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Cowboy Angels

Il a suffi que l'Amérique « réelle » découvre en 1966, sous Nixon, le moyen de passer dans des univers parallèles grâce aux portes de Türing, pour que s'engage une lutte tentant d'imposer la démocratie partout où le communisme a triomphé. L'ampleur de la tâche nécessite l'emploi d'un service d'agents secrets aux pratiques pas toujours recommandables chargés de créer les conditions de la victoire, expédiant si nécessaire un contingent militaire pour appuyer sur place les défenseurs de la liberté. Les univers parallèles étant sans fin, cette guerre souterraine est également éternelle, c'est pourquoi Jimmy Carter, une fois président, y met fin, au grand dam de quelques gradés belliqueux et d'agents sur le terrain qui, comme Tom Wawerly, ne comprennent pas qu'on abandonne dans des univers parallèles des combattants incités à se soulever ni n'acceptent cette mise à la retraite anticipée. Ce n'est pas le cas d'Adam Stone, qui se retire sur un univers rural n'ayant pas connu la révolution technologique, jusqu'à ce qu'on lui demande de reprendre du service. En effet, Tom Wawerly, qui fuit à travers les mondes avec un art consommé de la discrétion, a entrepris d'assassiner toutes les versions d'une mathématicienne ayant travaillé sur les portes de Türing : Adam doit mettre fin à ce massacre et inciter son ami à se rendre. Mais il lui importe également de découvrir pourquoi cette femme est systématiquement assassinée et de comprendre les motivations secrètes de ceux qui l'ont missionné, car il devient vite évident que les dés sont pipés et que les véritables raisons de cette traque sont au cœur d'un projet d'une inimaginable ampleur auquel il est irrémédiablement mêlé.

Impossible, avec un tel scénario, de ne pas songer aux coups tordus imaginés par la CIA à travers le monde durant la période du cadre du roman, pas plus qu'on n'est surpris de constater que les USA, en découvrant ces territoires transversaux, tiennent à établir leur hégémonie partout où elle fait défaut. McAuley s'en donne à cœur joie en décrivant des Amériques parallèles aux destins politiques divers, agrémentant ces sociétés de détails qui peuvent concerner des auteurs de S-F à qui il rend hommage. Il développe également quelques aspects habituellement ignorés dans ce type de récit exploitant d'ordinaire les situations générées par de subtiles modifications affectant le quotidien d'un individu ou d'un groupe, ou empruntant les chemins plus globaux de l'uchronie. Ici, tout en jouant sur ces schémas narratifs avec un brio certain, les passages d'un monde à l'autre ressemblent fort à des voyages temporels ayant généré des paradoxes affectant l'époque d'origine, jusqu'à créer ces imbroglios inextricables mettant en scène plusieurs versions d'un même personnage traversant des sociétés ne différant de la réelle que par de menus détails, qui sont autant de pièges pour les visiteurs ne maîtrisant pas tous les codes. Hormis les sociétés rurales, les univers parallèles accessibles sont toujours relativement proches du réel, phénomène qui n'a jamais trouvé d'explication satisfaisante à ce jour. McAuley glisse des détails savoureux comme cette émission de télé-réalité qui permet de suivre le destin de célébrités dans des mondes où elles sont restées anonymes ou ont produit des succès inconnus ici, et aux joueurs de voir leurs « doppels » dans des trames divergentes les consolant parfois de leur vie présente. Autre originalité, la stabilité de quelques individus ou événements qu'on est assuré de retrouver dans les faisceaux les plus divergents, comme Elvis Presley, le Coca Cola ou McDo.

Plus convenue est l'intrigue proprement dite, récit d'espionnage mouvementé à l'action soutenue et souvent musclée, mais qu'on trouvera parfois répétitive. Elle réserve néanmoins nombre de surprises liées aux univers parallèles, imbriquant habilement les situations qu'ils génèrent avec les rebondissements de la trame romanesque. Un McAuley d'excellente cuvée !

La Terre et les Temps

Marlson. Le patronyme ne dira rien aux lecteurs moins que quadragénaires. Il s'agit de la version courte de « Pierre Marlson », pseudonyme de Martial-Pierre Colson. Cet auteur français a publié une vingtaine de nouvelles concentrées pour la plupart sur la seconde moitié des seventies. Il se situait dans la mouvance écolo-gauchiste qui prévalait alors dans le milieu et qui a disparu au début de la décennie suivante, comme si l'élection de Mitterrand avait réalisé « l'utopie tout de suite », titre d'une collection, emblématique de la science-fiction politique, où Marlson a donné un de ses deux romans en solo. Il a collaboré sur un autre roman avec Michel Jeury, ou plutôt Albert Higon, et, sur une nouvelle, avec un Roland C. Wagner juste sorti des langes. Après avoir débuté dans Fiction, comme un peu tout le monde à l'époque, il a figuré au sommaire du premier Retour à la Terre (une série d'anthologies dirigées par Jean-Pierre Andrevon) et à celui de plusieurs collectifs chez Kesselring et Ponte Mirone. Il revient avec ce recueil qui paraît dans une collection des éditions Libertaires intitulée « Nos futurs », laquelle, à la lecture de son catalogue en fin de volume, donne l'impression de vouloir sa S-F proche dans le temps et militante dans l'esprit.

Tout ceci me chatouillerait agréablement la glande protestataire, si les textes ici rassemblés n'étaient d'une médiocrité consternante.

« L'enfant et le capitaine » (paru dans Phénix en 1990, et chacun sait combien cette revue belge privilégiait l'excellence… ah, on me souffle dans l'oreillette que le sarcasme, ce n'est pas gentil) donne le ton d'entrée de jeu : un centurion romain, Marcus Florinus, croise le chemin d'un Juif qui le conduit là où son Roi, un bébé, vient de naître, un bébé au regard si rempli d'amour que le vieux soldat acariâtre et un gros poil antisémite dépose les armes devant lui… mais ce n'était qu'un rêve, ainsi que le constate Mark Florhens, un soldat de l'armée israélienne passé par la Légion étrangère, à son réveil… sauf que ce n'était pas qu'un rêve, vu que son uniforme a été dégradé, que ses armes ont disparu et que, comme répond son camarade Simon quand il s'inquiète de la date, « NOUS SOMMES LE VINGT-CINQ DECEMBRE » (en Majuscule dans le texte original, adjectif que j'emploie avec une certaine générosité).

Inutile de s'attarder sur le reste du sommaire (trois textes, dont deux longs), tout est du même acabit : style surchargé, dialogues ampoulés, idées rebattues, DES MAJUSCULES CHAQUE FOIS QU'IL FAUT MENAGER UN COUP DE THEATRE, voilà bien un recueil que j'aurais aimé trouver sympathique et qui ne m'a paru qu'agaçant. À fuir, surtout si l'on partage les idées de l'auteur…

Durastanti (moi aussi, je peux m'écourter pour faire djeûn)

Dimension URSS

On oppose souvent « amateur » à « professionnel », or il convient de rappeler que le premier terme dérive de la même racine (latine) que le verbe « aimer », et c'est à un véritable travail d'amateur, dans l'acception la plus noble du mot, que nous convie Dimension URSS, une anthologie à dimension historique, mais à la vocation plus littéraire qu'on pourrait le croire.

Cela commence pourtant assez mal. La préface de Patrice Lajoye, où il explique sa démarche de proposer un complément aux précédents recueils couvrant cette littérature, dont le « Livre d'or » Science-fiction soviétique (Leonid Heller, Presses-Pocket, 1984), n'est certes pas en cause, mais il faudra un brin de bonne volonté au lecteur pour aller au bout de la pièce de théâtre de Valeri Brioussov, « La Terre, scène des temps futurs » : même si le décor, notre planète enchâssée dans une ville géante désormais presque vide à la suite du déclin de l'humanité, et l'ambiance, une fin du monde feutrée, peuvent séduire, les péroraisons de ses protagonistes valent un bon Valium. (Et, publiée en 1904, elle n'appartient pas stricto sensu à la période concernée.) Le style reste très pesant dans « Au-dessus du néant » (1927), d'Alexandre Beliaev, le comble pour une nouvelle traitant de l'annihilation de la gravité — ceci dit, dans Amazing Stories, à la même époque, on ne faisait pas mieux…

Puis, dès « L'Eveil du professeur Berne » (1956), de Vladimir Savtchenko, le niveau d'ensemble s'élève nettement pour ne plus trop redescendre ; ce texte à chute n'aurait guère paru déplacé dans un Galaxy de la même période. Avec « L'Astronaute » (1960), de Valentina Jouravlovia, on est plutôt dans l'école Astounding, et non loin des nouvelles d'un Tom Godwin ; il s'agit du premier texte vraiment émouvant de l'anthologie. « Sur un sentier poudreux » (1966), de Dmitri Bilenkine, apparaît plus mineur, une vignette à la Fredric Brown sans l'humour, mais « Le Pré » (1968), de Karen A. Simonian, aurait pu être signé par Simak ou Sturgeon. « Une Dernière histoire de télépathie » (1976), de Roman Podolny, démontre une fois de plus à quel point l'art du récit bref est difficile, quelle que soit la langue, et « Quels drôles d'arbres » (1975), de Victor Koloupaev, manque un peu sa cible malgré une narration habile, à cause d'une pirouette finale qui l'est moins.

S'enchaînent ensuite trois récits majeurs. « Pygmalion » (non daté), de Vladimir Drozd, une variation poétique et nostalgique sur le mythe classique, bénéficie d'une belle écriture joliment rendue (malgré la révision des traductions, pour la plupart issues de la revue Lettres soviétiques, reconnaissons que tous les textes n'ont pas cette chance), « Un Cheechako dans le désert » (1981), de Kir Boulytchov, nous ramène vers une science-fiction plus dure, avec une réussite certaine, tandis que « La Station intermédiaire » (1984), de Valentina Soloviova, aborde le fantastique ou le fantasmatique : l'auteure se met en scène dans une nouvelle qui évoque un épisode de La Quatrième dimension scénarisé par Philip K. Dick.

« La Toute dernière guerre au monde » (1984 encore), de Vladimir Pokrovski, et « Vingt milliards d'années après la fin du monde » (1984 toujours), de Pavel Amnouel, m'ont moins convaincu, car il s'agit de textes plus militants (militants pour la paix, ceci dit), mais le recueil s'achève en beauté sur un second récit de Karen A. Simonian, « Le Saule épanché et le roseau tremblant » (non daté), qui confirme le talent de la dame et son goût pour les ambiances inquiètes.

Enfin, il s'achève pour les fictions, car on peut encore lire une étude de Patrice Lajoye et admirer une galerie de couvertures, reproduites en noir et blanc. Bref, cette somme plaisante et roborative fait honneur aux « amateurs » un peu fêlés qui dirigent Rivière Blanche. Spassiba, camarades.

100 chefs d'oeuvre incontournables de l'imaginaire

« Mais dans quelle galère sommes-nous allés nous fourrer ? » demandent les trois co-auteurs de cet opuscule sur sa quatrième de couverture, comme pour anticiper les critiques qu'on ne manquera pas de leur adresser. L'entreprise, qui consiste ici à traiter, en une page chacun, ce que l'on nous présente comme les « 100 chefs-d'œuvre incontournables » de la science-fiction, du fantastique et de la fantasy, avait tout du casse-gueule ; le bilan, on va le voir, n'en est que mitigé, ce qui constitue déjà une manière de victoire.

Une courte préface signée du seul Eric Holstein définit les limites de l'exercice (une œuvre par auteur, même s'il peut en fait s'agir de séries) et signale que la sélection procède d'un critère de qualité plus que de popularité. Pourtant, dans le corps même de certaines critiques, on verra fleurir des assertions qui semblent démentir ce bel adage : entre autres, Pern est un « cycle interminable », tandis qu'Harry Potter ne présente « aucune originalité » et doit son succès à « un plan marketing sans précédent ». Curieuses louanges, pour des « chefs-d'œuvre incontournables »…

Ce petit livre au prix modique n'a évidemment rien d'un guide où l'amateur éclairé pourrait découvrir quoi que ce soit. Il y verra plutôt un pense-bête pour choisir quels livres conseiller à qui aimerait aborder l'Imaginaire, servi en cela par une liste qui comprend, par exemple, Fondation, L'Homme démoli, Dune, L'Oreille interne, Les Voies d'Anubis, Hypérion et American gods. Les écrivains francophones ne sont pas négligés (Jeury, Curval, Ayerdhal, Lehman, Wagner et Bordage, notamment), et le tout, présenté par ordre chronologique et démarrant sur L'An 2440, de Louis-Sébastien Mercier, tente d'esquisser, l'air de rien, un panorama historique de notre domaine. Les papiers, certes brefs, vont justement à l'essentiel, sans lasser par des gloses interminables, et ne se privent pas d'évoquer d'autres œuvres importantes de l'auteur de l'œuvre traitée.

Somme toute, même s'il représente un peu une occasion manquée — n'aurait-il pas mieux valu profiter du format pour proposer un guide de lecture décliné des ouvrages les plus faciles d'abord aux plus complexes ? —, on retiendra de ce fin volume son accessibilité, sa lisibilité et, pour l'essentiel, la pertinence de ses choix.

NSO - Le Nouveau Space Opera

Pour quelle raison bizarre et irrationnelle des êtres humains adultes, responsables et occidentaux, pourvus pour la plupart de conjoints et de progéniture, de métiers, de positions sociales même, enfin bref, des gens comme vous et moi, lisent-ils des histoires d'empires galactiques, de batailles spatiales, d'aventuriers stellaires et autres fariboles situées dans des futurs aussi lointains qu'improbables ?

Parce que, la plupart du temps, c'est par là qu'ils ont commencé à lire de la S-F et que, pour qui a succombé aux charmes d'Edmond Hamilton, de Leigh Brackett, de Poul Anderson, de Jack Vance et de bien d'autres, la perspective d'un horizon où ne cessent de se lever des étoiles nouvelles est irrésistible.

Comme le penchant de la science-fiction à créer des mouvements et des étiquettes que l'on peut à loisir coller sur les vieux pots où l'on fait les meilleures nouvelles soupes, à moins que ce ne soit le contraire ?

Le « Nouveau Space Opera » a été lancé dans le magazine américain Locus en août 2003 par (entres autres) des articles de Ken Mac Leod, Paul McAuley et Gwyneth Jones, que l'on retrouve tous les trois au sommaire de notre ouvrage.

Les anthologistes donnent comme définition : « Littéraire, stimulant, sombre et souvent dérangeant, mais aussi grandiose et romantique, excitant, plein de suspense […] et situé dans des décors grandioses. » Bref, le new space opera, c'est de la science-fiction après la new wave, le cyberpunk et le vingt-et-unième siècle, parce qu'après tout, si nos vies doivent se résumer à des tracas administratifs et autres chafouineries quotidiennes, que ce soit avec des administrations galactiques, si l'humanité doit connaître la guerre jusqu'à la fin des temps, qu'on fracasse des planètes et qu'on pulvérise des galaxies…

C'est, on vous l'a dit et répété, une question d'échelle et cela me rappelle une réflexion d'un collègue professeur de philosophie à propos de l'horoscope tant honni des rationalistes. Qu'est-ce que ça peut faire, disait-il, si des gens lisent l'horoscope, c'est un moyen comme un autre d'être en relation avec le cosmos. Voilà : le space opera, c'est ni plus ni moins un moyen comme un autre de se faire citoyen de la galaxie, et dans la mesure où c'est le seul qui soit à notre portée de citoyen de ce siècle, je ne vois vraiment pas pourquoi s'en priver.

Cela dit, à 25 euros l'anthologie, on est en droit d'avoir envie d'en savoir un peu plus.

Dix-huit textes donc, dont certains, à mon avis, auraient pu trouver place ailleurs. « In the valley of the gardens »1 de Tony Daniel, « Maelstrom » de Kage Baker, et « Splinters of Glass » de Mary Rosenblum se déroulent sur des planètes et ne les quittent pas. « Splinters of Glass » étant des trois la mieux menée, avec du suspense, de l'amour et de l'aventure sous les glaces de Io.

Viennent ensuite les nouvelles qui partent du principe que l'argent, la guerre et la tromperie étant éternelles, on peut nouer de belles intrigues entre les planètes et les dimensions. C'est le cas dans « Saving Tiamatt » de Gwineth Jones, « Send them Flowers » de Walter John Williams, en petite forme, « Winning Peace » de Paul MacAuley, ou « Who's afraid of Wolf 359 » de Ken McLeod, amusant, mais pas mémorable. La moins réussie dans la catégorie des histoires d'aventuriers étant « Dividing the Sustain », de James Patrick Kelly, peu inspiré dans sa tentative de création de société mâtinée de situations grotesques à la Greg Egan. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques de plusieurs de ces textes que de comporter des idées intéressantes et une intrigue qui n'est pas à la hauteur.

Que nous reste-t-il donc de vraiment costaud à nous mettre sous la dent ?

« Verthandi's Ring », de Ian Mac Donald, parvient à traiter de guerre à grande échelle et de posthumanité en créant une atmosphère des plus étranges tout à fait convaincante. L'effet d'échelle fonctionne à plein dans les textes basés sur un de ces artefacts dont la science-fiction a le secret, comme « The Worn Turns » de Gregory Benford, ou l'excellent « Hatch » de Robert Reed, qui fait partie de sa série de textes se déroulant sur un vaisseau de la taille d'une planète de type jupitérien. Mais là où le space opera comme moyen de faire de nous des habitants du cosmos se révèle le plus efficace, c'est dans les textes où des espèces ou des personnages extrêmement éloignés les uns des autres se rencontrent — pour le pire, la guerre, le génocide ou l'incompréhension radicale et irrémédiable dans un univers indifférent.

« Art of War » de Nancy Kress présente peut-être des personnages un peu caricaturaux et se révèle très démonstratif, mais ses extraterrestres indéchiffrables, sauf par le personnage principal, et sa guerre, s'avèrent forts convaincants.

Dans « The Emperor and the Maula », Robert Silverberg parvient à dresser le tableau d'un empire galactique où l'homme n'est qu'un barbare insignifiant tout en revisitant l'histoire de Shéhérazade.

« Muse of Fire » de Dan Simmons est à peu de chose près le premier texte que je lis de lui depuis que je n'ai pas réussi à finir l'une des suites d'Hypérion. Les fans seront ravis, je peux donc émettre quelques réserves sur ce tour de force qui présente une humanité dont la culture et la liberté lui ont été enlevés par des extraterrestres tout puissants et énigmatiques. Le portrait et la trajectoire de cette troupe shakespearienne forcée de jouer devant des créatures de plus en plus étranges et des décors sans cesse plus grandioses sont d'une redoutable efficacité. L'utilisation de la cosmogonie gnostique produit un effet d'étrangeté merveilleux sur le voyage dans l'espace. Le problème étant pour moi que la fin est plus que convenue et attendue. Et que, le temps passant, on se demande pourquoi l'auteur nous a fait part au passage de ses brillantes (mais un peu longues) analyses de Shakespeare, et surtout, comment il a pu nous faire croire que des entités aussi puissantes et étrangères ont bien pu y comprendre quoi que ce soit et baser le sort de l'humanité sur cette compréhension…

« Remembrance » de Stephen Baxter, située dans l'univers des Xeelee, parvient à donner le sentiment que même dans un univers où elle est plus ou moins condamnée à être la victime de civilisations plus puissantes, comme les Squeem, les Qax et les Xeelee, l'humanité peut encore prendre quelques décisions importantes — à condition d'avoir la mémoire longue. « Glory », de Greg Egan, est peut-être dans une thématique similaire avec ses archéologues qui recherchent le moyen de sauver la civilisation du Big Crunch dans les mathématiques d'un peuple disparu depuis des éons. Un bon texte qui vient compléter le portrait de la civilisation galactique de l'Amalgame, mais pas du très grand Egan.

On trouve un même vertige, mêlé de mélancolie et de fatalisme dû à l'éloignement et l'incompréhension, chez le personnage de « Minla's Flowers » d'Alastair Reynold, qui grâce à l'éternelle panne de moteur dans l'équivalent de l'hyperespace, se retrouve obligé d'aider une civilisation plongée dans la guerre. Ne pouvant le faire qu'en dormant sur de longues périodes, il vit le destin de ces gens tel un dieu mélancolique et désabusé avant de repartir poursuivre ses propres aventures. Peut-être ma nouvelle préférée, avec celles de Silverberg, Baxter et Reed. Mon plus grand regret, dans cette anthologie, étant de n'avoir pas trouvé de texte où l'auteur aurait développé de nouveaux styles d'empires, sociétés et de manières d'être pour une humanité cosmique. À l'exception de Ian MacDonald, ceux qui ont joué le jeu du cadre galactique l'on fait dans des univers déjà connus de leurs lecteurs. J'aurais aimé en découvrir d'autres.

Cette anthologie a tout de même, par sa simple taille, de quoi satisfaire les goûts d'un lectorat varié, en attendant le tome 2 dont la sortie est prévue pour juillet 2009 en anglais — autant dire maintenant.

Notes :
Bragelonne n'ayant pas daigné nous envoyer leur ouvrage, la présente critique a été faite d'après la lecture de l'édition VO américaine, d'où les titres des nouvelles en anglais et l'absence de référence à la traduction française, dont on ne peut estimer la qualité. [NdRC]

Le Guide des Fées. Regards sur la femme

Quand on se penche sur les livres disponibles en France sur les fées (laissons de côté la bande dessinée), on trouve vraiment de tout : le faux carnet d'une jeune fille qui communique prétendument avec les fées (Le Livre des fées séchées, attribué à Lady Cottington), plusieurs beaux livres (Les Fées de Brian Froud et Alan Lee, La Grande encyclopédie des fées de Pierre Dubois, illustrée par Claudine et Roland Sabatier), des études (Le Monde des fées dans l'Occident médiéval de Laurence Harf-Lancner par exemple), des divagations (Les Fées sont parmi nous de Sir Arthur Conan Doyle)… et même des livres de cuisine (La Cuisine des fées et autres contes gourmands), sans parler des innombrables romans (Le Parlement des fées de John Crowley, pour n'en citer qu'un). Alors quand ActuSF publie son Guide des fées, la méfiance est de mise, même si le sous-titre, « Regards sur la femme », laisse supposer que Virginie Barsagol et Audrey Cansot ont trouvé un (trop grand ?) angle.

À la lecture de l'ouvrage (qui complète plutôt bien l'encyclopédie susnommée de Pierre Dubois), on est surpris non pas par son fond (c'est diablement intéressant, tout ça) mais par une forme, qui oscille entre le foutraque trop succinct et la bouillie pour chat du Cheshire : « Tout comme l'Autre Monde, comme est souvent nommé le monde des fées, fourmille en passerelles avec le monde rationnel, celui des mortels, le pôle des forces obscures et celui de l'énergie bienveillante ne sont pas étanches. » lit-on page 9. Ah bon… Mais ça veut dire quoi ? Ah oui, en lisant trois fois la phrase dans son contexte on comprend qu'il y a parfois des passerelles entre la magie noire et la magie blanche.

Une forme qui n'est pas à la hauteur de l'érudition du fond. Dommage. Mais ce qui est surtout regrettable, c'est que les auteurs vont trop vite et considèrent comme évidents/acquis des éléments, des détails historiques inconnus du commun des mortels.

Si vous cherchez un livre pas cher sur les fées, un amuse-gueule, ce petit ouvrage fera l'affaire (toutefois une édition augmentée, un poil réécrite ne serait pas du luxe), mais si vous voulez de la saveur, de l'érudit et/ou du rêve à l'état brut, je ne peux que vous conseiller un cocktail La Grande encyclopédie des fées de Pierre Dubois chez Hoëbeke / Les Fées de Brian Froud et Alan Lee, chez Albin Michel. 10 euros d'un côté, 49 de l'autre.

Fée selon ton désir, cher lecteur.

Fiction T9

Parce que Fiction ose (audace dans le choix de ses textes, audace dans le choix de ses portfolios), parce que Fiction donne sa chance à de nombreux auteurs, illustrateurs et traducteurs en devenir, voilà une entreprise à soutenir (préférez toujours l'abonnement à l'achat au numéro).

Au-delà de ces quelques lignes militantes, on notera toutefois, avec une inquiétude certaine, le caractère un brin kamikaze de l'entreprise qui, en ces temps de crise, ose (décidément !) la couverture la plus anti-commerciale de ces quinze dernière années (exceptions faites du non travail de Jackie Paternoster au Livre de Poche, hors concours depuis que la série de logiciels Bryce existe).

Au sommaire de ce neuvième opus, un certain nombre de surprises qui rendent Fiction indispensable :

  • Les petites BDs de Jean-Jacques Girardot et Florence Delaporte, qu'on pourrait surnommer « les aventures de Garfield Schrödinger »
  • La nouvelle de Laurent Genefort, entre space op' et hard science, qui évoque, excusez du peu, le grand Greg Egan.
  • « Le Retour du capitaine Rayo » de Pablo Dobrinin, qui rappelle les textes mélancoliques de Andrew Weiner, « Signaux lointains » notamment.
  • « Un voyage dans l'au-delà » de M. Rickert, qui nous fait découvrir cette écrivaine américaine née en 1959, et en même temps un futur grand nom de la traduction : Célia Chazel (ceci écrit avec le plus grand des sérieux, la traduction de ladite Chazel se révélant tout à fait pertinente).
  • La nouvelle de Tim McDaniel, parce qu'elle est délicieusement idiote, génialement courte et percutante.
  • « La Dame des os » de Charles de Lint, nouvelle preuve, s'il en fallait, que cet auteur canadien ne mérite pas l'ostracisme que lui réserve depuis des années l'édition française.
  • Loin d'être sans intérêt, les nouvelles de Jeffrey Ford, Léo Henry et Ray Vukcevich sont à mon sens un cran en dessous, bien que toutes les trois folles, à leur manière.

Comme d'habitude (presque cinq ans déjà !), on regrettera les nombreuses fautes de mise en page, les coquilles et les fautes de français — un comble pour une revue à la non-fiction volontiers pédante et snob, en un mot : prétentieuse. Dommage, trois fois dommage, car Fiction ose et publie vraiment de bons textes.

N'oubliez pas de signer votre chèque.

Les Enfants du Rasoir

Croiser la fiche de Joe R. Lansdale sur noosfere.org (trois titres recensés : Le Drive-in, Les Enfants du rasoir et La Mort dans l'ouest) et la liste des titres publiées en page 2 de cette réédition chez Milady est particulièrement instructif, car ces deux listes n'ont aucun titre en commun. On s'aperçoit alors qu'en France les livres d'horreur de Lansdale ont été traduits, pour certains, au début des années 90, puis que l'auteur est revenu après un creux de presque dix ans aux éditions Gallimard, en « Série noire », avec Le Mambo des deux ours, une « enquête » de Hap Collins et Leonard Pine, deux gugusses, un blanc hétéro et un noir homo, qui s'ingénient à s'empêtrer dans les pires affaires criminelles du Texas (l'état américain grand comme la France qu'on aurait tort d'imaginer comme un pointillé de caravanes et de puits de pétrole sur un désert de poussière et de cactées). Joe R. Lansdale fait partie de ces nombreux auteurs américains qui ont quitté l'horreur pour le polar (ou le thriller) quand l'horreur s'est essoufflée (en termes de ventes) à la fin des années 80, début des années 90. Reconversion réussie en ce qui le concerne, puisque sa série de Hap et Leonard marche bien et qu'il a en outre publié quelques romans indépendants (comme Les Marécages, disponible chez Folio « Policier » — 2002) qui ont fait grand bruit des deux côtés de l'Atlantique ; reconversion particulièrement réussie quand on se penche sur ces Enfants du rasoir (1987) qui narrent en 300 pages le viol de Becky, le suicide en prison de son violeur, et l'étrange héritage que ce dernier lègue à une bande de voyous ultra violents, un passage de relais particulièrement nauséabond qui se fait par le truchement du Dieu du Rasoir.

« Le Dieu du Rasoir était grand, noir, pas de race noire, mais noir, avec des yeux lumineux comme des étoiles explosant et des dents comme trente-deux épingles de cravate en argent poli. Il portait un chapeau claque autour duquel une bande brillante composée de lames de rasoir chromées scintillait. Sa veste […] était faite de la peau tannée d'un guerrier aztèque, de même que son pantalon. Des doigts de chair crue, sanglants, saillaient hors des poches de celui-ci, comme des restes de dîner stockés, et L'Horloge de la Nuit […] qui était une énorme montre à gousset pendait au bout d'un cordon fait d'un boyau attaché à la poche de la veste du dieu — une poche qui avait été autrefois une paupière recouvrant un œil. » pp 176-177.

Les Enfants du Rasoir est un livre dégoulinant de vulgarité (pourquoi pas, après tout…), dont la plupart des scènes et métaphores tournent autour du sexe ou des excréments (le reste relevant de la violence, parfois payante en terme d'ambiance, malheureusement trop souvent gratuite). Au départ brutal, le roman devient très vite lassant (comme beaucoup de sous stephenkingueries des années 80), surtout quand on s'aperçoit que l'auteur n'a guère d'histoire à raconter et n'a de cesse de différer la confrontation entre Becky et ses tourmenteurs à l'aide de longs flash-back et de dialogues ineptes. Une réédition-déception, à éviter donc, mais qui ne doit pas vous éloigner définitivement de Lansdale, car celui-ci a mûri entre 1987 et 2002 ; la preuve, Les Marécages est un grand roman noir. À noter qu'il y aurait, aussi, un très bon volume à faire de ses meilleures nouvelles « texanes », dingues de chez dingue…

Le Déchronologue

25 mai 2009 — Je suis le chroniqueur Thomas Day et je mourrai bientôt… d'épuisement à chercher comment vous parler de ce merveilleux livre qu'est Le Déchronologue. Thomas Day n'est pas mon vrai nom, bien entendu, mais c'est celui que j'utilise le plus souvent par ici, où je suis aussi connu sous d'autres noms et sobriquets, notamment « le nuisible » et « le proctologue ». Mais assez parlé de moi, tentons d'affronter enfin ce Déchronologue

19 mai 2009 (tentative de résumé # 753) : En 1640, le capitaine flibustier Henri Villon prête main-forte à une conspiration de huguenots désireux d'installer une forteresse française sur Tortuga, mais en fait ce qui l'intéresse le plus, lui, ce sont les maravillas (merveilles) que l'on trouve parfois dans l'aire caraïbe, d'étranges objets venus du… futur ?

11 avril 2009 — J'ai écrit ceci sur Stéphane Beauverger et n'en suis guère content : « Stéphane Beauverger, écrivain et scénariste français, né en 1969 en Bretagne, a publié entre 2003 et 2006 une très intéressante trilogie de science-fiction »sociale« marquée à la fois par les deux grands agitateurs politiques du genre, Norman Spinrad et John Brunner, et les esthétiques cyberpunk et post-cyberpunk : Chromozone, Les Noctivores, La Cité Nymphale. Quant à son excellente nouvelle coup de poing « Origam-X », elle se trouve au sommaire du Bifrost n°50, paru en janvier 2008. Tout cela a fait de lui un auteur à suivre, assurément. »

28 mars 2009 — Je cherche une accroche à ma chronique à paraître : « Deux ans et demi après La Cité Nymphale, en mars 2009, Stéphane Beauverger revenait en librairie avec un livre très attendu par les quarante-deux excités communs à tous les forums SFF : Le Déchronologue. Une histoire de pirates mêlant bonds et paradoxes temporels, et une magnifique histoire d'amour entre le capitaine Henri Villon et… »

26 mai 2009 (18h54) — Jour de la deadline Bifrost, jour de la ligne morte, j'ai enfin trouvé la phrase de conclusion de mon article : « Le Déchronologue est le meilleur livre de Stéphane Beauverger paru à ce jour (jusqu'où ira-t-il ?), mais c'est aussi un des tout meilleurs livres d'imaginaire de la période récente, en tout cas le meilleur que j'ai lu entre le 26 mai 2009 (18h53) et le premier janvier de cette même année. Lisez Le Déchronologue, vous ne le regretterez pas. » C'est nul, c'est mou, c'est plat. Putain, je vais jamais y arriver ! Il me reste 3 heures et 4 minutes.

18 avril 2009 — Je souffre. J'ai trouvé quelques menus défauts au dernier livre de Stéphane Beauverger, défauts qui cependant n'ont en rien entaché mon plaisir de lecteur. Dois-je en faire part aux lecteurs de Bifrost ou me contenter d'un message personnel à l'auteur ? Je décide que ces défauts sont insignifiants et prends ainsi le risque de me mettre en court-circuit.

25 mai 2009 — Une question matutinale… « À qui s'adresse Le Déchronologue ? À tous les lecteurs d'imaginaire qui aiment l'humour, la chicane, la romance, la gnôle, les Caraïbes, l'océan Atlantique, le bruit du vent dans les voiles, le goût du sel sur les lèvres et qui rêvent en entendant les mots Hispaniola, Tortuga, Maracaïbo… Oubliez L'Ile aux pirates, la poussive trilogie Pirates des caraïbes, imaginez le Pirates ! de Roman Polanski remixé par le Terry « la poisse » Gilliam de L'Armée des douze singes ! »

4 mai 2009 — Je lis Le Déchronologue pour la seconde fois : la première c'était pour le plaisir. Maintenant que je connais l'histoire, c'est encore meilleur, mais comment en parler sans spoiler et foutre à terre tout l'édifice ? En même temps tout le monde connaît plus ou moins les grandes lignes du récit (piraterie, dérèglements temporels divers et variés, histoire d'amour entre Henri Villon et…). Il faut que j'avance sur ma dithyrambe, cela pourrait donner ceci : « … livre qui s'adresse davantage aux lecteurs de romans d'aventure qu'aux lecteurs de science-fiction chimiquement pure, lisible par tout le monde, y compris par ces gens qui aiment dire qu'ils »détestent« la science-fiction, Le Déchronologue est un mélange détonnant de jongleries temporelles chères à Tim Powers et d'aventures maritimes (on pense d'ailleurs davantage aux livres de Robert Louis Stevenson et Bjorn Larsson qu'aux œuvres de Jack O'Brian dont l'action se situe bien souvent au début du XIXe siècle, alors que Le Déchronologue nous parle d'un temps, 1640-1653, où le rhum n'existait même pas). Truculent, savoureux, rempli de trouvailles, merveilleusement écrit, construit au fil à plomb, à la boussole vaudou et au sextant, Le Déchronologue procure un plaisir de lecture immense, presque unique en ces temps de produits volontiers stéréotypés… »

26 mai 2009 (minuit) — « Stéphane Beauverger, du haut de ma terrasse en teck sur laquelle il faut absolument que je passe un coup de BondexTM, je suis toujours debout et je vous maudis ! »

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