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Le Temps des retrouvailles

Que l’on connaisse Robert Sheckley à travers ses collaborations avec Roger Zelazny (Apportez-moi la tête du Prince charmant), par ses romans (La Dimension des miracles, Omega) ou par les adaptations au cinéma de son œuvre (Le Prix du danger), l’écrivain fait partie des grands noms classiques de la science-fiction — mais un grand nom un brin tombé dans l’oubli des éditeurs. La jeune maison d’édition Argyll a choisi de le remettre à l’honneur pour inaugurer sa deuxième année d’existence avec Le Temps des retrouvailles , recueil rassemblant treize nouvelles de l’auteur écrites entre 1952 et 1960. Que l’on se rassure, ce ne sont pas du tout des vieilleries, même si le paternalisme des personnages masculins a parfois un caractère suranné, ce qui leur joue des tours. Toutes ces nouvelles ont déjà été publiées en France, et ont bénéficié d’un toilettage de traduction.

Comment caractériser Robert Sheckley ? Les nouvelles de ce recueil vous y aideront avec leur humour parfois grinçant, leurs retournements et leurs quiproquos, mais également leurs réflexions sur la destinée opposée au libre arbitre. Certaines, comme « Permis de Maraude », sont légères et optimistes, d’autres, comme « Tu brûles » ou « La Mission du Quedak », flirtent avec l’horreur. D’autres enfin, tel « Le Temps des retrouvailles », sont empreintes d’une bonne dose de mélancolie. Bref, il serait possible de les commenter toutes une par une, mais ce serait gâcher une bonne partie du plaisir de la lecture. Sachez juste que ces textes vont aborder tous les grands thèmes de l’âge d’or de la science-fiction : premier contact (que celui-ci ait lieu sur Terre ou dans l’espace), voyage dans le temps, dystopie, choc de civilisations, menace de guerre imminente, etc. Et que l’auteur arrivera à chaque fois à vous surprendre par la structure de son récit ou par sa conclusion. À l’exception, peut-être, de la nouvelle ouvrant le recueil, « Le Prix du danger », dont la trame a inspiré le film d’Yves Boisset avec Gérard Lanvin, et qui n’égale pas la puissance politique du long-métrage français. Le seul autre bémol ici est la postface de Marc Thivollet, à l’origine préface à Les Univers de Robert Sheckley, recueil paru en 1972 chez OPTA, et qui fait donc référence à des nouvelles absentes du présent ouvrage – frustrant, et de quoi terminer sur une note acide une lecture pour le reste très agréable.

Le Soleil des Phaulnes

Sur Gobo, les Phaulnes ont bâti au fil des siècles une civilisation utopique. Ayant depuis longtemps rejeté le confort facile mais illusoire qu’offrent la technologie ou la religion, ils mènent une vie simple, en harmonie avec la nature, sa faune et sa flore. C’est ce monde qui a vu grandir la jeune Griddine. C’est ce monde qu’elle va voir disparaître.

La Garmak, la compagnie la plus puissante de l’univers, puise sa richesse dans l’exploitation des étoiles dont elle pompe jusqu’à la dernière parcelle d’énergie. Et Titéo, le soleil de Gobo, est la suivante sur sa liste. Les Phaulnes n’ont d’autre choix que de quitter la planète à bord des vaisseaux affrétés par la Garmak et de refaire leur vie tant bien que mal ailleurs, sans savoir ce qui les y attend. Un destin auquel Griddine ne se résigne pas.

À travers le parcours de son héroïne, Thierry Di Rollo met en scène un univers sans foi ni loi hormis celle du plus fort, une constante dans l’œuvre de l’auteur. La dénonciation à travers le portrait de la Garmak et de son fondateur et dirigeant, Ien éliki, d’un capitalisme forcené et omnipotent, n’a sans doute rien d’original, mais le romancier en démonte intelligemment les rouages, montre comment chacun de ses maillons interchangeables n’a d’autre choix que de se soumettre pour espérer ne pas être écrasé, et de mettre sa conscience en berne afin de ne pas voir à quelles monstruosités il contribue.

Toutefois, depuis Drift en 2014, on note une certaine inflexion chez Di Rollo. Non pas qu’il ait mis de l’eau dans son vin, mais on voit poindre dans ses livres une certaine beauté au milieu d’un océan de noirceur. Dans Le Soleil des Phaulnes, c’est même vers elle que tend tout le roman. À la soif de vengeance qui animait ses héros autrefois, l’auteur a substitué d’autres motivations : un désir de justice, aussi dérisoire soit-elle, et chevillé au corps l’espoir de parvenir à s’extraire de l’horreur ambiante pour atteindre une certaine forme de bonheur. Oserait-on parler de happy-end pour ce roman ? Oui, à condition de ne surtout pas oublier dans quel contexte et au terme de quel périple il intervient. C’est dire si le bonheur est une chose fragile, incertaine, et ainsi d’autant plus précieuse. Tout comme ce roman.

Maître des Djinns

Visiblement, l’Atalante croit fort en P. Djèli Clark. Maître des Djinns est déjà le quatrième titre de l’auteur publié en moins d’un an, et pour fêter la sortie de ce premier véritable roman, le lecteur pourra en outre choisir entre l’édition classique et, pour deux euros de plus, une version collector joliment cartonnée.

Ce nouveau texte se situe dans le même univers de fantasy uchronique que la nouvelle « L’Étrange Affaire du djinn du Caire » et la novella Le Mystère du tramway hanté, cette Égypte du début du XXe siècle que l’irruption de la magie et de ses créatures mythiques a propulsé sur la voie de l’industrialisation pour faire d’elle l’une des puissances majeures du globe. Il n’est peut-être pas nécessaire de les avoir lus avant d’entamer Maître des Djinns, mais il s’agit tout de même d’un plus, certains éléments de ces investigations étant évoqués au cours du récit. On retrouve donc l’héroïne fétiche de l’auteur, Fatma el Sha’arawi, agente du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, chargée cette fois d’enquêter sur le meurtre aux forts relents de magie d’un lord anglais haut placé et de tous les membres de la Fraternité qu’il présidait. Un crime qui l’amène à s’intéresser à la figure historique d’al-Jahiz, l’homme qui trente ans plus tôt fut à l’origine du bouleversement qu’a connu le pays, et qui semble aujourd’hui revenu d’entre les morts.

On retrouve dans Maître des Djinns les mêmes qualités et — dans une moindre mesure – les mêmes défauts que dans le reste de l’œuvre de P. Djèli Clark. Le romancier s’appuie sur un casting principalement féminin formidablement campé, qui évolue dans une ville du Caire imaginaire rendue à la perfection, riche de saveurs, de senteurs, de couleurs, et nourrie d’une mythologie et d’une culture forcément exotiques et originales pour un lecteur occidental. Si l’action est omniprésente – et souvent spectaculaire –, cela n’empêche pas l’auteur d’aborder différents thèmes récurrents dans son œuvre : racisme, sexisme, inégalités sociales, etc. Autant de sujets qu’on retrouve en filigrane tout au long du récit, même s’ils n’en constituent jamais le cœur, ce qu’il est permis de regretter. Surtout, reste la faiblesse majeure du romancier : l’intrigue qu’il construit, linéaire au possible, et dont le dynamisme repose sur des rebondissements et des retournements de situation qu’on voit trop souvent venir de très, très loin. De ce point de vue, P. Djèli Clark a encore des progrès à faire. Reste qu’en l’état, Maître des Djinns est un roman éminemment plaisant à lire, et cette version du Caire une ville de fiction qu’on est à chaque fois heureux de retrouver.

Simulacres martiens

Tout comme Stephen Baxter a écrit une suite (Les Vaisseaux du temps) à La Machine à explorer le temps de H.G. Wells, Eric Brown a choisi de rayer le mot « fin » et d’imaginer ce qui se serait passé si une deuxième vague de Martiens avait débarqué après les événements contés dans La Guerre des mondes. Des Martiens cette fois vaccinés contre les virus terriens, expliquant que leurs prédécesseurs émanaient d’un régime dictatorial et impérialiste qu’ils viennent de renverser, qu’ils sont venus en paix et souhaitent gratifier les humains de leur technologie supérieure. Pourtant, force est de constater que le rapport entre les deux races est celui de suzerain bienveillant à féal satisfait de l’amélioration de ses conditions de vie…

Brown, qui ne s’arrête pas en si bon chemin, recycle aussi les trois héros emblématiques d’Arthur Conan Doyle, mettant en scène Watson (le narrateur), Holmes et son antithèse, le professeur Challenger (on remarquera aussi un clin d’œil de l’auteur à son quasi-homonyme, Fredric Brown). Un an après les événements décrits dans la nouvelle« La Tragique affaire de l’ambassadeur martien » (au sommaire du Bifrost n° 105), qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lue pour apprécier Simulacres martiens, les extraterrestres font de nouveau appel au célèbre détective pour élucider la mort d’un fameux philosophe… sur Mars. D’emblée, le fait qu’on veuille, peu logiquement, l’attirer sur la planète Rouge, éveille la suspicion de Holmes, sentiment renforcé quand il ne trouve aucune mention du « célèbre » érudit dans les écrits martiens, et qui atteint son paroxysme lorsque Watson est abordé, à la veille du départ, par une charmante jeune femme persuadée que ces Martiens « pacifiques » de la seconde vague ne sont pas ce qu’ils prétendent être… Seul moyen d’en avoir le cœur net : aller sur place !

Précisons que le lecteur s’attendant à une enquête classique de Holmes sera décontenancé par ce texte où le détective, plutôt passif, subit les événements plus qu’il ne les maîtrise. On lui conseillera de se tourner vers la nouvelle susmentionnée, qui, elle, sera tout à fait conforme à ses attentes. Le court roman, lui, est plus axé sur le sense of wonder lié à Mars et à ses merveilles technologiques, la découverte d’une incroyable conspiration et une aventure qui n’aurait en rien dépareillé dans un pulp de l’âge d’or de la SF, ainsi que sur l’ironie d’une Angleterre, centre d’un empire colonial, qui se retrouve elle-même colonisée par des poulpes d’apparence hideuse. Si l’on sait à quoi s’attendre, aucune raison d’être déçu par ce texte à l’atmosphère plaisante, l’écriture fine et la traduction sans défaut. À un gros détail près, toutefois : la novella se conclut précisément quand la « vraie » histoire est sur le point de commencer. On espère qu’une suite est prévue !

Le Serpent - La Maison des jeux 1

Venise, début du XVIIe. Thene est mariée à un homme violent, qui la rabaisse et ruine le couple à la table de jeu. Et ce d’autant plus volontiers qu’une Maison des Jeux est récemment apparue sans que nul ne puisse se souvenir de sa construction. Deux Loges s’y côtoient : la Basse, celle des activités propres à un tel établissement, et la Haute, accessible sur invitation et réservée aux talents exceptionnels. La Maîtresse des lieux propose à Thene une épreuve susceptible de lui permettre d’intégrer cette dernière, un jeu où on ne mise pas d’argent mais une partie de soi (un talent, l’acuité d’un sens aiguisé, des années de vie, etc.), où on ne joue pas avec de banals accessoires mais avec des gens. Chaque Joueur dispose d’une somme d’argent pour les pots-de-vin, d’un Roi, de Cartes / Pièces (des individus aux capacités ou relations utiles, inféodés à la Maison en échange de l’effacement d’une dette), et, pour la seule Thene (les autres Joueurs disposant d’atouts qui leurs sont propres), une mystérieuse pièce d’or dont elle n’apprendra l’origine et la puissance réelle qu’au cours de la partie. À part l’interdiction de blesser un concurrent et l’obligation, pour gagner, de faire couronner son Roi, tous les coups sont permis. Ici, l’enjeu est de faire élire ledit Roi Tribun au Sénat, un poste plus essentiel encore que celui de Doge. Pour Thene, l’enjeu réel se résume avant tout à prouver ses talents, sa liberté, à se faire reconnaître pour autre chose que la femme battue et méprisée d’un bon à rien.

Ce roman, le premier d’une trilogie, chose rarissime dans la collection « Une heure-lumière », proposant habituellement des textes indépendants, est très facile à résumer d’un unique mot : vertigineux. L’idée de base, celle d’une organisation qui jouerait avec les hommes comme des pièces sur un plateau de jeu, n’est pas inédite (on pensera bien entendu à L’Échiquier du mal de Dan Simmons), mais s’avère ici excellemment exploitée. Car Thene découvrira que les activités de la Maison s’étendent loin dans le Temps (au moins jusqu’à la Rome antique) et dans l’Espace, impliquant nations et religions, servant de timonier au navire Historique, esquissant une Histoire Secrète comme on en a rarement vu. Vertigineuse est l’érudition de l’autrice, qui nous immerge dans une Venise plus vraie que nature, à la fois splendide et hideuse lorsqu’il s’agit de montrer à quel point la vie humaine y a peu de valeur, à quel point on y est prêt à tout pour parvenir à ses fins. Vertigineuse est la portée philosophique de ce texte, d’une opposition entre Ordre et Chaos que ne renierait ni Moorcock, ni Zelazny, à ceci près qu’ici la balance est bancale, car un des camps triche. Vertigineuse est la maîtrise de Claire North en matière de personnages (Thene, en premier lieu) et d’intrigue (dans tous les sens du terme). Et surtout, vertigineuse est la qualité de sa plume, une prose qui ne se lit pas mais envoûte. Qualificatif souvent galvaudé… mais pas ici. Et ce d’autant plus que la fin, qui montre que les pièces restent, pourtant, des êtres humains, est magistrale.

Le Serpent est une vertigineuse ouverture de cycle, qui, via les allusions qu’il fait à quelque chose d’infiniment plus complexe que le cadre spatio-temporel restreint qui nous est montré dans cette Venise du XVIIe, ne peut qu’aiguiser l’appétit du lecteur pour les tomes suivants. On a ici, indubitablement, affaire à un des meilleurs « Une heure-lumière » publiés depuis la fondation de la collection !

Le Combat des ombres

À la fin d’Olangar - Une cité en flammes (cf. Bifrost n° 100), la cité éponyme tombait aux mains de ses soi-disant alliés, les Duchés, aidés par le Groendal, un parti politique xénophobe local. Le Combat des ombres, ultime volet de la trilogie « Olangar », montre les horreurs de l’occupation et à quel point l’inévitable libération laissera un goût amer à des héros vieillissants et parfois au bout du rouleau, contraints à des compromis, voire des compromissions, qui auraient été inacceptables pour leurs versions plus jeunes et idéalistes. L’auteur n’a pas choisi la voie de la facilité pour son dispositif narratif, à savoir le récit, a posteriori, des événements les plus marquants de cette année fatidique, rédigé par une personne dont l’identité ne se dévoilera que sur la fin. Un récit qui fait des allers-retours dans le temps, recourant à quelques prolepses et de nombreuses analepses. Si l’ensemble se suit sans peine, il donne aussi le sentiment d’être parfois inutilement convoluté, quand bien même il s’avère plutôt rythmé, et traversé par une intensité dramatique souvent considérable. On signalera d’ailleurs que ce troisième tome est plus noir que les précédents, et que sa fin est tout spécialement amère – ce qui participe d’ailleurs à sa puissance.

Bans et barricades (cf. Bifrost n° 93) n’était pas dépourvu de manichéisme ou de naïveté politico-idéologique. Bouhélier n’a pas manqué de nuancer sa palette dans les volumes suivants. De même, si la description de l’occupation de la ville, très convenue (ghetto, camp de travail, rationnement, arrestations et exécutions sommaires, journalistes muselés, etc.), sujet central de ce troisième opus (comme la lutte sociale était celui du premier et l’écologie/les méfaits du capitalisme débridé ceux du deuxième), ne fait pas l’impasse sur des stéréotypes quand sont décrites les exactions des nervis d’extrême-droite du Groendal, elle s’accompagne surtout de nuances dans le camp d’en face. Qu’il s’agisse de la résistance intérieure, menée par les nains et divisée sur la marche à suivre, ou d’éléments extérieurs, comme Evyna et ses compagnons d’armes, le tableau brossé n’a, cette fois, pas grand-chose d’idéalisé et encore moins de manichéen. Car pour gagner, des exactions (notamment un massacre dans un manoir), des trahisons devront aussi être commises par le camp des justes, et ceux-ci devront nouer des alliances politiques et commerciales, et parfois les cacher au peuple, afin que celui-ci survive aux pénuries. Lucide, l’auteur conclut que le vrai et éternel vainqueur reste le capitalisme et les élites bourgeoises et nobiliaires.

Par sa puissance dramatique et sa clairvoyance dans la description de la façon dont un mouvement de Résistance devra parfois renier ses propres valeurs pour assurer une certaine forme de victoire, Le Combat des ombres est un remarquable point final à la trilogie « Olangar », sans conteste une référence, désormais, en fantasy industrielle et politique.

Afterland

2020. Un nouveau virus apparaît, bénin pour les femmes mais provoquant un cancer de la prostate chez les hommes de tout âge, enfants et adolescents compris. Bilan : 3,2 milliards de morts ; moins de 50 millions de survivants. Qui, du coup, acquièrent un statut très spécial : les fanatiques religieuses veulent terminer le travail entamé par leur Dieu, les mères/sœurs/compagnes cherchent leur présence pour compenser la perte de l’être aimé, le gouvernement veut les protéger à tout prix afin de décoder le mécanisme de leur immunité. Sans oublier certains individus sans scrupules désireux de commercialiser leur semence, d’autant plus monnayable au marché noir que la Reprohibition interdit toute conception en l’absence d’un vaccin.

2023. Miles, fils ado de Cole, une sud-africaine, est ainsi sur le point d’être kidnappé et vendu par sa propre tante à une riche investisseuse. Quand Cole découvre le projet de sa sœur, elle l’assomme, la laisse pour morte, s’enfuit de la base militaire où la famille était hébergée et cherche à traverser les USA d’une côte à l’autre en quête d’un bateau pour son pays d’origine. Or Billie, ladite sœur, a survécu. Épaulée par deux tueuses au service de sa patronne, elle tente de rattraper l’enfant…

Le récit est divisé en trois parties : la première moitié décrit la phase initiale de la fuite, montre, via des analepses, comment les personnages et le monde en sont arrivés là, et alterne les points de vue de Billie, Cole et Miles, déguisé en fille pour sa propre sécurité et rebaptisé Mila. Un court intermède s’ensuit, essentiellement un déballage d’infos sur le virus. Dans la seconde moitié, Cole, entrée dans une secte axée sur la repentance pour atteindre Miami, devra faire face à la crise d’adolescence de son fils et au fait que ce dernier adhère sincèrement au credo du culte.

Afterland n’est pas un mauvais roman : l’autrice a du métier, et son style caustique fait mouche, du moins dans la partie initiale. Car dans la seconde, hélas, s’éloignant des questions sociétales soulevées (notamment liées au fait qu’une société presque dépourvue d’hommes n’en est pas pour autant idyllique), le récit tombe dans le rebattu du mal-être adolescent et la vulnérabilité aux promesses de salut sectaires, le tout plombé par un rythme atone et une fin banale à la prévisibilité affligeante. Demeure une première partie, on l’a dit, mais qui à elle seule, pour rythmée – voire haletante – qu’elle soit (paradoxalement, on s’inquiète davantage pour le sort de Billie que pour celui de Cole/Miles !), ne justifie pourtant pas que, comme Stephen King, on qualifie ce livre de « thriller splendide ». Sans compter le fait que les thématiques de fond sont abordées de façon trop superficielle, et surtout que le road trip à travers les USA impliquant un adulte et un enfant dans un contexte post-apo sent le réchauffé, pour dire le moins. Demeure un livre qui n’est sans doute pas sans intérêt, mais celui-ci s’avère assez mince…

Les Hommes stellaires

En 1951, la course à l’espace commence à peine puisque l’épopée des premiers véritables « hommes stellaires » que sont Youri Gagarine et Valentina Terechkova est encore à venir. Dans Les Hommes stellaires, Leigh Brackett, alors âgée de 36 ans, pose la question du voyage spatial en des termes inattendus : et s’il était impossible non pour des raisons physiques – la motorisation de ses vaisseaux spatiaux n’étant guère explicitée – mais bel et bien physiologiques, les vitesses post-luminiques étant destructrices pour les tissus vivants ?

L’autrice postule donc l’inaccessibilité de l’espace lointain… à une exception près, celle d’un peuple extraterrestre disposant d’une mutation génétique lui conférant une immunité aux accélérations du voyage spatial. L’immunité implique le monopole : les Vardda, seuls à même de se déplacer à travers la galaxie, se sont taillé un empire et viennent même visiter la Terre, pourtant aussi arriérée pour eux que dangereuse. Les autres civilisations de la galaxie dépendent de leur commerce et leur vouent des sentiments ambivalents, de l’envie à la haine. Toutefois, l’empire commercial des Vardda est fondé sur un mensonge : la mutation qui fait leur puissance pourrait être transmise ou suscitée chez d’autres, ruinant ainsi le pouvoir des « hommes stellaires ».

Le space opera contemporain ne se limite pas à un empilement de péripéties interplanétaires : il a soin, le plus souvent, de poser un décor qu’il s’emploie ensuite à endommager, voire à détruire… car c’est dans la remise en question en profondeur des acquis intellectuels que se trouve la clé de l’évolution, dans un univers d’intelligences étrangères les unes aux autres. Sans renoncer aux quêtes interstellaires courantes à l’époque – on rappellera que le Seconde Fondation d’Isaac Asimov est contemporain des Hommes stellaires –, Leigh Brackett offre à son lecteur une dimension supplémentaire, et plutôt neuve, puisque l’enjeu de son texte est bel et bien de démolir son propre postulat. On pourra regretter, bien sûr, que la redéfinition de l’environnement interstellaire esquissée en fin d’ouvrage puisse dépendre de la rivalité amoureuse entre le personnage principal – un homme de la Terre – et son antagoniste Vardda au sujet d’une riche héritière… Et pourtant, même le personnage du Terrien se révèle énigmatique : au fond, comment a-t-il acquis la fameuse mutation faisant de lui un Vardda de plein droit sans en avoir jamais reçu l’éducation ?

Le lecteur du présent roman pourrait bien être surpris par son caractère actuel : soixante ans plus tard, alors que le voyage interstellaire est toujours inaccessible, ce récit soulève des questions étonnantes… et y répond de façon audacieuse.

Stark et les Rois des étoiles

Ressuscitant Eric John Stark après une éclipse d’une dizaine d’années, Leight Brackett délaisse Mercure et les déserts de Mars pour les contrées extra-solaires tout aussi inhospitalières et moribondes de Skaith, planète agonisant sous les pâles lumières d’un soleil à bout de souffle. Le recueil Stark et les rois des étoiles est un ensemble de six textes incluant les récits non martiens mettant en scène le héros. Outre trois nouvelles – dont deux cosignées par Ray Bradbury et Edmond Hamilton –, ledit ensemble contient la « Trilogie de Skaith », qui narre les ultimes exploits du Mercurien. Derniers faits d’armes également pour celle que l’on nomma « la Reine du space opera ». Cette épopée, plus sombre et désenchantée que le Grand Livre de Mars, hisse les aventures de John Stark au rang des meilleurs planet operas. Elle offre au protagoniste une place fort disputée au panthéon des figures héroïques, le double Stark/N’Chaka influençant bon nombre d’écrivains, Michael Moorcock en tête.

  • Les nouvelles. Pris en chasse par la Police spéciale des Mines Terro-Vénusiennes, Hugh Starke – lointain cousin de notre John Stark ou incarnation de ce dernier selon les préceptes d’un multivers à la Moorcock – s’apprête à s’écraser à bord de son vaisseau lorsqu’il se réveille dans un corps et en un lieu inconnus. Jouet de Rann, femme à la grande beauté à qui il doit cette transplantation, celui-ci se retrouve au centre d’un conflit aux ramifications complexes opposant le peuple de la mer Pourpre aux pirates venus s’installer sur les côtes. Usant de l’esprit de Starke dans le corps vénusien d’emprunt de Conan, la perfide Rann entend bien par ce subterfuge emmener son peuple à la victoire finale. C’est sans compter sur la volonté farouche et indomptable de notre héros… Las, « Lorelei de la Brume rouge » (1946) s’avère la moins réussie des trois nouvelles du présent omnibus, la faute à une intrigue qui manque singulièrement d’originalité. Les quelques péripéties permettent tout juste d’entretenir un intérêt a minima, la narration se contentant tout au plus de nous présenter les enjeux d’une intrigue fort linéaire. Déception, d’autant plus manifeste que la dame est secondée par le jeune Ray Bradbury. Ce dernier remplace au pied levé son amie, sollicitée au profit d’Hollywood pour le scénario du Grand sommeil de Howard Hawks. Poursuivant le récit tout en essayant de préserver le style de Brackett, l’auteur des Chroniques martiennes apporte une coloration plus romantique. Le lecteur pourra néanmoins prendre plaisir à se perdre dans une histoire aux consonances et clins d’œil très howardiens (Starke/Conan, la ville assiégée de Crom Dhu). Maigre butin…

Publié en 1949, « Magicienne de Vénus » s’avère d’une tout autre facture. Passager d’un bateau voguant sur la mer Pourpre de Vénus, Eric John Stark est à la recherche de son ami Helvi porté disparu. Le capitaine et marchand d’esclaves, Malthor, s’en prend à notre héros en vue de rajouter à son tableau de chasse une prise de choix. Stark parvient toutefois à s’enfuir en se jetant par-dessus bord et se retrouve porté par la mer Pourpre et ses singuliers tourbillons ignés. Sa quête le conduira à affronter Malthor et le seigneur Egil pour lequel le pendard fournit une main-d’œuvre servile et abondante. Autant de bras nécessaires au déblaiement de vestiges recouvrant un bâtiment écroulé au fond des eaux. Les cryptes y seraient les gardiennes d’une ancestrale et fabuleuse machine susceptible de procurer à son propriétaire le pouvoir absolu… Ici seule aux commandes, Brackett livre une fiction débridée dont le dynamisme ne le cède en rien aux superbes évocations de la planète Vénus. Si la précédente nouvelle privilégiait le récit au détriment de son contexte, ce deuxième texte comble cette lacune par la richesse des images qu’il donne à voir. Les singularités de l’étouffante Vénus s’offrent à nous sous une plume ciselée et magnétique ; on en sent presque les lourdes fragrances. Les évocations de la ville abandonnée au fond de la mer Pourpre reflètent à merveille cette opulence narrative. Il devient dès lors permis d’entrapercevoir les contours de ce fameux sense of wonder inhérent à cet âge d’or de la science-fiction. Une richesse évocatoire qui manifeste son juste déploiement sous la forme courte, et dont la prose puissante et chatoyante rivalise sans coup férir avec celle d’un Robert E. Howard. Une réussite.

Autre couronnement : « Stark et les Rois des étoiles ». Stark se trouve ici convié auprès du Seigneur de la Troisième courbe, Aarl, qui lui expose l’imminence d’une redoutable menace pour le Système solaire, péril prenant la forme d’une anomalie plongeant ce dernier dans un nuage de poussière cosmique, réduisant de facto la luminosité de l’astre du jour. Malgré ses remarquables pouvoirs, Aarl n’est guère en mesure d’offrir une résistance suffisante à cette entité. Disposant du savoir oublié de l’antique Mars, ledit Seigneur parvient toutefois à transporter Stark – seul capable de déjouer cette anomalie – deux cent mille ans dans le futur, auprès des Rois des étoiles pour lesquels il jouera le rôle de messager. Cette nouvelle se montre singulière à bien des égards. Jeu d’une seconde collaboration entre Brackett et Hamilton, elle conjure l’infortune d’une première tentative infructueuse, laquelle conduisit le couple à faire « machine à écrire à part » afin de préserver l’équilibre du ménage. Les années passant, certaines habitudes de travail changeant, les couverts furent remis pour ce qui demeure toutefois une « première, et unique collaboration authentique », magistrale fusion des univers brackettien et hamiltonien, dans laquelle le protagoniste coudoie cette « fastueuse bande d’aventuriers » issue du roman Les Rois des étoiles. Publication posthume sortie en 2005, ce récit déborde de toute l’inventivité et la richesse narrative du couple Brackett/Hamilton. Nous quittons un temps les péripéties proprement guerrières et vénusiennes pour nous confronter à des perspectives plus sidérales et métaphysiques, plongeant le lecteur au sein d’un vaste abîme spatial et temporel. Une histoire digne des meilleurs scénarios d’un Gene Roddenberry, où le vertige des océans célestes prend ici une ampleur toute cosmique, au point de voler la vedette au principal intéressé. Une vision apocalyptique empreinte d’une poésie, belle et tragique, s’achevant dans une apothéose toute shakespearienne. Une œuvre majeure.

  • La Trilogie de Skaith. Seul rescapé d’un séisme meurtrier ayant emporté la colonie minière mercurienne, Stark a été recueilli par la Peuplade, indigènes primitifs qui lui donne le nom de N’Chaka, l’Homme-sans-tribu. Sa tribu adoptive étant à son tour exterminée par de nouveaux colons, N’Chaka se voit cette fois-ci recueilli, vers l’âge de quatorze ans, par Simon Ashton, ambassadeur de la Confédération, lequel veillera à la bonne éducation du sauvageon. Venu retrouver ce père – et ami, surtout – dont il est sans nouvelles depuis des semaines, ses recherches le mèneront sur la planète d’une étoile rousse, dans l’Étrier d’Orion, Skaith. Planète mourante que Soleil Vieux ne réchauffe plus, l’astre est un monde récemment découvert et dont nul ou presque ne connaît l’existence. L’Étoile rousse conte les pérégrinations de notre héros à la recherche de ce père adoptif. Sa quête le conduira à arpenter moult territoires, au climat aride et aux peuplades plus arides encore. Une fois son père retrouvé, il lui faudra dès lors et sans plus attendre rejoindre la base où sont stationnés les astronefs de l’Union Galactique, afin de permettre à Ashton de regagner sa planète, Pax. Tel est l’enjeu du deuxième opus, Les Chiens de Skaith. Accompagnés des Chiens du Nord, molosses mutants aux pouvoirs télépathiques dont Stark a réussi à se rendre maître, les deux Terriens découvrent un monde exposé au joug des Seigneurs Protecteurs et de leurs Hérauts. Les membres de cette caste supérieure, que l’on dit immortels, président aux destinées de celui-ci. Certains d’entre eux, toutefois, conscients de la fin irrémédiable de l’astre et de ses natifs, aimeraient tirer profit de la présence des quelques vaisseaux stellaires venus commercer pour s’expatrier sous de meilleurs cieux. Scénario inenvisageable pour les Seigneurs Protecteurs, arc-boutés sur leurs croyances d’un autre temps. Ouvrir au plus grand nombre les mondes qui peuplent l’univers, par-delà l’horizon étriqué de Skaith la mourante : telles sont les fonctions civilisationnelle de Stark et héroïque de N’Chaka. Tandis que les premiers vaisseaux s’envolent, riches de promesses, une trahison inattendue vient effacer tout le bénéfice de l’opération. Et Stark/ N’Chaka de jouer les redresseurs de torts au cours de ce dernier opus, Les Pillards de Skaith.

Offrant une égale continuité au lecteur – l’intrigue se déployant dans le même axe spatio-temporel –, la « Trilogie de Skaith » fait montre de certaines récurrences communes à l’œuvre brackettienne, à commencer par la nature solaire de son héros au double visage, Stark/ N’Chaka. Figure centrale, ce dernier joue une partition identique à nombre de ses contemporains d’alors, à l’instar du Tarzan de Burroughs dont il partage l’animale éducation et dont les perceptions et réflexes primitifs permettront, à l’un comme à l’autre, de se sortir de plus d’un mauvais pas. À la manière également d’un certain Conan, lui aussi débarrassé des oripeaux de la civilisation et mercenaire aimant par-dessus tout combattre. Cependant, au contraire du héros howardien affichant clairement la prévalence de la barbarie sur une civilisation dont la plus-value resterait à établir, Stark valorise les bénéfices du progrès, sans renier pour autant son affiliation à son indomptable nature. En témoigne la singulière dualité Stark/N’Chaka dont les figures antinomiques traduisent en définitive la porosité des frontières entre ces deux altérités. Le deuxième nom du héros conforte cette ambivalence, puisqu’il renvoie à la figure légendaire et civilisatrice Shaka, roi zoulou fondateur du royaume homonyme vers le début du XIXe siècle. On pense aussi à un autre parangon du genre, John Carter de Mars, lui aussi éternel rebelle face aux autoritarismes avilissants. Comme le héros de Burroughs, John Stark ne manque jamais d’apporter son ardeur et son épée au service des plus démunis. Dépourvu du moindre maître et n’accordant son allégeance que par choix, le héros janusien, au virilisme affiché, se double d’un héros spirituel. Une combinaison pour le moins solaire, au point d’occulter les autres protagonistes, simples figurants ou faire-valoir, tout entier phagocytés par son omniprésence. Au point enfin de ne guère frémir devant une adversité qui ne saurait réellement inquiéter. Une figure d’un autre temps, d’un âge d’or que l’on croyait oublié, mais dont les réminiscences sonnent comme un éternel retour.

On connait l’attachement tout particulier de Brackett à l’univers martien de Burroughs, sa découverte du récit Les Dieux de Mars ayant constitué pour l’auteure la source de nouveaux territoires à explorer. Les reconnaissances des missions Mariner de la NASA concernant notre Système solaire étant, on l’a dit, venues contrarier les perspectives sciences-fictives erronées de nombre d’écrivains de cette première moitié de XXe siècle, Brackett se détourne ainsi de notre proche périphérie planétaire pour aller arpenter sans crainte un nouveau terrain de jeu avec Skaith, astre extra-solaire. Toute sa puissance évocatoire opère ici plus que jamais. Les nombreuses splendeurs rencontrées au cours des longues traversées sur cette terre de superstitions émerveillent jusqu’au moindre recoin de l’œuvre. Peuplades aux tenues bigarrées et aux morphologies composites, bestiaires et autres fantaisies végétales n’ont de cesse de rivaliser d’inventivité, véritable polychromie sans cesse renouvelée. Si l’œuvre brackettienne ne parvient pas pour autant à le disputer à la magistrale tétralogie de Jack Vance, le « Cycle de Tschaï », elle n’en offre pas moins suffisamment d’exotisme, de saveurs, de couleurs et de chausse-trappes pour satisfaire un lecteur un tant soit peu exigeant.

La force de la « Trilogie de Skaith » procède enfin de la perspective philosophique que Brackett confère à des civilisations promises au déclin. Skaith se meurt, condamnée à se refroidir sous les feux d’un soleil moribond. Stark y découvre les Seigneurs Protecteurs, contemplant misérablement leur lointain et glorieux passé tout en jouissant des derniers avantages qu’autorise leur rang, là où les peuples continuent à subir les lois cruelles de la régression, sous le joug de ressources allant s’épuisant. Faut-il alors tout abandonner et prendre le chemin des étoiles ou rester pour conserver à la fois le peu et l’essentiel ? Se refermer sur ses certitudes ou accepter un changement de paradigme, aussi radical soit-il ? Brackett a l’intelligence d’écarter tout manichéisme. Au regard de tels enjeux, la diversité des hypothèses émises au cours du récit et envisagées comme réponses possibles se révèle salvatrice, loin des fausses évidences et autres sophismes. Thème récurrent chez Brackett, le choc des civilisations planétaires ne laisse pas non plus de nous interroger sur nos problématiques plus terriennes. Au regard des enjeux environnementaux, grande est la tentation d’opérer une certaine dissonance cognitive – toujours confortable, mais contre-productive… Si les peuples de Skaith ont pu tirer avantage d’un héros salvateur en la personne de John Stark, la donne se montre quelque peu différente pour nous autres Terriens…

La grande Leigh Brackett livre donc ici une somptueuse épopée stellaire, tant portée par le fracas des armes que par une altérité riche de conflits et de promesses. Mais derrière une épopée a priori innocente et joyeuse se dessine un chant crépusculaire, témoignage douloureux d’une civilisation agonisante, laquelle lutte tragiquement afin de conjurer au mieux l’inéluctabilité d’une partition déjà écrite. La « Trilogie de Skaith » constitue en ce sens le sublime reflet esthétique d’une moïra chère aux Grecs, se déployant sous la plume enjouée d’une auteure au faîte de son art. « Il n’y a qu’une Leigh Brackett et il n’y a qu’un Eric John Stark et nul ne peut rivaliser avec eux » nous renseigne Ray Bradbury. Dont acte.

Le Recommencement

Conséquence d’une guerre atomique, les États-Unis se sont reconstruits avec comme unique objectif de ne plus jamais commettre les mêmes erreurs. Désormais proscrites par la constitution, les villes d’autrefois ont cédé la place à de petites communautés peuplées de chrétiens issus de diverses églises (Mennonites, Amish) ayant en commun le rejet de toute forme de progrès technologique ou scientifique. Len Colter et son cousin Esaü ont été éduqués dans un tel contexte. Pourtant, devenus adolescents, ils ont de plus en plus de mal à accepter le déni et l’ignorance dans lesquels se complaisent leurs contemporains, de même que la violence dont ils peuvent faire preuve à l’égard de ceux qui tentent de remettre en cause cette situation. À cela s’ajoutent les histoires du monde d’antan que leur raconte leur grand-mère, assez âgée pour avoir connu toutes ces merveilles technologiques aujourd’hui disparues. La lapidation par la foule d’un homme soupçonné de menacer l’ordre établi, puis la découverte d’un poste de radio vont pousser les deux garçons à partir à la recherche de la mythique Bartorstown, dernier bastion supposé du monde d’avant.

Le Recommencement est un texte qui se situe aux antipodes des œuvres les plus fameuses de Brackett. On pourrait parler ici de roman d’apprentissage, dans lequel ses deux jeunes héros vont au fil des pages découvrir la réalité du monde qui les a vus naître, son ignorance, son intolérance, et toute la violence dont il est capable pour interdire la moindre remise en cause de ses dogmes. Face à un tel constat, Bartorstown fait longtemps figure d’Eldorado. Mais la vérité de cet endroit n’a que peu de rapport avec la vision idéale que s’en faisaient Len et Esaü. Au bout du chemin, face à la banale et complexe réalité des choses, ils devront faire un choix de vie qui tient avant tout du compromis, un passage à l’âge adulte aussi cruel que nécessaire. Dans ce roman, à l’instar de ses héros, Leigh Brackett renonce à une forme de manichéisme qui définissait l’essentiel de la science-fiction des décennies précédentes. Jamais réédité en France depuis sa première parution en 1976, Le Recommencement mériterait d’être redécouvert.

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