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Drift

Ça commence comme un roman post-apocalyptique qui, étrangement, convoque des images de Colbalt 60, le comix culte de Vaughn Bode. Dans une Terre future dévastée, on suit la mission d’un certain Dwayn Darker, enfant des cités-poubelles, chargé d’aller récupérer deux chiens jumeaux capables de prédire des tremblements de terre. Le monde romanesque se déploie alors peu à peu. On découvre, via des flash-backs, l’amour perdu de Darker puis la géographie de cette Terre futuriste que les plus ri-ches comptent bien quitter à bord du Drift, gigantesque vaisseau destiné à faire migrer une partie de l’humanité sur une planète qu’elle espère plus habitable. Evidemment, Darker sera du voyage et le roman bascule alors dans un autre « classique » de la SF : le vaisseau générationnel. L’espace devient alors pour Di Rollo un lieu de claustrophobie où le temps défile lentement, se répète, où la vie n’est guère plus belle chez les riches qui foncent vers un hypo-thétique paradis que sur Terre, dans la fange des bas-fonds.

Une fois de plus, comme lorsqu’il s’attaque à un genre, ici la SF post-apo’ et le vaisseau gé-nérationnel, Thierry Di Rollo se joue des clichés. Il contourne habilement le côté « générations » grâce à des humains rendus quasiment immortels et retourne cette idée classique de SF en la pervertissant habilement. Comme d’habitude chez l’auteur remarqué depuis des années pour ses récits sombres et puissants, la force du texte réside dans son personnage principal travaillé et hanté par des démons, des souvenirs, et qui se dresse face à une humanité amorale et déliquescente. Di Rollo oppose l’empathie et la droiture au comportement incompréhensible d’une catégorie d’humains qui reflète la classe dirigeante d’aujourd’hui. Drift, roman de classe ? Probablement. Mais pas que. Post-apo’, space op’, indéfinissable au final, le dernier livre de Thierry Di Rollo annihile consciencieusement tout espoir — un mouvement que le quotidien n’a rien à lui envier, ouvrez donc un journal —, mais le fait avec la maîtrise et, osons le mot, tout l’amour dont l’auteur est capable. On aime et on pleure, chez Di Rollo, bien avant de saigner. La violence des hommes est toujours plus douloureuse que celle du monde. Et si le côté sombre et dur des textes du romancier est une constante, il ne pourrait s’agir au final que d’un trompe-l’œil, d’un voile au-delà duquel se trouvent les vrais sujets, les véritables obsessions de l’auteur. Car, comme un archéologue des immondices, le lecteur découvre, au milieu des comportements affreux de la majorité des personnages, des actes de compassion, d’amour, d’humanité qui forment autant de pépites dont le contexte fait ressortir l’éclat — l’amour de Darker pour Kenny, ici à l’épicentre. Il n’y a pas d’espoir, certes, pas de raison ni de happy-end chez Di Rollo, mais pourrait-il y avoir malgré tout la possibilité d’un amour, d’un moment de grâce, de beauté auquel se rattacher ? Etre heureux, ne serait-ce qu’un instant ?

Au final, Drift se paie le luxe de regrouper plusieurs histoires de SF dans un seul excellent roman tout en continuant de malaxer les obsessions du bonhomme (les Beatles comme d’habitude en guest stars). Une lecture qui peut être éprouvante pour ceux qui découvrent l’auteur, mais tellement gratifiante.

Jack Glass

Après Gradisil, Jack Glass est le deuxième roman de Adam Roberts traduit en français (1), un livre qui fusionne le polar et la SF dans lequel nous sont proposées trois énigmes policières. La première est une histoire carcérale qui apparaît comme clairement séparée de la suite. Vient ensuite une énigme des plus classique. Et pour finir un meurtre en chambre close. L’auteur nous livre d’emblée le meurtrier pour chacune des trois affaires : le sinistre Jack Glass.

Si les formes sont celles du policier, tant les mobiles que les moyens et le contexte relèvent de la plus pure science-fiction. Dans la première partie intitulée « Dans la boîte », Jack Glass nous apparaît sous son jour le plus sombre et justi-fie son nom. S’il faut une bonne dose de « suspension de l’incrédulité » pour avaler la solution proposée, la surprise est bel et bien au rendez-vous. La deuxième partie, beaucoup plus « capillotractée », surprend surtout par la simplicité de sa solution proposée. Titrée « Les meurtres supraluminiques », elle permet toutefois de découvrir l’un des aspects les plus intéressants du livre : la société placée en toile de fond derrière ces énigmes à la Columbo où l’on sait qui et où ne manque que le comment et le pourquoi. L’Humanité a conquis tout le Système Solaire où elle croît à défaut de prospérer… A la suite de guerres s’est instaurée une société pyramidale dominée par les Oulanov, en dessous desquels viennent les cinq familles MOHnales régissant les principaux secteurs d’activité ; puis viennent les gongsi, toutes entreprises, organisations, corporations en générale monopolistiques de taille suffisante sous lesquelles on trouve des polices, milices, sectes, mafias se livrant principalement au maintien de l’ordre. Et enfin la plèbe (le prolétariat). En dessous, existe une sous-plèbe innombrable, hors du système social proprement dit, qui se compte par billions, subsiste dans la plus absolue misère et dont il est fait très peu de cas de la vie. Une organisation socio-économique vers laquelle semblent tendre les sociétés contemporaines, où la classe possédante est séparée des hordes de miséreux par une classe de policiers et de techniciens. Ce système n’en est pas moins le théâtre de luttes acharnées pour le pouvoir, surtout quand la rumeur fait état d’une technologie qui, si elle existait, pourrait bien remettre les pendules à l’heure, si ce n’est à zéro… La dernière partie, « L’arme impossible », ne surprendra qu’à moitié l’amateur de SF, d’autant que tous les éléments sont à sa disposition pour entrevoir une solution qui m’a semblée peu élégante…

Au final, l’aspect le plus décevant de l’ouvrage est peut-être bien que Jack Glass ne se révèle pas le parfait salaud que l’on était en droit d’attendre. On n’a pas ici l’équivalent SF des romans que Frédéric Dard signait Kaput, et c’est bien dommage.

Reste que si Jack Glass n’est pas parfait, il n’en est pas moins méritoire. Adam Roberts parvient à nous maintenir en haleine tout au long des cinq cents pages du récit, et l’on se pique volontiers au jeu proposé, à ce mariage somme toute pour le meilleur entre la SF et le policier. Certes, Jack Glass n’atteint sans doute pas le niveau de La Captive du temps perdu de Vernor Vinge, mais on aurait bien tort de bouder son plaisir.

Screen

Jamais je ne pensais avoir l’heur de chroniquer un livre de Barry N. Malzberg, auteur qui ne fut publié en France qu’au cours des années 70, principalement durant le second lustre de celles-ci : onze romans totalisant treize éditions. La réédition en 1980 de Service d’ordre chez Lattès, dans la collection « Titres SF » que dirigeait Marianne Leconte, fut sa dernière publication SF dans notre pays, plus de dix ans avant que votre serviteur ne rédige ses premières chroniques. Ensuite, il n’y eut plus que La Nuit hurle, un polar coécrit avec Bill Pronzini, au Fleuve Noir en 83, puis… un silence assourdissant. Quantité d’éditeurs s’étaient pourtant risqué à le publier : Opta, Casterman, Sagittaire, Olympia/Marie-Concorde, J’ai Lu, Champ Libre et Marabout. Ce qui ne le servit peut-être pas au mieux. S’il est un auteur anticommercial, un seul, c’est bien Barry Malzberg ! Personne n’a comme lui déconstruit la SF, pulvérisé ses mythes, à commencer par la conquête spatiale dans Capitaine Parano et plus encore Apollo & après… ; suivi du mythe Kennedy dans Scop et la Destruction du temple ; et enfin la SF elle-même dans Un Monde en morceaux et L’Univers est à nous. Service d’ordre et Dans l’enclos ne sont pas moins sarcastiques ni dévastateurs. Il faut bien dès lors admettre que le fan de base n’apprécie pas forcément qu’on lui dézingue sa littérature fétiche, et peut voir en Malzberg un malotru crachant dans la soupe. Si le public pouvait faire fi des aspirations intello d’un Delany réformant le space opera de fond en comble, ce n’était pas le cas avec Malzberg, qui poussa la déconstruction de la SF loin au-delà de ce qu’écrivaient les plus extrémistes représentants de la New Wave, tels Craig Strete ou Mark S. Geston. Sans forcément partager les points de vue de l’auteur, il devenait alors impossible de continuer à lire de la SF comme avant après avoir lu Malzberg, on la voyait désormais autrement, de plus haut…

Screen parut en 1970 chez Marie-Concorde, sous-marque de l’éditeur américain Olympia Press, où il fut suivi l’année d’après par L’Oracle aux mille doigts. En 1968, Malzberg rencontre Maurice Girodias, l’éditeur du Lolita de Nabokov, de Joyce et Henri Miller, mais aussi de romans érotico-pornographiques (ce qui ne veut pas dire mauvais !). Girodias propose le thème de Screen à Malzberg, qui accepte. « Ce livre est un chef-d’œuvre », écrira-t-il plus tard à Malzberg. La réédition de ce roman traduit par Eric Kahane, le frère de Girodias, sous le titre Crève l’écran, inaugurera en 1975 la collection « Contrecoup » du Sagittaire, où l’on retrouvera aussi Copurotor (ça marche !) de Ray Kainen. La sexe-fiction était désormais un sous-genre qui s’étendait des Amants étrangers de Farmer audit Screen, en passant par Tendre réseau, Défense de coucher, Vénus plus X, Orgasmachine, Vice versa, Tous vers l’extase et l’antho Eros futur. Suivront encore Langues étrangères de Di Filippo, ou l’illisible chef-d’œuvre du Japonais Shozo Numa : Yapou, bétail humain. Le genre périclita avec la libération sexuelle, et parce qu’il avait dit ce qu’il avait à dire.

Le prétexte SF de Screen est des plus mince. A l’instar d’Alice, Martin Miller passe à travers l’écran de cinéma pour pénétrer l’univers des plus grandes vedettes d’alors, Sophia Loren, Elizabeth Taylor ou encore Brigitte Bardot, et se livrer à de torrides ébats avec elles en se glissant dans la peau de leurs amants, Mastroianni, Vadim… Il va sans dire qu’en regard, sa vie étriquée et solitaire de petit employé de la Sécurité Sociale de New York le laisse plutôt aigri tandis que ses relations dans le monde réel souffrent de la comparaison et ne l’épanouissent guère.

Hymne à l’amour, au cinéma et au néant, Screen est l’histoire d’un homme qui oscille entre une riche vie fantasmée et une autre, médiocre, mais réelle, flirtant en permanence avec la folie, et le cinéma pour toile de fond, qui, s’il peut engendrer de terribles frustrations, rend surtout le monde plus supportable en offrant l’indispensable part de rêve qu’attend tout un chacun.

Remarquablement servi par l’écriture brillante de Malzberg, qui révèle son amour des femmes et où la part belle est laissée aux pages érotiques, Screen relève bien davantage du mainstream que de la SF. Si Malzberg se fait déjà volontiers sarcastique dès ce premier roman, et on le voit très critique vis-à-vis de la société américaine, l’iconoclaste de la SF est encore en devenir.

Reste à tirer un immense coup de chapeau à l’éditeur pour avoir exhumé ce roman des limbes d’un oubli de près de quarante longues années.

Stoner Road

« Le Stoner Rock/metal est un style se caractérisant par des rythmiques hypnotiques, simples et répétitives, une basse très lourde et un esprit inspiré du psychédélisme des années 70, notamment par Black Sabbath et Hawkwind, une imagerie mêlant comic-books, films d’horreur série Z, références aux OVNI et à la science-fiction… Le nom, Stoner ou rock défoncé, provient de l’aspect répétitif de cette musique, très associé à l’état “stone” dû à la prise de drogues. Cette désignation est généralement récusée par les musiciens qui lui préfèrent celles de Doom Metal, de Space Rock ou encore Desert Rock. » Ainsi, le Stoner est-il présenté sur le site www.spirit-of-metal.com. Disons encore que le Doom n’a ni les références psychédéliques, ni les boucles hypnotiques du Stoner qui, lui, n’a pas l’aspect volontiers planant du Space Rock qui compte aussi le Floyd originel parmi ses influences… C’est le Desert Rock qui nous préoccupera ici au premier chef. Le désert en question étant bien entendu celui de Californie du sud.

1996. Cette musique est alors à son apogée. Là, dans les coins de Calexico, l’arrière-pays californien désertique du conté d’Imperial, le long de la frontière mexicaine, Josh Gallows, alias Doc’ Défonce, arpente les « generator parties » : des concerts clandestins donnés dans le désert (d’où Desert Rock) fonctionnant sur groupes électrogènes et où, bien sûr, circule tout ce que le monde peut compter de dopes. Ceci expliquant cela. C’est l’équivalent de ce qu’étaient les « rave parties » et la Techno en Europe à la même époque…

Josh, raide stone, cherche sa copine Ofelia, qui l’a largué peu avant, or, elle a disparu lors d’une generator party où a joué un groupe mexi-cain extrêmement discret qui distribue des champignons hallucinogènes gratos. Sur la piste de sa nana, Josh croise un autre groupe pas très clair qui a également joué ce soir-là. Il est passé à tabac et laissé pour mort dans le désert où le trouve Luke Lee, un redneck pur jus, qui, lui, cherche sa sœur disparue dans des conditions identiques. Malgré leurs différences, ils décident de faire équipe, ce qui ne va tout seul et donne tout son sel au bouquin.

Petit à petit, on s’éloigne du rock pour plonger dans un fantastique gore où Josh se la joue en Orphée de Grand Guignol…

La mondialisation et internet faisant, il est de plus en plus difficile pour un auteur d’être crédible lorsqu’il situe son roman à l’étranger. Julien Heylbroeck s’en sort honorablement, mais une référence malvenue aux Nuls ici, une autre à Public Image Ltd qui arrive comme un cheveu sur la soupe pour se payer un jeu de mots à deux balles, irritent un tantinet le lecteur. Tant pis.

Hommage appuyé au Stoner, ce roman est parfaitement en phase avec l’imagerie de ce courant musical. Si ça se laisse lire, il va sans dire qu’on ne tient pas là un chef-d’œuvre. N’écrit pas Armageddon Rag qui veut…

L'Éveil du léviathan

James S. A. Corey, également connu comme Daniel Abraham et Ty Franck, nous est présenté comme l’assistant de George R. R. Martin, et la série « The Expanse », dont le présent volume figure le tome initial, un « Trône de fer » de l’espace… Qui dit Martin dit « Trône de fer », OK. Mais en l’occurrence, c’est quand même aller vite en besogne. Ce qui nous est ici livré est bien un NSO (nouveau space opera), et d’ores et déjà une tétralogie en VO.

Ce premier volume est construit sur deux lignes narratives correspondant aux deux personnages principaux : Joe Miller, un flic de Cérès qui recherche Julie Androméda Mao, et Jim Holden, un astronaute accompagné de Naomi, Alex et Amos, les survivants du Canterbury. Deux lignes qui ne tarderont pas à s’entortiller l’une autour de l’autre avant de diverger plus ou moins de nouveau…

Force est d’admettre que le début de la trame concernant Holden est pour le moins confus et que les questions que le lecteur peut légitimement se poser restent pour beaucoup sans réponses. Tout commence lorsque le Canterbury reçoit un appel de détresse du Scopuli, astronef sur lequel naviguait Julie Mao. Mais cet appel dissimule un piège et le Canterbury est atomisé par un vaisseau furtif. Pourquoi ? On ne sait. Pourquoi ces agresseurs impitoyables n’achèvent-ils pas la chaloupe de Holden ? Pourquoi le Scopuli a-t-il lui aussi été attaqué et abordé ? Ces événements ont pour conséquence de déclencher un conflit entre Mars et la Ceinture d’Astéroïdes. Amos pose d’ailleurs ces questions au bas de la page 290. Après que la chaloupe de Holden a été recueillie par le vaisseau amiral de la flotte martienne, le Donager, celui-ci est à son tour attaqué et détruit sans explication. Par la Terre qui va se retrouver impliquée dans le conflit en raison de ses connivences avec la firme Protogène. Holden parvient encore à s’enfuir à temps à bord d’une corvette rebaptisée Rossinante. Plus tard, Holden retrouvera le vaisseau qui a attaqué le Scopuli et que Julie Mao a quitté avec une navette abandonné près d’un astéroïde sans que l’on sache le motif de cette attaque.

Il est regrettable de n’avoir pas ces réponses au terme des 620 pages de ce premier volume, d’autant que l’évolution de la situation laisse présager que l’on n’y reviendra pas. On n’a pas non plus d’explication satisfaisante sur les raisons qui poussent Fred Johnson à envoyer Holden et le Rossinante sur Eros pour en exfiltrer une personne qui s’avérera être Julie Mao, mais qu’ils découvriront morte selon les standards humains. Protogène ignorant la présence de Mao dans un hôtel d’Eros, on ne comprend guère les raisons de la fusillade qui s’y déroule et permet la rencontre de Holden et Miller.

Si l’on parvient à faire abstraction de toutes ces questions initiales sans réponses, les péripéties s’enchaînent sans temps mort jusqu’à la révélation finale.

À l’arrière-plan, on a une société, Protogène, qui a découvert sur Phoebé, le satellite de Saturne, un virus extraterrestre venu des espaces interstellaires deux milliards d’années plus tôt et destiné à atteindre la Terre pour y altérer l’évolution de la vie. Escomptant en tirer puissance et pouvoir, les gens de Protogène ne répugnent pas à l’assassinat de masse de toute la population d’Eros et envisagent froidement de jouer l’existence de l’humanité dans un terrible banco.

L’Eveil du léviathan fonctionne bien en dépit des questions sans réponses irritantes, mais que l’on peut shunter en lisant l’aventure pour l’aventure. Livre de plage pour inconditionnels du space opera, on n’en fera toutefois pas une priorité.

Hiroshima n'aura pas lieu

Nul ne peut désormais ignorer le rôle capital joué par Hollywood dans l’effort de guerre et la victoire des Etats-Unis en 1945. Mais qui connaît la contribution de Syms J. Thorley, vedette incontestée du cinéma d’horreur des années 1940, célèbre pour son interprétation de Corpuscula, la créature alchimique, et de Kha-Ton-Ra, la momie vivante ? Personne mieux que l’acteur lui-même n’est en effet en mesure de raconter sa participation à l’opération la plus secrète de la Seconde Guerre mondiale, plus confidentielle même que le projet Manhattan. Une opération dont l’échec a ouvert la voie aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki avec les conséquences que l’on sait…

Bien des années plus tard, en 1984, dans une chambre d’hôtel de Baltimore, Syms n’a toujours pas fait le deuil de cet épisode qui l’a marqué personnellement. Il nourrit un spleen tenace, préméditant son suicide. Invité d’honneur au festival du film fantastique Wonderama, où il vient de recevoir un prix récompensant une carrière, certes en pointillés, mais dont il a pu tirer quelques bénéfices, il confie ses ultimes réflexions aux pages d’un manuscrit appelé à devenir son testament. Que représente cette breloque ridicule face au plus grand désastre de l’humanité, hibakusha y compris ? L’objet lui remet en mémoire le plus grand fiasco de sa carrière, sa participation à la superproduction orchestrée par la Navy. Un exercice de propagande censé contraindre le Japon à capituler et ainsi épargner au monde l’âge du lézard…

Ne tergiversons pas, avec Hiroshima n’aura pas lieu James Morrow nous livre une pochade, une farce énorme et hilarante. L’auteur américain ne fait pas dans la demi-mesure mais bien dans la démesure avec cette histoire loufoque d’acteur de série-B, voire Z, engagé dans une opération secrète de l’armée américaine pour endosser le costume de la version miniaturisée de monstrueux iguanes cracheurs de feu. Abraca-dantesque, on vous dit ! Et pourtant, on se laisse embarquer dans ce récit ayant toutes les apparences du conte philosophique écrit par un émule des Marx Brothers. Le roman fonctionne également comme une madeleine visuelle, dévoilant les coulisses du cinéma fantastique et de science-fiction des années 1930 et 40. Des productions fauchées destinées à un public populaire, voire déviant, où vont pourtant s’illustrer des créateurs talentueux, tel James Whale, Brenda Weisberg ou Willis O’Brien, développeur de l’animation en stop motion et mentor de Ray Harryhausen. Tous trois figurent au casting de cette superproduction textuelle, offrant au néophyte l’opportunité de se plonger dans l’abondante filmographie des kaiju, films de monstres dont les Japonais se montreront si friands dans l’après-guerre, et dans les classiques américains du film d’horreur. Tout un pan de l’industrie cinématographique recelant bien des nanars, mais aussi quelques chefs-d’œuvre.

Au-delà de l’hommage et de la farce, Hiroshima n’aura pas lieu laisse percer le drame personnel d’un homme dévoré par l’impression de ne pas avoir été à la hauteur. Il dénonce de manière subtile les manigances d’un gouvernement américain dont les préoccupations semblent plus politiques que militaires. Sur ce sujet, on renverra les éventuels curieux à l’essai de l’historien américain Howard Zinn (La Bombe - de l’inutilité des bombardements aériens, éditions Lux).

Malheureusement, en dépit de la drôlerie des dialogues et des situations, on ne peut s’empêcher de trouver le roman un tantinet creux. Et même si le dernier tiers remet les enjeux à leur place, tout ceci ne paraît pas suffisamment développé pour convaincre. En somme, on se trouve devant un Morrow amusant mais mineur. Tant pis.

La fille flûte

A bien des égards, le format court plaît à la science-fiction. Du moins, si l’on se fie aux nombreux chefs-d’œuvre qui jalonnent le genre. Plus concise, plus concentrée et efficace, la nouvelle s’apparente à un instantané dont la puissance d’impression se trouve décuplée par le talent de son auteur. Elle s’avère aussi plus exigeante et ne pardonne pas lorsqu’elle tombe à plat.

A l’instar de ses pairs, avant d’être multiprimé pour son premier roman La Fille automate, Paolo Bacigalupi a fait ses classes en écrivant des nouvelles. La majeure partie a été rassemblée dans le recueil Pump Six and other stories traduit en France au Diable Vauvert sous le titre de La Fille-flûte. On pourrait juger cette parution un tantinet tardive, d’autant plus que cinq des dix textes ne sont pas inédits, figurant en effet au sommaire de la revue Fiction. Ce serait regrettable car, en ces temps de vaches maigres, ce recueil n’usurpe pas sa réputation de must-read comme on va le voir.

La Fille-flûte (autant utiliser son titre français) démontre ô combien la science-fiction se révèle salutaire lorsqu’elle ne se cantonne pas à ses vieilles et distrayantes marottes. Elle apparaît même comme le seul médium apte à interroger le présent en sondant ses multiples évolutions futures. En investissant les enjeux humains, sociétaux et technoscientifiques pour en faire les outils d’une fiction spéculative, éthique, voire politique, la SF démontre sa nécessité et son caractère précieux. De l’humain, le recueil de Paolo Bacigalupi n’en manque pas. Foisonnante, inventive, engagée dans un combat pour sa survie et sa liberté, l’humanité de La Fille-flûte nous renvoie à nos préoccupations d’espèce vivante tiraillée entre la permanence et le changement. A l’instar de John Brunner, l’auteur américain aborde le futur sous l’angle de la prospective, faisant de la question écologique et de celle de la rareté le moteur de l’évolution humaine. La Fille-flûte offre un aperçu de l’anthropocène, cet âge de la Terre où l’humain est devenu une force capable de modeler (ou détruire) la biosphère, et d’adapter sa propre nature aux changements que ses activités ont impulsé. Un aperçu sombre qui remet en perspective la notion de progrès. L’eau et la possession des autres ressources vitales deviennent ainsi l’enjeu de convoitises et de conflits qui redessinent la carte du monde en faveur d’une géopolitique que l’on croyait révolue avec la fin des colonies et l’avènement de l’utopie du village mondial. Continuation de la domination d’une minorité sur la majorité, les fragments du futur imaginés par Paolo Bacigalupi déploient des paysages où se mêlent les manifestations tapageuses des technosciences et les pratiques séculaires de la prédation. Comme Ian McDonald, l’auteur ne craint pas de mettre en scène les mondes émergents, optant pour le point de vue des plus démunis pour traiter de la privatisation du vivant, de la transition énergétique, des conséquences du réchauffement climatique et de la pollution. Il pose également des questions cruciales sur la condition d’être humain. Quelle dose de changement celui-ci est-il prêt à accepter sans abdiquer son empathie ?

Des dix nouvelles inscrites au sommaire, il n’y a pas grand-chose à jeter. On retiendra surtout « Peuple de sable de poussière », où l’auteur imagine la rencontre entre un trio de post-humains, affectés à la garde d’une concession minière, et d’un chien perdu. Toute vie naturelle étant désormais impossible sur Terre en raison de la pollution et de la surexploitation, nos trois bougres se demandent comment un tel fossile vivant a pu survivre. L’animal les distrait pour un temps de leurs occupations habituelles — se couper les membres et les regarder repousser. Il réveille aussi un truc archaïque, terré dans un coin de leur caboche, dont ils ont oublié le nom, mais qui leur fait tout drôle, au moins provisoirement. Changement de tropisme avec « Le Pasho », où Bacigalupi rejoue l’affrontement entre la tradition et le changement avec une problématique qui n’est pas sans rappeler celle de Kirinyaga de Mike Resnick. Assez réussi pour son ambiance, mais pas davantage. Avec « Le Chasseur de Tamaris », l’auteur retrouve la veine écologique, celle où il s’exprime de la façon la plus talentueuse. Ici, l’histoire se déroule dans le Sud-Ouest des Etats-Unis. L’eau étant devenue une denrée précieuse, les mégalopoles en viennent à faire la guerre pour assécher l’arrière-pays désormais laissé aux « tiques d’eau », ces marginaux ne renonçant pas à cultiver un lopin de terre, histoire de rester libres. Sur l’air bien connu du pot de terre contre le pot de fer, la nouvelle évoque le spleen du pionnier voyant s’effacer de son vivant la Frontière et son absence de contraintes sociales.

« L’Homme des calories » et « Le Yellow Card » s’inscrivent dans le même futur que La Fille automate. Un avenir crédible, sombre, abordé du point de vue des plus miséreux. Le premier texte nous emmène au fil du Mississippi, en compagnie d’un réfugié climatique contraint de trafiquer pour survivre. Contacté par un ami pour exfiltrer un passager recherché par les compagnies caloriques, le voilà embarqué dans un périple dangereux au milieu des cultures transgéniques, des patrouilles de la PI, des barges de céréales et des cités abandonnées aux Cheschire, ces chats caméléons qui ont supplanté leur souche naturelle. Le second offre un aperçu du Bangkok de La Fille automate. Le texte peut se lire à la fois comme un prélude au roman ou une préquelle pour ceux qui l’ont déjà lu.

Ces cinq nouvelles justifient déjà à elles seules l’achat du recueil. Mais, si le doute persiste, « La Pompe six » vient le lever définitivement. Avec cette novelette, on touche en effet à la perfection. Portrait d’une ville tombée en déshérence, en passe d’être submergée par sa propre merde, le texte nous décrit la fin du monde, au rythme nonchalant des pluies de béton et des pannes à répétition. On assiste à une sorte de dévolution tranquille, une catastrophe au ralenti bien plus irrémédiable que tous les fléaux cinématographiques. Un texte très fort, récompensé à juste titre par un prix Locus.

Arrivé au terme de cette longue chronique, force est de reconnaître le caractère incontournable de La Fille-flûte. On est frappé à la fois par l’effet de réel du recueil, par les émotions et les spéculations que Paolo Bacigalupi arrive à brasser en si peu de mots. Un must-read, on vous dit !

Notre-Dame des loups

L’Ouest américain est mort, son cadavre pourrit sous un tapis de neige. Où sont passés les outlaws d’antan, les cow-boys, les cités pionnières et les shérifs atrabilaires ? Réduits à la portion congrue, histoire de teinter d’un vague vernis contextuel une intrigue paresseuse, percluse de clichés et de lieux communs. Et les Indiens ? Ils ont filé, forcément à l’indienne, laissant leur place à des personnages dépourvus d’épaisseur. Des stéréotypes guère convaincants.

Reprenons. Auréolé en 2012 d’un prix aux Imaginales pour La Geste du Sixième Royaume, Adrien Tomas délaisse la fantasy pour arpenter les territoires de l’inquiétude. A l’instar d’un Wayne Barrow, troquant le vampire contre le loup-garou, il implante l’un des plus vieux mythes de la vieille Europe dans le nouveau monde. Pourquoi pas ? Hélas, la couverture, un photomontage bricolé à la va-comme-je-te-pousse, illustration de mauvais goût sans style, n’augurait pas du meilleur. Sur ce point, toutes les promesses sont tenues.

Notre-Dame des loups, troisième roman de l’auteur en quatre ans, n’a pas que les apparences du brouillon vite torché. Il en comporte tous les stigmates. Avec beaucoup de diplomatie, nous pourrions dire que l’histoire a du potentiel. Malheureusement, celui-ci pointe aussi aux abonnés absents. A sa place, il faut se contenter d’une intrigue mollassonne, répétitive et prévisible, sans aucun trait d’esprit ou de génie. On doit même se faire violence pour achever (euphémisme) cette longue traque (à peine 180 pages pourtant) jusqu’à l’hallali.

Le roman pourrait se dérouler n’importe où tant l’Ouest décrit par Adrien Tomas s’avère ectoplasmique. Un décor de carton-pâte réduit à sa plus simple expression dont l’éditeur croit utile de matérialiser les contours en nous gratifiant d’une carte des lieux. Mais ceci paraît anodin comparé à l’écriture de l’auteur. Celui-ci confond tension dramatique et je te braque un gros gun à la gueule et je te postillonne dessus. A aucun moment, on ne se sent oppressé par le suspense, et si l’on frémit d’horreur, c’est en découvrant, au détour d’une page, une métaphore audacieuse comme par exemple ces « chambres probablement enneigées par la poussière »… Quant aux personnages, ils ne déparent pas dans la longue liste des poncifs de série Z. Un cowboy fébrile de la braguette (ou de la gâchette, je ne sais plus), un ex-correspondant de guerre (très rapidement ex-vivant), un ersatz de Van Helsing, une négresse adepte du vaudou accompagnée d’une meute de chiens, un vieux fondeur (pas de bronze, je vous rassure), et un maître de chasse caractériel, l’auteur nous gâte. Mais, la palme du n’importe nawak revient sans conteste à l’Indienne, aussi crédible dans son rôle que Carla Bruni interprétant C’est quand qu’on va  ? de Renaud.

Pourtant, Adrien Tomas tente bien de se sortir de la routine où il s’enferre, histoire peut-être de montrer qu’il est capable d’élargir sa palette d’écriture. En optant pour la multifocalisation, il fait un choix narratif qui pourrait introduire un peu de complexité dans son récit. Las, les narrateurs ne font que passer, mêlant leur voix dans une unité de ton monotone qui finalement n’apporte rien, y compris du point de vue du suspense.

Bref, ce roman nous le confirme, le plomb ne se transforme jamais en argent. L’alchimie déployée par Adrien Tomas dans Notre-Dame des loups ne convainc guère, voire pas du tout. Pour qui apprécie peu le style pompier, mieux vaut passer son chemin.

Under the skin

Isserley sillonne inlassablement les Highlands. Etrange créature que ce petit bout de femme aux mains couturées de cicatrices, au regard masqué par une paire de lunettes, dont la poitrine énorme déborde d’un décolleté moulant. A l’affût derrière le volant de sa Toyota Corolla rouge, elle guette les bords de route en quête d’auto-stoppeurs à enlever. Exclusivement mâles et pas trop faméliques. Un homme après l’autre, elle les rabat dans son véhicule. Après ? Leur destin leur échappe… De cette existence monotone, Isserley se fait la narratrice. Le récit factuel d’une routine éprouvée par les années dont elle connaît les différentes étapes par cœur, les répétant comme une sorte de mantra hypnotique. Petit à petit, la jeune femme laisse infuser les émotions. Les souvenirs de son passé, des réflexions sur sa condition présente. Sous la peau, elle reste une étrangère incapable d’empathie à l’égard des vodsels qu’elle chasse, ces animaux guidés par leurs pulsions dont le babillage n’a aucun sens. Elle hait son corps conçu comme un appât pour attirer leur regard et leur faire baisser leur garde. Et pourtant, elle accomplit sa tâche, mécaniquement, sans attendre de remerciement des siens. A leurs yeux, elle est devenue un monstre. Un être irrémédiablement mutilé, source de curiosité malsaine et d’horreur. Ce fait la condamne à une existence solitaire, sans espoir de retour. Mais alors, pourquoi continue-t-elle à vivre ?

A l’heure où le genre se réduit comme peau de chagrin dans les collections dédiées, il colonise désormais les autres rayons des librairies, offrant aux éventuels curieux des romans que d’aucuns qualifieront d’inclassables, histoire de ne pas revenir sur leurs préjugés. Un peu passé inaperçu dans nos contrées science-fictives lors de sa précédente édition, Sous la peau profite de son adaptation au cinéma pour revenir ici sous son titre original. Si le film prend quelque liberté avec le livre, il ne remet pas en question une thématique faisant plus que flirter avec la science-fiction. En effet, Under the Skin traite d’un lieu commun du genre, celui de l’invasion extraterrestre. Ils sont là, parmi nous ! Mais pour Michel Faber, il n’est guère question de convaincre le monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé. Délaissant la veine paranoïaque, l’auteur opte plutôt pour le registre intimiste, distillant le malaise tout au long des déplacements répétés d’Isserley. En fait, le propos d’Under the Skin repose entièrement sur une inversion de perspective assez astucieuse pouvant se résumer de la façon suivante : nous sommes les animaux, ils sont les humains. Ainsi, le roman de Michel Faber peut se lire comme le reflet de notre propre attitude, de notre propre rapport aux autres créatures vivantes, celles à qui on ne reconnaît pas le statut d’êtres conscients. Parallèlement, l’auteur nous invite à reconsidérer notre position dans l’échelle du vivant.

En conséquence, Under the Skin ne cherche pas à mettre en scène une altérité absolue. Le monde d’où est issue Isserley est d’ailleurs trop familier, trop proche de nos mœurs pour apparaître étranger. Michel Faber use plutôt de la science-fiction comme d’un miroir dont le reflet nous renvoie à notre société sans scrupule, pourvu que ce soit profitable. Bref, de quoi en remontrer aux contempteurs du genre qui le cantonnent aux histoires de petits hommes verts.

Voici donc un livre éminemment moral, porté par un personnage féminin fascinant, dont le propos dérange, interpelle et donne à réfléchir. A découvrir !

Foyer Sainte-Lucie pour jeunes filles élevées par des loups

Voici un recueil de neuf (et non pas dix, contrairement à ce qu’indique l’éditeur) nouvelles des plus étranges. Des textes inclassables qui n’auraient pas déparé la rubrique « Insolite » de feue la revue Fiction. Un vrai bazar du bizarre…

La quatrième de couverture évoque un imaginaire digne de Lewis Carroll et de Stephen King. S’il est explicitement fait allusion à Lewis Carroll page 153 : « Ce n’est pas précisément un trou de lapin où dégringoler par inadvertance », c’est la mise en scène récurrente d’ados ou d’enfants qui justifie ces références auxquelles j’ajouterais volontiers Serge Brussolo, pour les raisons ci-dessus, mais surtout parce que Karen Russell sait, comme lui, créer des endroits fantastiques sans recourir au fantastique ni au surnaturel. Sous la plume de l’Américaine les lieux les plus improbables semblent s’inscrire dans l’ordre naturel des choses. Quoi de plus normal en fait que d’avoir pour père un (pas le) minotaure qui part à la Conquête de l’Ouest ? D’être fille de loup-garou ? De trouver un masque de plongée permettant de voir les fantômes et, partant, de chercher celui de leur défunte sœur au décès de laquelle ils ne sont pas étrangers… L’une des plus belles histoires de fantômes qu’il m’ait été donné de lire…

La plupart de ces textes on pour cadre l’île — une île, peut-être sur la côte atlantique des Etats-Unis — qui finit par apparaître comme un de ces endroits surgis tout droit dans le monde de l’imagination de l’auteur, à l’instar du Vermillion Sands de Ballard ou de l’Archipel du Rêve de Priest. La moitié de ces contes comprend un élément fantastique ainsi que l’on vient de le voir. On y ajoutera une cité de conques géantes qui se visitent comme un parc d’attraction. Si les autres récits ne comprennent pas d’éléments aussi étranges, ils n’en sont pas moins bizarres pour autant !

Ainsi, un gamin qui s’intéressait à l’astronomie commence à faire quelques « conneries » d’ados au contact d’autres jeunes et à braver les interdits. Rien là-dedans d’extraordinaire, mais la manière fait glisser subrepticement le récit de l’autre côté du miroir. Dans un camp pour dormeurs perturbés, l’un des lieux les plus étranges et les plus réussis de Karen Russell, ceux qui rêvaient des calamités du passé se réjouissent de la survenue d’un événement macabre dans le présent sur lequel ils vont enfin pouvoir intervenir. Il y a encore ce « Rapport d’enquête » sur un accident survenu lors d’une manifestation traditionnelle dans une vallée perdue jadis conquise par les pirates. Et ce « Palais des neiges artificielles » où les adultes viennent se livrer à des jeux de leur âge.

En neuf nouvelles, Karen Russell nous convie à explorer la cruciale question : qu’est-ce que grandir, devenir adulte ? Il faut bien admettre qu’elle s’entend à merveille à faire miroiter les diverses facettes de la problématique. On y voit l’astronome en herbe se débarrasser des outils de la fonction pour ne pas risquer de se voir rejeté par la graine de petits voyous qu’il commence à fréquenter. Chacune des nouvelles apporte son éclairage particulier sur la question, l’aborde par un biais différent. Russell met en scène l’instant où le protagoniste bascule de l’enfance vers l’âge adulte avec une sombre sensibilité qui parfois dérange.

Une fois n’étant pas coutume, la quatrième de couverture dit tout ce qu’il y a à savoir sur ce remarquable recueil de l’auteure du très beau Swamplandia, et la présente comme une virtuose du bizarre ayant su créer un univers singulier où l’on croise des enfants terribles et des monstres tendres. Elle apparaît au détour d’une page comme l’héritière du Bradbury de La Foire des ténèbres ou du Sturgeon de Cristal qui songe. Tout amateur de littérature un brin décalée saura apprécier.

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