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Lee Winters, shérif de l'étrange

Visiblement, le mélange western et fantastique n’enthousiasme guère les éditeurs français. Les parutions se comptent sur les doigts de la main : La Tour du diable et Le Train du diable de Mark Sumner, Bloodsilver de Wayne Barrow, Celui qui bave et qui glougloute de Roland C. Wagner. Et plusieurs très bons livres du genre restent inédits en français : The Flight of Michael McBride de Midori Snyder, Territory d’Emma Bull ou la trilogie « Hexslinger » de Gemma Files. Par conséquent, on est tenté de saluer chapeau bas l’initiative des Moutons électriques de nous proposer une sélection des meilleures aventures du shérif Lee Winters, un des deux héros fétiches de l’auteur de pulps Lon T. Williams.

Un a priori positif que dément très vite la lecture de l’ouvrage. Passons rapidement sur les coquilles à la pelle, les mots oubliés et les maladresses de traduction, « buffle » plutôt que « bison », entre autres joyeusetés, pour nous pencher sur le vrai problème de cet ouvrage : on s’y ennuie trop souvent. Lon T. Williams n’écrit pas particulièrement bien, chez lui tout est expédié, et pour tout arranger, il construit mal ses histoires, usant d’artifices qui étaient déjà faciles du temps d’Edgar Allan Poe… quand il n’oublie pas un bout entier de son intrigue. Pire, il se répète. On a souvent l’impression de lire une variante du même récit : Lee Winters rentre de nuit à cheval et tombe sur un fantôme / des êtres mythiques / un mystère à résoudre, il s’en sort, puis va boire un verre chez Doc Bogannon. Si quelques histoires sortent du lot, « La Marque du wampus » par exemple, ou « Une lanterne en plein ciel », l’ensemble ne résiste pas à une lecture suivie. Sans être honteux, ce Lee Winters, shérif de l’étrange est une petite déception, d’autant plus cruelle que l’objet livre est très beau.

La Nuit

Trois ans après son premier roman, Monstre [une enfance], Frédéric Jaccaud revient, cette fois en « Série noire », avec La Nuit. Après s’être penché sur la psyché d’un tueur en série, l’écrivain élargit son champ de vision pour étudier au plus près une société au bord de l’explosion : la nôtre.

L’action se déroule à Tromso, petite ville du nord de l’Europe, plongée neuf mois par an dans l’obscurité. On y suit le parcours parallèle d’une quinzaine de personnages ordinaires, solitaires le plus souvent, (mal) accompagnés parfois : un vétérinaire urgentiste alcoolique, une militante écolo, un hacker, une pute, une infirmière, une paire de flics, un couple de tueurs… Tous semblent être en bout de course, tous partagent un même mal-être et semblent stagner dans un présent perpétuel et inconfortable auquel pourtant ils se raccrochent, car ils savent que ce qui les attend demain ne peut qu’être pire que ce qu’ils connaissent déjà. Frédéric Jaccaud va longuement s’attarder sur eux, sur ces êtres figés, en repoussant le plus longtemps possible le démarrage de son intrigue, laquelle n’aura d’ailleurs d’autre but que de projeter tout ce petit monde vers le chaos final.

On pourrait qualifier La Nuit de roman pré-apocalyptique. Tous les éléments sont en place, ne manque plus que l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. Chacun des personnages, à sa manière, sera cette étincelle : Karl, ce vétérinaire qui a cessé de vivre le jour où sa femme et son enfant sont morts, et qui va par un malheureux concours de circonstances focaliser l’attention de tous ; Lucie, idéaliste innocente liée à un groupe d’écoterroristes ; Erik, le tueur sadique ; Aleksy, dont les interventions sur le Net vont amplifier cette ambiance paranoïaque délétère qui ne cesse de croitre au fil des pages, une paranoïa qui se nourrit d’elle-même, jusqu’à supplanter la réalité.

A l’image de cette ville plongée dans la pénombre à toute heure de la journée, La Nuit est un roman d’une noirceur de chaque instant, dans lequel plus personne ne semble croire que le soleil réapparaitra un jour. Il y a une profonde lassitude et une résignation collective à voir le monde s’effondrer, s’achever, et à l’inverse une incapacité à imaginer autre chose, une autre voie possible. Frédéric Jaccaud réussit un remarquable travail d’équilibriste en donnant à voir l’humanité sous son jour le plus sordide sans jamais faire preuve de la moindre complaisance. Au contraire, à l’instar d’un Thierry Di Rollo, il nous fait partager l’intimité de ses personnages, aussi pitoyable soit-elle, avec une belle pudeur et une économie de moyens qui force le respect. Le résultat n’en est que plus tragique.

L'Étrange Affaire de Spring-Heeled Jack

Quarante ans après Philip José Farmer et son « Monde du Fleuve », Mark Hodder ressuscite à son tour Sir Richard Francis Burton, et lui confie les rênes de son premier roman, L’Etrange affaire de Spring Heeled Jack. Le fameux explorateur, devenu pour l’occasion agent de la Couronne, y partage la vedette avec Algernon Charles Swinburne, poète méconnu de ce côté-ci de la Manche, libertin, adepte de Sade et enquêteur du surnaturel à ses nombreuses heures perdues.

Nous sommes à Londres, en 1861, dans une Angleterre qui aurait dû être victorienne si la jeune reine n’avait pas été assassinée vingt ans plus tôt. C’est dans ce meurtre que le roman trouve ses origines steampunk : grand-bis à vapeur, hélicoptères fonctionnant au charbon, chiens ou perroquets génétiquement modifiés pour servir de coursiers, Mark Hodder reste relativement sage dans ses inventions, jamais envahissantes, la plupart d’entre elles ne servant qu’aux transports ou aux communications. Pour le reste, cette Angleterre du XIXe n’est pas très différente de la nôtre, surtout lorsque le romancier met en scène les quartiers les plus sordides de la capitale, où se déroule une bonne partie de cette histoire. On y croise également nombre de visages célèbres, de Gustave Doré à Oscar Wilde, parfois dans des rôles assez surprenants.

Burton et Swinburne sont amenés à enquêter sur une série de phénomènes étranges plus ou moins liés entre eux : des enlèvements d’enfants, des agressions de jeunes filles, des attaques de loups-garous dans les rues de Londres, et l’apparition répétée d’une figure du folklore britannique. Les investigations de nos deux héros vont rythmer le récit durant cinq cents pages, avec plus ou moins de bonheur. Les péripéties et les coups de théâtre ne manquent pas, mais Mark Hodder aurait pu élaguer son roman d’un bon quart, épargnant ainsi au lecteur nombre de redites et de longueurs superflues.

Le roman doit l’essentiel de son originalité au personnage de Spring Heeled Jack et à son parcours chaotique. Mark Hodder sort pour l’occasion des canons habituels du steampunk et son histoire bascule alors dans un autre registre, plus inattendu — même si on devine assez rapidement le mystère qui entoure chacune de ses apparitions. Et là encore, on ne peut que regretter que la partie du roman qui lui est consacrée manque cruellement de concision.

L’Etrange affaire… est un récit d’aventures rythmé non dénué d’humour qui devrait vous offrir quelques heures d’agréable lecture. A moins que, si le temps le permet, vous préfériez boire des coups en terrasse, manière tout aussi plaisante de perdre son temps.

L'Amicale des jeteurs de sort

Après les éditions Griffe d’Encre l’an dernier et la très réussie Destination univers, c’est au tour des éditions Malpertuis de publier l’anthologie officielle du festival Zone Franche, qui s’est tenu en février dernier à Bagneux. Première différence de taille : là où Jeanne-A. Debats et Jean-Claude Dunyach avaient opté pour une sélection resserrée (huit textes, dont une moitié signée par de jeunes auteurs), Thomas Bauduret et Christophe Thill ont au contraire fait le choix de l’opulence, et L’Amicale des jeteurs de sorts affiche pas moins de vingt-quatre nouvelles à son sommaire.

La plupart de ces textes mettent donc en scène sorciers, magiciens et autres jeteurs de sorts, avec la volonté affichée en préface d’éviter les stéréotypes généralement liés à ce type de personnages et de récits. De ce point de vue, le choix d’ouvrir l’anthologie avec « L’Eau pure » de Lucie Chenu est à peu près le pire possible. Non que la nouvelle en question soit mauvaise, mais il s’agit d’une sorte de conte moral à l’ancienne, tout à fait désuet, tant sur le fond que sur la forme.

De manière générale, les nouvelles au sommaire de cette anthologie sortent assez peu des sentiers battus. Dans le meilleur des cas, leurs auteurs revisitent quelque conte célèbre (l’histoire du Petit Chaperon Rouge revue et corrigée par Ketty Steward) ou prolongent quelque œuvre fameuse (Claude Mamier jouant avec les personnages du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare). Trop souvent, ils ne font qu’enfiler les perles et alimentent à grands coups de clichés des récits d’une vacuité absolue, ou signent des nouvelles à chute qui pouvaient faire sourire du temps des pulps mais qui, aujourd’hui, ont pris un méchant coup de vieux.

Et puis, de temps en temps, on a tout de même de belles surprises. C’est « La Nuit où tu m’aimeras » de Jean-François Seignol, où la sorcellerie se danse sur un air de tango ; c’est la magie qui se terre dans un vieux bistrot parisien dans « Les Filles de la doublure intérieure » de Laurent Fétis ; ou encore les oniromanciens de Simon Sanahujas, qui modifient la marche du temps dans « Le Marchand de réalité ».

Quelques rares auteurs font l’effort d’aborder le thème de manière plus originale. Léo Henry y parvient fort bien avec « Tordre le cou à la pensée magique », où un anodin lecteur mp3 se transforme soudain en oracle musical. A l’inverse, Julien Heylbroeck signe la pire nouvelle du recueil avec « Magic Best-of », en tentant de marier sorcellerie et junk-food. L’idée pouvait être amusante, le résultat est d’un amateurisme absolu. Quant à Romain d’Huissier, on lui accordera volontiers la palme de l’exotisme pour « Hong Kong by Night – Vengeance pour un dragon », une fantaisie urbaine nourrie au cinéma de genre local qui mériterait sa classification en Catégorie III.

Finalement, la meilleure nouvelle de cette anthologie se cache en toute fin de volume et est signée Karim Berrouka. « Vaisseau d’espoir, comment es-tu devenu un vaisseau de douleur ? », nous invite à bord d’un navire spatial où ont pris place quelques milliers de colons en route vers une Terre nouvelle. Sauf que les secrets du voyage supraluminique ne doivent rien à la science… La fin aurait pu être plus cruelle encore, mais le texte en l’état fonctionne fort bien.

On trouvera donc au sommaire de L’Amicale des jeteurs de sorts quelques nouvel-les de qualité, un peu perdues au milieu d’une majorité de récits médiocres. Décidément, un élagage un peu plus sévère aurait fait le plus grand bien à cette anthologie.

Mater Terribilis

Mater Terribilis est le huitième roman consacré aux aventures de Nicolas Eymerich, et le deuxième inédit publié par la Volte après Le Château d’Eymerich. On y retrouve avec un plaisir non dissimulé notre anti-héros d’inquisiteur, confronté une nouvelle fois à des phénomènes pour le moins étrange, au long d’une intrigue complexe dont les ramifications temporelles, ainsi qu’il est d’usage dans la série, dépassent le seul XIVe siècle.

L’aventure se déploie en effet sur trois époques. En 1362, Nicolas Eymerich, souffrant d’un menu différend avec le pape et les dominicains d’Aragon, qui l’ont déposé de sa charge, est amené à enquêter sur la disparition de deux inquisiteurs dans la région de Cahors, alors sous occupation anglaise. Accompagné de deux prêtres (larbins), il doit faire face à des manifestations nécessairement sataniques : brumes persistantes, nuées d’insectes géants, distorsions temporelles… et l’on ose même lui brandir sous le nez un apocryphe de saint Thomas d’Aquin supposé détenir la clef de la victoire des Français sur la perfide Albion !

Quelques décennies plus tard, au début du XVe siècle, la guerre de Cent Ans fait toujours rage. Et Valerio Evangelisti décide de s’attaquer à un gros morceau, puisqu’il intègre dans son univers rien de moins que l’odyssée de Jeanne d’Arc, depuis sa rencontre avec le « gentil Dauphin » jusqu’à sa fin tragique… le tout envisagé essentiellement à travers les yeux de son sulfureux compagnon Gilles de Rais.

Enfin, à notre époque et dans un futur proche, nous assistons, au travers de brefs « cauchemars », à la mise en place d’un intrigant instrument de contrôle des rêves ainsi qu’au conflit entre les néo-nazis de la RACHE et l’Euroforce, faisant s’opposer des créatures improbables, mosaïques zombies et super-soldats…

Bien entendu, ces trois trames n’en font en définitive qu’une. Cependant, si le lien est évident et bien justifié entre les deux parties médiévales, on peut trouver la partie contemporaine et futuriste quelque peu redondante, et à vrai dire guère convaincante. Ces « cauchemars » sont trop décousus pour véritablement captiver le lecteur, qui ne goûtera en outre pas nécessairement les quelques relents de complotisme et de technophobie qui en émanent, pas plus que la naïve, voire dangereuse, utopie cyberpunk qui en découle.

Non, l’intérêt est ailleurs, à l’époque de la guerre de Cent Ans, et réside dans la confrontation entre l’inquisiteur Nicolas Eymerich et la plus satanique des créatures : la femme. Tel est en effet le thème essentiel de Mater Terribilis (hélas passé à la moulinette d’une pseudo-psychanalyse jargonneuse, moins séduisante que les fumisteries théologiques d’alors) : le rapport du masculin au féminin, et la place de la femme dans l’ordre du monde. Et l’on avouera sans peine que l’idée d’opposer, par-delà les années, Eymerich à Jeanne d’Arc, a quelque chose de particulièrement séduisant…

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Valerio Evangelisti joue des archétypes (on ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser ici à la psychosphère). Le problème, c’est qu’à pousser le bouchon trop loin, il en vient à sombrer dans la caricature. Bizarrement, Jeanne d’Arc et Gilles de Rais, à ce petit jeu, s’en tirent plutôt bien, ce dernier étant même probablement le personnage le plus charismatique du roman, tandis que la Pucelle d’Orléans, démystifiée, offre un joli cas clinique. Il en va tout autrement, hélas, de notre inquisiteur préféré… Mais pourquoi est-il si méchant ? Certes, c’est en bonne partie pour cela qu’on l’aime, mais on peut légitimement trouver, cette fois, que l’auteur en fait trop. Ce qui nuit en outre à la crédibilité de l’intrigue… C’est d’autant plus regrettable que Mater Terribilis ne manque pas d’ambition, évoquant à cet égard les plus belles réussites de la série, Le Mystère de l’inquisiteur Eymerich et Cherudek. Hélas, l’exécution n’est probablement pas à la hauteur du projet, et donne une triste impression de bâclé.

Certes, tout n’est pas à jeter dans ce huitième épisode — qui se lit malgré tout assez bien, ou du moins sans que l’ennui ne s’installe : Valerio Evangelisti est un conteur aussi brillant qu’astucieux qui n’a à cet égard aucune leçon à recevoir. C’est déjà beaucoup, assurément. Mais on était en droit, eu égard à l’ambition affichée du roman, d’en attendre un peu plus qu’un simple divertissement pas trop mal ficelé, caricatural mais prenant ; quelque chose de plus stimulant, en somme, comme pouvaient l’être les meilleurs romans de la série. Aussi, c’est surtout d’un point de vue relatif que Mater Terribilis donne une impression d’échec : sans être un mauvais livre pour autant, il se montre frustrant, parfois même agaçant, et bien inférieur à ce que l’auteur avait pu livrer auparavant. Un Nicolas Eymerich plutôt faible, donc, qui ne convaincra totalement que les fans les plus acharnés de l’inquisiteur aragonais.

American Gothic

Si l’on en croit Xavier Mauméjean — ou bien le traducteur François Parisot, responsable de cette compilation de documents (à ce qu’il semblerait, tout du moins), ou encore Jack Sawyer, qui fait figure de spécialiste depuis un singulier mémoire d’étudiant —, l’imaginaire enfantin américain repose pour l’essentiel sur deux œuvres : Le Magicien d’Oz, bien sûr, mais aussi, et de manière à la fois plus insidieuse et plus profonde, Ma Mère l’Oie de Daryl Leyland, épatant recueil de contes, comptines et légendes urbaines paru à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Or, si Le Magicien d’Oz a connu les adaptations cinématographiques que l’on sait, il n’en est pas allé de même pour le chef-d’œuvre de Leyland illustré par son ami Van Doren. Il y eut pourtant un projet, soumis à Jack L. Warner, désireux de supplanter Disney. Et c’est justement la raison pour laquelle, maccarthysme oblige, la Warner embauche Jack Sawyer afin d’enquêter sur le mystérieux Daryl Leyland et, au besoin, de « nettoyer » sa biographie. American Gothic est donc l’occasion de dresser un portrait de l’auteur de Ma Mère l’Oie — et, en creux, de Jack Sawyer, voire de François Parisot, ainsi que d’autres figures gravitant autour de ce projet d’adaptation cinématographique ou de la vie et de l’œuvre de Daryl Leyland. Et de comprendre enfin pourquoi il n’y eut pas de film… même si, autant le dire de suite, cette dimension-là relève quelque peu du McGuffin.

American Gothic — le titre fait bien entendu référence au célèbre tableau, mais ses connotations sont plus vastes — est assurément un roman qui ne manque pas d’ambition. Sixième titre de la collection « Pabloïd » des éditions Alma, qui énumère huit « emblèmes » selon Picasso via Malraux, il a pour thème la souffrance. Traitée, donc, à travers le prisme des contes de fée. Et quoi de plus innocent qu’un conte ? Bien des choses, sans doute, ainsi qu’on le sait depuis fort longtemps… Et Ma Mère l’Oie ne déroge pas à la règle, compilation, teintée de sadisme, de faits-divers atroces abondant en maltraitances enfantines pouvant aller jusqu’à la torture ou l’homicide.

Il faut dire que le livre de Daryl Leyland reflète à bien des égards — et sans grande surprise — la biographie pour le moins tourmentée de son auteur, enfant plus ou moins abandonné, passé par les institutions les plus glauques de l’Amérique d’antan. Aussi l’étude de sa vie et de son œuvre — biaisée, forcément, puisque passant par le regard de Jack Sawyer, puis de François Parisot — débouche-t-elle sur une peinture sans concessions des Etats-Unis d’alors — et probablement d’aujourd’hui. Le melting-pot rêvé des immigrants se transcende ainsi en cauchemar, de la misère économique à l’oppression politique, en passant par la guerre (la Première Guerre mondiale pour Leyland, la Seconde pour Sawyer, la Corée pour Parisot). Ma Mère l’Oie se fait ainsi le creuset d’un imaginaire sombre, d’un « gothique américain », symptomatique d’un pays en construction mythique, qui se cherche et se fabrique une histoire qui lui soit propre.

La multiplicité des voix et documents — plus qu’à leur tour contradictoires — permet d’approfondir cette analyse. Ces portraits incomplets et sujets à caution, ces morceaux choisis, ces exégèses érudites mêlées de tranches de vie, dessinent ainsi une Amérique onirique, celle d’Hollywood et des gangsters de Chicago, faite de rêves et de violences, et riche en traumatismes plus ou moins avoués. Une Amérique pathologique — et donc authentique ? —, vécue de l’intérieur et observée — disséquée — d’une manière faussement neutre par des lecteurs s’appropriant leur lecture — jolie mise en abyme.

Irréprochable sur la forme comme sur le fond, tant les deux sont imbriqués à s’étouffer, et d’un à-propos indéniable, American Gothic se dévore comme un page-turner sans pour autant prendre le lecteur par la main, mais au contraire en l’incitant à s’interroger sur son propre regard.

En s’éloignant un tantinet de l’imaginaire, qui n’est plus traité ici que par la bande, devenant sujet et non méthode, Xavier Mauméjean signe probablement son roman le plus abouti et le plus convaincant (on ne peut s’empêcher à cet égard de le placer dans la lignée de Lilliputia, mais avec davantage de réussite). C’est dire si l’on recommandera chaudement cet American Gothic d’excellente facture, aussi intelligent que passionnant, à dévorer sans modération.

Stairways to hell

Pourtant, malgré toute cette violence, chaque texte recèle une certaine beauté, de petits moment de poésie qui rendent les écrits de Thomas Day si inoubliables et ses personnages, aussi horribles ou pervertis soient-ils, profondément humains et touchants. Le Bibliocosme

Et la SF entra dans l'anthropocène

Qu'est-ce que l'anthropocène ? Où va la science-fiction ? Yannick Rumpala, maître de conférence à l'Université de Nice, répond entre autres à ces questions dans sa passionnante postface à Sept secondes pour devenir un aigle, à retrouver sur le blog !

Number Nine

Assurément, on ressort ébranlé par la lecture de Number Nine. La vision pessimiste de l’auteur et le peu d’empathie que semblent éprouver les personnages pour leurs semblables comptent pour beaucoup dans cette impression. Le roman de Thierry Di Rollo est jalonné de phrases chocs, comme autant de clous apposés sur le cercueil d’une humanité vouée à faire du monde un enfer. Yossarian

Sept secondes pour devenir un aigle

Du talent, Thomas Day en a à revendre et, même s’il s’est assagi comme le précise fort justement Olivier Girard dans la préface, il s’agit incontestablement d’un des tous meilleurs auteurs français de l’imaginaire. 7 Secondes pour devenir un aigle est un recueil de qualité, d’autant plus incontournable qu’il fait également la part belle au talent d’Aurélien Police. La Yozone

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