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Aux douze vents du monde

Aux douze vents du monde : un condensé du talent d'Ursula K. Le Guin en 17 nouvelles.
En librairie depuis le 24 mai !

Danses aériennes

Avec près de cent cinquante nouvelles à son actif, Nancy Kress excelle dans la forme courte, comme en témoignent les nombreux et prestigieux prix reçus (Hugo, Locus, Nebula). En France, son œuvre, traduite de manière discontinue, n’obtient pas la visibilité qu’elle mérite. Espérons que ce beau livre superbement illustré par Aurélien Police attire autant l’œil que les lecteurs.

Danses aériennes réunit onze textes publiés entre 1990 et 2014. Les textes sont en grande majorité inédits et leur format varie de la nouvelle au court roman (cinq au total). Les traductions déjà parues (deux) ont été harmonisées pour assurer une cohérence à l’ensemble du recueil. Une bibliographie détaillée par Alain Sprauel complète le sommaire (la même qu’on retrouve dans les pages du présent Bifrost). Onze textes parmi cent cinquante… L’ambition du projet ne consiste donc pas à proposer au lecteur francophone « le meilleur de la SF de Nancy Kress », mais d’en donner un aperçu dans ce recueil qui brasse de nombreuses thématiques : le génie génétique, la bio-ingénierie, l’intelligence artificielle, la pollution ou encore la rencontre avec des extraterrestres ainsi que leurs impact sur la société humaine. Nancy Kress procède par induction, elle étudie les effets produits par le progrès scientifique et la manière dont il remodèle la société au travers d’histoires personnelles, au plus près de personnages si bien caractérisés qu’ils pourraient être nos voisins – amicaux ou détestables. Elle porte un regard aigu sur la réalité et sur nos futurs éventuels, alerte sans juger, même si l’humanité semble courir à sa perte. Tout au long du recueil, elle pose cette question : la technologie peut-elle sauver la planète et ses habitants ? Et laisse au lecteur le soin de s’interroger  : en fin de compte, le genre humain mérite-t-il seulement d’être sauvé ? La première novella, « Le Sauveur », illustre cet angle de vue. En 2007, un vaisseau ovoïde se pose en plein champ dans le nord du Minnesota. Plusieurs centaines d’années plus tard, alors que la société a connu un effondrement – guerres dévastatrices, infertilité, retour à une civilisation plus primitive et superstitieuse – avant de renaître avec l’aide des biotechnologies, l’œuf est toujours là, inerte, indéchiffrable. Il semble attendre. Pourtant, sa simple présence pèse sur le développement humain. L’ironie finale du texte, lorsque l’attente prend fin, n’en est que plus délectable. « Le Bien commun », longue nouvelle lauréate du prix des lecteurs de la revue Asimov’s Science Fiction, poursuit dans cette veine à ceci près que les ET ont vaporisé les principales villes et infrastructures de la planète, annihilant la moitié de sa population. Dix ans plus tard, ces ET ont débarqué, enrôlant des adolescents dans le but de leur permettre de reconstruire un monde meilleur. La narration se centre sur Zed, un jeune fugueur manipulé par les terristes qui tentent de saboter les installations des envahisseurs. Une fois à l’intérieur du dôme ET, Zed se retrouve face à un dilemme moral : un monde amélioré pour tous justifie-t-il un génocide ? D’autant que Zed apprend à loin-voir et peut percevoir le meilleur chemin pour l’humanité et en quoi ce dernier diffère des projections des uns et des autres. Changement de registre avec « Shiva dans l’ombre », un huis-clos dans un vaisseau dirigé par une capitaine chargée de faire coopérer deux scientifiques aux caractères opposés, missionnés pour étudier les anomalies près d’un trou noir du centre galactique. Des copies de leurs esprits sont envoyées dans une capsule. Alors que dans l’astronef les relations se dégradent, les simulations embarquées collaborent et parviennent à amasser des données à même de révolutionner l’astrophysique. Fascinant jusqu’à la dernière ligne – un texte magistral.

Nancy Kress accepte l’humanité telle qu’elle est et place des gens normaux au cœur de bouleversements sociétaux et scientifiques majeurs. Dans « Évolution », elle dresse le portrait d’une société en pleine crise biologique au travers des relations familiales entre une mère et son fils. « On va y arriver » met en scène le réveil de Lissa, cryogénisée à 26 ans en attente d’un remède contre son cancer et guérie trente-cinq ans plus tard ; néanmoins, son mari en a épousé une autre. Dans « Un », encore une novella, c’est un boxeur de seconde zone qui, à la suite d’une opération du cerveau, commence à percevoir les pensées des autres et à anticiper leurs gestes. Il envoie paître les médecins et utilise ses nouvelles capacités pour son strict usage personnel. « Trottoir à 12h10 » illustre un voyage dans le temps : que feriez-vous si, au crépuscule de votre vie, vous étiez assez riche pour vous payer un court retour dans le passé ? « Fin de partie », paru dans l’anthologie Utopiales 2012 sous un titre différent (et une autre traduction), montre ce qu’il peut advenir quand un chercheur parvient à ses fins et supprime toutes les pensées parasites pour atteindre une concentration extrême – une construction et une chute qui rapprochent ce récit d’une histoire d’horreur. Danses aériennes propose aussi des courtes nouvelles, plus satiriques et incisives, mais paradoxalement moins percutantes que les textes plus longs. « Touch-down » mélange chasse au trésor et télé-réalité sur une Terre future dévastée. Dans « À la mode, à la mode », de nouvelles drogues influent sur le comportement humain et les sentiments, et il convient d’en porter les dernières déclinaisons. « Danse aérienne », l’ultime novella, clôt en beauté ce recueil d’excellente facture. Après le meurtre de deux ballerines, Caroline Olso, danseuse étoile, est confiée aux bons soins d’Angel, un chien de garde bio-amélioré. Nancy Kress développe plusieurs intrigues en parallèle : l’enquête, la protection d’Angel, les relations mère/fille compliquées dans un milieu impitoyable. Elle ouvre la réflexion sur les dérives de la science et sur les choix que les êtres humains sont prêts à faire.

La qualité des textes ici proposés, tant au niveau des idées véhiculées que de la caractérisation des personnages ou de la narration à proprement parler, comblera tout amateur de SF et constitue une porte d’entrée idéale à l’œuvre de Nancy Kress. De quoi se laisser tenter par ces Danses, assurément…

Après la chute

Novella récompensée à la fois par le prix Locus et le Nebula, le titre original d’Après la chute ( After the Fall, Before the Fall, During the Fall) est plus révélateur de sa trame tripartite. On a en effet affaire à trois fils distincts : en 2035, Pete est un adolescent malformé qui, à partir d’une Terre en ruines, plonge dans le temps pour y rapporter des enfants dans l’Abri où il vit avec quelques personnes ayant échappé au désastre. En 2013, Julie, experte en schémas mathématiques au FBI, prédit que de nouveaux enlèvements d’enfants vont se produire, et enquête. Enfin, de minces entrefilets nous présentent une Nature qui, en 2014, se dégrade peu à peu.

La trame est donc résumée ci-dessus. On s’attend alors à ce que la novella déploie cette thématique initiale… et force est de constater qu’il n’en est rien. Certes, Pete va évoluer, mais surtout dans son rapport érotique à McAllister, la Survivante qui gère l’Abri. Certes, Julie va peu à peu récolter le faisceau de preuves qui la conduira toujours plus près des kidnappings. Mais tout cela se fait mollement, sans grand enjeu dramatique – alors qu’on parle de rien de moins que la destruction de la Terre ! Les personnages sont convenus, peu plausibles dans leurs agissements, on ne comprend guère où veut en venir Nancy Kress qui semble hésiter à entremêler les fils de l’intrigue. Les Tesslies, les fameux extraterrestres qui ont causé l’apocalypse tout en préservant quelques humains, sont tellement peu évoqués qu’on en vient à leur être totalement indifférent. En outre, il y va de la crédibilité de l’intrigue, puisqu’il ne se passe que vingt ans entre la catastrophe et les scènes dans l’Abri ; il est de fait impossible que les Survivants sachent si peu de choses…

Alors, bien sûr, tout n’est pas aussi simple qu’il y paraît, il y a bien quelques révélations dans la dernière partie du récit qui remettent en perspective ce qu’on a lu auparavant, mais cela ne pourra racheter le profond désintérêt que l’on porte aux développements précédents… d’autant que le postulat qui sous-tend lesdites révélations est d’une naïveté confondante que n’aurait pas reniée un Bernard Werber. Prix Locus ? Nebula  ? Comment un texte aussi faible a-t-il pu glaner ces récompenses ? Voilà qui reste un grand mystère, aussi grand, sans doute, que ces Tesslies, qui occuperont donc dans l’œuvre de Nancy Kress un rang extrêmement mineur. À oublier.

Le Nexus du Docteur Erdmann

À plus de quatre-vingt-dix ans, Henry Erdmann enseigne toujours la physique à quelques étudiants. Si son corps accuse les ans et l’oblige à se déplacer avec un déambulateur, son esprit reste vif. Son intelligence lui a d’ailleurs valu de travailler sur la mise au point des bombes nucléaires américaines dans les années 50. Résident d’une maison de retraite médicalisée, il est accompagné à l’université par Carrie, une aide-soignante attentionnée, au physique et à l’estime de soi bien abîmés par les coups répétés de Jim, son ex-compagnon, un policier incapable de respecter l’injonction qui lui interdit de s’approcher d’elle. Un matin, dans sa salle de bain, Erdmann ressent un malaise qu’il perçoit comme une onde de choc cérébrale. Plus tard, au retour de l’université, le trouble se répète, plus puissant. Le vieil homme craint une attaque mais le phénomène touche aussi les autres résidents, simultanément. Pire, il semble que les désirs les plus inavouables de chacun se réalisent au moment de ces incidents inexpliqués : l’ex de Carrie meurt d’une crise cardiaque, le coffre fort de la maison de retraite s’ouvre, exposant aux yeux de tous un collier, objet de tous les fantasmes, offert par le tsar à une résidente… Avec l’aide de Carrie, d’un chercheur en neurosciences et de deux policiers missionnés pour enquêter sur la mort de Jim et l’effraction du coffre, Erdmann tente d’échafauder des hypothèses plausibles pour expliquer la situation. En parallèle, Nancy Kress introduit un second arc narratif avec un vaisseau fendant l’espace-temps dans l’urgence, inquiet de ne pas arriver à temps pour aider une entité sur le point de naître… Le lecteur, au fait de cette seconde ligne narrative, comprend l’explication bien avant les personnages : l’apparition d’une conscience collective vient perturber les personnes âgées. Cette connivence avec le lecteur laisse penser que cette évolution vers une forme de gestalt ne constitue pas le cœur du texte. Celui-ci sert de vecteur à Nancy Kress pour explorer les relations humaines par le prisme d’un microcosme d’hommes et de femmes reliés par une promiscuité imposée, la déliquescence du corps et de l’esprit et de la conscience aiguë de leur mortalité. Malgré un format court (une centaine de pages), l’auteure parvient à donner de l’épaisseur à ses personnages par le truchement de souvenirs, d’obsessions ou la diversité des caractères. Prix Hugo en 2009, Le Nexus du Docteur Erdmann relève d’une science-fiction sociale (et pose la question de la place des personnages âgées dans la modernité) où l’exploration de la condition humaine prime, et se révèle des plus réussi, quand bien même certains amateurs de SF n’y trouveront peut-être pas leur compte, tant la dimension scientifique passe à l’arrière plan.

Feux croisés

Futur proche. Quittant une Terre en piètre état, l’Ariel s’élance vers l’une des cinq exoplanètes habitables découvertes par les humains : Forêtverte. À bord du vaisseau, affrété par une compagnie privée, six mille colons en hibernation, issus de diverses obédiences – des néo-quakers pacifistes, une ex-famille royale arabe, un discret contingent chinois, des Cheyennes désireux qu’on les laisse tranquille une fois sur place – mais bien décidés à vivre en harmonie sur ce nouveau monde. Une fois les colons sur place, l’installation se déroule sans mal… jusqu’à ce qu’on découvre la présence d’extraterrestres sur Forêtverte, réparties dans plusieurs villages distants. Première forme d’intelligence extraterrestre jamais découverte, les Velus, tel qu’on les surnomme, se caractérisent par leur apathie ; du moins, pour certains, car d’autres tribus s’avèrent plus agressives, et d’autres encore assez euphoriques. Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils ainsi ? Et d’où viennent-ils ? Car une chose est sûre : ces Velus ne sont pas indigènes, et leur installation sur Forêtverte est récente. Bientôt, c’est un vaisseau extraterrestre qui arrive en vue de l’exoplanète  ; au grand étonnement des colons humains, celui-ci transporte des êtres quasi-végétaux – les Tiges –, dont la chimie ne se base pas sur l’ADN. Les Tiges sont en conflit contre les Velus depuis des siècles, mais, dans l’incapacité morale de tuer, ces créatures végétales ont opté pour une autre approche. Et la colonie humaine se retrouve au beau milieu de cette guerre larvée…

Nouvelle incursion de Nancy Kress dans le space opera, Feux croisés débute comme le récit d’une colonisation exoplanétaire auquel vient s’ajouter le thème du premier contact… avant de basculer, à la moitié du livre, dans le registre de la guerre interstellaire, perçue par le petit bout de la lorgnette. Classique (un peu trop, peut-être) mais efficace, d’autant que les relations entre les différentes factions humaines et leurs problématiques sont bien rendues, et que les Tiges et leur végétale culture (ha !) savent surprendre. Le roman n’abandonne pas pour autant les préoccupations favorites de l’auteure – à commencer par les modifications génétiques, tant humaines qu’extraterrestres, et leurs implications morales. En dépit de ses défauts (une intrigue quelque peu bancale, des personnages assez fades, des thématiques parfois survolées), l’histoire reste néanmoins plaisante à suivre, avec son ambiance old school. Il ne s’agit peut-être pas du récit le plus fameux de notre auteure, plus à l’aise sur la distance courte, mais même en mode mineur, Kress sait mener sa barque. Si Feux croisés constitue une histoire finie en soi, notons que la conclusion laisse la porte ouverte à une suite : Crucible (2004, inédit en français).

Trilogie de la probabilité

0.5. - « Les Fleurs de la prison d’Aulite » (« The Flowers of Aulit Prison » , 1996, novella traduite de l’américain par Michelle Charrier - dernière parution VF : Bifrost n° 17, 2000)

1. - Réalité partagée (Probability Moon, 2000, roman traduit de l’américain par Monique Lebailly - dernière édition VF : Pocket « SF », 2004)

2. - Artefacts (Probability Sun , 2001, roman traduit de l’américain par Monique Lebailly - dernière édition VF : Pocket « SF », 2004)

3. - Les Faucheurs (Probability Space , 2002, roman traduit de l’américain par Monique Lebailly et Florence Dolisi - dernière édition VF : Pocket « SF », 2005)

 

Parue de 2000 à 2002 en version originale, cette trilogie dite de « la Probabilité » s’inspire de l’excellente nouvelle « Les Fleurs de la prison d’Aulite » écrite quelques années auparavant. Space opera, hard science, anthropologie, philosophie, physique quantique, biologie animale ou végétale… tout est rassemblé dans ce triptyque qui se mérite.

xxiie siècle après J.-C. Les Terriens découvrent au sein du système solaire un tunnel spatial abandonné par une race probablement disparue depuis longtemps. Ce fruit d’une technologie mystérieuse fonctionne, et n’est que le premier d’une longue série tentaculaire qui leur ouvre la porte des étoiles…

Une soixantaine d’années plus tard : les humains ont exploré une bonne partie de l’univers désormais connu, essaimant des colonies au gré des quelques planètes visités, échangeant avec des civilisations extraterrestres… mais révélant aussi au passage leur pire ennemi, les Faucheurs, une espèce agressive et xénophobe. Suite à cette rencontre, la guerre a été déclarée, et humains et Faucheurs s’affrontent régulièrement depuis des années dans des combats spatiaux meurtriers. Jusqu’au jour où les Faucheurs prennent une avance technique inexplicable. Les gouvernements humains (bien sûr militaires) décident alors de lancer une expédition vers la planète Monde, dont l’une des lunes semble être issue de la même technologie énigmatique que les tunnels. Sous couvert d’une recherche anthropologique, militaires et scientifiques sont envoyés dans ce système lointain. Tandis que physiciens, exobiologistes, géologues et autres spécialistes se lient avec les populations locales, les soldats en orbite étudient l’objet – qu’ils finiront par détruire dans leur désir de se l’approprier à tout prix.

Quand les membres de l’équipe en poste sur la planète découvrent une deuxième sphère de petite taille, ils supposent que les êtres vivants de Monde ont évolué en fonction des ondes émises par cet artéfact qui crée des champs de probabilités quantiques. Car les autochtones vivent dans une utopie pacifique. Nulle violence n’est autorisée, tout conflit entraînant chez ceux qui le vivent une migraine effroyable. Les Mondiens existent selon le principe de Réalité partagée ; tout être qui la bafoue en valorisant son individualité au détriment du groupe est déclaré irréel, et condamné à une vie douloureuse de paria en attendant la mort.

Peu à peu, militaires et scientifiques devinent aussi le potentiel destructeur de l’artéfact restant. Malheureusement, les Faucheurs possèdent eux aussi une telle arme. Doutes et craintes grandissent quand on comprend que deux artéfacts, réglés sur la configuration la plus extrême au sein d’un même système, peuvent provoquer un effondrement de l’espace-temps et détruire l’univers. Humains et Faucheurs ont maintenant le pouvoir de remporter la guerre, mais surtout celui de créer le Néant. Qui gagnera au bluff ?

Peut-être le lecteur, s’il réussit à se perdre dans cette trilogie. Car si les tomes sont inégaux dans leur traitement, chacun peut cependant y trouver son plaisir. Qu’elle soit davantage portée sur les aspects scientifiques et philosophiques (Réalité partagée), que sur les problèmes éthiques, sociologiques et linguistiques causés par les contacts entre civilisations étrangères à la technologie avancée ( Artefacts), ou encore sur les actions et conflits politiques typiques du space opera (Les Faucheurs ), chaque partie de ce triptyque est cohérente en elle-même ou dans le tableau dessiné. Peu importe que certains passages semblent impénétrables, les détails sont savoureux pour qui sait y goûter. Que l’on comprenne cette hard science éclairée et très documentée ou pas, il est toujours possible de se laisser bercer par l’exotisme d’un langage technique précis et par les images qu’il invoque. Même si, avec un peu de cynisme, on pourrait regretter un méchant presque caricatural, qui demeure l’étranger aux intentions hostiles, et une humanité somme toute assez primaire dans sa réponse. Même si les personnages, attachants par bien des aspects, restent assez simplistes. Même si l’on y retrouve les motifs vus et revus d’une SF plus traditionnelle.

Un récit intéressant, donc, proposant beaucoup de bonnes idées, développant beaucoup de longueurs aussi, et qui, au final, même s’il n’est pas mémorable, fait passer un bon moment.

Les Hommes dénaturés

Initialement publié en France en 2001 par le regretté Jacques Chambon dans la non moins regrettée collection « Imagine » des éditions Flammarion, Les Hommes dénaturés est le dixième roman de Nancy Kress (1998 en VO).

Au tournant des années 2030, le Retournement tant redouté s’est produit : la pyramide des âges s’est inversée, le nombre de décès a dépassé le celui des naissances. En cause, un taux de natalité en chute libre, conséquence directe d’un environnement de plus en plus pollué et de perturbateurs endocriniens omniprésents. Naturellement, le visage du monde s’en trouve bouleversé ; la jeunesse devient le bien le plus précieux des sociétés occidentalisées (comme souvent chez Kress, le prisme est très américano-centré), la moindre naissance est un événement, la tentation du trafic d’enfant est plus qu’une tentation, et l’adoption d’animaux explose – triste pis-aller pour des couples en mal d’amour filial.

C’est dans semblable contexte que Shana Walders, jeune appelée au caractère de cochon désireuse de faire carrière dans l’armée, effectue une intervention de sécurisation suite à un incendie provoqué par le déraillement d’un train. Au cours de l’opération, elle aperçoit un fuyard les bras chargés de petits singes, des animaux dont Shana jurerait qu’ils sont dotés d’un visage… humain. Virée de l’armée alors qu’elle tentait de révéler sa découverte au plus grand nombre par le biais d’une commission véreuse, la grande gueule au langage de charretier ne compte pas en rester là et entreprend de mener sa propre enquête. D’autant que peu après, lors d’une soirée désœuvrée avec quelques copines militaires qui vire à la castagne homophobe, elle reconnaît, en la personne d’un des agressés, le visage aperçu sur les singes… S’intriquent alors trois lignes narratives, celle de Shana, celle du danseur Cameron Utuli, l’homosexuel agressé (Kress renouant ici avec l’une de ses grandes passions, la danse classique, domaine qui offre le cadre à, ou teinte nombre de ses récits), et celle de Nick Clementi, riche médecin au bras long mais sur le point de mourir, qui décide d’aider Shana.

Les Hommes dénaturés est un condensé de Nancy Kress. Futur proche. Questions sociétales. Bio-ingénierie et magouilles à tous les étages. Et ce jusque dans les travers de l’auteur (et ses marottes). Car si le roman ne manque pas de rebondissements, tous les personnages ne bénéficient pas du même traitement et on frôle parfois la caricature. Le roman, pourtant court, patine ça et là, et le récit aurait sans doute gagné à se resserrer sur l’une ou l’autre des lignes narratives (Shana Walders, bien entendu). L’auteure, définitivement plus à son aise dans le format du court roman ou de la novella, aurait à coup sûr accouché d’un texte plus nerveux, plus dynamique, tout en gommant l’aspect un rien caricatural déjà évoqué.

Reste un techno-thriller fréquentable, distrayant et non exempt de questions pertinentes, sans doute parfois desservi par une traduction un poil trop sage. Il y a bien longtemps (en 2002, dans le Bifrost 25), notre collaborateur hissait Les Hommes dénaturés au niveau du Feu sacré de Bruce Sterling. On s’autorisera ici un peu moins d’enthousiasme.

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