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“Isolation” : l'avis du Syndrome Quickson

« De mon côté, Isolation est une preuve de plus que Greg Egan est effectivement un des auteurs les plus singuliers et les plus délicieusement exigeants que je connaisse. (…) Un auteur indubitablement important. À l’échelle du monde des littératures de l’Imaginaire, je ne sais pas. En tout cas important pour moi, et c’est peut-être ça le plus important. » Le Syndrome Quickson

“Architectes du vertige” : le rough de couverture

Sur le forum, découvrez le rough de Caza pour la couverture de l'anthologie Architectes du vertige. Sous-titré 1974 – 2024, cinquante ans de Grand Prix de l’Imaginaire, le volume rassemblera le meilleur des nouvelles francophones et étrangères publiées par le GPI depuis sa création.

Les Chroniques du Don du loup

Le protagoniste du Don du loup a pour nom Reuben Golding. Le jeune journaliste travaille pour un quotidien de San Francisco, à l’orée du siècle actuel. C’est lors d’un reportage pour celui-ci que son existence vient à plus d’un titre à se métamorphoser…

Reuben est plus précisément envoyé à Nideck Point, une ancienne et luxueuse demeure tapie dans l’épaisse forêt bordant le Pacifique. L’ancestral domaine de la famille Nideck appartient à l’une de ses membres, prénommée Marchent. D’emblée fasciné par Nideck Point, Reuben l’est tout autant par sa propriétaire qui a deux fois son âge. À tel point qu’il en vient à coucher avec elle. D’abord heureusement marquée par la jouissance érotique, la nuit des deux amants vire au cauchemar sanglant. Des intrus assassinent sauvagement Marchent, réservant un même sort à Reuben. Il est sauvé in extremis par un inconnu d’autant plus énigmatique qu’il s’adresse au jeune homme avec force grognements animaux, tout en lui infligeant de douloureuses morsures. Certes non létales, elles ne seront pas sans conséquence (et quelle conséquence !) puisqu’elles auront été pour Reuben le vecteur du don donnant son titre au roman. Voici le jeune homme bientôt devenu loup-garou, ou bien encore « Homme-Loup » ou « Morphenkind », selon les formules mêmes de Rice…

Aussi mixte dans sa forme que son métamorphe de héros, Le Don du loup offre une évidente déclinaison du motif au cœur de toute l’œuvre de Rice, c’est-à-dire celui de l’oxymore. Rice déploie autour de la figure à la fois humaine et animale de Reuben un monde également bifrons. S’y côtoient notamment l’amour le plus pur et la haine la plus féroce. Et pour exprimer le premier, l’écriture de Rice se révèle d’un lyrisme aussi assumé (on rougit et on pleure beaucoup dans Le Don du loup) que l’horreur (volontiers gore) traduisant la seconde.

Nullement diabolique, l’état lycanthropique de Reuben s’assimile par ailleurs à une véritable bénédiction. Il lui permet en effet d’atteindre à une forme d’achèvement tant physique qu’éthique. Nanti une fois métamorphosé d’une force et d’une invulnérabilité surhumaines, il en use pour devenir un inattendu justicier. Le loup-garou selon Rice dispose encore d’un sixième sens moral permettant littéralement de flairer la présence d’un mal irrémissible chez celles et ceux dont il fait ensuite ses proies exclusives. Ne chassant et ne dévorant que ce que San Francisco compte de brutes et autres sadiques irrécupérables, Reuben devient dès lors une manière de super-héros… doublé, oserait-on dire, d’un « super-amant » car l’état lupin lui confère une sensualité d’une intensité inédite, dont bénéficiera bientôt Laura, sa nouvelle compagne.

Se croyant d’abord unique représentant de son étrange espèce, Reuben découvrira qu’il existe d’autres « Morphenkind ». Certains le rejoindront à Nideck Point, où s’organisera ainsi une communauté non seulement d’hommes-loups mais aussi de femmes-louves. C’est de la vie de celle-ci dont traite Les Loups du solstice, sorte d’utopie aristocratique dans laquelle une meute lycanthropique dessine les contours d’un monde libéré du Mal et voué à la jouissance des sens comme de l’esprit. D’une originalité spéculative certaine, ce second tome des « Chroniques du Don du loup » finit cependant par gâcher quelque peu son objet. Et ce, faute d’une combinaison harmonieuse entre de (trop) nombreux dialogues théoriques et de bien rares rebondissements. Preuve que même pour la maîtresse en la matière qu’était Rice, l’art de l’oxymore n’est pas toujours aisé à pratiquer…

Les Chansons du Séraphin

Après de longues années à revendiquer l’athéisme, Anne Rice retourne à l’église catholique en 1998, mais la quitte finalement en 2010 à cause de l’intolérance de l’institution envers l’homosexualité. Son diptyque « Les Chansons du Séraphin » date de cette période, durant laquelle elle se convertit à une foi « indépendante ».

Après avoir parlé de créatures déviantes durant toute sa carrière littéraire, Anne Rice se concentre ici sur le divin et la pureté de l’âme humaine. En deux tomes, elle brosse le portrait d’un tueur à gages, Toby, nom de code « Lucky le Renard », coupé de sa spiritualité et qui va rencontrer un ange. Celui-ci va l’envoyer en mission, non pour tuer, mais pour protéger, bouleversant son rapport à lui-même, au monde et à Dieu.

La première moitié de L’Heure de l’ange est accrocheuse en dépit d’un style un peu ampoulé (la traduction ?) : Lucky partage son quotidien, ses lubies hôtelières, son amour pour certains lieux de culte et ses manies de travail, laissant planer juste ce qu’il faut de mystère quant à son commanditaire, « l’Homme Juste », pour donner envie de découvrir le reste de cette histoire. Apparaît alors Malchiah, un Ange/Séraphin qui nous plonge dans le passé pour découvrir l’enfance difficile de notre héros, son courage pour s’en sortir malgré une mère alcoolique, ses débuts de tueur, son rapport à la musique.

Dans la deuxième partie de ce premier tome, Malchiah a besoin d’un « instrument humain » dans le passé, et Toby, car Lucky a disparu dans les limbes (bye-bye la carapace de tueur sans âme), plein de ferveur religieuse et d’expiation, veut plaire à Dieu comme à l’ange. Il fonce sans plus de questions et le voilà au Moyen Âge, avec une tonsure et à la rescousse d’un couple de Juifs que des Chrétiens en colère s’apprêtent à massacrer (pour une raison qui paraît des plus tordue à une personne du xxie siècle, mais « valable » à l’époque). Au retour de cette mission qui semble n’avoir été qu’un rêve, Toby découvre qu’il a un fils dont il ignorait l’existence et… fin.

Plus court d’une centaine de pages, L’Épreuve de l’ange se base sur le même principe : début dans le présent du héros, puis mission dans le passé. À nouveau pour sauver des Juifs, mais cette fois durant les guerres de religion à la Renaissance. Toby va même rencontrer un démon et connaître la Tentation. Puis il revient dans son présent pour être confronté à une victime de sa vie de tueur. Cliffhanger… mais pas de tome 3.

Il est aisé de distinguer de nombreuses étapes dans l’œuvre d’Anne Rice. Elle a exploré les grandes facettes de l’âme humaine par le genre fantastique et le roman historique, faisant beaucoup de recherches pour un meilleur réalisme. Ces deux romans angéliques étaient un cap à passer, sans doute un besoin pour l’autrice de développer son approche de la spiritualité de façon claire et bienveillante via la rédemption d’un tueur. S’il y a peu de descriptions de lieux, il y en a beaucoup des sentiments, et on ne peut nier la ferveur d’Anne Rice.

Au bout du compte, ces « Chansons du Séraphin » ne sont pas mauvaises, mais elles s’avèrent assez fades, imprégnées d’une religiosité et d’une spiritualité aveugle qui frustreront l’éventuel agnosticisme de tout lecteur. Excessivement rapides, les missions dans le passé se résolvent dans beaucoup trop de ferveur religieuse, créant une véritable rupture narrative avec le présent du héros au sein duquel les enjeux sont bien différents. Quant aux anges… bon, pourquoi pas. Le plus frustrant sera in fine Lucky/Toby lui-même, qui, en retrouvant la foi, change complètement de personnalité et casse ainsi l’image initiale.

En bref, l’ensemble se lit, intéresse au début, avant qu’on ne fasse plus que lever les yeux au Ciel (c’est de circonstance !) en attendant la fin… qui n’existe donc pas – dommage. Les deux premiers tomes sont de toute façon indisponibles en neuf (bien qu’assez facilement dénichables en occasion). Pas grave, car nous ne nous trouvons certainement pas en présence de la meilleure porte d’entrée de l’œuvre d’Anne Rice. Sauf à aimer les anges…

Le Violon

À la Nouvelle-Orléans, un drame vient d’avoir lieu : Triana Becker a perdu son second mari, Karl, mort du sida. Par amour et/ou démence, elle reste enfermée seule avec lui pendant deux jours, avant que la famille débarque. Seule ? Pas vraiment, car Triana éprouve une passion dévorante pour Beethoven, Mozart… Dès le début, on comprend que la musique sera un personnage à part entière du roman. Lorsque la famille arrive, on découvre une version dark des Quatre Filles du Dr March : Triana l’aînée est la femme banale, sans don, aux goûts macabres. La cadette, Rosalind, est la gentille, rondelette et alcoolique. Katrinka, la troisième, est la beauté fatale, mal dans sa peau, orgueilleuse et vénale. Quant à Faye, la petite dernière, la fragile, c’est la disparue, l’ombre qui plane au-dessus de cette sororité à l’enfance difficile (père dur, mère alcoolique). Le passé et la famille ont une importance capitale pour Triana qui est, disons-le, la reine de la culpabilité mal placée.

Alors qu’elle écoute sa musique, allongée sur le sol, pour oublier le monde, le chant magnifique d’un violon va se faire entendre. Celui qui va devenir son violoniste fait alors son apparition. Bien que visible par tous, il n’est pourtant pas ce qu’il paraît. Dans les 200 ans, beauté ensorcelante, doué du don de la musique, élève d’un grand maître… Stefan a tout pour lui, mais… c’est un fantôme et il a jeté son dévolu sur Triana ! À partir de cette rencontre hors norme, c’est une valse tragique, malsaine, qui va s’initier entre eux, haine et amour, désir et rejet. Il devient difficile de savoir qui traque l’autre, où est la folie, où est le fantasme. De la Nouvelle-Orléans à Rio en passant par Vienne, ce couple irréel va parcourir son passé à travers ses pires souvenirs, l’un voulant attiser la culpabilité et la folie, l’autre souhaitant comprendre et sauver.

On oublie souvent (à raison) qu’Anne Rice ne se réduit pas aux « Chroniques des vampires » et aux « Sorcières Mayfair ». En parallèle de ces sagas cultes, de petits ovnis parsèment sa bibliographie, dont ce Violon publié en 1997.

Dans ce bref roman, présenté comme le témoignage direct de Triana, nous retrouvons des éléments chers à l’autrice : le gothique des décors, la décadence, la folie, l’érotisme, la foi, la mélancolie et la poésie morbide qu’elle met dans les relations entre ses personnages. Mais… on ne va pas cacher le fait que la lecture du Violon n’est pas passionnante, le livre risquant fort de vous tomber des mains. Il faut au moins passer les six premiers chapitres avant que l’action commence enfin, six chapitres lourds, répétitifs, larmoyants, qui sonnent parfois comme du mauvais Shakespeare. Une fois passé ce cap, on commence à y prendre un peu plaisir, d’autant que les sujets abordés s’avèrent tout de même intéressants : sida, lutte contre l’alcoolisme et ses conséquences violentes, perte d’un enfant, culpabilité, obsession, confiance en soi…

Tout n’est pas à jeter dans ce Violon, à la seule condition de trouver la motivation pour ne pas refermer le livre !

Le Sortilège de Babylone

Le Sortilège de Babylone aurait tout à fait pu s’intituler Entretien avec un esprit. Il adopte, comme le premier et fameux roman d’Anne Rice, la forme d’un dialogue : celui que mène un nommé Azriel avec Jonathan Ben Isaac, un universitaire new-yorkais sexagénaire, spécialiste du Moyen-Orient antique. Quant à Azriel, c’est sous les traits d’un jeune homme d’une brune et singulière beauté qu’il se présente un soir d’hiver à l’historien. Dès lors, l’universitaire chenu consigne les propos qu’Azriel lui dispense des heures durant. Or la tâche s’avère à plus d’un titre surprenante pour Jonathan…

Alors que Le Sortilège de Babylone se déroule à la fin du XXe siècle, Azriel révèle être né au vie siècle avant notre ère à Babylone. Alors capitale d’un empire couvrant l’actuel Moyen-Orient, la cosmopolite cité abrite notamment une communauté juive dont fait partie Azriel. Soit une appartenance monothéiste n’empêchant cependant pas le jeune Juif de vouer un culte au dieu poliade de Babylone, Mardouk, après qu’il lui fut apparu. L’étroite relation alors nouée entre la divinité polythéiste et son élu hébreu amènera au terme de force rebondissements à la douloureuse métamorphose d’Azriel en « Serviteur des Ossements » (titre originel du roman). Désormais devenu le plus puissant des esprits peuplant le panthéon syncrétique du Sortilège de Babylone, Azriel s’engage dans une odyssée à travers les âges et les nations. Comptant parmi ses innombrables étapes l’antique cité grecque de Milet, ou bien le quartier juif de la Strasbourg médiévale, le périple plurimillénaire d’Azriel l’amène enfin dans les actuels États-Unis. C’est là qu’il y rencontre donc Jonathan, bien vite convaincu de la véracité des dires du Serviteur des Ossements après qu’il lui a fait la démonstration de ses prodigieux talents. Ceux-là mêmes dont Azriel fera encore usage dans sa lutte contre le Temple de l’Esprit, une secte contemporaine aux ramifications planétaires ourdissant d’inquiétantes menées eschatologiques…

Après les vampires, momies et autres sorcières, c’est donc un nouveau pan de l’Imaginaire qu’Anne Rice réinterprète avec ce Sortilège de Babylone, inventant avec Azriel une chimère au croisement du Judaïsme antique et de la mythologie babylonienne. En combinant deux spiritualités a priori antithétiques, l’auteure reste bien évidemment fidèle à sa manière oxymorique. Il en va de même pour son écriture polymorphe, oscillant entre l’allant du thriller fantastique et le rythme autrement plus posé de la réflexion religieuse. D’abord assez habilement associées à la suggestive évocation des étranges exploits d’Azriel, les considérations métaphysiques vont cependant croissant. Inexorable conséquence : Le Sortilège de Babylone perd de son charme initial et en devient in fine bien lourd. Et l’on peinera donc à l’inscrire parmi les réussites majeures d’Anne Rice…

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