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Le Rêveur illimité

[Critique commune au Jour de la création et au Rêveur illimité.]

Les précieuses éditions Tristram approfondissent leur catalogue ballardien déjà conséquent avec la réédition de deux romans fort étranges, et qui, bien que séparés par huit années, appellent des commentaires parfois similaires.

Dans Le Rêveur illimité, un dingue du nom de Blake s’écrase avec le petit avion qu’il a volé (sans savoir le piloter) dans la Tamise, à proximité de Shepperton, la banlieue ballardienne par excellence. Lui qui a peut-être péri dans l’accident déduit du miracle de sa présence un caractère de dieu païen ou de messie que « sa famille » de banlieusards lui concède volontiers. Coincé entre la Tamise et le périphérique, le satyre divin use alors de ses pouvoirs oniriques et pervers pour muer la zone en utopie hippie partouzarde louchant toujours un peu plus sur le délire sectaire autodestructeur à la Jim Jones, jusqu’à l’apocalypse finale aux relents de vampirisme.

Le résultat est plus que déconcertant : difficile de dire où commence (ou s’arrête) la (réjouissante) mauvaise blague – et on a l’impression d’un roman où la (plus ou moins) parodie de Philip K. Dick s’associerait à la métaphysique et à la relecture (sérieuse) des Évangiles au moins autant que des mythologies anciennes, mais dans une sorte de cahier de brouillon tenu par un adolescent aliéné par ses hormones en ébullition et qui y griffonnerait des dizaines de bites à chaque page.

Le Jour de la création traite quant à lui d’un médecin du nom de Mallory, affecté dans un pays indéfini d’Afrique centrale en proie à l’avancée du désert, et qui, par hasard, donne naissance à un fleuve gigantesque à même de refleurir le Sahara – lui qui cherchait justement à régler le problème de l’eau dans la région ! Mais Mallory s’identifie à ce fleuve auquel on a donné son nom ; et quand il entreprend de le remonter jusqu’à sa source, en compagnie d’une enfant-soldat qui l’attire sexuellement, poursuivi par quantité de locaux ou d’étrangers tous désireux de profiter du miracle, dans une atmosphère de guerre ouverte, c’est… pour le détruire : il projette sur lui ses pulsions d’autodestruction, et l’expédition tourne au jeu de massacre.

Il s’agit-là d’un roman sous influence, qui rappelle bien des œuvres usant de ce topos du fleuve que l’on remonte, le contexte africain (mais aussi philosophique) impliquant de placer en tête Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad – agrémenté de fantasmes coloniaux. Mais Ballard y revisite aussi son œuvre passée de manière assez frontale : on pense tout naturellement au Monde englouti et à La Forêt de cristal, bien qu’on puisse sans doute aller au-delà.

Dans les deux cas, la mégalomanie du « héros », parfaitement détestable dans ses atours de démiurge de circonstances, génère un délire mystique qui est en même temps réflexion sur la création artistique – la fiction comme mythe, l’écrivain comme seul rêveur illimité, le monde comme récit. Dimensions bienvenues et complémentaires, même si développées de manière plus ou moins subtiles (dans Le Jour de la création, la métaphore du film documentaire n’est pas intéressante, mais à l’occasion un peu lourde).

Cependant, les deux romans pâtissent sans doute du même travers : ils s’éternisent bien trop longtemps. Le Rêveur illimité est d’abord jubilatoire, puis la répétition des mêmes orgies fantasmatiques lasse. L’introduction brillante du Jour de la création, digne des meilleurs Ballard, finit par être desservie en raison de rebondissements également répétitifs, même si le bilan final est davantage positif.

Cela n’en fait pas de mauvais romans, loin de là – simplement des titres « mineurs » dans la bibliographie de Ballard ; en fait, ce sentiment est d’autant plus appuyé que les deux romans incitent à semblable comparaison. Mais, avouons-le, un Ballard mineur vaut intrinsèquement mieux que quatre-vingt-dix-huit pour cent des parutions littéraires ; et on remerciera donc Tristram pour ces rééditions finalement bienvenues, au-delà de leur seule dimension complétiste.

Le Jour de la création

[Critique commune au Jour de la création et au Rêveur illimité.]

Les précieuses éditions Tristram approfondissent leur catalogue ballardien déjà conséquent avec la réédition de deux romans fort étranges, et qui, bien que séparés par huit années, appellent des commentaires parfois similaires.

Dans Le Rêveur illimité, un dingue du nom de Blake s’écrase avec le petit avion qu’il a volé (sans savoir le piloter) dans la Tamise, à proximité de Shepperton, la banlieue ballardienne par excellence. Lui qui a peut-être péri dans l’accident déduit du miracle de sa présence un caractère de dieu païen ou de messie que « sa famille » de banlieusards lui concède volontiers. Coincé entre la Tamise et le périphérique, le satyre divin use alors de ses pouvoirs oniriques et pervers pour muer la zone en utopie hippie partouzarde louchant toujours un peu plus sur le délire sectaire autodestructeur à la Jim Jones, jusqu’à l’apocalypse finale aux relents de vampirisme.

Le résultat est plus que déconcertant : difficile de dire où commence (ou s’arrête) la (réjouissante) mauvaise blague – et on a l’impression d’un roman où la (plus ou moins) parodie de Philip K. Dick s’associerait à la métaphysique et à la relecture (sérieuse) des Évangiles au moins autant que des mythologies anciennes, mais dans une sorte de cahier de brouillon tenu par un adolescent aliéné par ses hormones en ébullition et qui y griffonnerait des dizaines de bites à chaque page.

Le Jour de la création traite quant à lui d’un médecin du nom de Mallory, affecté dans un pays indéfini d’Afrique centrale en proie à l’avancée du désert, et qui, par hasard, donne naissance à un fleuve gigantesque à même de refleurir le Sahara – lui qui cherchait justement à régler le problème de l’eau dans la région ! Mais Mallory s’identifie à ce fleuve auquel on a donné son nom ; et quand il entreprend de le remonter jusqu’à sa source, en compagnie d’une enfant-soldat qui l’attire sexuellement, poursuivi par quantité de locaux ou d’étrangers tous désireux de profiter du miracle, dans une atmosphère de guerre ouverte, c’est… pour le détruire : il projette sur lui ses pulsions d’autodestruction, et l’expédition tourne au jeu de massacre.

Il s’agit-là d’un roman sous influence, qui rappelle bien des œuvres usant de ce topos du fleuve que l’on remonte, le contexte africain (mais aussi philosophique) impliquant de placer en tête Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad – agrémenté de fantasmes coloniaux. Mais Ballard y revisite aussi son œuvre passée de manière assez frontale : on pense tout naturellement au Monde englouti et à La Forêt de cristal, bien qu’on puisse sans doute aller au-delà.

Dans les deux cas, la mégalomanie du « héros », parfaitement détestable dans ses atours de démiurge de circonstances, génère un délire mystique qui est en même temps réflexion sur la création artistique – la fiction comme mythe, l’écrivain comme seul rêveur illimité, le monde comme récit. Dimensions bienvenues et complémentaires, même si développées de manière plus ou moins subtiles (dans Le Jour de la création, la métaphore du film documentaire n’est pas intéressante, mais à l’occasion un peu lourde).

Cependant, les deux romans pâtissent sans doute du même travers : ils s’éternisent bien trop longtemps. Le Rêveur illimité est d’abord jubilatoire, puis la répétition des mêmes orgies fantasmatiques lasse. L’introduction brillante du Jour de la création, digne des meilleurs Ballard, finit par être desservie en raison de rebondissements également répétitifs, même si le bilan final est davantage positif.

Cela n’en fait pas de mauvais romans, loin de là – simplement des titres « mineurs » dans la bibliographie de Ballard ; en fait, ce sentiment est d’autant plus appuyé que les deux romans incitent à semblable comparaison. Mais, avouons-le, un Ballard mineur vaut intrinsèquement mieux que quatre-vingt-dix-huit pour cent des parutions littéraires ; et on remerciera donc Tristram pour ces rééditions finalement bienvenues, au-delà de leur seule dimension complétiste.

Un World Fantasy Award pour Kij Johnson

The Dream-Quest of Vellit Boe, court roman de Kij Johnson situé dans les Contrées du rêve de Lovecraft vient d'être couronné par le prix World Fantasy ! Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule : il sortira au Bélial' en février 2018, dans une traduction de Florence Dolisi et avec des illustrations de Nicolas Fructus…

Faire des sciences avec Star Wars dans la Yozone

« Lire Faire des sciences avec Star Wars revient mine de rien à s’instruire, car Roland Lehoucq transmet très bien son amour de la science et sait la présenter de manière compréhensible. Après, même si l’émerveillement sera toujours d’actualité, le lecteur ne regardera plus les épisodes de la même façon.
Mission réussie, professeur Lehoucq ! » La Yozone

Miro Hetzel chez Chut Maman lit

« Au final, Jack Vance, en maitre du planète opera, nous présente des mondes étranges et mystérieux, comme toile de fond à son personnage digne d'Agatha Christie : mélange réussi ! Une lecture très agréable où la SF rejoint le polar. Deux nouvelles transgalactiques pour des enquêtes efficaces sur un fond SF particulièrement riche (comme toujours) qui permettent de découvrir l'auteur autrement, une belle rencontre avec ce recueil de nouvelles ! » Chut Maman lit

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