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Faites demi-tour dès que possible

Faites demi-tour dès que possible, sur une suggestion de Stéphane Beauverger et David Calvo, propose d’explorer les régions de France au travers du filtre de l’Imaginaire. L’idée, si elle peut paraître un brin saugrenue (même s’il est heureusement précisé que cette anthologie « régionale » n’est pas pour autant « régionaliste », ou pas davantage engagée dans « l’exaltation » de la mondialisation), n’en a pas moins réuni du beau monde, Voltés habituels et autres.

L’anthologie, qui peut se lire par régions, est organisée selon quatre thèmes. « La grande faucheuse », qui l’introduit (de manière révélatrice ?), s’ouvre sur « DCDD » de Stéphane Beauverger, pour l’essentiel une variation sur l’Ankou. De bonnes idées, quelques jolis passages, mais la nouvelle déçoit un peu — à la mesure des attentes que l’on pouvait placer en son auteur — du fait de quelques défaillances stylistiques et d’une structure qui pèche à l’occasion. Suit « Les Chutes », de luvan, un texte immédiatement identifiable (ce qui passe hélas par des « tics » un brin pénibles) : parfois très beau, et d’un fond irréprochable, il est donc d’une forme déstabilisante, et pas toujours à bon escient.

Deuxième thème, inévitable au regard du projet : « l’Enfance ». Ketty Steward se projette à 90 ans, alors qu’elle retourne à la Martinique, une île à bout de souffle qui n’est plus qu’imposture : remarquable. Jean-Philippe Ourry livre pour sa part une histoire de fantôme sur vidéo, où la terreur façon Ring est remplacée par une mélancolie douloureuse de l’adolescence ; émouvant et bien vu. Léo Dhayer fait dans l’évocation d’enfance miséreuse ; là encore, il y a quelques scènes poignantes et de jolis tableaux, mais le texte, probablement trop précieux (ce qui se justifie au regard du projet de l’auteur, mais convainc plus ou moins), est bien long, et l’irruption tardive de l’Imaginaire ne fait que renforcer son impression d’accessoire. David Calvo conclut cette partie avec une délicieuse lovecrafterie marseillaise, où l’adolescence dans les 80’s, avec moult (faux ?) clichés réjouissants, est brillamment ressuscitée par une plume habile : peut-être bien le sommet de l’anthologie, et sa plus parfaite synthèse, conjuguant l’humour et l’émotion avec un brio qui fait hélas parfois défaut aux autres participants.

En témoigne immédiatement « La Mort noire » de Raphaël Granier de Cassagnac, qui introduit le thème de la « Fin du monde » par un ratage ahurissant : c’est en effet une très mauvaise blague potache de sous-SF pop’ complotiste qui désespère là où elle est supposée faire rire, le « style », notamment les dialogues, n’arrangeant pas les choses ; un bref délire fandomique autour de Michel Jeury (ce qui tombe mal, hélas, au regard de la disparition de l’auteur) renforce l’impression que ce texte aurait pu éventuellement trouver sa place dans un fanzine ou une anthologie de micro-édition destinés à un public de copains (ce qui ne l’aurait pas rendu meilleur), mais qu’il n’a rien à faire ici. Contraste avec Thomas Becker, qui se la pète un peu, mais dont l’apocalypse angoumoisine vue par un organiste versé tant dans l’hermétisme que dans la théologie catholique a du sens et comprend de belles images. Le meilleur texte de cette partie, sans surprise, est celui de Léo Henry, une uchronie sur Erckmann-Chatrian, épopée en tandem dans une Alsace mythique au lendemain d’une guerre franco-prussienne qui n’a pas vraiment eu lieu ; de beaux personnages qui font le bilan d’une vie, d’une œuvre, d’une guerre et d’une patrie.

Dernier thème, inévitable là encore, la « Mémoire ». Philippe Curval, dont on peut se demander pourquoi la Volte s’acharne à le publier, commet une longue nouvelle parisienne désolante, là encore en forme de mauvaise plaisanterie pas drôle ; et, bon sang, comment peut-on écrire des dialogues aussi consternants ? Jeanne Julien relève heureusement le niveau, avec un très touchant portrait de grand-mère en quête de ses souvenirs, même si la forme pèche à l’occasion, alternant des moments vraiment très beaux et d’autres qui sonnent un peu faux… « Le Berceau des lucioles » de Jacques Barbéri, pour avoir été sélectionné au GPI, n’en est pas moins décevant : la nouvelle, sur une base de romance pénible, est bien terne, et un poil convenue… Suit Alain Damasio, qui, à son habitude, se montre aussi intéressant qu’agaçant en traitant du Vercors et donc (forcément…) de la Résistance, et en multipliant les « expérimentations » plus ou moins pertinentes. Cela passe toutefois bien mieux que la conclusion corse de Norbert Merjagnan, opaque et ennuyeuse.

L’anthologie, cela dit, est globalement bonne : si quelques textes sont ratés, le reste est le plus souvent au pire simplement correct, et régulièrement de bonne, voire très bonne tenue. Le thème, qui aurait pu être périlleux, est donc bien traité dans l’ensemble, et, pour être inégale comme le sont par essence les anthologies, cette excursion dans les « territoires de l’imaginaire » constitue plutôt un bon cru.

Treize

Premier volet annoncé d’une trilogie, Treize part sur une trame que l’on pense connaître, mais parvient à travailler sa matière avec ce qu’il faut d’originalité et d’efficacité pour emporter le lecteur blasé. Un page turner, comme disent les jeunes, dont on retient moins le style que le rythme du récit.

De nos jours, aux Etats-Unis. Les revivers sont capables de ramener les morts brièvement à la conscience, un bouleversement social majeur vu comme une chance pour beaucoup : il est dorénavant possible de faire ses adieux à ses proches, un service offert par quantité de sociétés privées. La police, bien sûr, a développé son propre corps de revivers intervenant sur les scènes de crime pour tenter d’extirper à la victime les circonstances de sa mort, et donc témoigner contre son propre assassin. Jonah Miller est l’un de ces légistes d’un genre nouveau, toujours sur le fil du rasoir de la santé mentale. Un reviver partage en effet les émotions ainsi que les pensées du défunt, ce qui le plonge dans une fusion empathique extrême — pas simple, lors d’un décès violent. Ainsi, Jonah ne doit jamais négliger de prendre ses médicaments ; le prix à payer pour ne pas perdre les pédales et optimiser son talent. Il est un des meilleurs, de ceux qui ont le plus fort pourcentage de réussite. Il est aussi un homme hanté : lors de sa dernière intervention, il a eu la très nette impression que quelque chose d’autre était présent avec la victime, quelque chose de maléfique tapi dans les ténèbres. Le roman démarre véritablement quand Daniel Harker — le journaliste qui, une dizaine d’années plus tôt, a révélé au monde l’existence des revivers — disparaît…

Entre les hallucinations qui le poursuivent et la conspiration qui se dessine à mesure que son enquête progresse, Jonah Miller risque de perdre bien plus que la vie. Il incarne par conséquent une figure narrative des plus classique, oscillant entre son traumatisme fondateur et les différentes épreuves appelées à le définir.

Le roman, qui développe un postulat fantastique, aborde non sans discrétion certains rivages bien connus de nos lecteurs amateurs d’horreur tout en incorporant des ingrédients propres au thriller, notamment quant au rythme du récit, la gestion du suspense et de ses rebondissements. L’ensemble tient grâce à la manière dont Seth Patrick explore les diverses conséquences de son postulat initial sur notre société. A ce titre, force est de constater qu’il parvient à dépasser la bonne idée pour livrer au final une intrigue solide.

Si l’annonce en quatrième de couverture de l’adaptation prochaine du roman au cinéma ne vous fait pas fuir (un classique, chez Super 8, à se demander s’il ne s’agit pas là d’un critère obligatoire…), ce livre propose ce qu’il promet : une lecture prenante et efficace. De quoi donner envie de revoir l’intégrale de séries TV comme Dead Like Me ou Pushing Daisies, qui exploraient à leur manière des thèmes similaires.

Les Brillants

Premier volet d’une trilogie. Tout est dit : Les Brillants est la longue mise en place d’une intrigue qui n’explose véritablement que dans le dernier chapitre, le temps pour le lecteur de se dire qu’il devra attendre 2016 pour lire la suite. Que l’on ne se trompe pas : Les Brillants est un roman éminemment sympathique. Oui, sympathique : c’est bien cela. Tout dans ce livre fonctionne parfaitement. L’intrigue est sans réelles surprises, mais on la suit avec assez d’intérêt pour continuer à tourner les pages. La construction de l’ensemble est habile, évitant l’écueil du thriller qui s’essouffle une fois les prémices posées. Les personnages sont soit les salauds attendus, soit des héros torturés par leur mission et ses enjeux. Sans oublier une histoire d’amour contrariée.

Le point de divergence se situe en 1980, quand ont commencé à naître des Brillants. Des personnes qui ont développé en grandissant des talents leur permettant, selon les individus, d’être de géniaux mathématiciens, de sublimes musiciens ou des économistes incroyables. John Smith, lui, a choisi la voie du terrorisme, tuant un sénateur et entraînant les Etats-Unis dans une situation impossible. Comment vivre alors avec ces Brillants ? Comment être sûr de ne pas disparaître à terme ? Certains, à Washington, les considèrent comme des dangers pour la société, voire pour l’ensemble de l’humanité, rendue tellement faible par sa banalité génétique. Entre en jeu le DAR, organisme d’état bénéficiant de moyens colossaux, spécialisé dans la poursuite de ces criminels d’un genre nouveau. Nick Cooper est un agent d’élite, un des meilleurs « extincteurs de réverbère ». Il est lui aussi un Brillant, capable de percevoir les intentions d’une personne avant même qu’elle n’agisse.

Jusqu’à ce qu’un attentat terrible frappe New York et que Nick se propose d’être désigné comme coupable afin de pouvoir rejoindre les cercles terroristes, trouver John Smith et le tuer. A moins que la guerre civile n’éclate avant.

Il est possible d’être très sévère avec un tel livre. Les X-Men, Jason Bour-ne, les influences sont tellement nombreuses que l’on peut sans forcer lui reprocher son manque d’originalité. Est-ce un tort ? On peut s’autoriser à en douter. A défaut de révolutionner le genre de l’uchronie, Les Brillants s’avère être un thriller assez efficace pour qu’on se promette de jeter un œil à la suite.

La Bibliothèque orbitale, épisode 66

Après Black Mirror et Person of Interest, que reste-t-il d'intéressant en matière de science-fiction à  la télévision ? C'est la question à laquelle tentent de répondre Philippe Boulier et Wilfrid Tiedtke dans ce 66e épisode du podcast, en évoquant trois nouvelles séries : Extant, 12 Monkeys et Helix.

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