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Le Mystère Dyatlov

En février 1959, dans l’Oural, neuf jeunes gens bien entraînés, sept garçons et deux filles, partaient pour une randonnée sportive vers le Kholat-Siaskhyl , le mont des cadavres dans la langue mansi, l’ancien peuple autochtone. Ils ne reviendront jamais. On les retrouvera morts, certains gelés, d’autres ayant subi des coups, éparpillés hors de leur tente lacérée. Aucun ne portait ses chaussures.

C’était l’époque de Khrouchtchev, un moment de respiration après la mort de Staline. Mais aussi l’époque des escadrons de la mort à la recherche des zeks évadés, l’époque des tests de fusées et d’armes nucléaires. Une époque de secrets. L’enquête n’a permis aucune conclusion définitive, les parents des disparus ont dû se battre pour accéder aux quelques informations qu’on voulait bien leur donner.

Sur ces faits réels passionnants, Anna Matveeva construit un roman très bancal. Son héroïne et double fictionnel vit comme l’auteur, en 1999 à Sverdlovsk/Iekaterinenbourg, la ville d’où était originaire le groupe Dyatlov, et se retrouve par un hasard un peu fantastique à lire une pile de vieux documents sur le groupe. Ce procédé, de mêler enquête réelle et fiction, est assez élégant en ce qu’il permet de construire une relation émotionnelle avec les faits. Malheureusement la fiction, si elle nous donne une vision intéressante de la vie en Russie à la fin des années 90, est globalement très mal écrite, mal ficelée et sans intérêt. Toutes les pistes intéressantes (la vision du premier chapitre, la relation aux voisins bizarres…) sont abandonnées, et le style est au mieux plat.

On s’en moque un peu, car l’auteur cite et commente de nombreux documents réels (près de la moitié du livre, en fait), reproduits dans une police de caractère spécifique, qui permettent au lecteur de disposer de tous les éléments et de se faire sa propre opinion quant à l’explication du mystère. Prisonniers en fuite ? Avalanche ? Accident militaire ? Opération de nettoyage ? (Créature indicible ?)

Rien ne colle parfaitement, on ne saura jamais. Mais le temps de ce (court) documentaire, on sera replongé dans un monde tout aussi étrange pour la narratrice que pour nous, lecteurs français : l’Union Soviétique des années 1950, ses étudiants, ses sportifs, ses chansons, ses carnets de randonnée. Le plongeon dans le passé et le beau mystère valent quand même le coup d’œil. On songe en rêvant à ce qu’une romancière plus rigoureuse et plus chevronnée pourrait faire d’une pareille histoire.

L'Île au trésor

Étonnant projet que celui-ci : reprendre la trame et les personnages de L’Île au trésor de Stevenson pour les plonger dans un futur proche. Là où Pelot fait preuve d’une vraie originalité, c’est qu’il n’a pas décidé de simplement s’inspirer du célèbre roman, il en réalise un décalque presque parfait : la trame est quasiment identique, les noms des personnages inchangés (Long John Silver devient tout de même Johnny Jump Silver)… S’il s’agissait de cinéma, on parlerait de remake. Ce projet éditorial est surtout l’occasion pour l’auteur vosgien de rendre hommage à l’écrivain écossais et à son texte séminal du roman d’aventures contemporain devenu l’un des plus grands classiques de la littérature mondiale. Une opération casse-gueule, bien sûr, car même si Pelot n’a pas la prétention de se comparer au maître, son Île au trésor doit dépasser le stade de la simple copie et s’avérer un ouvrage à lire pour lui-même, indépendamment de son glorieux aïeul, tout en proposant son content de péripéties et de personnages bien campés. Pierre Pelot, cinquante ans d’écriture au compteur, s’acquitte de la tâche avec maestria, et ce dès les premières pages (l’arrivée, ou plutôt l’échouage de Billy Bones), les descriptions acérées permettant à l’auteur de croquer en quelques mots ses protagonistes. On suit ainsi le jeune Jim Hawkins, dont la tante tient un hôtel sur une île des Caraïbes, dans un futur où le niveau des océans a dramatiquement grimpé, remodelant les continents. Plutôt qu’une longue description des changements climatiques ayant conduit à la situation présente, Pelot préfère procéder par petites touches, conférant crédibilité au récit et favorisant l’immersion du lecteur. Celle-ci est nécessaire car le rythme va bientôt s’accélérer à mesure que les bad boys entrent en scène. Dès lors, l’auteur nous embarque pour une aventure débridée qui nous emmène jusqu’au Brésil, avec quelques réminiscences du Monde englouti de Ballard ou d’Apocalypse Now de Coppola (pour la très angoissante remontée du fleuve). On appréciera notamment la maîtrise de la tension sous-jacente entre Jim et les siens d’une part, les malfrats d’autre part : même si personne n’est dupe des enjeux, tous vont faire comme si de rien n’était avant que les antagonismes ne finissent par surgir au grand jour. Et Pelot fait du lecteur son complice : on connaît le déroulement de l’histoire, l’auteur ne peut donc nous prendre par surprise, mais il y arrive parfois néanmoins, dans le choix d’une petite entorse au roman de Stevenson, et l’on se prend à imaginer le père de Dylan Stark nous adressant un clin d’œil appuyé par-delà les pages.

Au final, Pierre Pelot s’est emparé d’un matériau en or pour nous en proposer une relecture moderne et vivifiante parfaitement maîtrisée, y compris dans sa distance à l’œuvre étalon : ni trop proche, ni trop éloignée – une preuve éclatante du talent d’écrivain populaire du bonhomme.

C'est ainsi que les hommes vivent

Énorme pavé écrit sur deux ans après d’imposantes recherches documentaires, CAQLHV est le chef-d’œuvre de Pierre Pelot, comme en font les Compagnons du devoir. Il fait entrer Pelot dans la petite confrérie des écrivains de fresque, aux côtés de Tolstoï et des autres photographes d’univers.

1599, dans les Vosges, une pauvre femme dont le seul tort est d’être trop belle est envoyée au bucher par de faux témoignages. Dans sa prison, alors qu’on va la soumettre à la question, elle accouche d’un enfant qui devait être celui de la félicité et qui sera celui du malheur, né le poing en avant sur la paille d’un cul de basse fosse. Exposé après le supplice de sa mère, Dolat est « adopté » sur un coup de tête par la très jeune Apolline, fille de petite noblesse promise à devenir chanoinesse de Remiremont. Elle sera sa « marraine » avant de devenir, plus tard, sa maitresse et son unique amour. Trente-six ans de rapprochements et de séparations récurrents pour les deux jeunes gens, d'abord entre libertinage et complot de cour, puis en fuite hors du monde balisé de la ville, vers cet en-dehors qu’on appelait au Moyen-Âge la Sauvagerie, le tout au milieu des affres de l’abominable Guerre de Trente Ans.

1999, dans les Vosges, Lazare, grand reporter revenu au pays, commence une quête de ses origines qui le reliera sans le vouloir à ces hommes et femmes ensevelis par l’Histoire, et à un trésor enterré pour lequel beaucoup ont vilement massacré.

En 1179 pages, Pelot fait revivre un monde disparu, par la langue d’abord, mélange de français archaïque et de patois vosgien, impressionnant dans des dialogues rugueux et de peu de mots, par la profusion de détails, ensuite, où tout est décrit, même et surtout le plus ignoble, toutes ces animalités d’où peinait à s’extirper l’humanité d’une époque bien primitive. En ce début du XVIIe siècle, la Renaissance n’a pas vraiment atteint les marches vosgiennes, encore moins l’infinité des gueux, urbains ou forestiers, qui peuplent la région. Hormis la prospérité de quelques nobles et religieux, la vie là-bas est atrocement dure. La justice, impitoyable, est de plus formidablement injuste. L’existence est courte, entre malnutrition, maladies, malemorts. On vit dans la merde et l’ordure, on peut mourir à tout moment, on se prostitue pour manger (mal), on mange même ses enfants, paraît-il, quand tout va trop mal. Les hommes vivent mal, et les femmes bien plus. Dans un monde d’hommes, une femme est un bien qu’on peut céder, vendre, acheter, et qui doit, pour survivre sans se prostituer, avoir un « homme » qu’il n’est pas besoin d’aimer. En lui ouvrant son entrecuisson, on obtiendra de lui aide matérielle et identité déléguée.

Détails et langage s’allient pour balayer toute la vie de ces miséreux (prolétaires étymologiques) dont le monde n’a que faire. Gueux des taudis urbains, forestiers exonérés de corvée, charbonniers des forêts profondes, mineurs d’argent ou d’or, tous tentent de survivre, fût-ce au prix de la vie des autres. Il n’y a de solidarité qu’au sein de l’immédiate communauté, là où on peut survivre et forniquer, prolonger sa vie et prolonger la vie. L’étranger est souvent inutile, au pire une menace, au mieux une proie. Et quand la guerre arrive, qu’elle est cruelle comme jamais, qu’on torture et qu’on tue pour rire (rappelons que les horreurs de la Guerre de Trente Ans furent à l’origine du premier droit de la guerre), la bestialité des sédentaires doit se hisser au niveau de celle des écorcheurs en maraude. Des deux côtés, on tue, certes, mais on profane aussi, par plaisir, quand on ne mange pas. Gueux et écorcheurs sont deux faces d’une même pièce, indifféremment l’une ou l’autre, c’est d’autant plus vrai pour Dolat et Apolline, qui devront aller au fond de l’abjection pour continuer à vivre. Racontant misère et malheur, la langue, les phrases de Pelot emportent tout sur leur passage. Comme un fleuve en crue, le verbe de Pelot saisit et entraîne loin, si loin son lecteur. Les premières dizaines de pages consacrées au supplice de la « sorcière » époustouflent et donnent le ton, les scènes de massacre et de torture qui closent le récit aussi. C’est ainsi que les hommes vivent – comme des bêtes qui voudraient aimer et trouvent de petits ilots de joie dans un océan de lancinante souffrance –, qu’ils meurent aussi, souvent. Et rien n’a changé sous le vernis de civilisation, Lazare le sait bien. En 1999 aussi des hommes cherchent le trésor caché et des hommes meurent pour lui. Et que dire des guerres modernes, en Tchétchénie ou ailleurs, qui ne comptent pas moins de massacres de masse, viols, humiliations et mutilations. Il suffit de s’éloigner un peu du centre occidental et d’aller vers la périphérie mondiale, vers ces marches jumelles de celles que parcoururent éperdument Dolat et Apolline, loin de la sécurité relative de leur jeunesse. La bestialité est toujours là, n’attendant qu’une occasion de s’exprimer, qu’un humain de hasard sur qui se déchaîner.

Ceux qui parlent au bord de la pierre

[Critique commune à Sous le vent du monde, Le Nom perdu du soleil, Debout dans le ventre blanc du silence et Ceux qui parlent au bord de la pierre.]

Pierre Pelot s’était déjà frotté au roman préhistorique avec Le Rêve de Lucy, qui avait bénéficié des conseils scientifiques d’Yves Coppens. Il a remis le couvert avec « Sous le vent du monde », pentalogie d’une ambition rare, débutant 1,7 million d’années avant notre ère et s’achevant il y a de cela 32 000 ans, et se déroulant aux quatre coins du globe. Il s’agit de narrer l’homme naissant au cours de cette longue période, qui verra à terme Sapiens dominer le monde.

Plusieurs thèmes se montrent récurrents au fil de la série, le plus important étant probablement celui de la communication : dans chaque roman, Pierre Pelot invente au moins un lexique particulier, souvent deux – il faudra dès lors aux personnages se faire comprendre d’un groupe à l’autre… Complexe jeu sur le langage, qui peut se montrer rebutant, mais a aussi un côté ludique à l’occasion, et dont la pertinence ne saurait faire de doute.

On assiste par ailleurs à la naissance de plusieurs concepts fascinants – ainsi de la religion, au fur et à mesure que les rites funéraires, notamment, et les questionnements qui les accompagnent, prennent de plus en plus d’importance pour nos ancêtres. On voit de même se construire des tabous, éventuellement en relation avec le totémisme, et leur violation qui débouche à terme sur une conception archaïque de la justice.

La technologie n’est pas en reste – et tout est lié. Les outils de ces hommes premiers se perfectionnent sans cesse, encore que sur des périodes longues. On les voit aussi, au fur et à mesure, construire des abris et se vêtir de peaux, voire enjoliver leur environnement par un artisanat naissant – tandis que l’art pariétal finit par apparaître. Se pose par ailleurs, forcément, la question essentielle de la domestication du feu – qui renvoie à La Guerre du feu, bien sûr, tant le roman séminal de J.-H. Rosny Aîné que le film de Jean-Jacques Annaud.

Mais l’homme est bien plus que tout cela : il s’interroge autant qu’il ressent. Au fil des romans, on le voit développer les traits les plus louables – dont une curiosité de tous les instants, et une certaine solidarité teintée d’empathie –, mais aussi les plus détestables : la violence est souvent de la partie, qu’elle soit provoquée par l’ignorance et l’incompréhension, ou par des affects plus individuels comme la jalousie…

Pour raconter cette longue histoire, Pierre Pelot a recours à un style très particulier : au-delà même des lexiques, il use de longues et complexes périphrases ou analogies, indispensables pour se faire comprendre – de nombreuses scènes y sont consacrées, qui peuvent à l’occasion se montrer aussi enthousiasmantes pour le lecteur que pour les intervenants, la joie de la compréhension justifiant bien des tours et détours et des tentatives d’explications confuses.

Au-delà, il faut bien reconnaître que ces romans sont d’un abord rugueux… et que leur lecture – a fortiori en bloc – a quelque chose de franchement épuisant. La tendance de l’auteur à détailler à l’extrême les moindres scènes participe de cette difficulté, et plus encore quand il s’agit de scènes d’« action » (au sens large), tellement précises qu’elles en deviennent illisibles, se traînant au long de paragraphes et de phrases interminables accumulant les propositions…

« Sous le vent du monde » séduit par son ampleur, son intelligence et sa justesse – sa poésie aussi, dont les titres témoignent. Mais la série peut rebuter par ses procédés stylistiques, certes appropriés, mais délicats à appréhender et pouvant légitimement en décourager plus d’un. Une lecture fascinante, donc, mais qui demande un certain travail – et s’il est heureux que ces efforts soient le plus souvent récompensés, on avouera que ça n’est pas toujours le cas…

Debout dans le ventre blanc du silence

[Critique commune à Sous le vent du monde, Le Nom perdu du soleil, Debout dans le ventre blanc du silence et Ceux qui parlent au bord de la pierre.]

Pierre Pelot s’était déjà frotté au roman préhistorique avec Le Rêve de Lucy, qui avait bénéficié des conseils scientifiques d’Yves Coppens. Il a remis le couvert avec « Sous le vent du monde », pentalogie d’une ambition rare, débutant 1,7 million d’années avant notre ère et s’achevant il y a de cela 32 000 ans, et se déroulant aux quatre coins du globe. Il s’agit de narrer l’homme naissant au cours de cette longue période, qui verra à terme Sapiens dominer le monde.

Plusieurs thèmes se montrent récurrents au fil de la série, le plus important étant probablement celui de la communication : dans chaque roman, Pierre Pelot invente au moins un lexique particulier, souvent deux – il faudra dès lors aux personnages se faire comprendre d’un groupe à l’autre… Complexe jeu sur le langage, qui peut se montrer rebutant, mais a aussi un côté ludique à l’occasion, et dont la pertinence ne saurait faire de doute.

On assiste par ailleurs à la naissance de plusieurs concepts fascinants – ainsi de la religion, au fur et à mesure que les rites funéraires, notamment, et les questionnements qui les accompagnent, prennent de plus en plus d’importance pour nos ancêtres. On voit de même se construire des tabous, éventuellement en relation avec le totémisme, et leur violation qui débouche à terme sur une conception archaïque de la justice.

La technologie n’est pas en reste – et tout est lié. Les outils de ces hommes premiers se perfectionnent sans cesse, encore que sur des périodes longues. On les voit aussi, au fur et à mesure, construire des abris et se vêtir de peaux, voire enjoliver leur environnement par un artisanat naissant – tandis que l’art pariétal finit par apparaître. Se pose par ailleurs, forcément, la question essentielle de la domestication du feu – qui renvoie à La Guerre du feu, bien sûr, tant le roman séminal de J.-H. Rosny Aîné que le film de Jean-Jacques Annaud.

Mais l’homme est bien plus que tout cela : il s’interroge autant qu’il ressent. Au fil des romans, on le voit développer les traits les plus louables – dont une curiosité de tous les instants, et une certaine solidarité teintée d’empathie –, mais aussi les plus détestables : la violence est souvent de la partie, qu’elle soit provoquée par l’ignorance et l’incompréhension, ou par des affects plus individuels comme la jalousie…

Pour raconter cette longue histoire, Pierre Pelot a recours à un style très particulier : au-delà même des lexiques, il use de longues et complexes périphrases ou analogies, indispensables pour se faire comprendre – de nombreuses scènes y sont consacrées, qui peuvent à l’occasion se montrer aussi enthousiasmantes pour le lecteur que pour les intervenants, la joie de la compréhension justifiant bien des tours et détours et des tentatives d’explications confuses.

Au-delà, il faut bien reconnaître que ces romans sont d’un abord rugueux… et que leur lecture – a fortiori en bloc – a quelque chose de franchement épuisant. La tendance de l’auteur à détailler à l’extrême les moindres scènes participe de cette difficulté, et plus encore quand il s’agit de scènes d’« action » (au sens large), tellement précises qu’elles en deviennent illisibles, se traînant au long de paragraphes et de phrases interminables accumulant les propositions…

« Sous le vent du monde » séduit par son ampleur, son intelligence et sa justesse – sa poésie aussi, dont les titres témoignent. Mais la série peut rebuter par ses procédés stylistiques, certes appropriés, mais délicats à appréhender et pouvant légitimement en décourager plus d’un. Une lecture fascinante, donc, mais qui demande un certain travail – et s’il est heureux que ces efforts soient le plus souvent récompensés, on avouera que ça n’est pas toujours le cas…

 

Le nom perdu du soleil

[Critique commune à Sous le vent du monde, Le Nom perdu du soleil, Debout dans le ventre blanc du silence et Ceux qui parlent au bord de la pierre.]

Pierre Pelot s’était déjà frotté au roman préhistorique avec Le Rêve de Lucy, qui avait bénéficié des conseils scientifiques d’Yves Coppens. Il a remis le couvert avec « Sous le vent du monde », pentalogie d’une ambition rare, débutant 1,7 million d’années avant notre ère et s’achevant il y a de cela 32 000 ans, et se déroulant aux quatre coins du globe. Il s’agit de narrer l’homme naissant au cours de cette longue période, qui verra à terme Sapiens dominer le monde.

Plusieurs thèmes se montrent récurrents au fil de la série, le plus important étant probablement celui de la communication : dans chaque roman, Pierre Pelot invente au moins un lexique particulier, souvent deux – il faudra dès lors aux personnages se faire comprendre d’un groupe à l’autre… Complexe jeu sur le langage, qui peut se montrer rebutant, mais a aussi un côté ludique à l’occasion, et dont la pertinence ne saurait faire de doute.

On assiste par ailleurs à la naissance de plusieurs concepts fascinants – ainsi de la religion, au fur et à mesure que les rites funéraires, notamment, et les questionnements qui les accompagnent, prennent de plus en plus d’importance pour nos ancêtres. On voit de même se construire des tabous, éventuellement en relation avec le totémisme, et leur violation qui débouche à terme sur une conception archaïque de la justice.

La technologie n’est pas en reste – et tout est lié. Les outils de ces hommes premiers se perfectionnent sans cesse, encore que sur des périodes longues. On les voit aussi, au fur et à mesure, construire des abris et se vêtir de peaux, voire enjoliver leur environnement par un artisanat naissant – tandis que l’art pariétal finit par apparaître. Se pose par ailleurs, forcément, la question essentielle de la domestication du feu – qui renvoie à La Guerre du feu, bien sûr, tant le roman séminal de J.-H. Rosny Aîné que le film de Jean-Jacques Annaud.

Mais l’homme est bien plus que tout cela : il s’interroge autant qu’il ressent. Au fil des romans, on le voit développer les traits les plus louables – dont une curiosité de tous les instants, et une certaine solidarité teintée d’empathie –, mais aussi les plus détestables : la violence est souvent de la partie, qu’elle soit provoquée par l’ignorance et l’incompréhension, ou par des affects plus individuels comme la jalousie…

Pour raconter cette longue histoire, Pierre Pelot a recours à un style très particulier : au-delà même des lexiques, il use de longues et complexes périphrases ou analogies, indispensables pour se faire comprendre – de nombreuses scènes y sont consacrées, qui peuvent à l’occasion se montrer aussi enthousiasmantes pour le lecteur que pour les intervenants, la joie de la compréhension justifiant bien des tours et détours et des tentatives d’explications confuses.

Au-delà, il faut bien reconnaître que ces romans sont d’un abord rugueux… et que leur lecture – a fortiori en bloc – a quelque chose de franchement épuisant. La tendance de l’auteur à détailler à l’extrême les moindres scènes participe de cette difficulté, et plus encore quand il s’agit de scènes d’« action » (au sens large), tellement précises qu’elles en deviennent illisibles, se traînant au long de paragraphes et de phrases interminables accumulant les propositions…

« Sous le vent du monde » séduit par son ampleur, son intelligence et sa justesse – sa poésie aussi, dont les titres témoignent. Mais la série peut rebuter par ses procédés stylistiques, certes appropriés, mais délicats à appréhender et pouvant légitimement en décourager plus d’un. Une lecture fascinante, donc, mais qui demande un certain travail – et s’il est heureux que ces efforts soient le plus souvent récompensés, on avouera que ça n’est pas toujours le cas…

Sous le vent du monde

[Critique commune à Sous le vent du monde, Le Nom perdu du soleil, Debout dans le ventre blanc du silence et Ceux qui parlent au bord de la pierre.]

Pierre Pelot s’était déjà frotté au roman préhistorique avec Le Rêve de Lucy, qui avait bénéficié des conseils scientifiques d’Yves Coppens. Il a remis le couvert avec « Sous le vent du monde », pentalogie d’une ambition rare, débutant 1,7 million d’années avant notre ère et s’achevant il y a de cela 32 000 ans, et se déroulant aux quatre coins du globe. Il s’agit de narrer l’homme naissant au cours de cette longue période, qui verra à terme Sapiens dominer le monde.

Plusieurs thèmes se montrent récurrents au fil de la série, le plus important étant probablement celui de la communication : dans chaque roman, Pierre Pelot invente au moins un lexique particulier, souvent deux – il faudra dès lors aux personnages se faire comprendre d’un groupe à l’autre… Complexe jeu sur le langage, qui peut se montrer rebutant, mais a aussi un côté ludique à l’occasion, et dont la pertinence ne saurait faire de doute.

On assiste par ailleurs à la naissance de plusieurs concepts fascinants – ainsi de la religion, au fur et à mesure que les rites funéraires, notamment, et les questionnements qui les accompagnent, prennent de plus en plus d’importance pour nos ancêtres. On voit de même se construire des tabous, éventuellement en relation avec le totémisme, et leur violation qui débouche à terme sur une conception archaïque de la justice.

La technologie n’est pas en reste – et tout est lié. Les outils de ces hommes premiers se perfectionnent sans cesse, encore que sur des périodes longues. On les voit aussi, au fur et à mesure, construire des abris et se vêtir de peaux, voire enjoliver leur environnement par un artisanat naissant – tandis que l’art pariétal finit par apparaître. Se pose par ailleurs, forcément, la question essentielle de la domestication du feu – qui renvoie à La Guerre du feu, bien sûr, tant le roman séminal de J.-H. Rosny Aîné que le film de Jean-Jacques Annaud.

Mais l’homme est bien plus que tout cela : il s’interroge autant qu’il ressent. Au fil des romans, on le voit développer les traits les plus louables – dont une curiosité de tous les instants, et une certaine solidarité teintée d’empathie –, mais aussi les plus détestables : la violence est souvent de la partie, qu’elle soit provoquée par l’ignorance et l’incompréhension, ou par des affects plus individuels comme la jalousie…

Pour raconter cette longue histoire, Pierre Pelot a recours à un style très particulier : au-delà même des lexiques, il use de longues et complexes périphrases ou analogies, indispensables pour se faire comprendre – de nombreuses scènes y sont consacrées, qui peuvent à l’occasion se montrer aussi enthousiasmantes pour le lecteur que pour les intervenants, la joie de la compréhension justifiant bien des tours et détours et des tentatives d’explications confuses.

Au-delà, il faut bien reconnaître que ces romans sont d’un abord rugueux… et que leur lecture – a fortiori en bloc – a quelque chose de franchement épuisant. La tendance de l’auteur à détailler à l’extrême les moindres scènes participe de cette difficulté, et plus encore quand il s’agit de scènes d’« action » (au sens large), tellement précises qu’elles en deviennent illisibles, se traînant au long de paragraphes et de phrases interminables accumulant les propositions…

« Sous le vent du monde » séduit par son ampleur, son intelligence et sa justesse – sa poésie aussi, dont les titres témoignent. Mais la série peut rebuter par ses procédés stylistiques, certes appropriés, mais délicats à appréhender et pouvant légitimement en décourager plus d’un. Une lecture fascinante, donc, mais qui demande un certain travail – et s’il est heureux que ces efforts soient le plus souvent récompensés, on avouera que ça n’est pas toujours le cas…

L'Assassin de Dieu

Alors que ses romans dépassent allègrement la centaine de titres, les nouvelles semblent réduites à la portion congrue dans l’œuvre de Pierre Pelot. Tout au plus une soixantaine, sans doute passées inaperçues au milieu de livres d’une plus grande ampleur. D’aucuns en ont tiré la conclusion que son imagination avait sans doute besoin d’espace pour se déployer. Après avoir lu L’Assassin de Dieu, permettons-nous d’en douter. Ce recueil compile dix des meilleurs textes de l’auteur, du moins si l’on se fie à la quatrième de couverture. Des nouvelles parues dans la revue Fiction ou figurant au sommaire d’anthologies thématiques ou de titres plus éphémères, voire fandomiques. Leur lecture prouve que Pierre Pelot n’a nul besoin de place pour nous livrer de dangereuses visions où le fantastique et ici, surtout, la science-fiction, se révèlent sous leur plus beau jour.

L’Assassin de Dieu comporte au moins deux véritables coups de cœur, deux nouvelles justifiant à elles seules son acquisition. La nouvelle éponyme qui ouvre le recueil se révèle une quête métaphysique sur fond de futur si lointain qu’il se pare des attributs du mythe. L’écriture somptueuse ensemence l’esprit d’images baroques et son dénouement, même s’il est prévisible, n’en demeure pas moins délicieusement cynique. « Première mort » apparaît comme l’autre choc incontestable du recueil. Pierre Pelot se fait ici l’égal d’un Jean-Jacques Girardot, convoquant le clonage pour interroger les perspectives ouvertes par la science et examiner leur impact psychologique et sociétal. Pas sûr que la réponse débouche sur une joyeuse utopie…

Si ces deux nouvelles se détachent du lot, les autres ne sont pas négligeables, offrant un aperçu non exhaustif de ses différents centres d’intérêt. Un peu de fantastique avec « Danger, ne lisez pas ! », dont on goûtera tout le sel de la mise en abyme. Mais surtout beaucoup de science-fiction, avec une propension à mettre en scène univers post-apocalyptiques, dystopies et autres récits de fin de l’humanité. La liberté semble aussi un thème récurrent dans de nombreuses nouvelles du recueil, avec pour corollaire un attrait pour l’anarchie et une touche de misanthropie. Liberté d’abord de conserver ses rêves d’enfant face à une société totalitaire (« Bulle de savon ») ou de ne pas respecter l’autorité (« Razzia de printemps »). Liberté d’aimer jusqu’au désespoir (« Un amour de vacances (avec le clair de lune, les violons, tout le bordel en somme) »). Liberté de refuser le tropisme de la conquête pour lui préférer celui de l’indépendance d’esprit (« Pionniers »). Liberté enfin de témoigner du passé (« Le Raconteur ») ou de s’opposer à l’Histoire (« Je suis la guerre »). Si la grande noirceur du propos, voire la désillusion prévalent dans la plupart des textes de L’Assassin de Dieu, elles ne tuent cependant pas complètement la tendresse d’un auteur qui sait se montrer touchant lorsqu’il s’attache à ses personnages. « Numéro sans filet » témoigne du sentiment sincère que tout n’est pas foutu et qu’il reste (peut-être) encore un petit espoir pour l’humanité, malgré des tares indéniables.

Bref, si le cœur de la science-fiction bat au rythme de la nouvelle, Pierre Pelot marque la cadence avec talent et une belle constance. Et s’il fallait conclure cette chronique avec un seul mot pour qualifier ce recueil, ce serait celui-ci : indispensable.

Kid Jésus

Terre, XXIVe siècle. Dans un monde dévasté par la guerre, un gouvernement fédéral a péniblement émergé des décombres. Il a fixé des règles, établissant une nouvelle hiérarchie sociale fondée sur une lutte des classes féroce. Julius Port appartient aux damnés de la Terre. Vulgaire fouilleur, il hante les ruines de la civilisation à la recherche de vestiges à exploiter. Un travail de forçat dont les fruits ne profitent qu’aux puissants et aux intermédiaires. Inspiré par le contenu d’une bande découverte dans les décombres, il prend le nom de Kid Jésus et prêche auprès de ses compagnons un évangile de révolte et de partage. Pour lui, il est possible de construire un monde meilleur sans attendre. Un monde fondé sur l’entraide, l’amour de son prochain, la fraternité, le respect d’autrui, la générosité, la bonté et l’égalité. Son discours soulève bien entendu l’enthousiasme auprès des humbles, leur faisant oublier l’individualisme où ils végétaient jusque-là, au point de susciter la crainte des politiques qui siègent au gouvernement fédéral. Confiant dans sa force et son charisme, Kid accepte finalement de jouer le jeu du pouvoir. Il finit par s’y perdre…

L’intrigue de Kid Jésus pourrait prendre place aux États-Unis pendant la Conquête de l’Ouest. Il suffirait de changer peu de choses. Mais si Pierre Pelot a écrit de nombreux westerns, il ne se contente pas ici de transposer le cadre de l’Ouest américain et ses archétypes dans un décor post-apocalyptique. Il étoffe son récit avec une mythologie empruntée à la science-fiction pour imaginer un univers de pionniers, à la fois singulier et convaincant, où de gigantesques bulldozeurs remplacent les chevaux.

Critique de la démocratie représentative et de la religion, Kid Jésus démontre que la foi n’est qu’un outil pour manipuler la foule et la démocratie un moyen pour la contrôler. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Le leitmotiv est bien connu. Julius Port va en faire l’amère expérience, lui qui croyait maîtriser son destin, adulé par les fidèles attachés à ses paroles et à l’espoir qu’elles éveillaient chez eux. À bien des égards, le destin du Kid se révèle marqué par l’ambivalence. Porte-parole des misérables, il use d’un discours prophétique pour diffuser un programme politique révolutionnaire. Ce combat qu’il entame pour exister l’amène à se penser l’égal des puissants qui conduisent le monde. En fait, il se révèle un être vénal, médiocre, plus ambitieux qu’altruiste, dont la lutte servira plus malin que lui.

Au final, Kid Jésus a la qualité des plaisirs coupables, ces livres lus sous le manteau dont le décorum aventureux cache un propos plus politique. Pour Pierre Pelot, pouvoir et contre-pouvoir semblent comme les deux mâchoires du même piège à cons. En cela, il se rapproche d’un Jean-Patrick Manchette.

La Guerre olympique

Comme dans le monde romain, les jeux, désormais strictement sportifs, concourent à l’équilibre de nos sociétés pacifiées. Sous toutes ses déclinaisons, footballistique, rugbystique, athlétique, vélocipédique et j’en passe, le sport alimente le quotidien en exploits qui servent d’exutoire aux passions, de tribune aux discours politiques et de tremplin commercial aux transnationales. Plus vite, plus haut, plus fort ! La formule du baron de Coubertin paraît être le leitmotiv de médias prompts à s’enflammer au moindre sautillement, au plus infime centième de seconde grappillé sur le record précédent. En 1980, dans le contexte tendu des J.O. de Moscou, Pierre Pelot met sur la sellette le sport-spectacle via l’angle de la prospective. Il en résulte une dystopie joliment troussée et toujours d’actualité.

Lorsqu’il écrit La Guerre olympique, la guerre froide connaît son ultime manifestation de tension, quelque part du côté de l’Afghanistan. Organisé pour la première fois sur le sol soviétique, l’événement donne surtout lieu à un boycott mené par les États-Unis. Que ce contexte soit désormais dépassé (mais pas tant que cela au final) n’a que peu d’importance au regard du jeu de massacre auquel se livre l’auteur français, jeu qui n’est pas sans rappeler Rollerball de Norman Jewison. Adaptant à sa manière la formule de von Clausewitz, Pierre Pelot martèle tout au long de son roman le message suivant : le sport n’est qu’un prolongement de la guerre par d’autres moyens.

Le futur esquissé par l’écrivain des Vosges naît en effet des œuvres perverses de la logique bloc contre bloc et de la surpopulation. Pour préserver le fragile équilibre démographique et idéologique, les puissances ont établi une sorte de décimation tous les deux ans. Les Jeux olympiques deviennent ainsi le paroxysme d’un affrontement régulé, permettant aux Rouges et aux Blancs de défendre l’honneur de leur Cause et de se débarrasser de leurs surplus démographiques : criminels, opposants politiques et assimilés, otages au cerveau piégé, voués à périr en cas de défaite aux Jeux. Les dieux du stade deviennent des machines à tuer condamnées à vaincre. Sélectionnés génétiquement et bourrés d’anabolisants, ils sont affûtés comme des armes, prêts à porter la mort dans le camp adverse de manière directe et indirecte. Pietro Coggio, l’espoir du camp des Blancs, Slim, la jeune journaliste en quête du scoop susceptible de doper sa carrière, les condamnés Yanni Bog du côté Blanc, et Mager Cszorblovski du côté Rouge, se retrouvent aux premières loges de ces Olympiades sanglantes. Tous ne sont que des rouages, des pions dans un système qui les déplace sur l’échiquier géopolitique afin de pérenniser l’équilibre de la terreur.

Œuvre politique par excellence, La Guerre olympique apparaît désormais décalé du fait de son contexte daté. On n’y parle pas encore de développement durable ou de guerre contre le terrorisme, mais de surpopulation et de Guerre froide. Pourtant, ceci ne doit pas éluder la lucidité des perspectives ouvertes par le roman. Le Marché et la société du spectacle laminent toujours l’intelligence et, plus que jamais, le dopage entache de doute les compétitions sportives. Quant aux manipulations génétiques et au clonage, il ne s’agit que d’une question de temps…

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