Connexion

Actualités

22/11/63

Commençons par être désagréable. Si l’on en croit certains propos récents (sudouest.fr, le 17/08/2012), l’actuelle traductrice de Stephen King semble considérer que faire ses armes chez Harlequin tient lieu d’excellente école de traduction, ce que nous nous garderons bien de contester. Mais force est de constater qu’avoir été à bonne école ne prémunit pas contre les approximations, maladresses et autres faux-amis, et que de toute évidence, la notion de registre de langue n’est pas encore tout à fait assimilée chez ladite traductrice.

Mais pardonnons ces errements — qui seront certainement corrigés dans la version définitive (à l’heure où nous bouclons, nous n’avons eu accès qu’à un jeu d’épreuves non corrigées) —, car King conduit sa machine à voyager dans le temps de main de maître : chaos et nids-de-poule, pour agaçants qu’ils soient, ne parviennent jamais à faire oublier aux passagers la réussite de l’excursion.

Les règles du voyage dans le temps à la sauce Stephen King sont des plus simples : le départ se fait dans la réserve de la caravane où Al Templeton a installé son diner, au fond de la cour d’une usine textile désaffectée de Lisbon Falls, dans le Maine ; l’arrivée, dans la cour de cette même usine, tournant à plein régime, le 9 septembre 1958 à 11h58. Comme chaque passage remet les pendules à l’heure, chaque voyage est le premier voyage. Et peu importe le temps que l’on passe « là-bas », l’aller-retour (pour peu qu’il y ait un retour) ne prend jamais plus de deux minutes.

Voilà ce que Al, presque vaincu par la maladie, sera à même de révéler à Jake Epping, prof d’anglais au lycée de Lisbon Falls. Quelques règles d’un phénomène inconcevable, et, surtout, le fruit d’années de recherches consacrées à ce qui était devenu son grand projet : déjouer l’assassinat de JFK, le 22 novembre 1963 à Dallas. Empêcher la guerre du Vietnam. Sauver Martin Luther King. Eviter les émeutes raciales qui ont suivi. Prolonger le rêve américain, rendre le monde meilleur, peut-être…

En acceptant le défi, Jake ne s’attend pas à une tâche facile : il devra tout mettre en œuvre pour établir avec certitude la culpabilité de Lee Harvey Oswald, s’assurer que celui-ci sera bel et bien le tireur isolé qu’il prétendra être, et pas l’ultime pièce d’une machination qui bien qu’improbable, n’en reste pas moins possible. Lourde responsabilité, d’autant que même avec la possibilité de tout reprendre à zéro (chaque voyage est le premier voyage !), les cinq ans qui sépareront son arrivée dans le passé et la visite présidentielle à Dallas lui interdisent la perspective d’un coup d’essai…

Cinq ans durant lesquels Jake Epping, devenu George T. Amberson, devra surtout vivre une vie riche d’évènements et d’une multitude de choix qui, sans doute, infléchissent l’Histoire aussi sûrement que la mort d’un grand de ce monde. Cinq ans de rencontres avec ces personnages qui peuplent les meilleurs textes de King : attachants, profondément humains, et sans doute tout aussi éprouvés par la vie que par l’irruption du surnaturel. Car ce 22/11/63 n’est pas fait que de voyage dans le temps. Dès les premiers pas en 1958, une ombre s’installe insidieusement. Les règles peuvent-elles vraiment être si simples ? Ces étranges coïncidences, ces « harmonies » entre le passé qui fut et celui qui pourrait être ne sont-elles pas le signe que le passé ne veut pas être changé ?

La tension, le flou qui s’installent entre les possibles nourrissent ainsi l’ensemble du roman. De Derry, maléfique ville (imaginaire) du Maine qui était déjà le terrain de jeux du clown de Ça à Jodie, lumineux contrepoint texan (tout aussi imaginaire) où George Amberson posera un temps ses valises, King laisse libre cours à sa fascination et sa nostalgie pour une époque révolue, enluminée de modes passées, de musiques alors inédites, d’emblématiques marques disparues… Sans jamais manquer de lucidité sur la réalité d’une époque qui porte en germe les travers de la nôtre, il dévoile « son » Amérique, où l’horreur se niche entre un âge d’or impossible et le monde que connaissent et vivent lecteur, auteur et principal protagoniste.

Stephen King, qui a porté ce 22/11/63 près de quarante ans, affirme en postface se réjouir de ne pas l’avoir écrit plus tôt. On ne peut qu’abonder en son sens : ce qui en 1972 n’aurait sans doute été qu’une variation uchronique sur une « blessure (…) encore trop fraîche » est devenu quelque chose de plus grand, un roman d’une profonde maturité, à même de séduire et réconcilier fans et détracteurs : le « Grand Roman Américain » d’un géant de la culture pop.

Alors, qui a tué JFK ? King a tranché, bien sûr, mais au fond, est-ce vraiment important…?

La Dernière pluie

Nous sommes à Helsinki, demain, bientôt. Une ville qu’on pourrait croire sortie du Blade Runner de Ridley Scott, crépusculaire, fangeuse, déliquescente, noyée sous le rideau des pluies incessantes et la mer qui envahit tout, melting-pot de cultures du monde entier fuyant les changements climatiques et le « global warming » catastrophique qui ravagent les nations du Sud et ont déraciné près d’un milliard de personnes… Pas la fête, donc, même si dans deux jours c’est Noël. D’autant qu’une série de meurtres épouvantables ensanglante la ville, l’œuvre d’un tueur en série, sans doute, popularisé sous le nom de « Guérisseur ». Johanna est journaliste. A l’ancienne mode. Celle qui investigue. Qui débusque. Elle a disparu depuis pas loin de quarante-huit heures. Plus un signe de vie. Et quand Tapani Lethinen, son mari, découvre qu’elle enquêtait sur ce fameux tueur, il sait combien, au regard de l’état des pouvoirs publics finlandais et du sous-effectif drastique des forces de police, il devra se débrouiller seul s’il veut retrouver vivante la femme qu’il aime…

Antti Tuomainen est né en 1971 ; La Dernière pluie est son troisième roman, le premier à quitter les frontières linguistiques du finnois, et de jolie manière, puisque les droits dudit roman, lauréat du Clue Award 2011, prix finnois récompensant le meilleur thriller de l’année, ont été vendus dans vingt-six pays. Quand même… Et force est de constater qu’après avoir refermé la dernière page de ce court thriller d’anticipation des plus nerveux, on comprend pourquoi.

Tout du long raconté à la première personne, du point de vue de Tapani Lethinen, dans un style sec et serré, La Dernière pluie révèle d’emblée un magnétisme et une dimension immersive étonnants. Et ce en dépit (à moins que ce ne soit plutôt grâce à) d’un rythme syncopé peu coutumier. Car Tuomainen enchaîne les courts chapitres épurés en maîtrisant à la perfection la technique du « show don’t tell », brossant pièce après pièce un tableau d’ensemble saisissant (d’horreur, faut-il le préciser) tout de clairs-obscurs. Le narrateur se démène dans un monde qui, lui, a renoncé depuis longtemps, porté par un amour exclusif des plus poignants, comme une lueur, la seule possible, là où la radicalisation brutale le dispute à la connerie crasse, le fascisme, insidieux et ordinaire, au laisser-aller d’une complaisance épuisée. L’amour en guise de rédemption d’un monde condamné, en somme ; rien de bien neuf sous la pluie sombre, argueront certains, mais ici traité avec une justesse aussi mature que sincère, touchante, ô combien.

On sort de ce récit d’anticipation noir avec en soi la résonnance d’une bien belle histoire en dépit de son contexte tendu car hyper réaliste, le cœur bercé d’un soupçon d’espoir, malgré tout, espoir ténu mais réel quant au pouvoir de l’impalpable, l’inquantifiable, le non monnayable, l’inutile, en somme, aux yeux d’un monde condamné car perdu dans son cynisme et ses calculs — la beauté, la poésie, le simple émerveillement de l’amour. Un magnifique sentiment, pour un roman qui ne l’est pas moins… A lire, assurément.

La Tour des damnés

[Critique commune à Le MercenaireLa Tour des damnésLe Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Le Testament d'un enfant mort

[Critique commune à Le MercenaireLa Tour des damnésLe Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Le Mercenaire

[Critique commune à Le MercenaireLa Tour des damnésLe Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Un logique nommé Joe

[Critique commune à Le Mercenaire, La Tour des damnés, Le Testament d'un enfant mort et Un logique nommé Joe.]

Une nouvelle collection ? Champagne ! Surtout en ces temps gris où le moindre propos d’éditeur nous plonge dans une détresse profonde, tant l’avenir du livre, en général, et du livre de genre au sens large, en particulier, paraît sombre.

Pas d’inédit ? Tant pis ! Mais une « exhumation de […] textes essentiels », pour reprendre les mots de la plaquette de présentation. Quatre titres sont parus actuellement, quatre nouvelles de longueurs variées, vieilles de quelques décennies. Leur point commun ? Avoir évoqué ou imaginé, voilà bien longtemps, un élément de notre présent. Avec, bien entendu, quelques variations, quelques écarts par rapport à notre réalité.

Mack Reynolds, dans « Le Mercenaire », récit publié pour la première fois en 1962, a envisagé un monde où les entreprises ne se contentent pas de guerres commerciales. Les luttes sont armées et mortelles. Ce n’est plus ici la France qui s’en prend à l’Angleterre, le Japon qui entre en conflit avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce sont les Transports Aspirotube (d’accord, le nom ne fait pas vraiment rêver !) qui vont devoir affronter Aéroglisseur Continental. Ils recrutent donc des militaires pour leur armée personnelle. Et c’est là qu’intervient Joseph Mauser, brillant tacticien, qui nous servira de guide dans ce récit désuet par certains aspects, mais ô combien actuel par d’autres. Les rapports entre multinationales portés à leur paroxysme !

Plus sombre, la nouvelle de Brian Aldiss, qui date de 1968. « La Tour des damnés » est une expérience gigantesque. Une expérience de société à l’échelle d’un immeuble-ville. La planète est menacée par la surpopulation. Des scientifiques ont tenté de visualiser les effets de ce danger et de lui trouver des solutions. Pour cela, ils ont construit un vaste espace d’habitation clos, où des habitants, volontaires, servent de cobayes à l’échelle de plusieurs générations. Pas de simulation sur ordinateurs (pas assez puissants dans les années 70). Non, l’utilisation d’hommes, de femmes et d’enfants. La naissance d’une nouvelle société où tous les liens, toutes les tensions sont exacerbés. Où même le temps est comprimé. Un échec, bien évidemment. Une folie, servie sur un plateau par le maître anglais.

Philippe Curval, avec son « Testament d’un enfant mort », n’apporte pas non plus une touche joyeuse à cette collection. L’avenir est décidément grave. Ce texte émouvant et dramatique présente un monologue fragmenté. Nous sommes à l’intérieur de l’esprit d’un nouveau-né. Nous découvrons ses pensées. Mais pas d’angélisme ou de « nouillerie » sentimentale. Ce nourrisson, comme beaucoup d’autres dans ce XXIe siècle terrible brossé par l’auteur en 1978, va mourir. Volontairement. Et l’on découvre pourquoi la natalité baisse de façon extrême sur notre planète. Et l’on va rester horrifié devant cette non-envie de vivre. Bouleversant.

Le dernier titre est plus ludique, plus anecdotique aussi. Et il a mal vieilli. En tout cas, son style retranscrit par la traduction d’origine a mal vieilli, puisqu’elle n’a pas été retravaillée. Cela aurait pourtant été profitable, même s’il ne s’agit pas de réécrire le texte. « Un logique nommé Joe », ou comment Murray Leinster imagine, en 1946, les dangers d’un réseau informatique mondial. Internet avant l’heure et les errements d’un ordinateur trop intelligent. Idée séduisante, desservie par une histoire, plutôt une historiette, banale et sans grand intérêt.

Chaque volume de cette collection, doté d’une maquette élégante, est accompagné d’une courte biographie de l’auteur et d’une rapide histoire du texte, de ses publications. Ainsi que d’un choix d’événements contemporains de l’écriture des nouvelles, et de quelques films traitant le même thème. Rien d’extraordinaire, mais un petit plus intéressant et bien pratique pour ceux qui ne sont pas familiers avec les écrivains représentés. Seul bémol dans ce tableau : le prix. Les lecteurs seront-ils prêts à débourser de 4 à 8 euros pour une seule nouvelle, même si la plus longue fait une centaine de pages ? Surtout si l’on songe aux offres numériques dans ce domaine. L’avenir seul, encore lui, nous le dira.

Le Temps du rêve

DreammasterTM est une société à la croisée des neurosciences et des jeux vidéo qui propose des rêves sur mesure, en fonction du client et de ses envies. D’entrée de jeu, le programme de démonstration du Temps de votre rêveTM invite à coiffer une résille et à insérer la puce de réglage sur les fréquences de ses zones sensorielles cérébrales. La suite est contée à la deuxième personne du singulier, alternant le sexe selon le scénario, à la façon d’un Livre dont vous êtes le héros. Elle met en scène un mari modèle ou une étudiante au bal de fin d’année se positionnant en concurrente pour attirer l’attention du prince charmant de la soirée. Des rêves formatés pour le moins communs ou insipides… Il est possible d’en choisir de plus élaborés dans le catalogue de La Caravane des rêves, qui relèvent du cinéma : dans un univers de science-fiction et de fantasy mêlés, le rêveur affronte en duel le redoutable Magus Majoris ou vainc un dragon pour gagner les faveurs d’une princesse brûlante de désir. Ces oniropuces sont classées TP (tout public), - 12 et - 18, le niveau Sans Restriction des situations les plus extrêmes n’étant pas officiellement disponible. Mais il est possible de télécharger auprès de Pirates du Temps des rêves, à ses risques et périls, des programmes plus âpres, pas toujours dénués de cauchemars traumatisants ni de vers ou de virus. Au fil des situations rêvées, le rêveur se trouve en toujours plus fâcheuse posture, jusqu’à finir coincé dans des impasses oniriques, poursuivi par un blob infâme ou jeté dans une fosse de cadavres, prêt à être écrasé par un poids géant.

On l’a compris, la progression se calque sur l’histoire du Net, avec sa succession d’antivirus et de chevaux de Troie, dans une spirale sans fin. Les passages d’un rêve à l’autre finissant par lasser invitent à méditer sur les addictions numériques qui poussent à préférer des rêves uniformisés à sa propre créativité, au risque d’y laisser sa santé mentale. Nul commentaire ne se rajoute aux scènes : elles sont délivrées brut de décoffrage jusqu’à la fin, ce qui fait l’originalité de l’exercice mais définit aussi ses limites. Malgré un suspense apparu dans le dernier tiers, ce court roman aurait gagné à présenter des rêves plus concis qui auraient frappé par leur densité.

A signaler en exergue l’émouvant hommage de Norman Spinrad à ses traducteurs, notamment à Roland C. Wagner dont il fut le père symbolique, en quelque sorte rêvé.

La Science-fiction en France

Les études littéraires sur la SF sont rarissimes, frilosité que déplore Gérard Klein dans sa préface après un bref état des lieux. C’est donc tout à l’honneur de Simon Bréan que de proposer une théorie et histoire de la littérature de science-fiction en France, centrées sur les trois premières décennies, des années 1950 à 1980. Voici déjà un parti pris à rebours des thèses traditionnelles : si Bréan inventorie rapidement la proto-SF, de la fin du XIXe siècle à la seconde guerre mondiale, il n’y voit pas de relation de continuité avec la SF d’après-guerre, qui est d’influence états-unienne. Son corpus thématique se situe davantage en concurrence avec le corpus anglo-saxon, déjà solidement constitué lors de sa réception en France, et vers lequel la proto-SF ne semblait pas converger. Elle s’organise autour d’une poétique de l’anomalie, dans une méfiance de la science peu orientée vers l’esquisse de nouvelles perspectives.

En introduction, évacuant d’emblée la relégation de la SF en genre, Simon Bréan définit et justifie avec minutie les termes qu’il emploiera avant d’engager le débat. Ainsi, toute fiction est pour lui soumise à un régime ontologique (le monde dans lequel s’inscrit la fiction) de type poétique (minimaliste pour la littérature ayant le réel pour référent) matérialiste (l’effet de réel du texte) qui se décline selon trois modes : extraordinaire, rationnel, spéculatif.

Quelques points de sa thèse concernant les précurseurs et modèles sont discutables, sans cependant mettre à mal le propos général. L’analyse pointe bien le malentendu qui s’instaure entre deux types de lecteurs, conduisant, malgré des débuts prometteurs, à séparer la SF des autres littératures. Selon Bréan, le rendez-vous manqué, la survie en tant que niche éditoriale, contrarient davantage encore l’émergence d’une école française, déjà handicapée face au socle solide d’une SF US vieille de trente ans, à laquelle elle est censée se rallier sans cependant l’imiter. Il lui faudra précisément trois décennies pour asseoir sa spécificité et acquérir son autonomie, chacune d’elles traitant de l’espace selon un axe particulier : l’aventure spatiale contrariée, l’exploration planétaire et la fuite hors de monde inhospitaliers, ce qu’une analyse du corpus (un millier d’ouvrages !) met en évidence.

Celui-ci, très large, accorde une même attention aux auteurs du Fleuve noir qu’à ceux du « Rayon fantastique » ou de « Présence du futur ». Une vingtaine d’entre eux sont plus particulièrement analysés, décennie par décennie, accordant une place privilégiée à Gérard Klein et Pierre Pelot (Steiner et Wul en second plan), ainsi qu’à l’œuvre isolée de Surface de la planète de Daniel Drode, qui résume à elle seule les malentendus des origines.

L’étude historique fait ressortir les faits saillants, comme la longévité de la collection « Anticipation » du Fleuve noir soumise à des exigences éditoriales figées, le rôle central de la re-vue Fiction et celui, essentiel, de Gérard Klein, comme promoteur incontournable aussi bien comme auteur, critique et éditeur. Cette mise en perspective éclairante, enrichie de lectures mais aussi de réceptions critiques, est complétée par un rapide bilan historique jusqu’à nos jours.

La seconde partie tente de dégager les spécificités littéraires de ce même corpus, ce qui occasionne quelques répétitions dans la présentation et le résumé d’œuvres, peu dérangeantes ceci dit, en raison des éclairages différents. Simon Bréan reprend et prolonge les théories de ses prédécesseurs, du novum de Darko Suvin à la xéno-encyclopédie de Richard Saint-Gelais. En abordant successivement les constructions lexicales et les néologismes aptes à produire des réalités jusque-là indistinctes, les stratégies discursives pour matérialiser un monde, rhétorique doublée d’une nécessaire participation du lecteur à la création de l’univers (il constitue pour ce faire son propre vade-mecum), Simon Bréan semble dégager des propriétés et reproduire des processus d’écriture et de lecture propres à l’ensemble de la science-fiction.

S’il faut établir des différences, c’est à partir du macro-texte, notion originale que Bréan prend le temps de défendre point par point et qu’on peut définir comme étant les coordonnées précises d’une culture en un temps et un lieu donnés, artefact modelant l’horizon d’attente des œuvres nouvelles. Cette notion est peu opérante en littérature générale, qui n’entretient pas avec le monde réel un rapport aussi dynamique, au contraire de la SF, littérature collective qui procède par ajouts, implique le lecteur et suppose, de la part de l’auteur, une connaissance de l’ensemble du champ, sous peine de manquer de pertinence. L’approche théorique de Simon Bréan est de nature à délivrer une définition plus précise de la science-fiction. Ainsi, cette phrase au détour d’un commentaire : « Produit artistique, elle incorpore et transforme en données fictionnelles des représentations et des analyses du monde réel, qui dialoguent librement avec des images récemment extrapolées et des modèles généraux formés par le raffinement incessant d’anciennes conceptions. »

Le graphique des intersections des trois régimes ontologiques matérialistes donné en conclusion situe avec une remarquable efficacité les différents genres et leurs articulations. En annexe, des chronologies indicatives de la SF ou de l’édition en France complètent cette lecture en tous points passionnante. Adapté de la thèse de doctorat en littérature française que Simon Bréan a soutenue à l’ENS en 2010, cet ouvrage est non seulement indispensable sur le plan de l’analyse littéraire, mais se veut aussi, grâce à ses patients résumés, un guide de lecture qui saura guider le profane dans sa découverte de la science-fiction française. 

Anthologie 01

Ce recueil, c’est aussi bien une anthologie qu’un manifeste. Examinons les choses dans l’ordre.

Après une introduction qui présente la maison d’édition, son histoire et ses projets, le sommaire aligne les récits. « Le Vieux M. Boudreaux », de Lisa Tuttle, est une histoire de hantise, et de filiation, et de retour à l’enfance ; c’est aussi un petit chef-d’œuvre de subtilité et de classe. « Coups de feu dans la forêt », d’Yves et Ada Rémy, une novella, renoue quelque peu avec l’ambiance des Soldats de la mer, en mettant en scène un jeune homme, dans une petite ville allemande du XIXe siècle, que la vision fortuite d’une femme dont il va aussitôt tomber amoureux précipite dans une succession de rêves signifiants ; comme toujours avec ces deux magiciens du verbe, l’écriture est à se damner. L’autre novella, « L’Arbre à épines », de Robert Holdstock et Garry Kilworth, raconte une obsession aussi vieille que le monde, la quête de l’immortalité, qui promène son archéologue de protagoniste aux quatre coins de l’horizon et permet aux deux complices de livrer des parodies enjouées de divers auteurs du patrimoine, de Homère à Shakespeare en passant par Chaucer ; le tout est aussi goûteux qu’un bon beef broth. « Journal anticipé d’un écrivain mythomane », du regretté Jacques Mucchielli, est une métafiction sur Yirminadingrad qui s’inscrit dans ledit cycle ; un texte douloureux et sensible que Léo Henry présente avec la pudeur des vrais amis. Suit un long entretien avec ces deux compères (et l’illustrateur Stéphane Berger), toujours sur le cycle en question, et un extrait de Sur le fleuve, roman picaresque des mêmes.

Cette Anthologie se veut bien évidemment une vitrine du travail que réalise Dystopia et propose d’ailleurs un certain nombre de pistes pour qui souhaiterait aller plus loin que faire son simple boulot de lecteur ou de lectrice. Sur le plan purement formel, force est de reconnaître que la qualité est au rendez-vous, et tout le mal qu’on souhaite à ces fêlés de la chose littéraire, c’est que de plus en plus de monde puisse s’en rendre compte. Ce beau volume devrait y contribuer.

La Porte des limbes

La Porte des Limbes est le premier roman d’Erik Wietzel, aujourd’hui réédité par Mnémos dans une édition revue (définitive ?) par l’auteur.

Passons sur le prix (cent quatre-vingt pages pour dix-huit euros… heureusement que le roman n’en faisait pas quatre cents, si l’on suit cette logique !) pour nous concentrer sur le texte, découvert d’un œil neuf, la version originale n’étant jamais tombée entre mes mains.

Et il apparaît bien vite que La Porte des Limbes vaut avant tout pour son ambiance, plutôt réussie. L’atmosphère invoquée, celle d’un Paris décadent du XIXe siècle, comme le précise la quatrième de couverture (au cas où ça ne nous sauterait pas aux yeux), n’est pas désagréable. Mais l’intrigue n’est guère palpitante, la faute à des chapitres trop courts pour permettre au lecteur de véritablement s’investir dans le récit. Alors, certes, le rythme est de fait soutenu et les choses gagnent nettement en intérêt dans le dernier tiers du roman, porté par des « révélations » attendues mais intrigantes. Toutefois, le roman dans son ensemble demeure par trop bancal et on aurait apprécié que cette édition révisée soit l’occasion d’éviter quelques maladresses stylistiques. Si certaines tournures contribuent sans doute du point de vue de l’auteur à nourrir l’ambiance du livre, ces lourdeurs n’en demeurent pas moins regrettables.

L’un dans l’autre, La Porte des Limbes n’est pas désagréable pour autant. Pour peu que le lecteur réussisse à s’affranchir de la première moitié du roman et en arrive à sa véritable moelle, il en tirera une lecture plaisante quoique vite oubliée. Mais une chose est sûre, on ne pourra pas le taxer de tirer sur la corde.

On se doute bien que les éditions Mnémos ont voulu miser sur une réédition de plus pour minimiser les risques en cette période difficile, Erik Wietzel n’en étant plus, justement, à son premier roman, même s’il n’est pas le plus connu des auteurs français. Un constat qui n’entre en rien dans l’intérêt à porter (ou pas) au roman, un thriller fantastique dans la moyenne que l’on aurait malgré tout plutôt vu en poche, surtout quand l’éditeur vient d’annoncer vouloir se (re)lancer dans ce domaine avec une collection dédiée…

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 470 471 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600 601 602 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 667 668 669 670 671 672 673 674 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 687 688 689 690 691 692 693 694 695 696 697 698 699 700 701 702 703 704 705 706 707 708 709 710 711 712 713 714  

Ça vient de paraître

La Maison des Soleils

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug