Connexion

Actualités

Dichronauts

Dans l’univers de Dichronauts, il n’y a pas trois dimensions de l’espace et une du temps mais deux de l’espace et deux du temps. Le monde qu’y installe Egan est, du fait des spécificités de la gravité locale, un hyperboloïde infini. La partie centrale et resserrée en constitue la zone habitable, autour de laquelle orbite le soleil. Une zone habitable étroite mais qui s’explique par les particularités de cet univers dont les caractéristiques physiques impliquent l’existence de deux cônes obscurs pour la lumière. De ce fait, le soleil n’éclaire que la partie qui lui fait directement face ; au « nord » ou au « sud » sa lumière disparaît, et le « terminateur » forme une bande de radiation solaire extrême nommée Été absolu où toute vie est impossible en raison de la distance soleil/ hyperboloïde qui y est minimale. Une barrière infranchissable car mortelle. Qu’importe, dira-t-on, il suffit de vivre dans la zone habitable et d’envoyer paître la géométrie. Hélas, ce n’est pas si simple, car l’hyperboloïde subit une rotation lente qui déplace le cône de lumière solaire – et donc la zone habitable – vers le sud. Les habitants de ce monde migrent donc, de générations en générations, emportant avec eux leurs villes, toujours plus loin vers le sud, pour fuir l’Été absolu qui approche et rester dans la zone vivable.

Jusque-là, on pourrait se croire dans Le Monde inverti de Christopher Priest. Mais Egan pousse le bouchon plus loin – trop, sans doute. Sur ce monde vivent des Walkers qui naissent orientés Est ou Ouest. Un Est, comme Seth, le protagoniste du roman, peut voir et avancer vers l’est, il peut voir vers l’ouest en retournant sa tête et y aller à reculons, mais il ne peut voir ni le sud ni le nord, et ne peut jamais se tourner dans ces directions sous peine de s’allonger indéfiniment en raison de la géométrie particulière de l’univers. Pour aller vers le nord ou le sud, Seth et les autres Walkers progressent donc en crabe, et ils se fient pour cela à la « vision » sonar de leur Sider. En effet, chaque Walker abrite dans son crâne un Sider, parasite hématophage sentient – celui de Seth se nomme Théo et, des deux, il est le plus pertinent – avec lequel il entretient une relation faite de visions échangées (au sens propre) et de communication interne.

Seth et Théo viennent d’embrasser la profession d’arpenteur. Leur première mission, au sein d’une équipe plus expérimentée, les conduit loin vers le sud, à la recherche d’une rivière près de laquelle déplacer leur ville d’origine. Vers le sud car l’Été absolu est chaque jour plus proche, et près d’une rivière car sinon aucune agriculture ne sera possible. Mais voilà que l’équipe tombe sur un immense gouffre qui barre l’axe O/E. Est-ce le bout du monde ? La migration s’arrêtera-t-elle au bord de l’abîme ? Ou y a-t-il une solution à découvrir en plongeant dans l’inconnu ?

Avec Dichronauts, son tout dernier roman hard SF, Egan poursuit l’exploration des univers à physique différente. Si « Orthogonal » était étrange, la trilogie portait une vraie histoire, avec de vrais développements. Et même si la physique y était parfois complexe, le lecteur comprenait toujours en quoi elle posait problème aux héros ou au contraire leur offrait une solution. Enfin, les personnages y étaient très développés, incroyables et attachants à la fois.

Hélas, rien de tout cela dans Dichronauts. Les bonnes idées foisonnent pourtant. Géométrie si particulière du monde, enjeu vital, relations parfois tendues entre Walkers et Siders, monde sous le monde, mécanismes d’évolution, difficultés de communication, etc. Mais le soubassement physique, souvent trop ardu, éloigne le lecteur du récit, et les points politiques ou sociaux d’une telle société ne sont qu’effleurés. Ainsi, une grosse partie du roman, qui pourrait être terrifiante, tourne essentiellement autour de questions de gravité, de positionnement des pieds et des membres, afin d’éviter autant la rotation axiale N/S que la chute vers le haut que risque tout corps positionné sur une rampe d’angle inférieur à 45°. Le tout devient vite aussi opaque que très ennuyeux. Puis, une fois en bas, alors que la gravité a changé, il faut régulièrement se demander dans quelle position se trouvent les personnages ; là aussi ça constitue une partie des questions problématiques de l’histoire. Et alors qu’Egan avait réussi à faire des personnages de ses héros d’« Orthogonal », il échoue ici. Trop peu de background, trop peu de biographie ou de désir propre, Seth et Théo sont un couple de buddies aussi conventionnels que presque transparents, et les personnages annexes intéressants n’ont que trop peu à dire. Dans le dernier tiers du roman, un personnage inattendu ranime l’intérêt, mais c’est trop peu, trop tard ou trop facile. Il y aurait vraiment eu à faire avec les couples de nécessité que forment les Walkers et leurs Siders, mais cette relation n’est jamais poussée jusqu’au bout de son étrangeté.

Avec Dichronauts, Egan a peut-être écrit le roman hard SF de trop. Ou alors, il aurait fallu une nouvelle trilogie afin d’approfondir tous les points que le récit ne fait qu’effleurer, et diluer dans le même mouvement ces pages illisibles dans lesquelles le souci principal de Seth est de bien orienter son axe par rapport à la gravité ou au terrain.

Cérès et Vesta

Cérès et Vesta, deux astéroïdes orbitant entre Mars et Jupiter, abritent des colonies humaines et s’échangent leurs surplus d’exploitation : la roche de l’un contre la glace de l’autre. Le voyage des marchandises, totalement automatisé en longs convois, représente la seule chance de quitter Vesta pour une partie de sa population opprimée. En réparation d’une prétendue spoliation passée, les Vestiens ont en effet levé un impôt spécifique qui touche les Sivadier. Lors de la colonisation de Vesta, ces derniers ont apporté leur expertise technique pendant que les autres corporations assuraient l’installation des premiers habitants. Un mouvement populiste à l’influence croissante estime que cette expertise a permis une appropriation indue des richesses du planétoïde. Ostracisés, les descendants des Sivadier hésitent entre révolte et résignation. Certains s’exilent donc sur Cérès au prix d’un périlleux voyage sur les blocs de matière première. Ces « surfeurs » bénéficient d’un accueil bienveillant, même si l’astéroïde d’accueil s’abstient de toute ingérence politique. Lorsque Vesta somme à Cérès d’interdire l’amarrage d’un vaisseau abritant des dissidents qu’il pourchasse, les autorités portuaires cérésiennes rencontrent un dilemme moralement impossible à résoudre : sauver les centaines de passagers de l’astronef ou les milliers de « surfeurs » en route vers Cérès.

La narration s’articule autour de deux personnages féminins, Camille, médecin et descendante de Sivadier, et Anna, nouvelle directrice du port de Cérès, et joue avec les flashbacks dans les vies de celles-ci sans jamais perdre le lecteur. Greg Egan est surtout connu pour écrire de la hard SF. Pour qui n’est pas familier de son œuvre ou se sent impressionné par cette dernière, Cérès et Vesta constitue une bonne porte d’entrée. La novella, axée sur les sciences sociales (sociologie, politique et éthique), se révèle très abordable. Elle met en lumière la rapide mutation d’une société qui stigmatise une partie de ses individus. Dense par le nombre de thématiques qu’elle aborde, elle ne fournit pas de réponses prêtes à l’emploi et enjoint le lecteur à réfléchir par lui-même. La taxe Sivadier constitue-t-elle la juste réparation d’un préjudice antérieur ou le résultat d’une relecture historique malsaine ? Une nation engagée dans l’accueil des réfugiés politiques peut-elle espérer rester neutre ? Quelle voie choisir quand la seule alternative implique la mort d’êtres humains ? Et jugera-t-on la valeur morale d’une action à l’aune de son intention ou en fonction de ses conséquences ?

Orthogonal

Œuvre ambitieuse et exigeante, la trilogie « Orthogonal » est sûrement l’apex de tout ce qu’a écrit Egan. Mais ici, à l’instar d’Isolation et au contraire de Dichronauts, les hauteurs conceptuelles d’Egan ne sont pas inaccessibles et elles sont au cœur de la possibilité même du récit.

Entrer dans « Orthogonal », c’est entrer dans un univers à physique riemannienne et non pythagoricienne. Cette différence dans la géométrie de l’espace-temps a des conséquences : une vitesse de la lumière non constante mais dépendant de la longueur d’onde, la bleue étant la plus rapide ; des voyages subjectivement plus longs pour les voyageurs que pour l’univers dans lequel ils se meuvent, alors que c’est précisément le contraire dans le nôtre ; une création de lumière génératrice d’énergie entraînant donc des lois chimiques différentes des nôtres, et parfois, hélas, des conséquences explosives. Stoppons là, le reste est à découvrir dans le roman, au même rythme que les héros du récit, au fil de leurs hypothèses et de leurs expériences.

Lire « Orthogonal », c’est aussi explorer une planète singulière, ploutocratie agraire décentralisée et conservatrice peuplée par une communauté d’individus non humains aux connaissances scientifiques plus limitées que les nôtres. Ces natifs sont physiquement aussi éloignés de nous qu’on puisse l’imaginer. Métamorphes, ils adaptent leur corps (sous contrainte de conservation de la masse) aux nécessités de leurs actes ; poussée à l’extrême, cette faculté leur permet même d’écrire sur leurs propres corps en y générant des ciselures de texte. Enfin, leur mode de reproduction nous est foncièrement étranger même s’il n’est pas inédit dans la nature.

L’héroïne du roman – car il en faut bien une, si inhumaine soit-elle – se nomme Yalda. Dans un monde où chacun a à la naissance un alter ego de l’autre sexe, partenaire de vie et garant de la descendance à venir, Yalda est, par accident, une « solo ». Elle y a gagné une indépendance d’esprit née de sa singularité, une plus grande liberté quant à ses choix de vie futurs, mais doit payer chaque jour ces avantages d’une forme évidente de discrimination. Délaissant la ferme paternelle, Yalda part étudier à l’université. Elle y fait de brillantes études d’optique, jusqu’à remettre en cause certaines théories bien établies. Elle est la première à comprendre que les « météorites » de plus en plus nombreux qui traversent le ciel sont annonciateurs d’une catastrophe future susceptible de détruire la planète entière. Que faire pour convaincre de l’imminence du désastre ? Et, ceci fait, comment répondre à une telle crise quand le niveau technico-scientifique est insuffisant et le temps désespérément court ? Yalda et l’un de ses proches, fortuné, vont mettre au point un plan fou. Envoyer dans l’espace, sur une trajectoire orthogonale à l’axe du temps, un engin spatial habité, une arche générationnelle dont la seule mission sera de décrire un long aller-retour. Profitant des particularités physiques de l’univers, un groupe de scientifiques devra quitter son monde, se préparer à vivre et mourir dans l’espace, à mettre son temps à profit pour faire progresser les connaissances scientifiques puis à former la génération suivante, qui aura la même mission. Entropie aidant, le voyage ne pourra pas durer éternellement – d’ailleurs, qui le voudrait ? – mais il devra être assez long pour trouver une solution à la menace qui pèse sur la planète d’origine, solution que les descendants des pionniers devront ramener in extremis avec eux afin de sauver le monde de la destruction annoncée.

La trilogie « Orthogonal », c’est l’histoire de Yalda et de tous celles et ceux qui la suivront. C’est la découverte des lois physiques permettant de comprendre la menace, c’est la mise au point d’un plan fou consistant à faire décoller une montagne entière à l’aide d’un moteur improbable, puis ce sont des générations de voyage en milieu clos avec tout ce que cela implique. Comment organiser la vie sociale d’individus nés dans l’espace et destinés à y mourir, porteurs d’une mission qu’ils n’ont pas choisie et dont ils ne verront pas la fin ? Comment assurer une gouvernance soutenable ? Comment lutter contre les inévitables déviances dans un monde aux ressources limitées ? Même une communauté de savants connaissant l’égalité matérielle et dédiés à faire progresser le stock de connaissances peut avoir des coups de mou, surtout à force de parcourir, sans jamais l’avoir choisi, les couloirs aveugles d’un tombeau volant sur les murs desquels on peut lire : « Que vos ancêtres soient fiers de vous » et « Que vos descendants soient fiers de vous ».

D’autant que deux problèmes concrets pèsent chaque jour plus lourdement sur les voyageurs : un stock de carburant trop limité pour la totalité du voyage et une production de nourriture insuffisante qui oblige les femmes à s’affamer pour induire des stérilités de sous-alimentation. Des choses devront changer si l’arche doit survivre, mais changer l’ordonnancement immémorial des sexes c’est se heurter aux conservateurs, jusqu’à la violence physique. Et les générations continuent de se succéder, jusqu’au moment du retournement annonciateur de la phase de retour. Obstacles, changements et entropie ont conduit à une double scission béante : d’une part entre un gouvernement et des gouvernés de plus en plus éloignés, d’autre part entre deux factions violemment concurrentes, celle qui veut accomplir la mission et celle qui estime ne rien devoir aux ancêtres. La mise au point d’une technologie prédictive de l’avenir et/ou autoréalisatrice ne fera qu’aggraver la confusion et plongera dans le chaos une société devenue bien fragile.

« Orthogonal » est un cycle magnifique. Un hymne à la liberté, au progressisme, au devoir, à la méthode scientifique, surtout, dont les heurts et malheurs sont longuement exposés et servent toujours à l’avancée du récit. On y croise des personnages riches et profonds, nobles ou lâches, des amoureux du savoir forcés de vivre dans un monde dangereux et invivable qui luttent sans cesse pour concilier l’inconciliable : survivre, repousser toujours plus loin la frontière technologique, remplir leur devoir de secours envers leurs lointains et inconnus ancêtres. Un monument de la SF et un cri d’amour à la science et à ses méthodes.

Zendegi

En science-fiction, Greg Egan s’est taillé une solide réputation, irriguant le genre de concepts vertigineux et un tantinet abstraits. Car si elle prend souvent pour thème le devenir de l’homme, son œuvre s’aventure surtout sur les chemins arides de la physique quantique, de la numérisation de la personæ, de l’abstraction mathématique et jusqu’au téléchargement de la conscience, tentant d’impulser un sens rationnel à quelques questions métaphysiques essentielles. Avec Zendegi, il arrondit cependant les angles, donnant davantage de chair à l’aspect humain de son récit.

Iran, 2012. La publication du résultat des élections législatives débouche sur un vaste mouvement de contestation. À Téhéran et ailleurs, on réclame justice, bravant la répression sauvage des Basijis. En poste dans le pays, Martin Seymour suit les événements pour le compte d’un quotidien australien. Quinze années plus tard, dans un État iranien désormais ouvert aux vertus démocratiques, il vit à Téhéran, marié à une Iranienne et père d’un petit garçon. Un jour, au retour de l’école, il s’initie en sa compagnie à Zendegi, un univers virtuel immersif développé par Nasim, une expatriée revenue au pays après la chute du gouvernement des mollahs. Ayant travaillé sur un projet de cartographie du cerveau aux USA, la scientifique s’apprête à utiliser le résultat de ses recherches pour modéliser des créatures numériques dotées d’une plus grande autonomie.

À l’image d’Ian McDonald, Greg Egan imagine le futur dans un pays émergent, ici l’Iran, transposant des problématiques science-fictives en-dehors de leur matrice occidentale. Il faut cependant attendre la seconde partie du roman pour les voir véritablement surgir, l’auteur australien s’inspirant d’abord de la contestation de la réélection du président Ahmadinejad pour décrire une nouvelle révolution démocratique, cette fois-ci victorieuse. Passé ce long préambule, bien documenté, l’intrigue se resserre autour du duo formé par Martin et Nasim, conjuguant l’imaginaire des contes perses à une anticipation légère fondée sur les avancées des neurosciences et de la simulation virtuelle. Pour autant, Zendegi ne verse pas dans une hard SF débridée, préférant le domaine de l’intime aux enjeux spéculatifs, commerciaux et politiques soulevés par la création de logiciels conscients. Un choix risquant fort de déboussoler le lectorat avide de questionnements métaphysiques et éthiques. À défaut, il lui faut se contenter d’un récit dramatique, où l’auteur australien tente de titiller sa fibre sensible. Hélas, si le récit révèle une facette inattendue de l’écriture de Greg Egan, le résultat reste quelque peu laborieux.

Si Zendegi apparaît comme un titre abordable pour le néophyte, le roman n’en demeure pas moins une tentative inaboutie de mêler hard SF, considérations politiques, éthiques et récit psychologique. Pas sûr que les aficionados d’Egan s’y retrouvent, en dépit d’un résultat honorable.

Incandescence

Soit un avenir distant de centaines de milliers d’années ; l’humanité a essaimé dans les étoiles, rencontrant d’autres peuplades extraterrestres avec lesquelles elle a formé la métacivilisation de l’Amalgame, qui s’étend sur tout le disque galactique. Seul le cœur de la Voie lactée reste inaccessible : les Aloof (« les Distants ») qui l’occupent refusent depuis toujours le moindre contact avec l’Amalgame.

L’univers de l’Amalgame est introduit dans la novella « Riding the crocodile » (2007), qui raconte l’histoire de Leila et Jasim, un couple de posthumains. Âgés de milliers d’années et estimant avoir fait le tour des choses, ils décident de mourir… non sans avoir accompli auparavant un exploit. Ce sera la traversée du bulbe galactique, avec tous les risques que cela comporte. Une novella à la beauté élégiaque, dont les événements appartiennent à un passé déjà lointain quand débute Incandescence. D’un côté, il y a Rakesh, posthumain qui trouve le temps long dans cet Amalgame où tout a été étudié jusqu’à l’échelle atomique. Or, voilà que se présente une opportunité : une voyageuse lui affirme que les Aloof lui ont donné un fragment de météorite comportant des traces d’ADN. En retrouver l’origine va lancer Rakesh et son amie Parantham dans une quête jusqu’au cœur du bulbe galactique. De l’autre côté, il y a Roi et les siens, créatures crabesques menant une existence monotone dans les profondeurs de l’Écharde, un astéroïde truffé de cavernes. Mais l’Écharde est en danger, son intégrité physique compromise en raison de la nature même de l’astre autour duquel elle orbite. Mais révéler la nature de l’Écharde et de son environnement extérieur gâcherait le plaisir du lecteur, qui suivra avec Roi et les siens l’élaboration de théories pour comprendre son monde.

Incandescence voit Egan s’intéresser à des thématiques rôdées : la survie et la connaissance. Au lieu de se montrer simple suiveur d’Iain M. Banks avec sa formidable Culture, Egan propose un autre type de métacivilisation, résolument pacifique et curieuse : on n’atteint pas les étoiles sans laisser derrière soi ses instincts guerriers. Que l’on habite d’un côté ou de l’autre de la Galaxie, la connaissance prime avant toute chose. De fait, les chapitres consacrés à Roi et les siens sont d’un abord techniques, ces créatures découvrant la théorie de la relativité par d’autres biais que nous autres humains. Ardus, ces pages sont à même de ravir les plus matheux des lecteurs – qui se muniront d’un crayon –, les autres choisiront de passer leur chemin ou de se laisser porter par la poésie mathématique qui se dégage ici.

Deux autres novellas poursuivent l’exploration de l’Amalgame. La première, « Gloire » (2007, in anthologie Le Nouveau Space Opera, Bragelonne), s’intéresse au devenir des civilisations. Désireuses d’étudier des artefacts mathématiques datant d’une ancienne peuplade disparue, deux exploratrices de l’Amalgame se rendent sur une planète où prospère une nouvelle vie indigène intelligente. Mais leur venue va mettre le feu aux poudres… Inédit en français, « Hot Rock » (2009) nous présente deux autres exploratrices face à une anomalie spatiale : le caillou chaud du titre, c’est cette planète sans soleil, errant à travers l’espace interstellaire. Selon toute logique, ce devrait être un monde glacé ; pourtant, ses profondeurs bouillent de chaleur et regorgent d’une vie pas entièrement indigène. Qui sont ces habitants ? Sont-ils à l’origine de la femtotechnologie assurant à l’astre vagabond une existence pérenne ? Là aussi, la venue des exploratrices va bouleverser l’existence autarcique des habitants de la planète vagabonde.

Mondes étranges et civilisations qui ne le sont pas moins, l’ensemble de ces quatre textes dédiés à l’exploration de l’Amalgame constitue une belle incursion dans le space opera pour Egan. Ce dernier n’est pas Jack Vance, mais il s’agit là de ce que l’auteur australien a fait de plus chatoyant. Un régal.

Schild's Ladder

Au début de notre troisième millénaire, le physicien Sarumpaet a unifié la relativité générale et la mécanique quantique au sein de la théorie du graphe quantique, un ensemble d’équations si élégant et si efficace qu’il n’a pas été remis en question par la suite. Dans un futur distant de quelque vingt mille ans, la physicienne Cass décide de tester les limites de cette théorie. Contre toute attente, l’expérience rate de manière spectaculaire et conduit à l’apparition surprise d’un vide hyper stable, un novo vacuum, s’étendant dans toutes les directions à la moitié de la vitesse de la lumière. Impossible à arrêter, ce novo vacuum engloutit tout sur son passage, et c’est une question de temps avant que la Voie lactée disparaisse. Six cents ans plus tard, la communauté scientifique s’est scindée en deux : les Préservationnistes, qui veulent stopper l’expansion de ce vide, et les « Yielders », pour qui cette chose est trop importante pour qu’on ne l’étudie pas. Car, dans ce futur où l’humanité n’a rencontrée aucune vie intelligente, il se pourrait que l’autre côté de la frontière galopante grouille d’une vie inattendue…

Avec ce septième roman, dérivant d’un texte très bref, « Only Connect » (paru dans Nature en 2000), Egan esquisse un futur étonnant, où la mort est provisoire grâce aux sauvegardes, où les consciences s’uploadent dans des corps, où l’on peut très bien vivre acorporellement, où la différence entre les sexes n’a plus cours, où voguent les « anachronautes » entre les étoiles, où la population d’une planète entière entre en hibernation lorsque l’un des leurs franchit les gouffres stellaires pour qu’il ne revienne pas dépaysé à son retour. Et où la vie, quoique rare, peut apparaître dans les endroits les plus inattendus (une thématique rappelant Stephen Baxter). Et au milieu de tout cela, des personnages luttent pour la survie de leur univers face à un danger irrépressible : des enjeux cruciaux – au sein d’un roman malheureusement aride, plus prompt à susciter l’ennui qu’autre chose. Dommage.

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 713 714  

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug