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Godzilla

Tout le monde connaît Godzilla, la créature issue des fonds sous-marins, qui détruit sur son passage. Beaucoup de monde connaît Godzilla, les films, qu’il s’agisse de la version originale japonaise de 1954 (ou du remontage américain de celle-ci) et de ses innombrables suites, ou des remakes américains récents, plus ou moins réussis. Mais peu de gens connaissent le roman d’origine, signé Shigeru Kayama, et pour cause : il était resté inédit en langue française jusqu’à ce que les éditions Ynnis décident de le publier en cette année 2021. Le lectorat français se voit donc proposer un livre fondateur ; il convient toutefois de noter qu’il n’y a pas eu d’abord le roman, puis son adaptation au cinéma. Tout a commencé par une idée du producteur Tomoyuki Tanaka, qui a imaginé l’histoire du « Monstre géant venu de 20 000 lieues sous les mers » comme base d’un film pour la Toho. Il demanda alors à Shigeru Kayama de rédiger un roman, que devaient ensuite adapter Ishirô Honda, le réalisateur du film, et Takeo Murata. Livre et film sont donc intriqués, sans que le premier soit la novélisation du deuxième ou le deuxième une simple adaptation d’un matériau préexistant. De fait, les différences entre les deux sont relativement minimes, même si Kayama a davantage de place pour travailler ses personnages, et notamment Sinkichi, le « héros », qui se voit fusionné dans le film avec un protagoniste plus secondaire du roman. Autre ajout intéressant à signaler, la création par Kayama de l’organisation tokyoïte de soutien à Godzilla : le professeur Yamane, qui déjà dans le film ne souhaite pas qu’on tue le monstre pour pouvoir l’étudier et mettre à profit sa fascinante résistance à la radioactivité, va encore plus loin dans le roman, en organisant une propagande visant à retourner l’opinion publique sur le devenir de la créature. Le roman est en revanche parfaitement en phase avec le propos global du film, en s’inscrivant ouvertement contre l’utilisation de l’arme atomique sur Hiroshima et Nagasaki, et les essais nucléaires qui perdurent en 1954. Cette position anti-prolifération culmine, comme dans le film, dans la scène finale, où, après avoir tué Godzilla, le docteur Serizawa se suicide pour que son arme ultime, le Destructeur d’oxygène, ne passe pas aux mains de personnes malintentionnées.

La lecture de ce roman prolonge ainsi l’expérience du film, en l’enrichissant de diverses manières ; on la conseillera donc, tout en signalant que tout cela est parfois empreint de naïveté, à l’image des descriptions sonores, puisqu’ici les vaches font « meuh meuh », les oiseaux « cui cui », les mitraillettes « tacatac » et les voitures de pompiers « hou, hou, hou »… À noter que ce livre propose également le roman à l’origine du deuxième film de la série, Le retour de Godzilla (eh oui, il n’était pas vraiment mort), nettement plus court que le premier, presque un simple scénario, et également moins convaincant. Et si l’on veut être totalement exhaustif sur Godzilla, on pourra avec grand profit compléter par la lecture de cette bible qu’est Kaiju, envahisseurs & apocalypse. L’âge d’or de la science-fiction japonaise de Fabien Mauro (Aardvark).

Le Club Aegolius

Premier roman de Lauren Owen, Le Club Aegolius renoue avec une tradition anglo-saxonne remontant au moins à Sheridan Le Fanu : le roman gothique vampirique. Ici, contrairement à Dracula, le vampire ne vient pas du continent pour envahir la Grande-Bretagne. Il est au contraire bien implanté dans le Londres de l’époque victorienne et se cache soit dans la bonne société, via le club Aegolius qui donne son titre au roman, soit dans les franges les plus pauvres de la ville, comme le quartier de Whitechapel rendu célèbre par un certain Jack l’Éventreur. Dans ce livre, celui-ci a d’ailleurs un émule : le Docteur Couteau.

Comme beaucoup de romans gothiques anglais, Le Club Aegolius s’attache à la destinée de deux membres de la bonne société rurale : James Norbury et sa sœur Catherine, devenus orphelins assez jeunes, mais avec suffisamment d’argent pour être rentier et ne pas courir à tout prix après un mariage prospère. Suite à des études classiques, James monte à la capitale, se rêvant poète. Las, il y fera d’étranges rencontres et disparaît de la circulation. Folle d’inquiétude, sa sœur aînée part à sa recherche et découvre l’envers sanglant de la métropole.

Comme ses modèles, Le Club Aegolius part loin dans le passé et prend son temps pour installer la situation. Jusqu’au premier sang, le livre pourrait être un roman classique avec la découverte d’une passion entre deux hommes que tout oppose dans une époque victorienne peu propice à de tels rapprochements. Il faut attendre plus d’une centaine de pages pour un aperçu d’une créature hématophage, et il en faudra encore bien d’autres avant que celles-ci ne soient clairement identifiées pour le lecteur (et bien plus pour Catherine). Reprenant les trucs de ses illustres aînés, l’autrice saute d’un narrateur à l’autre, change de registre (d’un récit classique à des extraits de journaux intimes par exemple) et fait des allers-retours temporels. Original dans son traitement des vampires et de leurs particularités, que celles-ci soient issues de la tradition ou aient des liens avec leur condition de mort-vivant, Le Club Aegolius séduit aussi par son traitement moderne des personnages, loin des clichés à la Jane Austen. Ainsi, Catherine Norbury n’est pas une frêle débutante, mais une trentenaire célibataire convaincue d’avoir fait une croix sur sa vie sentimentale, et qui s’embarrasse donc peu du qu’en-dira-t-on pour retrouver son frère. Le milliardaire américain, équivalent de Quincey Morris chez Bram Stoker, n’est pas en mission de séduction ; confronté lui aussi à ces créatures, il s’avère davantage un allié qu’un protecteur de Catherine.

Las, Lauren Owen n’échappe pas non plus au travers du genre : ses longueurs et une conclusion comptant une cinquantaine de pages de trop. Reste un récit qui renouvelle non sans talent la figure classique du vampire, le sortant de l’ornière de la bit-lit ou du gore à tout prix.

Paradis, année zéro

Courant alternatif est un nouveau label des Moutons Électriques, présenté comme « engagé et enragé » faisant la part belle aux « fictions politiques, écologiques et sociales, mais également [aux] dystopies et d’utopies » comme l’indique leur site. Quatre titres sont disponibles au catalogue au moment de rédiger ces lignes, dont Paradis, année zéro de Christophe Gros-Dubois – deuxième roman de cet auteur venant du cinéma.

Une catastrophe inédite et inexpliquée, littéralement, vient frapper les USA. Les belles baraques s’écroulent tandis que les taudis restent droits — même si parfois de guingois. D’autres conséquences adviendront au fil du récit, comme autant de prétextes à promouvoir la narration de l’auteur. Parallèlement, une invention va redistribuer les cartes entre les différents protagonistes.

Au milieu de ce Washington en perdition, de nombreux personnages se rencontrent, s’évitent et s’affrontent, dont de nombreuses femmes africaine-américaines. Une mère et sa fille, militantes de deux générations distinctes, ou encore une cascadeuse meurtrie par la mort de son frère. On croise aussi un ersatz de Mike Tyson et un homme ayant été touché par la crise des subprimes. Dans le camp d’en face, le policier qui a abattu le frère évoqué précédemment, un videur-biker tendance néo-nazie et un jeune redneck ayant ouvert le feu dans une église. Si cette galerie de personnages semble stéréotypée, leurs évolutions sont néanmoins intéressantes, et laissent la place à une complexité bienvenue.

Hélas, le paratexte dessert le roman. Entre la quatrième de couverture annonçant que le texte date d’avant Trump et les « violences policières récentes » (pléonasme), parle de « prophétie » et la première qui annonce comme thématique du livre : « la fin du racisme et après », on se demande jusqu’à la toute fin s’il n’y a pas erreur sur la marchandise. Que l’auteur ait eu l’idée de son livre il y de nombreuses années est une chose, mais laisser entendre que ce roman qui parle de Biden et de Covid a été « Écrit avant » donne une saveur de toc à l’ensemble. Par ailleurs, annoncer « la fin du racisme » comme thématique est assez osé, et plus encore le « après » puisqu’il ne constitue que les toutes dernières pages de cet épais roman.

On déplorera beaucoup de coquilles, parfois sur les noms propres : « Bookter T. Washington » ou le fréquent « Malcom X ». L’usage de l’italique pour les termes anglais est irrégulier, de même que la pertinence des notes de bas de page. Et si l’auteur fait montre d’une grande culture africaine-américaine, et étatsunienne en général, comment expliquer la confusion entre Washington et l’État de Washington à la toute fin ? La question est posée sans ironie.

Grosse déception que cette utopie post-apo un peu trop foutraque et inutilement lubrique, sur une thématique complexe mais d’actualité permanente. Une sorte de pétard mouillé, vu le résultat alors que Richard Wright et James Baldwin, deux auteurs africains-américains majeurs, sont évoqués, de même que Frantz Fanon, à qui l’on doit Les Damnés de la terre, livre de chevet du Black Panther Party.

Le Mystère du tramway hanté

Après Les Tambours du dieu noir (cf. Bifrost 103), L’Atalante poursuit la traduction des œuvres de Phenderson Djèlí Clark avec cette novella finaliste des prix Hugo, Nebula et Locus. Si le premier volume nous emmenait dans deux univers a priori différents, l’un à La Nouvelle-Orléans, l’autre au Caire, c’est dans ce dernier cadre que l’auteur nous convie ici à nouveau.

Ains retournons-nous dans la capitale égyptienne, en 1912, en compagnie d’agents du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles. La célèbre agente Fatma el-Sha’arawi, au centre de« L’Étrange affaire du djinn du Caire » (in Les Tambours…), laisse cette fois la place à son collègue Hamed Nasr, secondé par le frais émoulu Onsi Youssef.

Alors que la révolte gronde dans les rues et sur les places, dans le sillage des Suffragettes, une affaire de possession mécanique occupe les deux limiers : l’entité qui occupe la voiture 015 du tramway public s’en prend à des passagères. Une enquête virevoltante attend Hamed et Onsi, dans laquelle les leçons de l’école de police devront être adaptées aux situations et développements inattendus. Le duo croisera des personnages féminins, humains ou non, hauts en couleurs, qui, suivant leur propre agenda, pourront se révéler être des soutiens, ou pas. Contrebande, xénophobie, sexisme seront au programme des deux trames – Suffragettes et enquête – qui s’enchevêtreront jusqu’au terme. Et comme le travail, ça creuse, la nourriture constitue un personnage secondaire particulièrement présent.

Dans cet univers uchronique où la magie est devenue commune, les références à notre monde sont nombreuses, qu’elles soient tournées vers le passé — ainsi du Soudanais Errant, remplaçant le Juif – ou qu’elles anticipent le déroulé du XXe siècle – le Soufisme révolutionnaire évoquant furieusement la Théologie de la libération. On pourra aussi penser au canonique débat sur le « sexe des anges » en découvrant la présence de la figure de ce qu’on nommerait volontiers « l’hermaphrodjinn ».

S’il n’y a rien de révolutionnaire dans ces pages, la fraîcheur et les références qui s’en dégagent donnent un agréable et intelligent shoot de divertissement. On en redemande donc. Bonne nouvelle, au moment où vous lirez ces lignes, L’Atalante aura publié un troisième titre signé P. P. Djèlí Clark, Ring Shout, qui nous amènera dans le sud de l’Amerikkka. Affaire à suivre !

Mort™

Voici venu le temps du grand finale de la trilogie « Trademark », qui arrive à son terme avec la sortie de Mort™, et clôture, après Bonheur™ et Vie™ (cf. critiques in Bifrost 93 et 97), l’étouffante plongée dystopique proposée par Jean Baret. Les univers des deux premiers romans sont ré-exploités et même nommés : Mande-Ville et Algoripolis – nom qui n’étonnera pas qui aura lu la postface au tome 1 signée Dany-Robert Dufour. Ce philosophe est au centre du travail de Baret, qui s’est inspiré d’un essai au titre évocateur, La Situation désespérée du présent me remplit d’espoir, dans lequel Dufour expose les « trois délires politiques mortifères » de ce siècle, et que Jean Baret extrapole au gré de sa féconde imagination. Trois délires, car en sus de Mande-Ville et Algoripolis, un troisième univers vient compléter le tableau Trademark : Babel.

Si la pléonexie de Mande-Ville ne faisait pas l’ombre d’un doute après Bonheur™, l’aspect identitaire d’Algoripolis ne devient saillant que dans l’œil et les discours des sociétés voisines. L’autre quartier, la théo-fasciste Babel, déploie ses lois et pratiques en creux et en miroir de celles de ses consœurs délirantes. C’est avec « plaisir » que l’on retrouve les sociétés des deux premiers tomes, dans des états d’avancement intermédiaires. C’est avec le même « plaisir » que l’on suit l’héroïne des séquences dans Babel, au gré de ses pérégrinations et des variations de sa scramble suit – tenue qui change suivant les croyances du quartier où elle se trouve.

Trois histoires parallèles, donc, suivant trois personnalités très diverses. Rasmiyah, chaos magicienne, préceptrice d’un jeune garçon et qui, par ses yeux, nous présentera les affres de Babel. Xiaomi, journaliste gonzo, marié, un enfant – dont les cours sous forme d’Epic Rap Battles depuis sa chambre vous saouleront à coup sûr autant que le père. Le citoyen DN4n93xw, alias Donald Trompe, de son côté, forme des mots avec les lettres alignées qu’on lui présente, et dispose d’un algorithme personnel, ALGO 616 (ce qui, alphabétiquement, donne FAF). Le facteur X, qui viendra craqueler cette triple monotonie, se nomme la M-Théorie, mystérieuse philosophie se frayant un chemin par-delà les frontières, et qui mettra à rude épreuve les protagonistes, entre opportunisme, crainte et espoir – dans le désordre, parce que Le hasard fait bien les choses™.

Le roulement narratif entre les trois sociétés est constant et constitue la touche finale de l’entreprise de répétition extrême à l’œuvre dans la trilogie. Cette variété permet de limiter l’effet d’étouffement lancinant des deux premiers tomes, et peut servir de porte d’entrée à la prose baretienne.

Restons sur l’aspect répétitif, en évoquant les nouvelles manifestations du « vertige de la liste » de Jean Baret. D’un côté, les interactions de Rasmiyah donnent lieu à des descriptions à la pelle de croyances diverses et variées, le tout sous les auspices de Wikipedia, comme annoncé en exergue. Il en ressort une impression parfois de compilation un peu froide et guère incarnée ou maîtrisée, ce qui se ressent aussi, d’un autre côté, dans des listes de citations que l’on retrouve parfois dans le même ordre sur le net que dans le livre. Autre point un brin rebutant, le choix de vocabulaire, parfois pour le moins étonnant : mahométans, africains, personnes de couleur et black – ces derniers termes montrant une forme de « timidité » que l’on ne connaissait pas à l’auteur.

Mais il ne faut pas confondre Jean Baret avec un auteur qui en a quelque chose à foutre. Il signe ici une sorte de conte cauchemardesque – car comment croire que dans plusieurs siècles les pays et conflits seront les mêmes qu’aujourd’hui, ou que le référentiel de toutes les sociétés ne s’éloigne jamais de nos XXe et XXIe siècles ? –, un apologue crasseux, froid et amer comme la mort. Et ce n’est pas un reproche.

Un mot sur le titre pour finir. Pourquoi Mort™ ? Un personnage nous donne une clé : « Notre compréhension du trépas définit notre organisation sociale. » Faut-il « monétiser, nier ou s’illusionner » sur la mort ? Vous avez trois vies.

Oublier les étoiles

Lorsque l’on dit d’un livre qu’il est sympathique, cela sous-entend qu’il n’est pas totalement mauvais mais compte néanmoins sa part de défauts. Le présent recueil n’est pas sympathique, il est bon, voire très bon et les seize nouvelles rassemblées ici méritent toutes le détour, même les sept pour lesquelles le manque de place n’a pas permis de présenter une notule spécifique.

« Noir » est un très bon texte qui reprend le thème de l’humanité rendue aveugle par une expérience tournant mal. X.M. Fleury met en scène le péquin moyen et imagine ce qu’il pourrait bien faire si l’opportunité de rectifier de tir lui était donnée. Je ne vous en dis pas davantage…

« La Crique » est une nouvelle franchement politique sur la thématique des migrants qui, à travers une inversion de situation donne à réfléchir sur ce drame contemporain qui pourrait encore s’amplifier à l’avenir.

Dans « Le Travail Assassiné », X.M. Fleury s’empare, toujours avec la même ironie acerbe et son sens de l’humour noir, du thème très présent d’une hypothétique « fin du travail » où les IA feraient à peu près tout, ne laissant aux gens que le loisir de singer une activité professionnelle pour s’éviter de mourir d’ennui.

« L’Ami secret » a un petit côté dickien où, dans un contexte de colonisation et de terraformation, l’auteur s’interroge et nous avec lui sur les rapports que peut entretenir la religion avec l’altérité. Ici encore, l’humanité n’est pas présentée sous son jour le meilleur, – pour faire dans l’euphémisme —, et, quand par hasard un humain serait bon, ce n’est pas bon du tout pour lui.

« Jeux de guerre » revient, dans un contexte de futur proche, sur La Stratégie Ender qu’il retourne comme un gant. La guerre par l’entremise de jeux vidéo… Mais dans la guerre informationnelle l’arme est l’intelligence et peut-être est-il dangereux de croire que l’ennemi plus pauvre est plus stupide.

Dans « Pourfendre les dragons », l’auteur s’inspire des Croisés du Cosmos de Poul Anderson ou des Grognards d’Eridan de Pierre Barbet. Un chevalier qui tient sûrement davantage de Don Quichotte que de Tristan est capturé par des outremondiers elfes afin de débarrasser le monde des nains de ses dragons. Ici l’humour est un brin moins caustique…

Avec « Un cadeau presque parfait », Fleury rejoue « La Clé laxienne » de Sheckley dans un esprit s’apparentant fort à Damon Knight. L’auteur, qui maitrise fort bien l’art de la chute, est ici à son meilleur.

« Immersion » joue encore la carte du transhumanisme dans un monde dual où de riches oisifs en mal de sensations fortes se transfèrent psychiquement dans le corps d’animaux qui n’ont rien demandés. De nouveau, la bêtise humaine fait merveille.

Enfin, « Oublier les étoiles »est aussi court qu’excellent et Fleury y donne l’immense mesure de son art de la chute. L’écologisme règne et traque les derniers chercheurs à l’instar d’une nouvelle inquisition qui veut voir tout le savoir honni définitivement éradiqué et en finir avec tout rêve d’étoiles. X.M. Fleury nous laisse ici comprendre que savoir et intelligence ne vont pas nécessairement de pair ni que cette dernière n’est pas l’apanage des seuls bons.

Voici donc un bon recueil de fictions spéculatives qui donne à penser et à réfléchir, ce qui est plutôt rare par les temps qui courent où la tendance lourde va à une littérature de propagande assumée sans aucun complexe où les réponses sans questions sont assénées, martelées jusqu’à la nausée sans nul répit ni relâche. Oublier les étoiles ne va pas forcément à l’encontre du prêt-à-penser contemporain mais vous laisse le soin de tirer les conclusions par vous-même. X.M. Fleury manie une ironie au scalpel, parfois cinglante, associée à un art de la chute des plus consommé. Ses textes, faciles d’accès, peuvent constituer une porte sur le genre pour qui n’a encore jamais lu de SF. Il serait vraiment très dommage de faire l’impasse.

Les Oiseaux du temps

Les Oiseaux du temps nous arrive après avoir trusté les prix les plus prestigieux de la SF (Hugo, Nebula et Locus, entre autres), mais ce n’est pas parce qu’une scène se déroule dans une pièce où le papier peint est orné de motifs de Star Wars qu’il s’agit de science-fiction.

Nous avons ici en toile de fond une guerre temporelle et multiverselle dont Bleu et Rouge sont des soldates, des entités post seconde singularité, démiurgiques, anentropiques, à faire pâlir Francis Sandows de L’Ile des morts (Roger Zelazny). L’une appartient à l’Agence, l’autre à Jardin, des entités plus vastes s’évertuant sans fin, telles deux anti-Pénélope, à détisser l’œuvre de l’autre au sein d’un continuum d’Everett dont elles parcourent les brins et tresses d’aval et amont et retour telles des araignées gambadant dans leurs toiles.

Toute l’histoire se résume en une bluette homosexuelle entre Bleu et Rouge. Le reste n’est que barbouillage.

La novella se présente sous forme semi-épistolaire. Les lettres que s’envoient Bleu et Rouge, dissimulées dans la lave, les troncs d’arbres, etc., alternent avec des chapitres qu’on qualifiera de narratifs, faute de mieux. Les deux correspondants, alternant de même, agissent de leur propre chef. Or, correspondre avec l’ennemi relève de la trahison. Il semble s’agir, au début du moins, d’une tentative de corruption amoureuse de l’une par l’autre ; rendre l’ennemie amoureuse afin de la faire basculer dans son camp. Mais elles finissent par tomber réciproquement amoureuses au cours de leur duel à fleuret moucheté. La partie devient en fin de compte Bleu & Rouge contre l’Agence & Jardin. Dans les chapitres, Bleu et Rouge prennent volontiers forme humaine pour accomplir leurs diverses missions, qui souvent relèvent de l’effet papillon, du carnage cosmique – ou simplement tuer. Ici chez Gengis Khan, là en Atlantide ou ailleurs.

La vacuité du roman se dissimule sous une apparence de complexité qui n’est que vanité se payant de beau vocabulaire : « apophénie d’un haruspice » (p. 83) ; « Quiscale, Sittelle, Paruline » (p. 91 – des oiseaux) ; « stéganographie » (p. 149), encore et encore. L’éditeur français a trouvé son titre chez un féru d’ornithologie. Titre bien moins parlant que l’original, à condition toutefois de ne le point traduire au singulier : « Ainsi tu perds la guerre du temps » (p. 189), mais de comprendre que c’est un « Vous » pluriel : « C’est ainsi que VOUS perdez la guerre temporelle ». Le titre n’est pas une adresse de Bleu à Rouge ni réciproquement, mais d’elles deux à l’Agence et Jardin ; renvoyant à leur histoire d’amour qui les amène à s’affranchir de leurs entités tutélaires.

Notons en passant que tous les personnages, même très secondaires (une exception), sont exclusivement féminin, et même Jardin.

Sans les citations, (mais la place nous est comptée) on perd la mesure du propos, mais le livre est une véritable litanie obsessionnelle de propositions du type « un cadavre qui a été un homme » (p. 7). Je vous invite, en lisant ce livre, à remplacer partout « homme » par son hyponyme « juif », juste histoire de voir ce que ça donne… Si c’est ok ou pas.

On y déniche aussi çà et là quelques morceaux de bravoure anti-occidentale.

Le roman n’offre rien que la même vanité littéraire de ces « littératurants » qui naguère se gobergeaient de belles phrases creuses. Une bluette lesbienne, certes écrite correctement, voire bien, mais ne servant que de prétexte à des propos que tout un chacun saura apprécier comme il se doit. L’histoire sentimentale se tient, une fois dépouillée de tous ses oripeaux SF, et il y a sûrement un public pour cette prose-là – mais en ce cas, pourquoi la SF ? Car ce roman à l’eau de rose nécessite bel et bien de connaître cette dernière, sans donner jamais la moindre occasion de l’apprécier, au contraire. Les amateurs de science-fiction n’y trouveront rien…

Frank Herbert – Nouvelles 1952-1979

L’œuvre de Frank Herbert ne cessera jamais de revenir sur les thèmes qui la caractérisent, à savoir l’écologie, la rareté, la survie, le pouvoir et son éthique, la religion, la foi et l’espérance, les valeurs de l’échange et la communication, toujours en ouvrant de nouvelles approches, ceci, bien sur, à l’aune des compétences majeures de l’auteur : psychologie et psychanalyse. La présente intégrale des nouvelles (près de 1000 pages pour quarante récits dont plusieurs inédits) déplie ce constat à loisir.

De facture dickienne, « Vous cherchez quelque chose ? » recourt d’emblée à la psychologie pour aborder l’idée nietzschéenne que qui vit dans le confort sans avoir à lutter s’affaiblit, et que le prédateur a tout intérêt à maintenir sa proie dans cette sécurité illusoire.

« Opération Musikron » propose l’idée que l’inconscient collectif jungien ne relèverait pas d’un ordre symbolique, mais biologique, débouchant sur le concept de mémoire génétique – que l’on reverra dans « L’Effet GM » ou encore « L’Œuf et les cendres » – pour revisiter le mythe du phénix tout en préfigurant les révérendes-mères Bene Gesserit.

Le struggle for life au cœur de toute l’œuvre herbertienne conduit, si on ne lui adjoint pas en parallèle des compensations satisfaisantes bien qu’illusoires, au« Syndrome de la Marie-Céleste », une sorte de massif burn out social. Chez Herbert, la lutte pour la (sur)vie ne se limite pas, comme le voudraient les ultralibéraux, à la guerre de tous contre tous qui sont la stratégie et les discours machiavéliens des dominants : diviser pour régner. Aux yeux d’Herbert, des concepts tels que l’éthique ou la coopération sont des armes tout aussi mobilisables aux fins de la survie.

Ce qui précède donna à penser à certains – Marcel Thaon et Eliane Pons —, in Fiction n° 220 (avril 1972), que Frank Herbert devait être perçu comme réactionnaire. Or il parle de la totalité, met souvent en garde contre la tentation de ne la point prendre en compte, et qu’elle comprend tant la réaction que le progrès. Sa plus grande crainte est d’ailleurs le conservatisme. Ainsi, dans « Forces d’occupation » ou « Cessez le feu », montre-t-il le peu d’estime qu’il porte aux militaires. Il fait aussi preuve de cet humour dont il lui a été reproché de manquer dans « Le Rien du tout », et même d’un brin d’ironie face à cette préscience à laquelle soit on ne saurait échapper (Dune), soit qui n’en est pas une. Un sort semblable à celui de Muad’Dib sera effleuré de manière minimaliste dans « Rencontre dans un coin perdu » ; un tel pouvoir ne pouvant qu’engendrer peur, rejet et haine.

« La Drôle de maison sur la colline » , où le prédateur finit par tomber dans le piège qu’il a lui-même tendu, et « BEUARK », tournent autour du désir, moteur libidinal de toute action pour le psychanalyste que fut Herbert, qui, à défaut de sublimation, offre sa victime au prédateur ici paré des oripeaux de l’escroc. Herbert approfondira l’idée du « Comité du tout » dans La Ruche d’Hellstrom et Dosadi. À savoir que lorsque les moyens de la violence sont partout répandus ou qu’il existe une arme absolue, il devient dès lors pour les puissants prudents de s’en abstenir.

Pur chef-d’œuvre, « Essayez de vous souvenir » rappelle que le langage corporel dit la vérité là où les mots, qui ne sont que symboles, peuvent mentir, et a eu une somptueuse descendance avec L’Enchâssement de Ian Watson, Babel 17 de Samuel R. Delany, sans oublier le fameux « L’Histoire de ta vie » de Ted Chiang (mis en images par Denis Villeneuve, déjà…).

La plus grande crainte d’Herbert est celle de l’instauration d’institutions figées parce que suffisamment tolérables. Afin d’y remédier, il a créé le BuSab de Jorj X. McKie. Le thème revient dans « La Bombe mentale » et « La Mort d’une ville », ainsi que dans « La Voie de la sagesse », « Le Chaînon manquant », « Opération meule de foin » et « Les Prêtres du psi », qui forment le fix-up Et l’Homme créa un Dieu. Tant la cabale féminine du troisième texte que le complot d’une religion à même de faire de vrais miracles illustrent l’idée que le changement est non seulement inévitable, mais surtout souhaitable. Jorj X. McKie apparaît comme un alter ego de Jerry Cornelius : des agents réintroduisant du changement, de la fantaisie (de l’humour) dans un monde où cela vient à faire défaut afin que la lutte pour la survie puisse continuer au profit du mieux s’adaptant. Si Herbert avait été physicien, il l’eut exprimé en terme d’entropie, celle-ci s’accroissant inexorablement au fil des changements, la solution la plus écologique, de moindre énergie, consiste à se laisser porter par le flux, s’adapter plutôt que de se scléroser, et continuer de participer à la lutte pour une vie (meilleure). D’un texte à l’autre, ses thèmes ne cessent de s’entrelacer subtilement.

Outre « Le Chant d’une flûte sensible » rattaché au « Programme Conscience », l’intégrale se conclut sur quelques textes de moindre envergure, dont « Le Ferosslk fortuit » destiné au Last Dangerous Visions de feu Harlan Ellison est une variation de « Tout smouales étaient les borogoves » de Lewis Padgett qui n’égale pas son modèle.

Parce qu’il traite des sujets les plus fondamentaux – la survie de l’humanité et les moyens d’y parvenir –, Frank Herbert est un écrivain sans pareil. Il nous révèle les mécanisme du pouvoir à l’œuvre, dit pourquoi nous vivons et pourquoi nous le faisons ainsi. Il montre ce qui est sous-jacent au fonctionnement de l’humanité. Son œuvre ne pouvait voir le jour avant les années 50 et la découverte, la compréhension, de la finitude du monde. Par cela il est l’un des écrivains les plus importants, non de l’Imaginaire ou de la SF, mais de la littérature dans tout ce qu’elle a de plus utile : l’intellection du monde, et les deux tomes de cette intégrale sont à la fois les clés et les racines de cette œuvre.

Et si Napoléon…

Dans la courte préface du présent ouvrage, Stéphanie Nicot rappelle que Napoléon Bonaparte est en France, mais aussi en Europe, le sujet d’une passion déraisonnable, suscitant la fascination de ses laudateurs comme les critiques de ses contempteurs. La précision est utile et même nécessaire, surtout lorsque l’on introduit une anthologie consacrée à l’Ogre, a fortiori lorsque l’on s’aventure sur le terrain de l’uchronie. Le personnage historique et son mythe ne président-ils pas d’ailleurs à la naissance du genre, comme le rappellent Bertrand Campeis et Karine Gobled dans une postface consacrée aux nombreux successeurs de Louis Geoffroy ? Remisant de côté les intentions commémoratives, même si l’on peut juger malicieusement que fêter la mort de l’Empereur n’est pas la plus mauvaise des idées, la préfacière préfère attirer notre attention sur la contribution de Napoléon à notre histoire, notant que le destin de l’Empereur a façonné pour un temps celle-ci, pour le meilleur comme pour le pire. Dont acte.

Treize auteurs ont donc choisi de relever le défi, impulsant à l’Empereur, à la France et au reste du monde une trajectoire historique différente. Ils ont laissé leur imagination vagabonder dans les angles morts de l’Histoire, non sans arrière-pensées éthiques, politiques ou plus simplement ludiques, donnant naissance à des visions alternatives avec le bénéfice du recul du temps. Un luxe dont ne peuvent se passer l’Histoire comme l’uchronie. Ainsi, qu’il soit vainqueur au lieu d’être vaincu, souverain d’un Empire ayant duré plus longtemps que son terme connu, ou plus simplement jamais arrivé au pouvoir, le personnage de Napoléon n’échappe-t-il pas au droit d’inventaire et à une certaine dose de critique.

Selon les goûts, on se passionnera pour le génie militaire du général, acquis au prix fort sur les champs de bataille russes ou européens (« La Nouvelle campagne de Russie » de Fabien Cerutti, « Crassus et Auguste » de Thibaud Latil-Nicolas) ou pour son aventure égyptienne (« Mémorial de Philae » de Ugo Bellagamba). On déplorera l’autoritarisme et l’appétit de conquête de l’Ogre, nourrit à l’imaginaire de VGE et de John Campbell (« L’Empereur d’un autre monde » de Johan Heliot). D’aucuns préféreront sans doute l’originalité de Michael Roch (« Rêves d’égalité »), la poésie du désastre de Jean-Claude Dunyach (« La Dynamique de la révolution »), seule réédition du présent ouvrage, l’uchronie gigogne de Jean-Philippe Jaworski (« Implacable Clio »), la gouaille amusante de Silène Edgar (« Tout se distille »), même si le texte paraît anecdotique, la féerie fantastique de Victor Dixen (« Cent-Jours sans lui ») ou le sarcasme moqueur de Jean-Laurent Del Socorro (« L’Horatius Clotès du Tyrol ») et de Raymond Iss (« Le Dernier rêve de Napoléon »). Dans tous les cas, parmi les treize auteurs, bien peu se sont laissés aller au panégyrique bas de plafond ou à la caricature facile. Une certaine retenue, une bonne connaissance historique, et même une touche de fantaisie contribuent surtout à la cohérence des uchronies proposées en dépit de quelques textes plus faibles que les autres (« Au Service Secret de l’Empereur » de Laurent Poujbois, sorte de préquelle à son roman L’Ange blond, ou encore « Dernier soleil » d’Armand Cabasson, qui voit un Napoléon âgé s’inviter à la bataille de Camerone).

Et si Napoléon… n’est donc pas une simple anthologie prétexte, trop respectueuse pour être honnête, trop caricaturale pour être digne d’intérêt. Bien au contraire, l’ouvrage compte des nouvelles d’auteurs ayant su tirer leur épingle du jeu, sans tomber dans le piège commémoratif. À découvrir.

Symposium, Inc.

Demain. Stéphane Bertrand, pointure des neurosciences, a mis au point une technologie de scanners et d’implants neuronaux ouvrant la voie à une connaissance plus approfondie des ressorts du système nerveux et, partant, de l’esprit humain. N’importe qui peut, à tout moment, consulter ses constantes physiologiques et les corriger par de discrets shots d’hormones sous la forme de bonbons à sucer. Ces mécanismes de régulation de l’humeur et du comportement n’empêchent pourtant pas Rebecca, la fille du bon professeur, d’avoir une araignée au plafond. Le jour de son dix-huitième anniversaire, elle assassine sa mère à coups de couteau avant d’attaquer tranquillement le gâteau. Le caractère odieux du crime, tout comme la célébrité de la famille, ouvre une séquence procédurale médiatisée qui vire très vite au lynchage. Les réseaux sociaux, autoproclamés tribunal d’opinion, ont condamné Rebecca d’avance. Pour éviter à sa fille la perpétuité, le professeur Bertrand engage Amélie Lua, ténor du barreau parisien, réputée pour sa pugnacité, sa rouerie et sa maîtrise des codes de l’information-spectacle. Dans ce nouveau monde où les émotions gouvernent les foules sentimentales, il est toujours possible, avec les bons outils, le bon réseau et le bon timing, de retourner les futurs jurés du procès. Mais l’avocate, qui connaît son employeur de longue date et ne le porte pas forcément dans son cœur, voit peut-être dans cette affaire du siècle l’occasion de solder aussi quelques comptes…

Sous son habillage de techno-thriller efficace, Symposium Inc. n’est pourtant pas réductible à une dénonciation des méfaits d’un capitalisme paroxystique où la marchandisation touche autant le corps que l’esprit, pas plus qu’il se contente de l’examen des bassesses de la société du spectacle. Le livre traite du bien et du mal – vus de l’avenir. La technologie neuronale inventée par le professeur Bertrand est son péché originel. Mais cette société future perdue pour la morale ne peut que la feindre. Face aux masses hormonales figurées par les réseaux sociaux, sanctuaire du vice, le bien promis par la science est une autre caricature. Le mal, enfin, plus que le crime, c’est le libre arbitre. Ce qui intéresse Caruso, c’est la rencontre conflictuelle entre deux visions, celle du droit, qui postule la liberté de choix de l’individu et donc sa responsabilité, et celle de la science, qui affirme la primauté de l’anatomie sur l’autonomie. Un homme est-il la somme de ses constantes neurologique ? La personnalité est-elle modifiable par la chimie ? Comment peut-on encore avoir prise sur le monde, et éprouver de l’intérêt à agir, une fois qu’on a renoncé à soi-même pour le bien commun ? La notion même de justice a-t-elle encore un sens si la science peut tout prédire ? Telles sont quelques-unes des questions que dévoile le récit au fil d’une enquête à tiroirs où les sphères juridiques, technologiques, privées et publiques s’imbriquent constamment. Caruso ambitionne de tout traiter dans un même mouvement, de ne rien laisser dans l’ombre, la vie sentimentale comme l’existence sociale, s’appuyant sur un parti pris formel (phrase sèche, utilitaire) et une construction éclatée (alternance des points de vue, incrustations de commentaires figurant la vox populi) pour donner à son intrigue la forme d’un rébus post-moderne au rythme haletant. Chaque séquence est traitée comme un bloc autonome qui vient éclairer, ou obscurcir, l’information délivrée dans le précédent. Tout cela s’accompagne d’une réelle habileté à faire émerger et évoluer des personnages, même s’il leur arrive parfois de se perdre dans une forme de caricature.

À la lecture, on ne peut s’empêcher de penser à Greg Egan, qui a construit nombre de ses récits sur des bases similaires. Symposium Inc. ne pousse peut-être pas son concept jusqu’au bout, comme l’auteur australien nous en a habitué. Il se contente de nous faire cogiter, avec intelligence et lucidité, devant l’incertaine défaite de l’avenir. Ce qui n’est déjà pas si mal.

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