Connexion

Actualités

L'Exégèse T1

L’Exégèse est une entreprise courant sur huit mille feuillets, et dans laquelle Philip K. Dick interroge son œuvre et sa vie à la lumière d’événements incompréhensibles, qu’il cherche pourtant à comprendre. De ce laboratoire insane jailliront les ultimes romans de l’auteur, mais L’Exégèse en tant que telle constitue une œuvre à part entière – quand bien même une œuvre intime, mais, enfin, partiellement éditée.

Février-mars 1974. Dick, qui sort d’une mauvaise passe, enchaîne les événements étranges à caractère hallucinatoire. Un rayon plasmatique le frappe à la vision d’un pendentif en forme de poisson – le symbole des premiers chrétiens. Et nombre de faits troublants prolongent cette épiphanie. Sans doute est-ce Dieu qui lui parle ? Dionysos ? Érasme ? L’évêque Pike ? Ou les extraterrestres… Les Soviétiques, peut-être ?

L’interrogation de l’expérience, de manière très dickienne, débouche sur une interrogation de la réalité – et apparaissent peu à peu les murs oppressants de la « Prison de Fer Noir » : c’est toujours Rome ! L’écoulement du temps lui-même doit être interrogé ; et avec lui la notion d’entropie.

La solution se trouve peut-être dans Parménide, ou bien dans la Gnose ; Dick compulse l’Encyclopædia Britannica et le Yi King ; la vérité se cherche aussi bien dans les Actes des Apôtres que dans les conférences de Bergson ou les travaux de Nikolaï Kozyrev, ou encore les tracts de la secte de surfeurs du coin. Tout est possible – même une prosaïque épilepsie du lobe temporal… Mais pourquoi préférer cette explication à toute autre ? Après tout, Nixon est là !

L’entreprise est folle – sinon l’homme. Mais il est vrai qu’on pouvait avoir quelques doutes à ce sujet… Dans les premiers temps de ce questionnement maniaque, Dick confiait le fruit de ses méditations philosophico-théologiques à des amis et collègues, au fil de lettres déconcertantes ; mais L’Exégèse adopte rapidement une autre forme, plus « sûre » : des fragments intimes, cette fois. Jusqu’à sa mort, Dick ajoutera page après page à son « journal philosophique » (pas vraiment un journal intime – ces feuillets ne rapportent pas des événements, mais les réflexions qu’ils suscitent).

Et Dick ne se contente pas d’y enchaîner les explications les plus folles et les plus fascinantes à son vécu quotidien – explications qu’il abandonne et remplace avec une amusante légèreté. L’œuvre n’est pas qu’une quête philosophique autodidacte – et sans doute ne faut-il pas non plus se contenter d’y voir un cas clinique, quand bien même c’est parfois tentant. L’auto-analyse est de la partie, mais tout autant l’autocritique, Dick revenant sans cesse sur son œuvre pour y déceler des signes – c’est peut-être tout particulièrement ici qu’il se livre à une « exégèse », en mettant l’accent sur Ubik et Coulez mes larmes, dit le policier.

L’ensemble ne se contente pas d’être fascinant : le laboratoire d’idées s’avère en définitive d’une pertinence étonnante. Et, en fait de monstre cramé issu de la plume d’un auteur cramé, L’Exégèse se montre… compréhensible ? Peut-être bien.

Aussi le présent ouvrage – et la somme colossale de travail qu’il représente, pour les anthologistes Jonathan Lethem et Pamela Jackson, pour leurs nombreux annotateurs, pour Hélène Collon, enfin, dickienne émérite qui traduit avec intelligence et sensibilité ce texte impossible – est-il bien plus qu’une curiosité absurde et quelque peu morbide pour fans complétistes : c’est une plongée dans la psyché d’un génie, éclairant son œuvre comme aucun critique ne pourra jamais le faire.

Certes, ce beau bébé n’est pas destiné à un lectorat très étendu – même parmi les fans de Dick. Mais L’Exégèse de Philip K. Dick est bien un monument – intimidant vu de loin, d’une richesse insoupçonnée et enthousiasmante quand on en ausculte les secrets, avec pour guide l’artiste lui-même…

Troupe 52

Choisissez cinq adolescents à maturités variées dans une petite ville canadienne. Accolez-leur un chef-scout médecin et placez-les sur une île déserte au nom shakespearien parfaitement et ironiquement choisi afin qu’ils y découvrent les joies du camp de survie. Après une journée de mise en situation, ajoutez, à l’aide d’un bateau volé, un homme d’une maigreur au-delà de toute imagination, et dont le seul objectif semble être de se nourrir de tout ce qui lui tombe sous les dents, comestible ou non. Présentez-le au médecin, semez dans la tête de ce dernier l’idée d’opérer un malade incurable et dangereux. Autorisez-le à pratiquer l’intervention sauvage, secondé par l’un des adolescents. Secouez-les par la découverte d’un ver parasite génétiquement modifié, doué d’une intelligence bestiale redoutable, de capacités de reproduction et d’adaptation exponentielles, et d’un insatiable appétit. Achevez au passage votre squelette ambulant, et laissez incuber quelques heures. Éliminez ensuite le seul adulte de la recette, et faites mijoter les adolescents, désormais seuls. Épicez à la Golding avec une finesse psychologique féroce, et exaspérez les peurs, doutes et désirs les plus intimes de vos personnages. Laissez-les reposer et s’imprégner chacun à leur façon de l’exsudat obtenu. À l’apparition de la folie, favorisez l’action. Commencez à couper dans le vif, et à vous jouer du seuil de souffrance tolérable de vos marionnettes adorées. Effacez de leur esprit l’intérêt du groupe au profit d’une lutte personnelle désespérée contre les éléments, contre la maladie, contre les autres, contre l’inconnu et, surtout, contre soi-même. Profitez-en pour démolir les clichés de la série B tout en flirtant avec elle, et saupoudrez d’une empathie dérangeante qui trouble davantage les frontières entre raison et aliénation, amour et haine.

Tout au long de la préparation, mélangez les ingrédients à l’aide d’un style soigné, sans fioritures, nerveux et allant toujours droit au but. Assaisonnez d’une pincée de documents (articles de journaux, procès-verbaux, rapports psychiatriques…) qui élargissent la compréhension du récit et le rendent encore plus sinistre, et versez dans le moule Stephen King, taille Carrie.

Enfin, parsemez d’un fort soupçon de cruauté et nappez généreusement de gore. Servez aux lecteurs délicieusement horrifiés, amusez-vous de leur répugnance doublée de fascination admirative pour ce récit cauchemardesque, et regardez-les manger, manger, MANGER, MANGER…

Les Papillons géomètres

Au commencement est le style. Aimant à lecteurs noctambules, attirés par sa flamme hypnotique, s’y frottant, s’y lovant, s’y brûlant, et y retournant, sans cesse, subjugués par son rythme ondoyant. Ensuite vient l’histoire, se déroulant au crépuscule du XIXe siècle, dans une Angleterre bouleversée par la révolution industrielle, les grandes découvertes scientifiques, et témoin du déclin d’une ère et de l’émergence d’une modernité polymorphe. Au final, se présente un livre curieux sur les chemins de l’imaginaire.

Car même s’il peut être qualifié de fantasy spirite, le texte, plus complexe qu’il n’y paraît au premier frôlement, dissimule des méandres inattendus. Le scénario est simple, en apparence. Eve Blake, épouse adorée de son mari imprimeur a disparu, cinq ans plus tôt. Morte, probablement, puisqu’elle répond aux appels de Mary-Gaëtane Lafay, jeune médium talentueuse, qui réunit chaque année le couple séparé lors d’un court rendez-vous. Jusqu’au jour où seul le silence s’exprime. C’est le début d’une aventure extraordinaire pour Mary-Gaëtane, qui se lance à la poursuite de l’absente, évanouie dans les limbes d’une dimension parallèle fantomatique. À la croisée des mondes, elle rencontre l’Enquêteur, un être singulier, amnésique, marionnette de spectres omniscients plus puissants, qui, lui aussi, cherche à résoudre le mystère Blake. Tous deux vont errer dans une Londres noyée dans le fog, où les fleurs du mal fleurissent à foison, où la folie vous effleure de quelques battements d’ailes, et où la réalité iridescente est prompte à s’effacer. On y devine, dissimulées dans le brouillard, les ombres de Gérard de Nerval, Arthur Conan Doyle, Edgar Allan Poe, William Blake et tant d’autres. Les personnages sont peints avec une précision aussi lumineuse que floue, faisant écho aux coups de pinceaux de John William Water-house ou de Dante Gabriel Rossetti. Étincelles de vie dans un monde ou dans l’autre, ils entraînent le lecteur à leur suite et le perdent dans des tourbillons émotionnels, tels les papillons désorientés qu’ils sont, voltigeant dangereusement autour d’une frontière entre les dimensions, à la fois protégés et captifs d’un filet stylistique flamboyant. Aux derniers mots de ce voyage, une question : à quand la prochaine excursion ?

Le Bifrost 87 est disponible

Le Bifrost 87, consacré au maître du fantastique belge Jean Ray, est dès aujourd'hui disponible dans toutes les bonnes librairies et sur belial.fr !

Le Regard chez Mes Imaginaires

« Si ce texte de Ken Liu n’est pas aussi percutant que d’autres, il pose cependant des questions actuelles sur notre société. Des questions qui n’émergent que si on prend un peu de distance avec nos habitudes, si on se regarde d’un peu loin pour voir ce que nous sommes devenus… » Mes Imaginaires

Le Regard dans la Yozone

« Avec Ken Liu, rien n’est gratuit, il y a toujours une réflexion sous-jacente pour le lecteur. Ce dernier ne peut poser le bouquin et passer à autre chose, sans penser à certains aspects de ce qu’il vient de lire.
Le regard est court, peut-être trop, mais il se révèle passionnant, efficace dans son déroulement et fait mouche par son propos. L’enquête est rapide, servant surtout de prétexte à mettre l’accent sur les personnages. » La Yozone

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 713 714  

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug