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Les Machines de dieu

Voilà un bel exemple de roman sans qualité auquel le lecteur peut très bien mordre. L'écriture y est plate, le rythme paisible. Les péripéties se succèdent en vagues plus langoureuses qu'autre chose. On ne saurait dire que les problématiques soulevées sont transcendantes. A dire vrai, c'est un roman qui aurait dû être mauvais…

Mais…

Le lecteur de S-F est un bizarre oiseau, entre pie et chouette, qui dévore les bouquins tout en étant lui-même dévoré d'une insatiable curiosité. La S-F, comme naguère les grands récits d'exploration et d'aventures, est la littérature des gens curieux. Pas toute la S-F, bien sûr. Pas « l'heroic star fiction ». Mais c'est l'essence même du genre. La « science » du mot S-F renvoie davantage à cette curiosité qu'à l'exactitude scientifique ou à la Méthode ; à cette curiosité qui est l'apanage des gosses, des chercheurs et des lecteurs de S-F.

Et la curiosité est le moteur de lecture des Machines de dieu, comme il y a des chevaux sous le capot fort joliment customisé par Manchu. C'est uniquement parce que nous sommes des lecteurs de S-F — et donc de fieffés curieux — que nous pouvons lire et prendre plaisir à un livre aussi dénué d'ambition littéraire. Pire — ou mieux — , les moteurs de l'entertainement qui caressent dans le sens du poil les fantasmes de pouvoir d'une certaine catégorie de lecteurs — qui ont trouvé bien mieux avec les jeux vidéo shoot-‘em-up —, tournent au ralenti. L'héroïsme n'est certes pas absent, mais l'ennemi fait défaut. Si la curiosité n'est pas dénuée de danger, les œillères en représentent un bien plus grand. Pour pouvoir s'identifier aux protagonistes de McDewitt, il faut désirer comprendre davantage que vouloir vaincre.

Les Machines de dieu rappelle fortement l'œuvre de B. R. Bruss au Fleuve Noir dans les années 50 et 60 — l'une des meilleures, soit dit en passant. Elles sont très proches l'une de l'autre, tant par la thématique que la narration. Le ressort de lecture est le même : il faut comprendre pour résoudre un mystère lourd de menace.

Ce n'est certes pas de la grande littérature, mais au moins est-ce de la bonne science-fiction. De la vraie. Le contrat de lecture est rempli.

Voyage vers la planète rouge

Les contraintes économiques détruisent souvent les rêves. On le constate avec Mars, qui est l'objet de nombreuses conquêtes littéraires et cinématographiques mais qui, dans la réalité, achoppe sur les problèmes financiers. C'est encore plus vrai dans l'univers de Terry Bisson, ou une Grande Récession a conduit les gouvernements à la faillite, laissant le champ aux grandes sociétés, elles-mêmes constamment menacées de restructurations, d'OPA et de rachats inopinés.

Qu'à cela ne tienne ! Iconoclaste avéré et optimiste déjanté, Terry Bisson va nous faire rêver malgré tout, de façon certes plus modeste que Kim Stanley Robinson, mais aussi plus sarcastique. C'est Hollywood qui financera l'épopée martienne, en allant tourner un film sur place, utilisant pour la circonstance une caméra révolutionnaire qui rend presque obsolètes les acteurs : il lui suffit d'enregistrer quelques mimiques et attitudes pour numériser un long métrage à partir de ces informations… Une caméra interdite sur Terre mais indispensable sur Mars, eu égard à la courte durée du tournage sur la planète. Les stars savent en effet se protéger : à présent qu'il n'est plus nécessaire de savoir jouer la comédie, on naît acteur ; les prodiges sans lien de parenté avec une vedette confirmée peuvent aller se rhabiller.

L'intrigue de base n'est pas si délirante : les russes avaient également songé à louer Mir à l'industrie cinématographique. Mais ce mode de financement braque les projecteurs sur le film et non sur l'expédition, qui se déroule dans l'indifférence générale, à l'exception des potins sur les acteurs.

« Il me semble entendre des acclamations ? remarqua-t-elle, se remémorant l'immense salle des communications de Houston.

— On a encore eu des problèmes de téléphone, répondit Sweeney. Je vous appelle du bar d'en face. Les Lakers mènent de dix points. »

On ne saurait imaginer plus terrible satire du libéralisme économique : les sociétés finançant le projet se trouvant successivement rachetées par d'autres, le malheureux Sweeney qui l'a conçu et monté ne cesse de chercher des solutions de remplacement, se voyant même contraint de trouver un emploi et de veiller à la réussite de la mission en-dehors de ses heures de travail. L'épopée de la Mary Poppins ira de problème en problème, jusqu'à compromettre le retour du vaisseau sur Terre, faute de carburant.

Le récit ne se limite pas à cette charge terrible d'une société victime de ses excès ; il est également un excellent roman d'aventures, avec ses rebondissements parfois attendus (la présence d'un passager clandestin, les rivalités à bord, les problèmes techniques), ses mystères (la découverte de sculptures imitant les premiers engins d'exploration à s'être posés sur le sol martien, puis d'autres traces de visiteurs extraterrestres) et ses moments d'émotion.

Le livre s'apparente aussi à la hard science, ce qui produit un mélange détonant, décalé mais original, aux effets contrastés. Le récit de l'atterrissage est digne d'un physicien ; Terry Bisson n'a omis aucun détail, pas même la vitesse du son sur Mars.

Jouant sur ces registres contradictoires, cet auteur au succès grandissant nous offre ici un livre aussi tendre que sarcastique, aussi délirant que documenté, un curieux mélange qui tient autant de Clarke que de Sheckley. Étonnant.

Une étoile m'a dit

Si ce n'est pas la plus courte histoire de science-fiction, c'est du moins la plus célèbre : « Le dernier homme sur la Terre était assis tout seul dans une pièce. Il y eut un coup à la porte… » . Ces phrases sont en réalité le début d'une nouvelle qui a non seulement la caractéristique de leur offrir une suite logique, mais encore de terminer exactement comme elle a commencé. « Un coup à la porte » : un coup de maître signé Fredric Brown, l'un des grands humoristes de la S-F et un nouvelliste aux idées plus surprenantes les unes que les autres.

On ne s'étonnera donc pas de retrouver, au catalogue de la nouvelle collection « Folio-SF », l'auteur de Martiens go home ! (titre également réédité dans cette collection) avec la reprise d'un recueil de huit nouvelles qui donne un aperçu de la diversité de son talent.

Il était en effet novateur de présenter, dans le cadre d'un space-opera classique (un naufragé sur une planète), un aliéné qui s'est coupé du réel (« Quelque chose de vert »). La folie est d'ailleurs un thème récurrent chez Brown ; comment pourrait-il en être autrement quand les protagonistes sont confrontés à des situations dingues, quand les plus improbables monstres aux yeux pédonculés décrits dans les récits de S-F débarquent sur Terre (« Les Myeups ») ou qu'une souris à qui des extraterrestres ont donné l'intelligence réclame pour son peuple une nation, l'Australie en l'occurrence, où elle édifierait Sydneyland (« Mitkey ») ? Mais quand un journaliste amnésique se prend pour Napoléon, qui peut garantir qu'il n'est pas réellement Bonaparte ? La résolution de l'intrigue de « Tu seras fou » débouche sur une situation aux dimensions cosmiques que nul n'aurait imaginée.

On préfère évidemment ces récits à ceux qui ont pour point de départ un mystère proprement ahurissant et qui s'explique simplement. Ceux-ci sont le plus souvent liés à une intrigue policière. Ainsi, « Cauchemar » impose à un enquêteur de débrouiller une affaire de meurtre où la victime a été trucidée avec autant de moyens différents et contradictoires que de témoins. « Anarchie dans le ciel » présente un phénomène aussi étonnant que le changement de la disposition des étoiles dans le ciel. La solution, dans les deux cas, est décevante par rapport à l'attente suscitée chez le lecteur. Cependant, à chaque fois, Brown a su garantir l'étonnement et n'a pas manqué de décocher au passage quelques flèches sarcastiques à l'égard de notre société. Celle qui a basé la paix sociale sur le détecteur de mensonges a bien du mal à accepter que les tueurs, pourtant nettement identifié, nient avec sincérité être l'auteur des meurtres dont on les accuse. La morale de « Tu n'as point tué » repose sur de délicieux paradoxes et de subtiles problématiques, montrant par exemple que certains professionnels, médecins, avoués ou avocats, contribuent à la disparition de leur profession puisque leur efficacité tend à les rendre toujours plus inutiles…

Bref, même si ces récits ont parfois pris quelques rides, ils n'ont rien perdu de leur force.

Le Temps du Twist

Le titre ne désigne pas les années soixante naissantes mais une boîte de nuit du futur, point de départ de l'équipée d'une poignée d'adolescents. Non seulement le temps du twist est bien révolu quand ces voyageurs temporels débarquent en 1969, mais celui du rock est sérieusement compromis, puisque menacé d'effacement. D'ailleurs, Jimmy Page n'a pas composé sur sa guitare ; il s'est mis à la peinture et Led Zeppelin n'existe donc pas. Quant aux hippies, mieux vaut éviter ces fous sanguinaires adeptes d'une dangereuse et influente secte, la Nouvelle Eglise.

Le voyage temporel dans une Buick Electra n'était pas intentionnel ; le hasard informatique et la nostalgie l'ont provoqué. En effet, la madeleine de (Marcel) Houssin s'appelle la musique : la sono du véhicule n'est constituée que d'enregistrements live de Led Zeppelin qui l'envoient à la date du concert de chaque morceau, depuis qu'a été ajoutée sur la Buick de l'électronique de contrebande aux effets parfois inconnus.

 Orlando, fin connaisseur de Zeppelin et dangereux loup-garou, contraint de s'enfermer les nuits de pleine lune pour ne pas blesser ses proches, a offert la Buick Electra à Antonin, un adolescent si désespéré qu'il ne songe qu'à tirer un coup au moins une fois avant de se suicider. On ne peut lui donner tort, compte tenu de la sinistre époque où il vit, saturée de virus transformant les gens en Zombi Zapf, à moins de s'alcooliser sans relâche et dès le plus jeune âge, troquant ainsi une terrible déchéance contre une autre pas plus enviable.

Dans le véhicule voyagent également Something More, Trafic, Anita, 42-Crew, un as de l'informatique et One for Four, un robot qui s'avérera être leur principal adversaire.

Il ne s'agit pas seulement de permettre à Led Zeppelin d'exister, mais de restaurer le passé avant qu'il ne soit écrasé par celui qui s'est substitué à lui. De la nostalgie, le récit glisse rapidement vers une frénésie survoltée équivalente à celle dégagée par les concerts de Led Zep', pour s'achever dans un dantesque combat cyberpunk.

Le roman est évidemment bourré de références à ces stars du rock et reconstitue fidèlement le Londres des seventies. De véritables morceaux de bravoure parcourent ce livre envoûtant, délirant et survolté, qui fut d'ailleurs et fort justement couronné en 1992 par le Grand prix de l'Imaginaire. Une réédition bien venue.

Les Pulps

Tout le monde, en France, connaît les pulps de réputation : dans ces magazines bon marché, imprimés sur du mauvais papier (pulp signifie pulpe de bois), se sont développés la littérature de science-fiction et bien d'autres genres populaires. Des auteurs comme Asimov, Bradbury, Van Vogt, Sturgeon, Heinlein y ont fait leurs débuts. Jacques Sadoul a d'ailleurs consacré plusieurs recueils (chez J'ai Lu) à leurs titres restés célèbres (Amazing, Astounding, etc.) ; quant aux couvertures vives et bariolées, on les retrouve fréquemment dans les ouvrages présentant la science-fiction. On se souvient même de certains rédacteurs en chef exigeants, tel John Campbell. Mais que sait-on de l'aventure éditoriale des pulps, de la façon dont ils furent conçus et dont ils s'imposèrent sur le marché ? Pas grand-chose.

Francis Saint-Martin, en amoureux de la littérature populaire, répare cette lacune avec ce nouvel opus de la collection « Travaux ».

Faisant suite aux dime novels, fascicules vendus 5 cents qui présentaient des récits populaires, à l'origine dans un but d'édification morale, les pulps ont perduré 60 ans et dominé le marché durant 30 ans, des années 20 au début des années 50. Ils ont abordé tous les genres, avec des thématiques parfois très réduites pour des revues à parution régulière : les histoires de dirigeables, de mariages (!) avaient leurs magazines spécialisés. Soucieux de coller aux goûts du public, les titres naissaient et mouraient à un rythme parfois effréné, couvrant tous les types de récits populaires : western, guerre, policier, S-F, fantastique, aventure, espionnage, sentimental, érotique (bien innocent aujourd'hui), sports… Histoires répétitives issues d'un même moule narratif, littérature au rabais, les pulps ont aussi été un formidable vivier d'auteurs, de récits imaginaires et novateurs où s'est constituée une grande partie de la littérature populaire d'aujourd'hui.

 Car bien sûr, les pulps ne favorisèrent pas que l'éclosion des auteurs de science-fiction. Au rayon policier furent ainsi publiés pour la première fois Raymond Chandler, David Goodis, Dashiell Hammett, etc. De grands héros populaires y sont également nés : Zorro, Tarzan mais aussi The Shadow et Doc Savage. D'autres ont pu entamer une seconde carrière, comme Buffalo Bill ou Nick Carter…

Avec cet essai, on saura tout de l'extraordinaire dynamisme des pulps, des pratiques commerciales que leurs éditeurs mirent en place et dont certaines perdurent encore dans la presse d'aujourd'hui, ainsi que du contenu de ces magazines. Après avoir survolé l'ensemble de la production, histoire de donner une idée de sa diversité, Francis St Martin s'attache à retracer le parcours du plus grand éditeur du domaine, Street & Smith, évoquant au passage quelques auteurs représentatifs (le plus productif abattait ses cinquante pages quotidiennes !). De même, il présente un illustrateur particulièrement fécond, Walter Baumhaufer, ainsi que les principaux héros et personnages qui ont bercé l'enfance de nos grands et arrière grands-parents.

On n'avait pas encore publié en France une histoire des pulps, et le fait que cet ouvrage soit commis par un français est remarquable — on savait de Francis Saint-Martin combien il est passionné, vu qu'il a déjà publié aux confidentielles éditions de l'Hydre des pastiches de Doc Savage, l'homme de bronze. Voici un ouvrage qui ne comble pas seulement un grand vide, mais se révèle passionnant à lire tant il fourmille de renseignements sur la constitution de certains pans de la littérature populaire.

Le Bûcher des Immortels

Jonathan Carroll est un auteur unique, à la voix originale. Il le prouve, une fois de plus, avec ce roman fantastique déconcertant, profond et chaleureux.

 La première partie est des plus classiques : la vieille dame qu'est devenue Miranda Romanac, dénicheuse de livres rares, entreprend de narrer les moments marquants de sa vie. Elle noue une amitié avec une excentrique et riche centenaire, a une liaison avec un marchand d'art, Hugh Oakley, qui finit par quitter sa femme et ses enfants pour vivre avec elle. Sur plus de cent cinquante pages, Jonathan Carroll livre les tranches de vie, parfois sans importance, d'une existence somme toute banale, sans cependant lasser son lecteur grâce à la magie de son écriture. Jusqu'à ce que Miranda, à l'aube de son bonheur tout neuf, se réveille à côté de Hugh, mort.

Commence alors le cauchemar. Témoin de phénomènes étranges, Miranda croise, au hasard de son errance, les fantômes de son passé et ceux de son avenir, de ses avenirs même, puisqu'elle assiste à des scènes appartenant à différentes trames possibles, de ses passés également, puisqu'elle prend connaissance de ses vies antérieures aux destins parfois prématurément brisés. La réalité se délite : chaque rencontre devient la manifestation d'un au-delà qui cherche à l'éprouver ou à lui fournir des indices pour lui permettre de comprendre… quoi ? Qu'elle est une immortelle mais ne mérite pas ce don ? Pourquoi ? Que doit-elle trouver en elle ?

Carroll exploite à travers cette quête le thème du vampirisme, qui devient celui de l'égoïsme. Nous sommes tous, parfois, des vampires comme Miranda, qui utilisons les gens sans nous en rendre compte, prenant ce qu'ils nous donnent et offrant en échange ce qui nous coûte ou nous importe peu. Comme eux, nous sommes tous immortels dans la mesure où nous sommes capables de transmettre la vie, ou quelque chose d'essentiel, à autrui. Mais à quoi sert cette immortalité si notre existence est dénuée de sens ?

La réponse, qui nous concerne tous, est dans les pages de ce récit où les ombres contiennent autant de parts de vérité que les zones de lumière. C'est autour de cette quête que Carroll construit son livre, magistralement, avec le style dense et concis qui est le sien, et auquel il est difficile de résister. Un roman impressionnant de maîtrise.

Wonderful

Lisez ce roman. Trois mots. Les seuls valables.

D'une case à l'autre, le décor a changé. La souris a maintenant projeté sa brique, que le chat reçoit ; il y avait un mur, il y a des arbres. Ça n'a pas d'importance : le mur s'arrêtait au milieu de nulle part, sans plus de raison. Les années 20 : Georges Herriman dessine des planches où une souris tente de lancer des briques sur un chat amoureux d'elle, un chien policier défend le chat, seuls les éléments du décor nécessaires au gag persistent. La vérité du comics se concentre sur le triangle amoureux formé par la souris Ignatz, le chat Krazy Kat, le chien policier. Tout le reste est accessoire. La vie appréhendée par la focale de l'absurde, des questions sans réponse, des sentiments.

David Calvo place une autre mécanique au centre de son roman : celle du système solaire. La Lune tombe sur la Terre. Rien à faire. Une transgression a été commise, se commet, un meurtre ; Newton avait compris que le ballet des planètes pouvait se détraquer, les planètes ont des sentiments. Écoutez Holst, la Symphonie des Planètes. La puissance aveugle des sentiments, la spirale, le néant.

Pas d'absurde sans le néant.

David Calvo expérimente : donnez à vos personnages une durée de vie limitée par la fin du monde, laissez-les effleurer le sublime, anéantissez tout espoir de compréhension. Laissez-les courir, délirer, crever ; ces personnages, c'est un bout de vous-même. La fin du monde pour le roman, la fin de soi pour l'écrivain.

Estimer que le titre, Wonderful, relèverait d'une ironie cruelle ne tient pas. La haine, le vertige, l'auteur les transcende par de l'amour, tout l'amour contenu dans les fibres de son cœur qu'il presse… De l'amour pour ses personnages, de l'amour pour le sacrifié, de l'amour pour ses lecteurs.

Il sait que ses personnages vont mourir de sa main, que le David Calvo qui a écrit ce roman ne lui survivra pas, que les lecteurs, la dernière page lue, poseront Wonderful. Dans un cartoon, les créatures folles de Tex Avery tutoient la mort sans jamais en faire l'expérience, tout au plus subissent-elles un expression graphique de leur déconfiture, les carottes ne sont cuites que lorsque surgit That's all, folks !, l'annonce du néant.

Pourquoi de l'amour ? Crime passionnel.

Il vous manipulera. Vous pleurerez.

Nadya

Reste à parler [après Le Pacte des Loups et La Louve et l'Enfant] du dernier livre lupin de ce début d'année 2001 : Nadya, de Pat Murphy (par ailleurs autrice du magnifique ouvrage La Cité des ombres, Denoël, récompensé par le prix Nebula), époustouflante traversée des États-Unis en chariot au temps du Far West, en compagnie de Nadya/Nat, la femme qui se transforme en louve à chaque pleine lune, d'Elizabeth, son amante et amie, et de la petite Jenny. Roman très féminin, parfois féministe, Nadya surprend sans cesse, dans son érotisme contenu, la violence de certains passages et la qualité de ses descriptions. Bravo d'ailleurs à la traductrice, Geneviève Blattmann, qui, si elle fait quelques menues erreurs ici et là, notamment sur le vocabulaire relatif aux armes à feu, nous propose un texte traduit dans un français extrêmement fluide. Bref, un bon livre, et ce en dépit de quelques longueurs, pour tous les amateurs de littérature fantastique ou de western.

La Louve et l'Enfant

Après l'écriture de Pelot, celle d'Henri Loevenbruck à toutes les chances de paraître calamiteuse. Objectivement, elle est lumineuse par moments, pompeuse et relâchée le reste du temps (page 12, on lira quatorze fois le verbe « être » sous sa forme « était »…). Le principal défaut stylistique de l'auteur réside dans son impossibilité à créer la moindre tension. La Louve et l'enfant est le premier volume de « La Moïra », nouveau cycle de fantasy francophone (on en manquait !), qui narre les aventures d'Aléa, sorte de Cosette irlando-asiatique et de la louve Imala à travers la Gaelia (une Irlande soft qui sent à peu près autant l'Irlande que la Guinness sent le Nuoc Mam). Au bout d'un certain moment, Obiwan Kenobi rejoint l'aventure — sous le pseudonyme de Phelim, certes, mais on n'a pas de mal à reconnaître le vieux cachottier. Le plus désespérant, dans ce livre, en dehors de son côté gnan-gnan, ce sont les personnages, creux, convenus, déjà vus. Et principalement Aléa, dont on espère à chaque page que sa route finira par croiser celle d'un troll pédophile particulièrement bien monté. Du côté de l'histoire (le plus important ?), La Louve et l'enfant mérite le prix du livre de fantasy le moins original de la décennie. Le tout pour 110 francs, cherchez l'erreur… À l'instar de Nicolas Jarry (Le Loup de Deb et ses suites — Mnémos) ou encore de Matthieu Gaborit (Cœur de Phénix), Henri Loevenbruck échoue à produire une œuvre de fantasy médiévale palpitante — on est bien loin de La Trilogie des Elfes, de Jean-Louis Fetjaine. Dommage. On hasardera toutefois une explication possible : là où Fetjaine fait crépiter son doctorat d'Histoire, Loevenbruck utilise trois ans d'expérience de rédacteur en chef à Science-Fiction Magazine (un « magazine culturel », apprend-on en quatrième de couverture, sans doute un clin d'œil appuyé aux fans éplorés de la rubrique « Sexe, pizzas et vidéos » — dont j'avoue avoir toujours fait partie). On constate donc, une fois de plus, que les auteurs français parviennent à écrire de bons livres de fantasy non médiévale (la renaissance chez Kloetzer, les îles chez Denis Duclos) mais échouent en général, faute d'érudition et de travail, à nous plonger dans un Moyen Âge crédible à même de rivaliser avec les fresques anglo-saxonnes, telles celles de Robin Hobb ou George R.R. Martin, par exemple.

Le Pacte des Loups

« Sur les forêts vibrantes de septembre et sur les landes recuites par trois mois de sécheresse et sur les plaies croûteuses des ruisseaux, les pluies revenues déferlaient brusquement, cohortes safres surgies des brumes en ululant ». C'est par ces mots que commence la novélisation du Pacte des loups, un des trois titres [avec La Louve et l'Enfant et Nadya] du début d'année à s'intéresser à cet animal fascinant. Nous sommes dans le Gévaudan en 1764, deux hommes (un naturaliste français et Crying Freeman privé dieu sait pourquoi de ses gros calibres et de son katana) arrivent sous une pluie digne d'un clip de Whitney Houston. Et pourquoi qu'y viennent ! ? Hébin, pour mettre fin à un règne de terreur qui a fait plus de cent victimes — une bête rôde, très très méchante, même qu'elle tue des mannequins scandinaves à 100 000 balles le défilé, déguisées en fermières du Gévaudan… Oui, vraiment, c'est bien la première fois qu'il nous est offert de lire une novélisation plus intéressante que le film dont elle a été tirée (on s'amusera d'ailleurs à remarquer les petites divergences, parfois savoureuses). Dans une langue riche, prodigieusement maîtrisée, Pierre Pelot évite certains écueils ridicules du film de Christophe Gans et nous offre, dès janvier, ce qui sera peut-être le meilleur livre de fantasy francophone de l'année 2001.

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