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La Vestale du Calix

Quand une blonde s’appelle Ankh (personnellement, c’est directement Ankh Morpork qui me vient à l’esprit), et qu’on me dit qu’il vaut mieux ne pas aimer le football pour lire La Vestale du Calix, eh bien, je hurle : « O. M. en force ! » (enfin, je hurle aussi autre chose, mais nettement moins poli...), et je jette le livre par la fenêtre. Et si, en plus, il faut aimer Simone de Beauvoir, cela relève du sacerdoce.

Mais on ouvre tout de même le livre. Si. Avant la fenêtre.

Quoique, finalement, non : la fenêtre avant, c’est mieux. Ce « roman » est tout simplement d’une nullité stylistique rarement atteinte. Dix pages de lecture seraient déjà une souffrance pour tout professeur de lettres de niveau collège, sans même parler des poncifs sexuels parfois nauséabonds, relent de burqa et de camp de la mort en option (et un peu de Petit livre rouge, pour faire encore mieux). Ah, si : on tente aussi de pomper un peu du côté de J. K. Rowling… mais pas tout à fait avec le même talent (enfin, pas du tout). Et chez Orwell, chez Huxley, chez Lucas (si si, du Jedi !) et même chez les « chiennes de garde ». Non, non, vous ne rêvez pas, tout y est, et j’en oublie sans doute. On espère longtemps que tout cela est au second degré, mais au final, pas du tout.

Incapacité à écrire un dialogue, incohérences en tous genres, personnages sans caractère, descriptions inexistantes, pauvre dystopie d’une banalité affligeante, avec une nuance de « je suis trop révoltée du monde d’aujourd’hui »… Bref, rien n’est à sauver de cette bouillie infâme d’écriture pseudo féministe, qui aurait davantage sa place sur un blog « je raconte mes frustrations » que dans les rayons d’une librairie.

Il est tout simplement consternant qu’une maison d’édition comme l’Atalante, dont la réputation n’est plus à faire, se soit laissée aller à publier une telle chose, indigne d’un élève de niveau secondaire, surtout quand on considère que son auteure enseigne en université. Publier des romanciers français peut être louable, sans conteste… encore faut-il savoir choisir des textes qui soient de qualité, au lieu de mettre en valeur des « écrits » qui ne font que tourner en ridicule le genre SF.

Moralité : mieux valait ne pas ouvrir la fenêtre au départ, puisque les déchets toxiques ne se jettent pas dans n’importe quelle rue. Un peu de civisme, tout de même. Si votre commune ne propose pas ce type de recyclage, une seule option : laisser cet attentat à la littérature sur le rayon de votre librairie.

Et s’il vous plaît : qu’une âme charitable se dévoue pour expliquer à Anne Larue ce qu’est originellement une Vestale…

Elliot du Néant

Le Néant… C’est un peu ce qu’on se dit en regardant la couverture du livre. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais ce pauvre orange mitigé blanc, euh… bof. Surtout quand on a fini de lire le roman, et qu’on se dit : mais bon sang, avec autant d’imprégnation marine, pourquoi ne pas l’avoir faite bleue !

Passées ces considérations esthétiques, le texte résiste, lui, à toute classification. Il appartient aux œuvres qui font débat, parce que « j’adore/je déteste ». Personnellement, j’adore. Une écriture totalement décalée, un personnage barjo, voire une lecture sous LSD (non, pas moi, hein…), mais une œuvre parfaitement maîtrisée. Quand un auteur gère quatre voix au moins en même temps, on s’incline.

Munissez-vous de votre Mallarmé (qui ne s’offusquera pas de l’usage de son Ptyx), ainsi que d’un bon bagage de culture générale, sinon, vous serez aussi perdu que dans un volume de Terry Pratchett. Lequel, d’ail-leurs, serait sans doute amusé de voir des tortues discuter entre elles, au lieu de soutenir le Disque-Monde. Vous n’avez qu’à admettre que les tortues parlent, que les fées existent, et que votre pensionnat de jeunesse était géré par de gentil doux-dingues. Une fois cela fait, vous pouvez admettre qu’un Français expatrié en Islande deviendra le maître du Néant.

Plus sérieusement, le héros est d’une touchante fragilité. On sent même chez l’auteur une sorte de crise existentielle, qui le rapproche de Defoe dans Robinson Crusoe. Le plan prénatal, sexuel, et tout ce qui s’ensuit, est au rendez-vous.

De manière plus profonde, la recherche d’une démiurgie, parfaitement explicitée et développée dans la folie qu’elle implique, constitue l’axe principal du texte. Plus on avance dans le roman, et plus il faut accepter de lâcher prise, comme le héros. Pris dans le tourbillon du texte (enfin, l’éruption du volcan, dans le cas présent), il est impossible de refermer le livre avant la dernière page. Avec un seul regret : la fin est un peu trop facile, devant ce que l’on pouvait attendre. Nous exigeons toujours plus, c’est vrai, mais avec de telles ambitions et de telles capacités, on se sent un peu déçus.

On regrettera quelques longueurs dans la dernière partie du livre, largement compensées par une réelle réflexion philosophique qui manque trop souvent aux textes « commerciaux ». On regrettera également des fautes de frappe non corrigées, qui font vraiment désordre…

En bref : pour tous les désaxés, on se jette dessus tout droit (avec de quoi trouver toutes les références culturelles, ce qui fera du travail !). Pour ceux qui ne se posent aucune question, mieux vaudra passer sa route devant une œuvre aussi déroutante.

Romans 1953-1959

Dans la foulée de la nouvelle traduction du Maître du Haut Château, la collection « Nouveaux millénaires » réédite les premiers romans de Philip K. Dick dans une traduction révisée et complétée par Sébastien Guillot. Rien de très nouveau au sommaire, bien que la lecture de certains textes y gagne sensiblement en fluidité si on les compare à leur version précédente. Mais y a-t-il encore un intérêt aujourd’hui, en 2012, à rééditer les romans en question, plus d’un demi-siècle après leur parution originale ? Ou ne s’adressent-ils plus désormais qu’aux thuriféraires de Dick et aux historiens du genre ? Après tout, à l’exception du Temps désarticulé, il s’agit de récits publiés outre-Atlantique par Ace Books, dans une collection qui a certes accueilli les débuts romanesques d’auteurs de renom, de Jack Vance à Samuel Delany, en passant par Robert Silverberg ou John Brunner, mais une collection de SF populaire par excellence, dont la grande majorité des titres a depuis sombré dans l’oubli, souvent fort justement. Pour Dick, l’écriture de ces romans représentait en premier lieu un gain financier substantiel, comparé à ce que lui payaient les revues de SF pour ses nouvelles. Mais ils restent l’œuvre d’un romancier novice, qui ne peut encore prétendre à la maîtrise à laquelle il parviendra à partir du Maître du Haut Château.

Le fait est que ces romans sont bien le produit de leur époque, tant par le contexte éditorial qui les a vus naitre que par les influences littéraires qu’ils affichent. Ainsi Loterie solaire, par son intrigue alambiquée, porte-t-il la marque indélébile d’A. E. Van Vogt, tandis que Les Pantins cosmiques, rare incursion de l’auteur sur les terres du fantastique, tente de renouer avec l’ambiance des textes parus dans la revue Unknown au début des années 40. L’intérêt premier de ces œuvres est le portrait peu flatteur que fait Philip K. Dick de l’Amérique des années 50, qu’il choisisse de situer son intrigue dans le présent ou quelques siècles dans le futur. Les sociétés qu’il met en scène apparaissent à bout de souffle, au bord de la rupture, et surtout parfaitement invivables. C’est l’univers absurde de Loterie solaire, dans lequel les destinées du monde sont confiées au hasard, c’est le Relativisme des Chaînes de l’avenir, où toutes les idéologies se valent et où toute forme de religion est proscrite, c’est encore le Réarmement Moral du Profanateur, mélange de puritanisme et de techniques de surveillance dignes de l’URSS stalinienne. Et lorsqu’il n’extrapole pas, Dick se contente de mettre en scène les dérives et les névroses de sa propre époque, qu’il s’agisse de la peur atomique omniprésente dans Le Temps désarticulé ou des méfaits du maccarthysme dans L’Œil dans le ciel. Cette dernière œuvre lui permet d’ailleurs de faire un portrait proprement effarant de ses contemporains, lesquels, sous un vernis de normalité, dissimulent une collection de troubles mentaux plus effrayants les uns que les autres. Mais contrairement à ses romans précédents, Dick choisit cette fois de traiter son sujet avec une bonne dose d’ironie. C’est ce qui donne tout leur sel à ce voyage à travers une série d’univers farfelus, d’un monde où les miracles sont monnaie courante à un autre où des slogans communistes tombent du ciel pour mettre le feu aux habitations. Mais L’Œil dans le ciel fait figure d’exception, et le ton de ces romans est plus volontiers sombre et pessimiste. Le personnage le plus emblématique en est sans doute Floyd Jones, le héros des Chaînes de l’avenir, dont les dons de prémonition lui permettent de savoir avec certitude que le monde dans lequel il vit est sur le point de sombrer dans le chaos. Les personnages des autres livres n’ont pas cette chance…

L’autre intérêt de ces romans, c’est de voir Philip K. Dick y développer petit à petit ses thématiques personnelles, à commencer par la perception de la réalité et les interrogations qu’elle suscite. Dans Le Profanateur, le sujet n’est abordé que de manière anecdotique, lorsque le héros se réveille dans un autre monde que le sien, et sous une autre identité. Il est en revanche au cœur des Pantins cosmiques, l’histoire d’un homme de retour dans la petite ville qui l’a vu grandir et où il ne reconnait rien ni personne. Est-il fou ou bien la réalité qu’il a connu a-t-elle été remplacée par une autre ? Dick pousse plus avant sa réflexion dans L’Œil dans le ciel, en mettant en scène une série d’univers factices dont la non-réalité ne se révèle que progressivement. Mais c’est dans Le Temps désarticulé qu’il va le plus loin à travers le personnage de Ragle Gumm, qui voit le réel se déliter au fil du récit. Grand roman paranoïaque, Le Temps désarticulé donne l’impression troublante que le monde se réécrit au fur et à mesure, en fonction de la manière dont son héros le perçoit.

Au final, même si Loterie solaire et Les Chaînes de l’avenir accusent par certains aspects le poids des ans, si Le Profanateur souffre d’une intrigue mollassonne, et si Les Pantins cosmiques se ramasse dans ses derniers chapitres, ces romans constituent au pire une lecture tout à fait distrayante, d’autant plus agréable que le toilettage de leur traduction leur fait grand bien. Quant à L’Œil dans le ciel et Le Temps désarticulé, s’ils ne peuvent prétendre au même statut que Le Maître du Haut Château ou Ubik, ils figurent néanmoins parmi les meilleurs romans de Philip K. Dick et sont à lire ou relire absolument.

Butcher Bird

Cela fait si longtemps qu’on n’a plus rien lu de Richard Kadrey qu’on en aurait presque oublié son existence. Non que ses précédents livres parus en France dans la collection « Présence du Futur », Métrophage (1988) et Kamikaze l’amour (1997), soient mauvais, mais ils n’ont pas vraiment marqué le genre non plus. Retour de l’auteur donc, quinze ans plus tard, avec cette fois un roman de fantasy urbaine, appellation à prendre dans son ac-ception la plus contemporaine, celle qu’on rencontre plus volontiers chez Bragelonne ou Milady que chez Denoël.

L’histoire est celle de Spyder Lee, garçon pas particulièrement fréquentable, qui tient un salon de tatouage en compagnie de son amie d’enfance, Loulou Garou, dans l’un des quartiers les plus sinistres de San Francisco. Sa vie bascule un soir de cuite, lorsqu’occupé à vider une vessie malmenée par une consommation immodérée de bière dans l’arrière-cour d’un bar miteux, il est attaqué par un machin grumeleux ressemblant foutrement à un démon. Pas encore dessoulé, Spyder est sauvé in extremis par l’intervention d’une jeune femme aveugle maniant le sabre comme seule une héroïne de films de la Shaw Brothers en serait capable. L’épisode aurait pu être classé sans suites dans la catégorie délirium tremens si, dès le lendemain, Spyder n’avait découvert d’un autre œil l’univers qui l’entoure. Il constate alors que San Francisco est peuplée de créatures monstrueuses aussi diverses que variées, que certains passants se baladent avec un parasite sur le dos, et que même son amie Loulou n’est pas tout à fait celle qu’il a toujours connue. C’est le début d’une aventure qui va le conduire jusqu’en Enfer, en compagnie de Pie-grièche, l’aveugle qui lui est venue en aide.

Dans un genre parfaitement balisé, écrit presque exclusivement par et pour des femmes, Richard Kadrey débarque avec la délicatesse d’un bûcheron aviné en pleine soirée sex-toys. Le cheveu défait et l’hygiène corporelle approximative, il s’amuse ici à insuffler un petit vent d’esprit punk dans l’univers bien rangé et faussement libéré de la fantasy urbaine actuelle. Et il y parvient presque. Grâce à un rythme frénétique, des personnages attachants et des dialogues énergiques et assez souvent drôles, Butcher Bird se lit d’une traite et fait sourire plus d’une fois. Mais si l’on en gratte la surface, on découvre que le roman repose sur pas grand-chose de solide. Et à force de traits d’esprit et de « répliques qui tuent », sa superficialité n’en est que plus apparente au fil des pages. Plus gênant encore, l’écriture de Kadrey s’avère incapable de donner vie aux univers qu’il met en scène. Sa descente aux Enfers est très loin des descriptions dantesques qu’elle tente vainement d’invoquer, et la bataille finale, censée être le clou du spectacle, a des allures d’embuscade fauchée. Bref, si le projet était enthousiasmant, la réalisation laisse à désirer. En tant que pastiche grossier et irrespectueux, Butcher Bird atteint sa cible, parfois jusqu’au jouissif. Mais chaque fois que Kadrey tente d’élever les enjeux de son roman, il se ramasse douloureusement. Ce qui au bout du compte en fait un bouquin plaisant mais anecdotique.

Moi, Asimov

Allez, petite introduction taquine en forme d’hommage au « bon docteur ». Moi, Asimov, 626 pages, près de 1 200 000 signes, 166 chapitres, 23 portraits, 4 remarques égocentriques par page soit plus de 2400 au total et 1’illustration de Garfield en toute fin ! Arrogant, immodeste, vaniteux, orgueilleux, Asimov aimait compter ses efforts : « En l’espace de quarante années j’ai publié un texte tous les dix jours en moyenne. Pendant la seconde moitié de ces quarante ans, j’ai publié un article tous les six jours en moyenne. En l’espace de quarante années, j’ai publié en moyenne mille mots par jour. Pendant la seconde moitié de ces quarante ans, j’ai publié en moyenne mille sept cents mots par jours » ! Un brin obsédé, le garçon ! Jeu de mot asimovien, une machine à écrire ! A la question : comment devient-on un auteur très prolifique, il répondait : « La condition nécessaire est d’avoir la passion de l’écriture “en devenir” […] j’entends qu’on doit se passionner pour tout ce qui entre dans le processus, de la conception au point final. On doit aimer profondément l’action même d’écrire, le grattement du stylo sur la feuille blanche, le martèlement des touches de la machine à écrire ou le spectacle des mots s’étalant progressivement sur un écran d’ordinateur. » Et c’est cette passion qu’il nous invite à partager dans cet ultime livre qui ne sera publié qu’après sa mort survenue en 1992. Organisé en chapitres courts, plus thématiques que chronologiques, ce livre balaye les soixante-dix années de la vie d’Asimov, de son enfance de juif russe immigré aux Etats-Unis, en passant par ses débuts d’écrivain dans les magazines pulps, jusqu’à la consécration du Grand Master Award. Cette autobiographie est essentielle à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle nous donne à voir l’évolution du travail d’écriture d’Asimov, des premiers essais dans les comics jusqu’à l’aboutissement d’œuvres majeures comme Fondation et le cycle des Robots. Ensuite parce qu’elle couvre une période assez vaste pour nous donner une photographie intéressante de l’évolution du genre, en tout cas aux Etats-Unis. Enfin parce qu’elle nous permet de découvrir des facettes méconnues de l’auteur, sa carrière universitaire plutôt tumultueuse, son goût pour les limericks (petits poèmes humoristiques), sa relation au monde de l’édition (idéalisée, sans doute), ses productions d’ouvrages de vulgarisation scientifique, son goût pour un humour « cruel » notamment présent dans Azazel, ses convictions politiques, libérales et humanistes, etc. Classique pour ce type d’ouvrage, on retrouve également des éléments plus personnels : mariages, vieillesse, maladie… chacun jugera de son propre intérêt à la lecture de ces chapitres. En tout cas, l’épilogue écrit par Janet Asimov après la mort de son mari est assez bouleversant. Seul petit bémol, mais c’est finalement révélateur de l’œuvre d’Asimov, on retrouve dans cet ouvrage la confusion entre quantité et qualité. On est d’abord transporté par tant de fluidité, de facilité de lecture, de jubilation dans la découverte d’une vie exceptionnelle. On aurait pres-que l’impression d’être devant un bon feu de cheminée, assis à côté du patriarche nous comptant ses anecdotes croustillantes. Mais cette lecture ludique et familière s’avère assez rapidement un peu sèche et on retrouve les défauts d’écriture souvent opposés à Asimov. Ses personnages sont froids, sans beaucoup d’âme, et ne parlons même pas des émotions. Il en est de même pour ses portraits d’écrivains (Williamson, Simak, Silverberg…) ou d’éditeurs (Campbell, Del Rey…). Quant à sa famille, les passages concernant ses enfants sont effroyables de distance (en particulier en ce qui concerne son fils). Pour autant, Moi, Asimov est une contribution essentielle : que l’on aime ou pas l’œuvre romanesque d’Isaac Asimov, nous avons entre les mains un témoignage certes orienté, mais riche d’une bonne partie de l’histoire du genre. Un éclairage précieux pour tout fan de SF. Moi, Asimov fait partie de ces livres dans lesquels on pioche avec jubilation pour en relire quelques passages. Un incontournable dans toute bibliothèque de l’Imaginaire qui se respecte, une manière de must, en somme.

Les dieux eux-mêmes

Nous sommes en 2070, selon la quatrième de couverture. Sauf que 2070 est censé être la date d’une découverte fondamentale pour l’humanité, celle de la Pompe à Electrons, mais l’action, en fait, prend place trente ans plus tard (cf. p. 17). Bon. Sauf que p. 93, on nous informe que les quasars ont été découverts « il y a quelque cinquante ans », donc en 2020, alors que les premiers ont été observés à la fin des années 1950 (le mot quasar date de 1964). Tout ceci pour prévenir le lecteur que Les Dieux eux-mêmes, roman qui, en 1972, marqua le retour d’Isaac Asimov à la littérature de SF après une quinzaine d’années d’absence, n’est pas un modèle de cohérence.

Un dénommé Hallam, médiocre radiochimiste proche de la placardisation, découvre un jour dans son bureau que du tungstène 186 a muté en plutonium 186, un élément dont l’existence est impossible dans notre univers. Il en déduit rapidement que cette matière vient d’ailleurs, que des créatures intelligentes, appartenant à un « para-univers », cherchent à communiquer et surtout à échanger de l’énergie, ce qui aboutira à l’élaboration de la Pompe à Electrons. Mais cette découverte est-elle sans danger ? Question soulevée trente ans plus tard par un jeune physicien, qui s’est mis en tête de faire l’historique de cette découverte, jusqu’à se heurter à Hallam, devenu le grand mandarin de la physique mondiale.

Asimov raconte trois histoires, trois fois la même en fait : comment quelqu’un parvient à démontrer la dangerosité de la Pompe à Electrons. L’histoire qui fait l’objet de la première partie présente les efforts de Lamont, historien improvisé, puis finalement ennemi impuissant de Hallam. Un début particulièrement dur pour le lecteur qui, s’il veut lire de la SF de laboratoire, ferait mieux de préférer Savtchenko, Gor ou Iourev à Asimov, car ceux-là, au moins, ne se contentent pas des querelles d’ego pour faire du texte, mais y ajoutent un bon paquet de réflexions philosophiques. Ennuyeux, lourd, ce premier récit laisse à penser que l’auteur aurait mieux fait de ne pas se remettre à écrire de la SF.

Puis vient la deuxième partie, qui à elle seule aurait fait une formidable novella. Nous nous plaçons dans le para-univers, pour découvrir une civilisation, si l’on peut employer se terme, constituée d’êtres fluides, capables de s’interpénétrer, vivant non pas en binômes, mais en trinômes (un Rationnel, une Emotionnelle, un Parental). Ici, Asimov rompt avec tout ce qu’il avait pu produire auparavant pour se plonger dans l’étranger et le fascinant. Et si l’on peut regretter quelques éléments encore trop anthropomorphiques (un des êtres peut tenir quelque chose « dans sa main »), on n’en reste pas moins surpris par une forme de vie particulièrement crédible, mais qui n’est pas nécessairement originale (Brioussov, à qui Asimov avait déjà emprunté Trantor, montrait quelque chose de semblable en 1908).

Alors évidemment, pour le lecteur, le retour, dans le cadre de la troisième partie, à des querelles de laboratoire, reste quelque chose de dur à avaler, d’autant plus qu’Asimov y débite parfois des choses curieuses, comme cette impossibilité pour une Lunarite (femme née sur la Lune, donc supposée frêle) de faire l’amour avec un Terrien sans se blesser, sachant que les Lunarites sont des sportifs accomplis et que rien après tout n’empêche madame de se mettre sur monsieur…

Clairement, Les Dieux eux-mêmes n’est pas un bon roman (en dépit de la kyrielle de prix littéraires, notamment le Hugo, qui salua sa parution). Il n’a pas le panache des Fondation, ni l’intérêt sociologique des Cavernes d’acier ou de Face aux feux du soleil. Il n’empêche qu’il mérite la lecture rien que pour sa partie centrale.

Jusqu'à la quatrième génération

[Critique commune à Quand les ténèbres viendront, L’Amour vous connaissez ? et Jusqu’à la quatrième génération.]

Imaginez un monde dont le ciel est sans cesse éclairé par un de ses six soleils. Imaginez un monde où la nuit n’est qu’une abstraction, une idée née du cerveau de quelques fous, de quelques originaux. Imaginez maintenant ce monde au moment où les astres qui illuminent chaque moment de la vie s’éteignent les uns après les autres. Imaginez les réactions de la société quand l’obscurité grandit. Imaginez la terreur qui bouleverse les esprits de ceux qui découvrent pour la première fois les étoiles ; même de ceux qui avaient prévu et attendu le phénomène. Ainsi s’ouvre ce (triple) recueil, sur ce texte magistral : « Quand les ténèbres viendront », sans doute le texte « hors cycle » le plus connu de l’auteur.

Dans les dix-neuf autres nouvelles, inégales, Isaac Asimov traite aussi bien des relations entre les hommes et les extraterrestres que du racisme, des conséquences du progrès sur notre mode de vie, et de la naissance du super ordinateur Multivac. Et il se permet de balayer ces thèmes, dans leur diversité, avec sa logique et son humour habituels. Les extraterrestres, par exemple, peuvent apparaître menaçants et dangereux comme dans « Taches vertes », où l’humanité risque l’extinction, mais pour un bon motif ; ou ridicules et peu efficaces, comme dans « L’Amour vous connaissez ? », où deux d’entre eux enlèvent des humains afin de découvrir le danger potentiel de notre espèce, sauvée finalement par une pudeur bien compréhensible ; ou encore simple prétexte pour faire progresser l’humanité dans « En une juste cause » (qui rappelle par certains côtés les thèmes développés par l’auteur avec la psychohistoire dans le cycle de Fondation, écrit à la même époque).

A d’autres occasions, Asimov n’hésite pas à s’écarter du chemin traditionnel pour se laisser aller à de petits écarts loin des thèmes classiques de la science-fiction. Dans « Et si… », grâce à une petite boîte noire, un couple a l’occasion unique de voir ce qui se serait passé si les circonstances de leur rencontre avait été changées. Un bon moyen de mettre fin à une dispute, qui réglerait bien des problèmes s’il était commercialisé ! Tandis que dans « Quelle belle journée ! », une fois de plus, la technique et les progrès de la science ne sont qu’un prétexte. L’auteur questionne notre point de vue en rendant ce qui nous est familier étrange : l’extérieur n’y est plus qu’une source de germes et de dangers, depuis l’invention des portes qui permettent de se télétransporter instantanément d’un point à un autre. Ce qui est pour nous une norme devient étrangeté, voire folie. Ce recueil permet enfin de redécouvrir une vision de la femme heureusement dépassée, du moins, espérons-le, tant elle est dévalorisante.

Panorama riche et divers des talents d’Isaac Asimov, ces trois livres constituent une bonne ouverture sur son univers, une introduction toute trouvée à ce qui a fait son originalité et son succès.

L'amour, vous connaisssez ?

[Critique commune à Quand les ténèbres viendront, L’Amour vous connaissez ? et Jusqu’à la quatrième génération.]

Imaginez un monde dont le ciel est sans cesse éclairé par un de ses six soleils. Imaginez un monde où la nuit n’est qu’une abstraction, une idée née du cerveau de quelques fous, de quelques originaux. Imaginez maintenant ce monde au moment où les astres qui illuminent chaque moment de la vie s’éteignent les uns après les autres. Imaginez les réactions de la société quand l’obscurité grandit. Imaginez la terreur qui bouleverse les esprits de ceux qui découvrent pour la première fois les étoiles ; même de ceux qui avaient prévu et attendu le phénomène. Ainsi s’ouvre ce (triple) recueil, sur ce texte magistral : « Quand les ténèbres viendront », sans doute le texte « hors cycle » le plus connu de l’auteur.

Dans les dix-neuf autres nouvelles, inégales, Isaac Asimov traite aussi bien des relations entre les hommes et les extraterrestres que du racisme, des conséquences du progrès sur notre mode de vie, et de la naissance du super ordinateur Multivac. Et il se permet de balayer ces thèmes, dans leur diversité, avec sa logique et son humour habituels. Les extraterrestres, par exemple, peuvent apparaître menaçants et dangereux comme dans « Taches vertes », où l’humanité risque l’extinction, mais pour un bon motif ; ou ridicules et peu efficaces, comme dans « L’Amour vous connaissez ? », où deux d’entre eux enlèvent des humains afin de découvrir le danger potentiel de notre espèce, sauvée finalement par une pudeur bien compréhensible ; ou encore simple prétexte pour faire progresser l’humanité dans « En une juste cause » (qui rappelle par certains côtés les thèmes développés par l’auteur avec la psychohistoire dans le cycle de Fondation, écrit à la même époque).

A d’autres occasions, Asimov n’hésite pas à s’écarter du chemin traditionnel pour se laisser aller à de petits écarts loin des thèmes classiques de la science-fiction. Dans « Et si… », grâce à une petite boîte noire, un couple a l’occasion unique de voir ce qui se serait passé si les circonstances de leur rencontre avait été changées. Un bon moyen de mettre fin à une dispute, qui réglerait bien des problèmes s’il était commercialisé ! Tandis que dans « Quelle belle journée ! », une fois de plus, la technique et les progrès de la science ne sont qu’un prétexte. L’auteur questionne notre point de vue en rendant ce qui nous est familier étrange : l’extérieur n’y est plus qu’une source de germes et de dangers, depuis l’invention des portes qui permettent de se télétransporter instantanément d’un point à un autre. Ce qui est pour nous une norme devient étrangeté, voire folie. Ce recueil permet enfin de redécouvrir une vision de la femme heureusement dépassée, du moins, espérons-le, tant elle est dévalorisante.

Panorama riche et divers des talents d’Isaac Asimov, ces trois livres constituent une bonne ouverture sur son univers, une introduction toute trouvée à ce qui a fait son originalité et son succès.

Quand les ténèbres viendront

[Critique commune à Quand les ténèbres viendront, L’Amour vous connaissez ? et Jusqu’à la quatrième génération.]

Imaginez un monde dont le ciel est sans cesse éclairé par un de ses six soleils. Imaginez un monde où la nuit n’est qu’une abstraction, une idée née du cerveau de quelques fous, de quelques originaux. Imaginez maintenant ce monde au moment où les astres qui illuminent chaque moment de la vie s’éteignent les uns après les autres. Imaginez les réactions de la société quand l’obscurité grandit. Imaginez la terreur qui bouleverse les esprits de ceux qui découvrent pour la première fois les étoiles ; même de ceux qui avaient prévu et attendu le phénomène. Ainsi s’ouvre ce (triple) recueil, sur ce texte magistral : « Quand les ténèbres viendront », sans doute le texte « hors cycle » le plus connu de l’auteur.

Dans les dix-neuf autres nouvelles, inégales, Isaac Asimov traite aussi bien des relations entre les hommes et les extraterrestres que du racisme, des conséquences du progrès sur notre mode de vie, et de la naissance du super ordinateur Multivac. Et il se permet de balayer ces thèmes, dans leur diversité, avec sa logique et son humour habituels. Les extraterrestres, par exemple, peuvent apparaître menaçants et dangereux comme dans « Taches vertes », où l’humanité risque l’extinction, mais pour un bon motif ; ou ridicules et peu efficaces, comme dans « L’Amour vous connaissez ? », où deux d’entre eux enlèvent des humains afin de découvrir le danger potentiel de notre espèce, sauvée finalement par une pudeur bien compréhensible ; ou encore simple prétexte pour faire progresser l’humanité dans « En une juste cause » (qui rappelle par certains côtés les thèmes développés par l’auteur avec la psychohistoire dans le cycle de Fondation, écrit à la même époque).

A d’autres occasions, Asimov n’hésite pas à s’écarter du chemin traditionnel pour se laisser aller à de petits écarts loin des thèmes classiques de la science-fiction. Dans « Et si… », grâce à une petite boîte noire, un couple a l’occasion unique de voir ce qui se serait passé si les circonstances de leur rencontre avait été changées. Un bon moyen de mettre fin à une dispute, qui réglerait bien des problèmes s’il était commercialisé ! Tandis que dans « Quelle belle journée ! », une fois de plus, la technique et les progrès de la science ne sont qu’un prétexte. L’auteur questionne notre point de vue en rendant ce qui nous est familier étrange : l’extérieur n’y est plus qu’une source de germes et de dangers, depuis l’invention des portes qui permettent de se télétransporter instantanément d’un point à un autre. Ce qui est pour nous une norme devient étrangeté, voire folie. Ce recueil permet enfin de redécouvrir une vision de la femme heureusement dépassée, du moins, espérons-le, tant elle est dévalorisante.

Panorama riche et divers des talents d’Isaac Asimov, ces trois livres constituent une bonne ouverture sur son univers, une introduction toute trouvée à ce qui a fait son originalité et son succès.

Histoires mystérieuses

On l’a vu avec Xavier Mauméjean [dans l'article « La Science-Fiction noire d'Isaac Asimov » in Bifrost n°66], Isaac Asimov a mélangé avec succès le genre policier à la science-fiction dans plusieurs de ses romans, dont Les Cavernes d’acier ou Face aux feux du soleil. Parallèlement, il a rédigé de nombreuses nouvelles reprenant ce principe. Quatorze d’entre elles sont réunies dans ces Histoires mystérieuses. On peut laisser de côté « Au large de Vesta » : pas d’énigme, pas de meurtre. Ce texte n’est là que pour servir de support à « Anniversaire », qui reprend les mêmes personnages, quelques années plus tard, avec une vraie enquête cette fois-ci. Le point commun des treize autres ? Une volonté de l’auteur d’offrir une véritable énigme. Il faut, selon Asimov lui-même, « être honnête avec le lecteur », à savoir mettre à disposition, dans chacune de ses histoires, tous les éléments permettant au Sherlock de l’espace en herbe que nous sommes de résoudre le problème posé avant les dernières lignes.

Pour nous aider à découvrir les criminels, Isaac Asimov fait intervenir à plusieurs reprises un détective un peu particulier : le docteur Wendell Urth. Spécialité : extraterrologiste renommé. Caractéristique : a une peur panique de tous les moyens de transport existant. Malgré ce défaut en principe gênant pour sa profession, il s’avère capable de résoudre n’importe quel problème de logique. Et donc de confondre à tout coup l’assassin. Et cela, depuis son appartement, qu’il ne quitte qu’à de très rares occasions. On reconnaît ici l’habitude qu’a Asimov de glisser dans la plupart de ses textes une once d’humour et de légèreté.

Même quand il ne met pas en scène ce personnage haut en couleurs, l’auteur utilise des recettes identiques. La science et les scientifiques (l’image qu’il donne de ce milieu est tout sauf flatteuse : jalousies, mesquinerie, meurtres…) sont au cœur de ses nouvelles. Certaines d’entre elles donnent lieu à de véritables petits exposés, pas toujours faciles à suivre malgré les talents de vulgarisateur du bon docteur (« La Cane aux œufs d’or »). Un trait qui confère à plusieurs récits une tonalité assez désuète, tant la science a progressé, tant certaines notions sont aujourd’hui dépassées. Mais cela n’empêche aucunement de profiter des histoires : les scénarios sont solides, la logique implacable. On se contentera d’esquisser un petit sourire devant l’évocation de notions désormais obsolètes.

Tous les récits contenus dans ce recueil ne se valent pas, bien sûr. Quand l’auteur essaie d’écrire un texte « égrillard » et obtient selon lui une « aventure de type James Bond », l’ensemble a souvent un côté gentillet, voire risible (« A Port Mars sans Hilda », par exemple, tout ce qu’il y a de dispensable). Mais « Le Carnet noir » ou « La Boule de billard », avec leurs personnages cyniques et implacables, « Chante-cloche » ou « Mortelle est la nuit », avec le savoureux docteur Urth, suffisent à faire de la lecture de ces Histoires mystérieuses un moment de plaisir, quand bien même ce plaisir se révèle quelque peu suranné ; il n’en est pas moins réel.

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