Connexion

Actualités

Cinquante-trois présages

Une nouvelle religion est apparue sur Terre, La Multitude, laquelle, contrairement aux autres monothéismes, a des effets concrets sur la population, croyante ou non. L’entité originelle s’est fractionnée, désagrégée selon le terme officiel, en multiples individualités, désignés par un numéro. La Multitude ne renvoie pas à un au-delà, ne juge rien ni ne se réfère à une orthodoxie, sauf peut-être les Dieux Rouges, les plus violents et craints, que désapprouvent les autres entités. Ils peuvent en effet, très arbitrairement, décider de se débarrasser de leurs représentants sans raison valable, assassinés par leurs exécutants, les Bourreaux, tandis que leurs homologues s’opposent à toute forme de meurtre comme au tort fait aux animaux. Une Fédération chapeaute les Bureaux de prière disséminés à travers le pays où se présentent croyants et non-croyants avec des doléances diverses auprès des Désignés, représentants officiels des divinités bénéficiaires d’un pouvoir particulier, et de leurs employés.

La Désignation se manifeste par des fièvres, vomissements et maux de tête très coercitifs, atténués dans le cas Raylee Mire, au comportement rebelle voire asocial, par une grosse consommation de cannabis qui repousse l’emprise mentale de la divinité. Désignée du dieu Dix-neuf, elle a le pouvoir d’envoyer dans Prime, un ailleurs indéfini, ceux qui ont envie de disparaître un temps. Elle dispose aussi du don de micro-perception, soit la conscience de tout être vivant dans l’environnement proche, insectes et araignées compris, des pensées des gens ainsi que d’une foule de détails. Des visions l’informent sur certaines situations ou ce qu’elle doit faire. Une Désignation est un calvaire qui empêche d’avoir une activité normale. Raylee est employée par la Fédération dans un Bureau proche de Cherbourg pour un salaire de misère où elle reçoit les visiteurs qui lui exposent leurs problèmes, qui donnent une palette assez représentative des maux de la société actuelle. Autre effet secondaire, aucun dispositif électronique sans-fil ne fonctionne à proximité d’elle, ce qui présente autant davantages que d’inconvénients avec parfois des situations cocasses.

Par l’intermédiaire du lieutenant Hassan Bechry et de sa taupe, l’Observatoire européen des divinités, une officine de la police, s’intéresse de plus en plus à Raylee, suspectée d’être responsable des disparitions, et peut-être de meurtres.

On se demande dans un premier temps quel est intérêt de ce roman qui semble partir dans toutes les directions, sinon celui d’élucider une situation àa priori incongrue, où des dieux lovecraftiens opèrent au grand jour sans que cela émeuve ni étonne grand monde.

Raylee est la principale narratrice qui dévoile au fil des besoins les rouages de cet univers proprement fantastique, récit augmenté de passages centrées sur les enquêteurs, mais aussi d’e-mails et de comptes-rendus d’entretiens, de notes de service et même de poèmes, délivrant une multiplicité de points de vue sur la société et ses maux. Les allers et retours suivent un fil thématique, sans cependant gêner la progression du récit.

Polar par certains côtés, fantastique par d’autres, avec quelques touches de science-fiction, ce patchwork a toutes les allures d’un roman social pas comme les autres. De multiples détails glissés subrepticement renvoient en effet à une actualité récente, autour de mesures sociales, de violences policières, de la féminisation parfois absurde des mots, des pétitions et manifestations variées, de l’anti-avortement à la fermeture des parcs aquatiques. Se dessine en arrière-plan une société pétrie de contradictions et sans perspectives, aussi fragmentée que les divinités, où l’individualisme forcené et la liberté d’expression désordonnée faisant désormais office de religion, chacun confit dans sa vérité désormais sacralisée. Foisonnant et cohérent, une bonne surprise au final.

Hors-série Une Heure-Lumière 2021

[Critique commune à À dos de crocodile, Toutes les saveurs et le hors-série UHL 2021]

Pour la quatrième année consécutive, la collection « Une heure-lumière » publie un hors-série à l’occasion de ses parutions du printemps, ouvrage offert pour l’achat de deux titres de la collection. Il s’agit d’une catalogue de la collection, avec couverture et résumé, agrémenté d’une novelette inédite de Greg Egan et d’une introduction d’Olivier Girard qui réaffirme à cette occasion l’intérêt qu’il porte à Greg Egan, repéré par Francis Valéry et Sylvie Denis et dont sa maison d’édition s’est fait le promoteur, rappelant à travers ses titres emblématiques la place qu’il occupe au sein de la science-fiction.

« Un Château sous la mer », donc, au cœur dudit hors-série, est un récit bien dans la manière eganienne autour d’un concept étourdissant avec une forte dimension humaine, riche en clins d’œil et références de tous ordres, mais surtout littéraires, de Zola à Proust et d’abord Dostoïevski : quatre frères, Caius, Rufus, Silus et Linus, des quadruplets, référence mathématique bien nommée, partagent les mêmes souvenirs grâce à un lien neuronal, suite aux tentatives d’une secte, Physalia, autre détail signifiant, pour constituer une ruche d’esprits au service d’un dangereux mentor. Si la secte a été démantelée, les frères libérés ont gardé le lien neurologique qui les soude, un lien très fort malgré la distance de leurs habitats respectifs. Mais Silus a disparu, ce qui rompt leur unité puisque les trois autres ne retrouvent pas ses souvenirs au réveil. L’enquête, sur le mode policier, se poursuit à Paris, à HEC, jusqu’à révéler le fond de l’affaire, avec un final renversant. Les conséquences particulièrement originales du lien neuronal sont analysées avec finesse et intelligemment mises en scène à travers les interactions entre les quatre frères aux prénoms en us, symbole d’un « nous » qui peut révéler davantage de surprises qu’il n’y paraît. Un texte excellent !

À dos de crocodile abandonne le registre des technosciences pour des sommets plus philosophiques : dans l’Amalgame, une société galactique composée de milliers d’espèces évoluées, Leila et Jasim, âgés de milliers d’années, ont décidé de mourir après avoir accompli quelque chose de grandiose. Pour des quasi-
immortels capables de se dupliquer à l’infini le temps de réaliser une tâche de très longue haleine, et se déplaçant d’ailleurs de façon conventionnelle sur des milliers d’années, trouver un projet n’est pas évident. Aussi jettent-ils leur dévolu sur une énigme plus que millénaire, jamais résolue, concernant l’exploration du bulbe central de la galaxie : aucune tentative n’a jamais permis à quiconque de voir ou seulement deviner ce qui s’y trouve, ses habitants, dont on ignore tout, refusant tout contact. Les sondes envoyées cessent d’émettre à l’approche et reviennent, intactes. Jusqu’à ce que Leila et Jasim trouvent un moyen qui nécessite une longue mise en place, laquelle comporte des risques qui ne sont pas ceux qu’ils auraient pu imaginer… Plusieurs thèmes s’emboîtent astucieusement dans ce récit raconté avec élégance, celui du rapport entre satisfaction et insatisfaction, laquelle rejoint l’infini dans la mesure où chaque réponse amène de nouvelles questions, celui du sens de la vie quand tout a été vécu, celui des liens entre les êtres qui les unit autant qu’il les définit, la novella abordant à son tour, à sa manière, la notion de lien entre individus, sur les choix, enfin, qui tracent des chemins et dont l’histoire centrale se fait la métaphore. Le résultat de la quête, pour le moins inattendu, ramasse l’ensemble de ces questions non sans émotion. Sur ce versant métaphysique, Greg Egan se révèle également un auteur d’exception !

Toutes les saveurs de Ken Liu, autre auteur très apprécié au Bélial’, marie tout en finesse la mythologie chinoise et celle d’un pan de l’Histoire des États-Unis, loin des images d’Épinal cristallisées dans le western. Après avoir assisté à un incident sanglant entre des Chinois chercheurs d’or et deux anglo-saxons, voyous notoires, cherchant à les déposséder de leur bien, Lily Seaver se familiarise avec le groupe, par ailleurs locataire des baraques de son père, également propriétaire du magasin de fournitures de cette localité minière de l’Idaho. Attentif à sa fille, le père s’initie avec elle à la culture chinoise au travers de leurs jeux, des chants, des aliments et de boissons alcoolisées, chacun découvrant par ce biais les diverses saveurs de la culture de l’autre, agréables ou déplaisantes, apprenant à ne pas porter de jugement ni faire de généralisation… L’auteur de L’Homme qui mit fin à l’Histoire illustre ici au moyen de maintes histoires la rencontre de deux communautés apprenant à se connaître, à s’apprécier, et à faire front contre ceux qui, au nom de leurs préjugés, campent sur leurs positions, tandis que s’ouvre un procès qui ne peut qu’être défavorable aux Chinois. Les divers cas de figure offrent une palette très large, où l’emporte la tolérance et la résilience. Tout passe par les anecdotes ainsi que les contes de Guan Yu, le dieu chinois de la guerre, dont Lao Guan, un géant barbu, régale la jeune fille, sans qu’il soit possible de savoir si ce dernier emprunte ses souvenirs aux légendes de son pays ou s’il transforme ses expériences vécues en légendes. C’est avec beaucoup de fraîcheur et d’élégance que Ken Liu aborde en filigrane un pan tragique de l’Histoire de sa patrie d’adoption. Une réussite totale.

Toutes les saveurs

[Critique commune à À dos de crocodile, Toutes les saveurs et le hors-série UHL 2021]

Pour la quatrième année consécutive, la collection « Une heure-lumière » publie un hors-série à l’occasion de ses parutions du printemps, ouvrage offert pour l’achat de deux titres de la collection. Il s’agit d’une catalogue de la collection, avec couverture et résumé, agrémenté d’une novelette inédite de Greg Egan et d’une introduction d’Olivier Girard qui réaffirme à cette occasion l’intérêt qu’il porte à Greg Egan, repéré par Francis Valéry et Sylvie Denis et dont sa maison d’édition s’est fait le promoteur, rappelant à travers ses titres emblématiques la place qu’il occupe au sein de la science-fiction.

« Un Château sous la mer », donc, au cœur dudit hors-série, est un récit bien dans la manière eganienne autour d’un concept étourdissant avec une forte dimension humaine, riche en clins d’œil et références de tous ordres, mais surtout littéraires, de Zola à Proust et d’abord Dostoïevski : quatre frères, Caius, Rufus, Silus et Linus, des quadruplets, référence mathématique bien nommée, partagent les mêmes souvenirs grâce à un lien neuronal, suite aux tentatives d’une secte, Physalia, autre détail signifiant, pour constituer une ruche d’esprits au service d’un dangereux mentor. Si la secte a été démantelée, les frères libérés ont gardé le lien neurologique qui les soude, un lien très fort malgré la distance de leurs habitats respectifs. Mais Silus a disparu, ce qui rompt leur unité puisque les trois autres ne retrouvent pas ses souvenirs au réveil. L’enquête, sur le mode policier, se poursuit à Paris, à HEC, jusqu’à révéler le fond de l’affaire, avec un final renversant. Les conséquences particulièrement originales du lien neuronal sont analysées avec finesse et intelligemment mises en scène à travers les interactions entre les quatre frères aux prénoms en us, symbole d’un « nous » qui peut révéler davantage de surprises qu’il n’y paraît. Un texte excellent !

À dos de crocodile abandonne le registre des technosciences pour des sommets plus philosophiques : dans l’Amalgame, une société galactique composée de milliers d’espèces évoluées, Leila et Jasim, âgés de milliers d’années, ont décidé de mourir après avoir accompli quelque chose de grandiose. Pour des quasi-
immortels capables de se dupliquer à l’infini le temps de réaliser une tâche de très longue haleine, et se déplaçant d’ailleurs de façon conventionnelle sur des milliers d’années, trouver un projet n’est pas évident. Aussi jettent-ils leur dévolu sur une énigme plus que millénaire, jamais résolue, concernant l’exploration du bulbe central de la galaxie : aucune tentative n’a jamais permis à quiconque de voir ou seulement deviner ce qui s’y trouve, ses habitants, dont on ignore tout, refusant tout contact. Les sondes envoyées cessent d’émettre à l’approche et reviennent, intactes. Jusqu’à ce que Leila et Jasim trouvent un moyen qui nécessite une longue mise en place, laquelle comporte des risques qui ne sont pas ceux qu’ils auraient pu imaginer… Plusieurs thèmes s’emboîtent astucieusement dans ce récit raconté avec élégance, celui du rapport entre satisfaction et insatisfaction, laquelle rejoint l’infini dans la mesure où chaque réponse amène de nouvelles questions, celui du sens de la vie quand tout a été vécu, celui des liens entre les êtres qui les unit autant qu’il les définit, la novella abordant à son tour, à sa manière, la notion de lien entre individus, sur les choix, enfin, qui tracent des chemins et dont l’histoire centrale se fait la métaphore. Le résultat de la quête, pour le moins inattendu, ramasse l’ensemble de ces questions non sans émotion. Sur ce versant métaphysique, Greg Egan se révèle également un auteur d’exception !

Toutes les saveurs de Ken Liu, autre auteur très apprécié au Bélial’, marie tout en finesse la mythologie chinoise et celle d’un pan de l’Histoire des États-Unis, loin des images d’Épinal cristallisées dans le western. Après avoir assisté à un incident sanglant entre des Chinois chercheurs d’or et deux anglo-saxons, voyous notoires, cherchant à les déposséder de leur bien, Lily Seaver se familiarise avec le groupe, par ailleurs locataire des baraques de son père, également propriétaire du magasin de fournitures de cette localité minière de l’Idaho. Attentif à sa fille, le père s’initie avec elle à la culture chinoise au travers de leurs jeux, des chants, des aliments et de boissons alcoolisées, chacun découvrant par ce biais les diverses saveurs de la culture de l’autre, agréables ou déplaisantes, apprenant à ne pas porter de jugement ni faire de généralisation… L’auteur de L’Homme qui mit fin à l’Histoire illustre ici au moyen de maintes histoires la rencontre de deux communautés apprenant à se connaître, à s’apprécier, et à faire front contre ceux qui, au nom de leurs préjugés, campent sur leurs positions, tandis que s’ouvre un procès qui ne peut qu’être défavorable aux Chinois. Les divers cas de figure offrent une palette très large, où l’emporte la tolérance et la résilience. Tout passe par les anecdotes ainsi que les contes de Guan Yu, le dieu chinois de la guerre, dont Lao Guan, un géant barbu, régale la jeune fille, sans qu’il soit possible de savoir si ce dernier emprunte ses souvenirs aux légendes de son pays ou s’il transforme ses expériences vécues en légendes. C’est avec beaucoup de fraîcheur et d’élégance que Ken Liu aborde en filigrane un pan tragique de l’Histoire de sa patrie d’adoption. Une réussite totale.

À dos de crocodile

[Critique commune à À dos de crocodile, Toutes les saveurs et le hors-série UHL 2021]

Pour la quatrième année consécutive, la collection « Une heure-lumière » publie un hors-série à l’occasion de ses parutions du printemps, ouvrage offert pour l’achat de deux titres de la collection. Il s’agit d’une catalogue de la collection, avec couverture et résumé, agrémenté d’une novelette inédite de Greg Egan et d’une introduction d’Olivier Girard qui réaffirme à cette occasion l’intérêt qu’il porte à Greg Egan, repéré par Francis Valéry et Sylvie Denis et dont sa maison d’édition s’est fait le promoteur, rappelant à travers ses titres emblématiques la place qu’il occupe au sein de la science-fiction.

« Un Château sous la mer », donc, au cœur dudit hors-série, est un récit bien dans la manière eganienne autour d’un concept étourdissant avec une forte dimension humaine, riche en clins d’œil et références de tous ordres, mais surtout littéraires, de Zola à Proust et d’abord Dostoïevski : quatre frères, Caius, Rufus, Silus et Linus, des quadruplets, référence mathématique bien nommée, partagent les mêmes souvenirs grâce à un lien neuronal, suite aux tentatives d’une secte, Physalia, autre détail signifiant, pour constituer une ruche d’esprits au service d’un dangereux mentor. Si la secte a été démantelée, les frères libérés ont gardé le lien neurologique qui les soude, un lien très fort malgré la distance de leurs habitats respectifs. Mais Silus a disparu, ce qui rompt leur unité puisque les trois autres ne retrouvent pas ses souvenirs au réveil. L’enquête, sur le mode policier, se poursuit à Paris, à HEC, jusqu’à révéler le fond de l’affaire, avec un final renversant. Les conséquences particulièrement originales du lien neuronal sont analysées avec finesse et intelligemment mises en scène à travers les interactions entre les quatre frères aux prénoms en us, symbole d’un « nous » qui peut révéler davantage de surprises qu’il n’y paraît. Un texte excellent !

À dos de crocodile abandonne le registre des technosciences pour des sommets plus philosophiques : dans l’Amalgame, une société galactique composée de milliers d’espèces évoluées, Leila et Jasim, âgés de milliers d’années, ont décidé de mourir après avoir accompli quelque chose de grandiose. Pour des quasi-
immortels capables de se dupliquer à l’infini le temps de réaliser une tâche de très longue haleine, et se déplaçant d’ailleurs de façon conventionnelle sur des milliers d’années, trouver un projet n’est pas évident. Aussi jettent-ils leur dévolu sur une énigme plus que millénaire, jamais résolue, concernant l’exploration du bulbe central de la galaxie : aucune tentative n’a jamais permis à quiconque de voir ou seulement deviner ce qui s’y trouve, ses habitants, dont on ignore tout, refusant tout contact. Les sondes envoyées cessent d’émettre à l’approche et reviennent, intactes. Jusqu’à ce que Leila et Jasim trouvent un moyen qui nécessite une longue mise en place, laquelle comporte des risques qui ne sont pas ceux qu’ils auraient pu imaginer… Plusieurs thèmes s’emboîtent astucieusement dans ce récit raconté avec élégance, celui du rapport entre satisfaction et insatisfaction, laquelle rejoint l’infini dans la mesure où chaque réponse amène de nouvelles questions, celui du sens de la vie quand tout a été vécu, celui des liens entre les êtres qui les unit autant qu’il les définit, la novella abordant à son tour, à sa manière, la notion de lien entre individus, sur les choix, enfin, qui tracent des chemins et dont l’histoire centrale se fait la métaphore. Le résultat de la quête, pour le moins inattendu, ramasse l’ensemble de ces questions non sans émotion. Sur ce versant métaphysique, Greg Egan se révèle également un auteur d’exception !

Toutes les saveurs de Ken Liu, autre auteur très apprécié au Bélial’, marie tout en finesse la mythologie chinoise et celle d’un pan de l’Histoire des États-Unis, loin des images d’Épinal cristallisées dans le western. Après avoir assisté à un incident sanglant entre des Chinois chercheurs d’or et deux anglo-saxons, voyous notoires, cherchant à les déposséder de leur bien, Lily Seaver se familiarise avec le groupe, par ailleurs locataire des baraques de son père, également propriétaire du magasin de fournitures de cette localité minière de l’Idaho. Attentif à sa fille, le père s’initie avec elle à la culture chinoise au travers de leurs jeux, des chants, des aliments et de boissons alcoolisées, chacun découvrant par ce biais les diverses saveurs de la culture de l’autre, agréables ou déplaisantes, apprenant à ne pas porter de jugement ni faire de généralisation… L’auteur de L’Homme qui mit fin à l’Histoire illustre ici au moyen de maintes histoires la rencontre de deux communautés apprenant à se connaître, à s’apprécier, et à faire front contre ceux qui, au nom de leurs préjugés, campent sur leurs positions, tandis que s’ouvre un procès qui ne peut qu’être défavorable aux Chinois. Les divers cas de figure offrent une palette très large, où l’emporte la tolérance et la résilience. Tout passe par les anecdotes ainsi que les contes de Guan Yu, le dieu chinois de la guerre, dont Lao Guan, un géant barbu, régale la jeune fille, sans qu’il soit possible de savoir si ce dernier emprunte ses souvenirs aux légendes de son pays ou s’il transforme ses expériences vécues en légendes. C’est avec beaucoup de fraîcheur et d’élégance que Ken Liu aborde en filigrane un pan tragique de l’Histoire de sa patrie d’adoption. Une réussite totale.

Viendra le temps du feu

Voici le troisième roman de Wendy Delorme, jeune autrice engagée. C’est le premier paru aux éditions Cambourakis, dans la collection «?Sorcières?», qui publie des textes féministes. De la science-fiction là-dedans?? Eh bien oui?! De l’anticipation sociale et politique, une réflexion sur les manières de lutter dans un espace politique rétréci au besoin de procréation et de sécurité : telles sont les braises qui se consument dans Viendra le temps du feu, un carburant qui rappelle certains thèmes classiques de la littérature dystopique. Dans cet univers clos, les livres – enfin, les histoires bon marché standardisées – se vendent au poids et le mot d’ordre national est simple et dur comme le roc  : il faut contribuer (enfanter) ou accepter la déchéance et le mépris social.

Là n’est pourtant pas le cœur du propos – c’en est la toile de fond. Les façons de résister à une telle situation, voilà ce qui intéresse Wendy Delorme. C’est à partir de là qu’elle laisse l’histoire se constituer, et c’est aussi ce qui lui inspire ses personnages. Et bien qu’ils incarnent profondément leurs combats, ceux-ci ne sont pas que de simples arguments. Pour les animer, l’autrice leur donne voix tour à tour, créant ainsi un récit où dialoguent de multiples perspectives.

Il y a d’abord Ève et sa fille. Fantômes cachés dans la Cité, elles tentent de vivre une existence normale et discrète. Par amour, la première a quitté une communauté de femmes, des sœurs qui fabriquaient une autre voie au-delà de la rivière. Mais son geste et ce mensonge permanent lui coutent cher, au point de la faire sombrer dans la folie. Il y a aussi Louise, jeune adulte rebelle qui refuse d’entrer dans le rôle de contributrice. Elle adopte une stratégie de camouflage : employée dans un supermarché le jour, elle observe les mères fatiguées acheter de mornes denrées à coup de coupons (plus d’argent qui vaille, dans cette société qui a subi une catastrophe dont on ne saura presque rien). La nuit, elle danse dans un night-club pour hommes. Une discothèque que fréquente justement son petit ami de façade (mais véritable ami) Raphaël, ainsi que ses compagnons d’aventure : Paul, le philosophe trans, Louis, le tenancier du bar (une ancienne librairie), Samuel, l’amant de Raphaël, Lilian et Thamar. Ceux-ci se nomment les uraniens et développent une stratégie d’insurrection. Plus direct, leur mode d’action implique d’incendier les âmes, tout autant que les bâtiments publics… Enfin, il y a les représentantes de cette communauté pacifiste, Grâce et Rosa notamment, qui clament haut leur différence, au risque de voir leur projet détruit par le pouvoir établi…

Comment tous ces personnages se combineront-ils?? Seront-ils capables de faire jaillir des flammes un avenir?? Tel est l’enjeu de ce très bel ouvrage au style soigné et à la force douce, qui interroge les craintes et les espoirs de la société contemporaine.

L'Examen

Après sa trilogie des « Dossier Thémis » (cf. notre critique mitigée dans le Bifrost n°93), Sylvain Neuvel revient avec une novella, à l’origine prévue pour une série de livres estampillés Black Mirror outre-Manche.

Idir est un Iranien tirant vers la cinquantaine. Il a fui Téhéran avec son épouse et ses deux enfants ; une famille de confession musulmane qui inspire respect et confiance. Intégré depuis plusieurs années dans la banlieue londonienne, ce dentiste sans histoires doit néanmoins effectuer un examen pour garantir, à ses proches et à lui-même, le droit de demeurer sur le sol britannique. Il s’agit de passer une épreuve auprès du bureau de l’immigration en répondant à une série de questions en 45 minutes. Idir s’exécute de bonne grâce : il veut à tout prix gagner sa citoyenneté. Surgit alors un commando armé de terroristes, dans l’édifice d’abord, puis dans la salle où l’épreuve a lieu. Idir, le brave, l’aidant, cherche d’emblée à venir au secours d’un voisin de banc touché par un coup de carabine. Ce geste, il le payera cher. Repéré par la bande, il se verra propulsé en première ligne des événements, forcé de jouer un rôle dans l’établissement de la terreur.

Les dialogues de L’Examen créent une ambiance électrique où les tensions entre le chef et les otages ne peuvent que dégénérer. On se retrouve par ailleurs immergé, grâce au flux de conscience, dans les sensations et les réflexions en cascade du protagoniste pris au piège. Certaines scènes sont violentes, et c’est bien de la transmission de la haine que l’auteur semble avoir voulu parler. Il y parvient, notamment, en opposant à la force arbitraire cette image de bon samaritain (le livre est dédié «?À tous les gentils?»), et en regardant comment celle-ci évolue dans ce décor bureaucratique défiguré par l’horreur.

Attention, vous n’aurez pas pour autant affaire à un simple thriller avec ce court roman. Il est bel et bien aussi question de science-fiction. Par touches successives, l’ouvrage esquisse plusieurs thématiques classiques du genre, en les nouant de façon subtile dans un avenir qui ne paraît pas si lointain. Insensibilisation des mœurs, intelligence artificielle, contrôle sécuritaire de l’État, mouvements pour les droits civiques et l’environnement qui peuvent se transformer en diktats idéologiques, etc. : tout cela est intelligemment empaqueté et attaché à la question du terrorisme. Sylvain Neuvel donne à voir plutôt qu’il n’explique?; il fait confiance à l’imagination de son lecteur et c’est tout à son honneur.

L’Examen est donc un livre bref qui se consomme d’une traite?; un vrai page-turner. La trame narrative est rudement bien ficelée, les chapitres sont courts et s’enchaînent de façon très efficace. L’évolution est implacable et la fin bouleversante?; du moins, pour celles et ceux qui ont encore des émotions.

Demain l'écologie !

[Critique commune à Demain, l’écologie ! et Demain, la Commune !]

Avec ces deux nouvelles sorties, la collection « ArchéoSF » poursuit son travail, après des anthologies dédiées notamment aux uchronies (Une autre histoire du monde : 2500 ans d’uchronies) et aux révolutions (Demain, les Révolutions !). Comme son nom l’indique, l’originalité de la démarche consiste à excaver des textes d’anticipation sur des thèmes soit eux-mêmes anciens, soit actuels. Pour la Commune, il s’agit en effet d’aller dénicher des écrits postérieurs à l’événement, ayant la caractéristique de le prolonger par la réflexion et, surtout, l’imagination. Pour l’écologie en revanche, il s’agit plutôt de considérer l’enjeu environnemental contemporain à la lumière d’un temps où ces questions se formulaient à peine.

De Demain, l’écologie ! on retiendra tout particulièrement les nouvelles « La Fin du monde » de Mérinos (alias Eugène Mouton, 1872), ainsi que « Gaîtés de la semaine. Le bacille-homme » de Grosclaude (1885). La première prévoit le réchauffement climatique d’origine anthropique et annonce, sur un ton badin, la mort de la Terre. La seconde, beaucoup plus courte, se place aussi du point de vue de la planète et considère les tremblements qui la rongent comme une réaction épidermique à l’homme, ce vilain microbe (nous sommes en pleine révolution pastorienne et l’éruption du Krakatoa n’est pas un souvenir lointain). La plupart des autres textes – on ne comprend pas d’ailleurs pas très bien pourquoi en avoir choisi autant du même type – parlent de chasse, à ceci près que le chasseur tue désormais des canards ou des tigres mécaniques…

Demain, la Commune ! nous livre également quelques beaux épis, mais la moisson est somme toute frugale (pour un lecteur lambda moyennement intéressé aux spécificités de cette époque). À noter aussi qu’ici, les nouvelles sont sensiblement plus longues (d’où la taille du volume). Si on ne devait en retenir qu’un texte, ce serait sans doute la belle fable d’André Léo, « La Commune de Malenpis » (1874). Tissant sa trame sur fond de la récente Commune, l’auteur narre avec brio – et une joie communicative — l’histoire mouvementée de cette petite commune sise entre deux royaumes, qui gagne, puis perd à nouveau sa liberté.

Soyons francs : pour apprécier ces textes, il faut avoir un intérêt pour le XIXe siècle et son langage. Pour s’attacher durablement à leur lecture, il vous faudra goûter l’humour bourgeois (un bon nombre de ces nouvelles paraissent dans des revues humoristiques) et le style suranné de la France de Napoléon et des Expositions universelles. Mais si c’est le cas, alors ces deux ouvrages sont pour vous !

Demain, la Commune !

[Critique commune à Demain, l’écologie ! et Demain, la Commune !]

Avec ces deux nouvelles sorties, la collection « ArchéoSF » poursuit son travail, après des anthologies dédiées notamment aux uchronies (Une autre histoire du monde : 2500 ans d’uchronies) et aux révolutions (Demain, les Révolutions !). Comme son nom l’indique, l’originalité de la démarche consiste à excaver des textes d’anticipation sur des thèmes soit eux-mêmes anciens, soit actuels. Pour la Commune, il s’agit en effet d’aller dénicher des écrits postérieurs à l’événement, ayant la caractéristique de le prolonger par la réflexion et, surtout, l’imagination. Pour l’écologie en revanche, il s’agit plutôt de considérer l’enjeu environnemental contemporain à la lumière d’un temps où ces questions se formulaient à peine.

De Demain, l’écologie ! on retiendra tout particulièrement les nouvelles « La Fin du monde » de Mérinos (alias Eugène Mouton, 1872), ainsi que « Gaîtés de la semaine. Le bacille-homme » de Grosclaude (1885). La première prévoit le réchauffement climatique d’origine anthropique et annonce, sur un ton badin, la mort de la Terre. La seconde, beaucoup plus courte, se place aussi du point de vue de la planète et considère les tremblements qui la rongent comme une réaction épidermique à l’homme, ce vilain microbe (nous sommes en pleine révolution pastorienne et l’éruption du Krakatoa n’est pas un souvenir lointain). La plupart des autres textes – on ne comprend pas d’ailleurs pas très bien pourquoi en avoir choisi autant du même type – parlent de chasse, à ceci près que le chasseur tue désormais des canards ou des tigres mécaniques…

Demain, la Commune ! nous livre également quelques beaux épis, mais la moisson est somme toute frugale (pour un lecteur lambda moyennement intéressé aux spécificités de cette époque). À noter aussi qu’ici, les nouvelles sont sensiblement plus longues (d’où la taille du volume). Si on ne devait en retenir qu’un texte, ce serait sans doute la belle fable d’André Léo, « La Commune de Malenpis » (1874). Tissant sa trame sur fond de la récente Commune, l’auteur narre avec brio – et une joie communicative — l’histoire mouvementée de cette petite commune sise entre deux royaumes, qui gagne, puis perd à nouveau sa liberté.

Soyons francs : pour apprécier ces textes, il faut avoir un intérêt pour le XIXe siècle et son langage. Pour s’attacher durablement à leur lecture, il vous faudra goûter l’humour bourgeois (un bon nombre de ces nouvelles paraissent dans des revues humoristiques) et le style suranné de la France de Napoléon et des Expositions universelles. Mais si c’est le cas, alors ces deux ouvrages sont pour vous !

Le livre écorné de ma vie

« Mon nom, Thomas Cradle, n’est pas des plus répandu, mais lorsque je suis tombé sur un livre écrit par un autre Thomas Cradle alors que je consultais mes œuvres sur Amazon (un passe-temps auquel je m’adonne fréquemment, comme de nombreux auteurs), je n’y ai guère prêté attention, m’inquiétant surtout de savoir si ce Cradle nouveau et inconnu n’était pas supérieur au Cradle connu. » page 11.

Donc… un écrivain à succès, qui se présente volontiers comme riche, découvre l’existence d’un homonyme trop ressemblant qui a écrit une fantasy contemporaine, La Forêt de thé, publiée directement sous forme de livre broché. Un ouvrage qui n’a pas eu un grand succès, mais s’avère fascinant. Pour percer le secret de la forêt de thé, située dans le delta du Mékong, et comprendre Cradle 2, Cradle 1 se rend en Asie du sud-est. Là, il loue un bateau avant de rédiger une petite annonce où il propose une croisière tous frais payés contre des faveurs sexuelles régulières. Contrairement au sexpatrié lambda, il choisit parmi les candidates non pas une jeune indigène désargentée, mais une Anglaise cultivée dont la consommation quotidienne d’opium n’est pas le moindre vice. Le voyage peut commencer…

La première chose qui frappe en lisant Le Livre écorné de ma vie est son extrême richesse, les ponts qu’il tisse avec de très nombreuses œuvres, Au cœur des ténèbres / Apocalypse now bien entendu, mais aussi certains romans de Stephen King et d’Ernest Hemingway. Cradle (le berceau, en français) ne remonte pas un fleuve vers sa source, il le descend comme on descend aux enfers. Contrairement à la plupart des occidentaux qui visitent l’Asie du sud-est, rien ne le fascine sur place : ni les gens ni leur histoire ni leur culture. D’une certaine façon, il ne s’intéresse qu’à lui-même, à son succès et à son pénis, révélant par ce biais ce qu’il apporte au monde et surtout ce qu’il lui retire. Avec son argent, son pouvoir, son ego, sa libido, il vide l’âme d’une géographie magnifique. Et c’est sans doute là que bat le cœur du texte, Thomas Cradle est corrompu, toxique. Il endommage (au mieux) tout ce qu’il touche, mais il est aussi en quête d’une épiphanie.

Le lecteur qui acceptera d’accompagner ce personnage abject dans un sud-est asiatique qui n’est pas le nôtre sera grandement récompensé. Le Livre écorné de ma vie est un texte brutal et virtuose. Sa métaphysique hante longtemps.

Si ça saigne

Pour les (deux ou trois) lecteurs et lectrices ne connaissant pas encore Stephen King, sans doute Si ça saigne fera office d’éclairante introduction à l’œuvre du maître de Bangor. Cette réunion de quatre longues nouvelles – celle donnant son titre au recueil frisant même la novella – constitue en effet une idéale synthèse des personnages et thèmes chers à King.

Le récit liminaire, « Le Téléphone de M. Harrigan », a pour protagonistes un jeune garçon prénommé Craig et un homme âgé du nom de Harrigan. Vivant dans un de ces recoins des États-Unis épicentres de la topographie kingienne, le duo ainsi formé fait écho à nombre d’autres imaginés par l’écrivain. Fruit du hasard – voisin de Harrigan, Craig gagne un peu d’argent de poche en lui faisant la lecture –, cette relation se mue au fil du temps en une sorte d’amitié teintée d’une dimension grand-paternelle. Celle-ci évoque le lien à la fois affectif et initiatique forgé par Danny et Hallorann dans Shining, ou bien encore celui réunissant Bobby et Brautigan dans la nouvelle« Crapules de bas étage en manteau jaune » ( Cœurs perdus en Atlantide). Nimbé par ailleurs d’une confuse et inquiétante dureté qu’éclairera le basculement du récit dans le fantastique, ce motif du vieil homme et l’enfant renvoie aux déclinaisons plus sombres qu’en a faites King. Comme dans la novella «  Un élève doué » (Différentes saisons) ou dans le récent Revival. À l’instar de ce roman, la nouvelle fait de la mort et de sa non acceptation son thème central, tout en conférant une fonction surnaturelle au téléphone de M. Harrigan. Cet ensorcellement d’un banal smartphone ancre un peu plus « Le téléphone de M. Harrigan » dans la mythologie de son auteur, riche en objets du quotidien possédés par une force surnaturelle (« La Presseuse » dans Danse macabre, Christine, etc.)

Combinant avec succès une caractérisation des personnages tout en humanité et une narration allant impeccablement crescendo (ces deux fondements de l’art kingien), « Le Téléphone de M. Harrigan » compte parmi les meilleurs textes du recueil. S’y joint « Rat », une nouvelle mettant en scène une autre figure récurrente chez King : celle de l’écrivain en proie aux affres de la création. L’histoire de Drew Larson, un auteur au succès aussi modeste que passé parti chercher l’inspiration dans un chalet de montagne, s’inscrit dans la lignée de Shining et autre Misery. À peine moins névrotique que le Jack Torrance du premier, Drew va faire dans sa retraite montagnarde la rencontre d’une très singulière sorte de muse, aussi inquiétante que la Annie de Misery. Et l’on pourrait encore ajouter à ces échos internes à l’œuvre de King le motif de la catastrophe climatique renvoyant – dans des proportions ici certes plus modestes – à La Tempête du siècle, ainsi que celui de l’animal diabolique. Le rat se substituant ici au chat de Simetierre, comme semble malicieusement le suggérer la couverture du recueil…

Mais si ce recueil réunit deux beaux échantillons de la matière kingienne, il en comprend aussi de bien moins brillants. Les poussifs « La vie de Chuck » et « Si ça saigne » rappellent en effet que le très prolifique King ne frappe pas toujours juste. Notamment lorsqu’il s’éloigne par trop du fantastique – sa terre d’élection, celle en laquelle il est un maître définitif – pour s’essayer à un semblant de littérature blanche (« La Vie de Chuck ») ou policière (« Si ça saigne »).

À moitié convaincant, Si ça saigne n’en reflète somme toute que mieux les contours d’une œuvre essentielle, bien qu’oscillant entre ombres et lumières littéraires.

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 713  

Ça vient de paraître

Scientifiction – La Physique de l'impossible

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 113
PayPlug