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Les critiques de Bifrost

Quand les ténèbres viendront

Quand les ténèbres viendront

Isaac ASIMOV
DENOËL
7,40 €

Bifrost n° 66

Critique parue en avril 2012 dans Bifrost n° 66

[Critique commune à Quand les ténèbres viendront, L’Amour vous connaissez ? et Jusqu’à la quatrième génération.]

Imaginez un monde dont le ciel est sans cesse éclairé par un de ses six soleils. Imaginez un monde où la nuit n’est qu’une abstraction, une idée née du cerveau de quelques fous, de quelques originaux. Imaginez maintenant ce monde au moment où les astres qui illuminent chaque moment de la vie s’éteignent les uns après les autres. Imaginez les réactions de la société quand l’obscurité grandit. Imaginez la terreur qui bouleverse les esprits de ceux qui découvrent pour la première fois les étoiles ; même de ceux qui avaient prévu et attendu le phénomène. Ainsi s’ouvre ce (triple) recueil, sur ce texte magistral : « Quand les ténèbres viendront », sans doute le texte « hors cycle » le plus connu de l’auteur.

Dans les dix-neuf autres nouvelles, inégales, Isaac Asimov traite aussi bien des relations entre les hommes et les extraterrestres que du racisme, des conséquences du progrès sur notre mode de vie, et de la naissance du super ordinateur Multivac. Et il se permet de balayer ces thèmes, dans leur diversité, avec sa logique et son humour habituels. Les extraterrestres, par exemple, peuvent apparaître menaçants et dangereux comme dans « Taches vertes », où l’humanité risque l’extinction, mais pour un bon motif ; ou ridicules et peu efficaces, comme dans « L’Amour vous connaissez ? », où deux d’entre eux enlèvent des humains afin de découvrir le danger potentiel de notre espèce, sauvée finalement par une pudeur bien compréhensible ; ou encore simple prétexte pour faire progresser l’humanité dans « En une juste cause » (qui rappelle par certains côtés les thèmes développés par l’auteur avec la psychohistoire dans le cycle de Fondation, écrit à la même époque).

A d’autres occasions, Asimov n’hésite pas à s’écarter du chemin traditionnel pour se laisser aller à de petits écarts loin des thèmes classiques de la science-fiction. Dans « Et si… », grâce à une petite boîte noire, un couple a l’occasion unique de voir ce qui se serait passé si les circonstances de leur rencontre avait été changées. Un bon moyen de mettre fin à une dispute, qui réglerait bien des problèmes s’il était commercialisé ! Tandis que dans « Quelle belle journée ! », une fois de plus, la technique et les progrès de la science ne sont qu’un prétexte. L’auteur questionne notre point de vue en rendant ce qui nous est familier étrange : l’extérieur n’y est plus qu’une source de germes et de dangers, depuis l’invention des portes qui permettent de se télétransporter instantanément d’un point à un autre. Ce qui est pour nous une norme devient étrangeté, voire folie. Ce recueil permet enfin de redécouvrir une vision de la femme heureusement dépassée, du moins, espérons-le, tant elle est dévalorisante.

Panorama riche et divers des talents d’Isaac Asimov, ces trois livres constituent une bonne ouverture sur son univers, une introduction toute trouvée à ce qui a fait son originalité et son succès.

Raphaël GAUDIN

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