maintenu au long du récit que ce serait sacrilège que d'en dévoiler d'autres éléments.

L'ouverture du roman est pensée comme une pièce de théâtre : plan du décor — le palais de Vienne en Ile-Rien — et liste des personnages : vingt et un exactement, sans les figurants. Le drame se déroulera en à peine quelques jours, sans sortir ou presque de ce domaine, sans ajout de personnages… et sans le moindre répit pour le lecteur. Le récit est mené de main de maître, parfaitement ficelé et avec ce qu'il faut de respiration pour ne pas se réduire à un pur scénario de film d'action. Le décor, sans fausses notes, ne révolutionne pas l'univers de la fantasy, mais ne donne pas non plus trop dans le « Donjons et Dragons » : souvent, dans le cours du texte, on oublie que circulent ici fées et sorciers tant l'univers décrit acquiert de puissance réaliste. Un roman « de cape et de fées », sans vouloir faire dans le jeu de mots simpliste… Les dialogues ne sont pas dénués d'un certain humour et évitent le ton pompeux que pourrait réclamer la nature dramatique des événements et le genre du roman. Parfois, au début surtout, on se dit que ce pourrait être du Terry Pratchett : il règne dans le quartier brûlé des premières pages une ambiance d'Ankh-Morpork, encore renforcée par la remarque de Thomas sur le fait qu'on lui a adjoint un sorcier furieusement incompétent, que le lecteur baptiserait bien Rincevent. Ne confondons pas tout de même pas : le ton du récit reste sérieux, et, si humour il y a, il est bien souvent teinté de noirceur ironique.

Bref, sans chercher à renouveler les codes et canons propres à la fantasy, Martha Wells produit une œuvre parfaitement maîtrisée, palpitante, qui procure un réel plaisir de lecture — ce qui semble être le moins que l'on puisse attendre d'un livre et qui pourtant, en ces temps de production pléthorique, est loin d'être si courant… Vous savez donc ce qui vous reste à faire : ajouter Le Feu primordial à votre bibliothèque, tout simplement.

Périphériques

Michel Houellebecq donne, dans un article publié dans la NRF en avril 2002, une définition de ce que peut faire la science-fiction lorsqu'elle est judicieusement exploitée : réaliser une authentique mise en perspective de l'humanité, de ses coutumes, de ses connaissances, de ses valeurs, de son existence même ; étant ainsi, au sens le plus authentique du terme, une littérature philosophique. Les romans de Dantec collent parfaitement à cette définition. En lisant Les Racines du mal, Babylon babies ou la superbe novella « Là où tombent les anges », on se doute que leur auteur n'hésite guère à plonger ses mains dans le chaos métaphysique. Quitte à ce qu'elles en ressortent avec quelques stigmates. Ce recueil est là pour nous le confirmer, que ce soit au travers des textes critiques ou de l'interview minutieuse, quasi chirurgicale, conduite par Richard Comballot. La chair de la fiction et les nerfs de la critique s'y greffent pour engendrer en une mystérieuse alchimie, en une miraculeuse transsubstantiation, en une infinie recombinaison du grand séquenceur verbomoteur, le portrait pixellisé de l'auteur.

À côté des textes précités, la thématique beaucoup moins tendue, voire saupoudrée d'humour qui habite ses premières nouvelles : « Dieu porte-t-il des lunettes noires ? » ou « THX Baby », n'est pas sans rappeler certains récits d'Andrew Weiner, comme « Fugue » ou « Devenir indigène ». De petites perles où le cocasse alterne avec l'angoisse.

La lecture des textes critiques dans l'ordre chronologique nous révèle qu'au fil des années, Maurice Dantec s'imprègne, s'imbibe, se nourrit de sa propre fiction et que la distance qui le sépare de ses écrits s'amenuise de plus en plus pour, peut-être un jour, disparaître et donner naissance à une sorte d'entité hybride, une copulation virale, une usine à produire le réel, le grand Broyeur de la Nouvelle Synthèse Sub-Réaliste qui établira définitivement les premiers principes de thermodynamique transfictionnelle chers à l'auteur. Maurice G. Dantec, tout comme Philip K. Dick il y a quelques années, devient, par le biais d'une hallucinante transmigration verbomotrice, Le Livre duquel il arrache les pages de ses fictions.

À ce titre, ce recueil, en alternant articles, entretiens, conférences, nouvelles et discours, brosse un portrait-miroir passionnant de l'auteur et de son œuvre et démontre une fois de plus que le tout est bien supérieur à la somme des parties.

Alors si vous ne voulez pas rater le train pour Villa Vortex, foncez tout de suite sur les périfs1 !

 

Notes :

1. Autres périphériques conseillés : Les larmes de Nietzsche — Richard Pinhas (préface de Maurice Dantec) — Flammarion — 2001 ; Schizotrope III (Richard Pinhas & Maurice Dantec) le/pli — CD 73' — Emma production — 2001

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