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Transgression

Vous qui aimez la S-F militariste, végétarienne et féministe, les soldats qui ont un pénis de la taille d'une courgette de comices agricoles et des couilles façons melons de Cavaillon, vous voilà servis ! Car est venu le temps de retourner sur Cavanagh, retrouver Ara le Wess'har infecté par la c'naatat et Shan Frankland infectée elle aussi par ce parasite « intelligent » qui permet d'accéder à une forme d'immortalité. Alors que les militaires humains basés non loin se demandent s'ils doivent capturer le symbiote histoire de la transformer en arme ou en médicament, ou plutôt le détruire à coups d'ogives nucléaires afin d'être sûr du résultat (décidément, Karen Traviss a été marqué au fer rouge par la tétralogie Alien), Ripley Shan et Aras se mettent en ménage, s'adonnent aux joies de la nourriture strictement végétarienne et jouent au plombier : « Oui, vas-y, mets ton gros robinet dans mon petit tuyau d'arrosage » — le tout donnant un remake moderne des Amants étrangers de P.J. Farmer qui fait parfois mouche, reconnaissons-le. Et j'arrête là mon petit résumé car celui-ci couvre déjà, l'air de rien, les 228 premières pages de l'ouvrage.

Transgression est un roman déséquilibré, souffrant des pathologies bien connues du « remplissage inutile » et du « dialogue non-signifiant ». Outre ces boursouflures qui ne surprendront personne tant elles sont à la mode en S-F contemporaine, nous sommes ici confrontés à un ouvrage terriblement mal écrit (plus pauvre, d'un point de vue stylistique, je ne vois guère qu'Alexis Aubenque et les pages people de Closer). Sans parler de la traduction. J'ai du mal à croire que quelqu'un doté d'un minimum de culture générale ait relu ce massacre (par exemple la guerre des Falklands s'appelle la guerre des Malouines de par chez nous). Je n'ai pas compté les phrases qui ne veulent rien dire, celles qui veulent dire quelque chose mais certainement pas ce à quoi pesait l'auteur, les faux-amis traduits en toute amitié, la foule de termes anglais faciles à traduire, etc. Une purge.

Et pourtant, malgré ce style journalistique plat comme le ventre d'un squelette d'anorexique, cette traduction des plus pénibles, j'ai fini le livre sans grande difficulté, car Karen Traviss a un petit quelque chose qui accroche : une volonté de ne pas éluder « les sujets qui fâchent », une façon bien à elle de mettre le doigt là où ça fait mal. Sa fascination pour les hommes-paillassons et son mépris pour tout ce qui est doté d'un pénis sont rafraîchissants — un peu grotesques, mais ça fait du bien de pouffer en lisant les exploits d'une buveuse de thé qui ferait passer Terminator pour une tarlouze et Indiana Jones pour Dora l'exploratrice. Et puis, à la fin de ce second volume, il se passe un truc !in!cro!ya!ble! On est là, on lit, on relit le passage et on se dit que c'est pas possible, que c'est presque aussi bon que « Luke, je suis ton père » (j'avais dix ans quand Lord Casque Noir a prononcé ces mots inoubliables, alors autant dire que ça marque son homme).

Karen « Chef ! Oui, Chef ! » Traviss écrit comme une brouette sans roues, mais a des couilles de Béret Vert (qui servent sans doute de roues à la brouette en question) ; c'est sûrement pas le genre de compliments auquel elle aspire, mais c'est de loin celui qui me semble le plus approprié pour quelqu'un dont la devise personnelle semble être : « Dites-le avec des grenades dégoupillées. »

Vivement le tome 3 (parce que quand c'est aussi mauvais, ça confine au sublime).

La Saison des singes

Voilà un roman (à la couverture d'une rare laideur) dont les lecteurs de l'anthologie Escales sur l'horizon du Fleuve Noir connaissent la première partie, « Les Enfants de l'automne », puisqu'il s'agit de la novella « Avant Champollion », description d'une société religieuse où le froid et l'hiver sont inconnus. En effet, sur leur planète (comme sur Helliconia) les saisons sont très longues et dépassent de loin l'espérance de vie d'un être humain. À la relecture, on peut se demander comment une société toute entière peut ignorer le froid, puisqu'il suffit de plonger dans l'eau d'une rivière ou d'un lac, de gravir une montagne pour profiter de cette sensation (par ailleurs, même dans les pays tropicaux, il arrive que les matins soient très froids). Il en va de même pour la glace, qui peut tomber du ciel même par fortes températures (orage de grêle). Mais peu importe, la nouvelle marchait surtout sur sa sensibilité mennonite (moi institutrice coincée, toi mauvais élève pas vilain à regarder, quand toi faire bisou à moi ?) et même si, à la seconde lecture, l'incrédulité se suspend moins, elle se suspend suffisamment pour que cela marche encore.

Les ennuis commencent vraiment avec la seconde partie du roman, « Les Naufragés de l'hiver », où l'on change (dans un premier temps) violemment de décor et de style d'écriture. On y suit la capture d'une criminelle, Kiris T. Kiris, embarquée à bord du vaisseau chartriste Abondant, puis à son évasion. Pas contente, cela va de soi, elle échappe aux deux inspecteurs qui l'avaient arrêtée et à un détective privé lancé à ses trousses, puis infecte le vaisseau intelligent (un grand modifié, sorte de surêtre humain) avec des nanos4 et crashe une partie de l'engin sur la planète décrite dans la première partie. Tout ça pourrait être très sympathique si on y croyait, ce qui est rarement le cas (le coup de la criminelle ultra dangereuse qu'on plonge en sommeil artificiel et qu'on ne surveille pas, c'est franchement dur à avaler, surtout quand on connaît les capacités opérationnelles des grands modifiés, censés être beaucoup plus intelligents que des êtres humains « normaux »). D'autres seront gênés par la multiplicité (peu convaincante) des lignes narratives (décalées dans le temps, sinon ce ne serait pas marrant) ; multiplicité qui ne fonctionne pas dans la mesure où toute la partie sur la quête de l'institutrice s'intègre mal avec le reste. Et que dire de l'énorme influence de la S-F britannique des quinze dernières années qui caractérise cet ouvrage ? Les immenses vaisseaux qui communiquent entre eux, un petit coup de Ian M. Banks ; le personnage de Gabriel Burke condamné à un long sommeil, bienvenue chez Eric Brown ; les différents types d'humanités en présence, de machines et j'en passe, hop, nous voilà chez Alastair Reynolds et ses Inhibiteurs ; sans oublier une couche de Paul J. McAuley ici et là (Kiris T. Kiris m'a fait furieusement penser à un des personnages principaux du formidable cycle de nouvelles The Quiet war).

Hommage servile ? Il y a de cela. En tout cas, pas ou peu d'originalité.

Au final, cette mayonnaise (qui pourrait être goûteuse) ne prend guère. Contrairement à Reynolds, Sylvie Denis n'est pas une scientifique et ça se sent, la façon dont s'intègre la science dans le flot du récit est au mieux maladroite, souvent aberrante. Ensuite, il y a une inadéquation patente entre le style et le sujet ; même quand quelqu'un se fait décapiter (ou écorcher) la courbe stylistique reste définitivement plate (on croirait lire un compte-rendu du réunion Tupperware). À peu de choses près, c'est de la S-F écrite comme Heinlein en écrivait dans les années 50 (l'humour en moins), sauf que les thématiques sont (beaucoup) plus modernes et aspirent par conséquent à une pyrotechnie stylistique à laquelle Sylvie Denis ne se risque pas (l'apport d'Heinlein est mal digéré, la science fait des grumeaux ; celui d'Alfred Bester a été purement et simplement perdu en route). On ajoutera à cela des personnages en papier qui n'ont pas (ou peu) de pulsions sexuelles et autres problèmes de tuyauterie et qui, pour la plupart, rêvent de ne plus être de simples créatures de chair et de sang (tout le roman suinte de cette idée que le bonheur est dans la post-humanité libérée des contingences charnelles et la surintelligence qui va de pair).

Au bout de deux cents pages (sur 440), entre deux bâillements d'ennui, on en est réduit à attendre la découverte des Ewoks Ninhsis (que promet une quatrième de couverture qui raconte à peu de choses près tout le livre). Une découverte de l'autre qui aurait pu nous donner de belles pages à la Jack Vance, mais n'offre, au final, pas grand-chose (du sous Ursula le Guin, à mon humble avis ; à comparer avec Les Fils de la sorcière de Mary Gentle et The Woman of the iron people de Eleanor Arnason).

Evidemment, on ne peut pas dire que le livre soit mauvais (il y a même des passages fort réussis — ceux avec Kiris T. Kiris -, et l'ensemble se lit, comme on dit), mais on attendait tant du premier roman de S-F de Sylvie Denis, sans doute trop, et le résultat déçoit. Le manque d'engagement dans l'écriture, la construction ambitieuse mais mal maîtrisée, le côté pataud des scènes d'action, la mièvrerie remarquable de l'ensemble (là où on serait en droit d'attendre du vertige psychologique, un peu de cruauté, une folie liée à toute la technologie que côtoient et utilisent les personnages), tout cela donne un livre qu'on oublie au fur et à mesure de sa lecture, un fouillis un brin ennuyeux, dépourvu de vision déstabilisante, contrairement à nombre de ses influences anglo-saxonnes.

Si on me permet une petite sortie de route, je glisserai sur un « ressenti de lecture » : plonger dans La Saison des singes m'a fait involontairement replonger dans le dernier livre de Thierry Di Rollo, Les Trois reliques d'Orvil Fisher qui est loin d'être mon Di Rollo préféré (je ne me remets toujours pas du diptyque La Lumière des morts/La Profondeur des tombes)… Quel est le rapport ? Justement, il n'y en a aucun… On est aux deux bouts du même spectre, celui de la S-F : d'un côté un livre gras/ennuyeux/mou/bordélique qui nous parle de l'autre (ninhsis, post-humains) et si peu de nous, de l'autre un texte court, cru, d'un engagement stylistique total ou presque qui nous parle de nous et si peu de l'autre (les anhumains). À force d'être dégraissé jusqu'à l'os, Les Trois reliques d'Orvil Fisher perd — à mon humble avis — une bonne partie de son impact potentiel ; à trop être grassouillet, bavard et gentillet, La Saison des singes perd tout impact ou presque. Comme j'aurais aimé que Sylvie Denis ait un engagement stylistique à la hauteur de son sujet, des mondes qu'elle veut décrire, des personnages qu'elle met en scène, de leurs dilemmes. Nous aurions eu là un grand livre, digne des meilleurs Banks, ou d'Alastair Reynolds.

On rappellera à ceux qui l'ignoreraient que Sylvie Denis est l'autrice d'un excellent recueil de nouvelles : Jardins virtuels et d'un assez intéressant roman de fantasy : Haute-école (bien que longuet et bordélique lui aussi). À ce jour, Jardins virtuels reste sont meilleur ouvrage. La Saison des singes se termine sur un cliffhanger, et appelle donc une (ou plusieurs) suite… il y a fort à parier qu'un autre que moi en fera la critique dans Bifrost.

Poids mort

« — La société actuelle privilégie certains critères de beauté qui sont, disons, beaucoup trop exclusifs. Pourtant, on dit un "beau gros" et jamais "un séduisant maigre".

 Châtel émit un rire soulagé.

 — C'est vrai. Je n'y ai jamais pensé.

 Lanza lui entoura les épaules de son bras.

 — Tenez, par exemple, prenez Marlon Brando et Orson Welles. Vous savez quel est leur véritable point commun ?

 — Le talent ? risqua Paul

 Le professionnel du contact humain s'écarta subitement.

 — Non, trop banal. À Taxinom, on croule sous les demandes de gens talentueux. Je vais vous révéler ce qui lie Orson Welles à Brando : c'étaient des séducteurs. » (pp. 27-28.)

Engagé par Taxinom pour grossir contre rémunération, Paul Châtel s'empiffre et commence évidemment à prendre du poids, beaucoup de poids, jusqu'à mettre en danger sa santé (mentale, avant tout) et à s'aliéner sa famille. Aliénation d'autant plus facilitée qu'on lui a mis dans les pattes une énorme séductrice boudinée qui ferait passer n'importe quel hippopotame de zoo pour une ballerine roumaine. Mais que recherche Taxinom, cette étrange entreprise au service d'ordre fascisant, dont le nom provient du mot taxinomie, c'est-à-dire la « science des lois de la classification » ?

Xavier Mauméjean s'est imposé en sept ans (Les Mémoires de l'homme-éléphant a paru au Masque en l'an 2000) comme l'un des auteurs majeurs de l'imaginaire francophone, et ses deux derniers romans, La Vénus anatomique et Car je suis légion, lui ont valu une reconnaissance critique méritée. Malheureusement, Poids mort n'est pas du même niveau ; au-delà de la farce et de ses bons mots, passée cette scène d'amour d'anthologie qui permet de mieux appréhender l'expression familière « grosse cochonne », le texte finit par tomber à plat dans la piscine de notre plaisir de lecteur alors que, corpulence oblige, on était en droit d'espérer une bombe. Malgré cette déception, sanction classique quand on attend trop d'un auteur qu'on apprécie, ce titre est à ce jour le meilleur que j'aie lu dans l'aberrante collection « Novella SF » (on notera au passage la quatrième de couverture, incroyable, qui est un collage de certaines des phrases les plus percutantes du récit, avec en apéritif et digestif les première et dernière phrases du texte de Mauméjean).

Thomas « merde, faudrait quand même que je perde dix kilos » Day

Glyphes

Alfie Flowers, photographe de seconde zone, ne sera jamais grand reporter comme son célèbre géniteur, blessé au Cambodge puis mort au Liban, Reflex au poing. Sans doute est-il plus falot. Mais surtout, depuis une étrange expérience dans le bureau de son grand-père, qui venait juste de mourir, il souffre d'une forme atypique d'épilepsie. Que s'est-il passé dans ce bureau ? Il semblerait qu'il y ait vu un dessin auquel il n'aurait jamais dû être exposé — la reproduction d'un glyphe découvert en Irak — et son cerveau a fait un terrible court-jus qui l'handicape encore des années plus tard.

Alors qu'il se promène dans Londres, Alfie repère un nouveau glyphe, fait une crise d'épilepsie et se lance à la poursuite de l'auteur du dessin, un jeune graffiteur surdoué qui se fait appeler Morph et dont la famille serait originaire du Kurdistan irakien. Le problème, c'est que beaucoup de gens veulent retrouver Morph, notamment Harriet Crowley, liée au Nomad's club, sans oublier une bande de savants fous et de mercenaires ultra violents qui ont trempé dans une terrible tragédie à Lagos : le projet MindEye. Et qui ne sont pas à un ou dix meurtres près.

C'est en Irak, évidemment, au cœur du territoire kurde, que tout ce petit monde finira par régler ses comptes.

Paul J. McAuley est l'auteur de nombreuses nouvelles épatantes et d'une bonne quinzaine de romans. Citons Les Conjurés de Florence, excellent ; Féerie, brouillon pour certains, brûlot biopunk pyrotechnique pour d'autres ; Sable rouge, peu ou prou les sept mercenaires sur Mars, pas mal ; et enfin Les Diables blancs, un must. Glyphes, son dernier roman traduit, et dont le fond est passionnant de bout en bout, souffre à mon humble avis d'une forme bâtarde, d'un déséquilibre patent : la première partie, londonienne (pp 11 à 288) est longuette, bavarde, pleine de redondances et de scènes d'exposition mollassonnes ; la seconde partie, turco-irakienne (pp 289 à 458) n'est pas assez développée alors qu'elle contient tout ce qu'on veut savoir, tout ce qu'on voulait voir, toute la tension nécessaire. Au-delà de cette réserve, nous avons là un bon thriller qui mêle espionnage à la John Le Carré (on n'est jamais très loin de La Constance du jardinier), archéologie (le Robert Holdstock des Mythagos se rappelle souvent à notre bon souvenir) et sciences de la vie (médecine, biologie, biochimie). Glyphes est aussi le livre d'un auteur engagé (à gauche toute !), qui affronte le « bourbier » irakien sans condescendance ni pathos mal placé, et qui se permet une fin apaisée qui contraste complètement avec l'épilepsie dont souffre le personnage principal, haut-mal moderne qui symbolise sans doute les dommages collatéraux d'un monde d'information continue où plus personne ne peut synthétiser le flot de nouvelles qui le bombarde matin, midi et soir.

On conclura cette critique avec quelques mots choisis au sujet de l'épatante couverture de Jackie Paternoster, qui arrive à engendrer les effets secondaires des glyphes tels qu'ils sont décrits dans le livre : dix secondes d'exposition provoquent une certaine nausée et, passée la minute, c'est le mal de crâne assuré. Je me suis laissé dire qu'une exposition prolongée (deux ou trois jours, les paupières agrafées au front) pouvait transformer n'importe quel être de bon goût en low man (sorte de zombie obéissant, dont il est beaucoup question dans Glyphes) ; alors, surtout, ne tentez pas l'expérience chez vous, la vie est trop courte et ce nouveau roman de McAuley est certes trop long, mais pas à ce point.

Angemort

« Voir un démon violer un ange est une chose si stupéfiante que Maddalena avait reculé d'un pas, collant son dos contre un des murs de la salle, et avait croisé instinctivement ses mains devant sa poitrine. Devant elle, Asiel ouvrait son manteau et poussait son pénis dans la bouche de la jeune fille accroupie. Comme celle-ci bougeait et recommençait à sautiller sur place, il n'avait pas tardé à perdre patience. Sa main droite s'était refermée sur son cou, ce qui l'avait décapité net, et le corps frêle s'était effondré à ses pieds. Il avait enfoncé ses longs ongles dans la tête surprise. Celle-ci, bloquée et présentée de nouveau face au pénis du démon n'avait eu d'autre choix que de continuer son ouvrage : elle l'avait longuement sucé, répondant à son désir à petits coups de langue timides, et Asiel avait éjaculé sur le petit visage, son sperme le dissolvant, le défigurant comme de l'acide. » pp. 67-68 (moralité : un ange mort jamais ne mord).

Comme l'atteste le passage ci-dessus, choisi parmi tant d'autres du même acabit, Angemort redonne vie à la branche littéraire du théâtre de Grand-Guignol et, croyez-moi, la montée de sève est généreuse. Dans ce livre « gothique pour ta petite sœur de dix-sept ans qui se tripote en écoutant The Mediæval Bæbes, toute de noir vêtue », ça baise, ça meurt, ça mutile, ça domine en cuir noir, ça rêve d'immortalité, le tout dans des endroits sacrés, poussiéreux, souterrains et, si possible, les trois à la fois. Là où le bât blesse, c'est que cet amusant catalogue de perversions à la Brenda Love (nécrophilie, coprophilie, pédophilie, zoophilie, tératophilie, somnophilie, ondinisme et j'en oublie) est servi par une écriture en dents de scie, parfois maîtrisée (on sent alors que Sire Cédric a un vrai talent, on pense à Clive Barker ou Poppy Z. Brite), parfois grotesque (ce pauvre garçon n'a visiblement jamais eu de véritable éditeur, en tout cas pas sur cet ouvrage qui ne viole pas que les anges, la langue française passant à la casserole plus qu'à son tour). Ajoutez à cela une intrigue très peu palpitante (Maddalena a besoin de la peau de l'ange mort pour accéder à l'immortalité, mais cette peau a été acquise par un riche collectionneur de rebuts macabres : Cheverny) et une construction un brin bordélique, rythmée par des clichés gros comme des mammouths habillés de vinyl et de broderies noires.

Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu un livre où les protagonistes se délectent de leurs molles déjections tout en baisant façon « SM-Nazi » et, à bien y réfléchir, je me dis qu'il y a des lecteurs (non avertis) qui, contrairement à moi, ne vont pas du tout trouver ça amusant… Notamment les parents des gamines de dix-sept ans qui se tripotent en écoutant The Mediæval Bæbes, parents qui préféreraient que leur progéniture fasse ses devoirs à la place et arrête de s'habiller façon « pute de cimetière ».

Sire Cédric (qui heureusement n'a pas l'air de se prendre trop au sérieux) est à la littérature contemporaine ce que Marilyn Manson est à la « musique pour jeunes », mais c'est un Marilyn Manson de soirée estudiantine suralcoolisée, au maquillage raté, au costume mal ajusté. On peut trouver un plaisir évidemment pervers à regarder œuvrer ce sosie approximatif ; on peut aussi passer son chemin en se disant qu'on ne perd pas grand-chose.

En tout cas, voilà un premier roman francophone qui sort de l'ordinaire…

Thomas (obsé-)Day

Pig Island

Joe Oakes, surnommé Oakesy, est un journaliste spécialisé dans les phénomènes dits paranormaux. Phénomènes évidemment bidons qu’il passe son temps à décortiquer, ce qui lui a valu de se faire quelques ennemis, notamment Malachi Dove, le gourou du Ministère de la Cure Psychogénique, une secte dont les membres refusent toute forme de soins médicaux.

Installée sur Pig Island, au large de l’Ecosse, la secte s’est récemment débarrassée de l’influence de Dove et invite Oakes à visiter ses cottages, sa chapelle, et à rencontrer ses membres. Cela tombe particulièrement bien, car il existe une vidéo de Pig Island sur laquelle on voit « le Diable », si on en croit certains crédules. Un massacre attend Oakesy… Trente et une victimes, pas moins. Mais qui est la trente et unième ?

Après l’excellent Tokyo, Mo Hayder fait une chute qualitative vertigineuse et nous propose un thriller mou des genoux où il est question de sacrifice de cochons, d’adultère, de pollution chimique, de folie et d’anormalité physique. En dehors du fait que tout ça possède un violent parfum de déjà vu (Le Silence des cochons agneaux, La Part des ténèbres, The Wicker man, Breaking the waves…), le moins que l’on puisse dire c’est que ni Hayder ni son traducteur ne se sont foulés niveau style. Voilà un livre de 400 pages, qui, réduit à 200 et relevé par un style à la Cormac McCarthy (ou à la Thierry Di Rollo), aurait pu convaincre ; en l’état, c’est longuet et rarement intéressant (malgré une ou deux fulgurances dans le premier tiers). Sans oublier la fin (l’inévitable twist final), qui relève du pur foutage de gueule ; non seulement on la voit venir de loin mais, en plus, elle ne tient pas la route.

A éviter, non pas parce que ce livre est nul (il est facile de trouver plus nul), mais parce que les bons livres ne manquent pas. Même vos voyages en train méritent mieux que Pig Island.

Winkie

Winkie est un ours en peluche plutôt miteux. Mais c'est aussi un terroriste multirécidiviste, un terrifiant conspirateur, dont le but ultime est de renverser le gouvernement des Etats-Unis. C'est en tous cas ce que prétend la justice américaine. Et ce n'est pas tout. Winkie est également accusé des délits suivants : cent vingt-quatre tentatives de meurtre ; travestissement en femme ; blasphème ; sorcellerie ; enseignement de la théorie de l'évolution à l'école ; viol dans le cadre d'un rituel satanique ; obscénité ; diffusion de la fausse doctrine selon laquelle le Soleil est au centre de l'univers… Comment en est-on arrivé là ? Et qui est vraiment Winkie ? Un ours en peluche un peu moisi, l'ennemi public numéro 1, ou les deux à la fois ? Vous le saurez en lisant Winkie, de Clifford Chase. Et vous ne le saurez que si, et seulement si, vous lisez ce livre. Car rien n'est simple dans ce qu'il faut bien appeler « l'affaire Winkie ». C'est même tellement compliqué qu'un petit résumé des faits s'impose : Winkie a d'abord appartenu à Ruth Chase, la mère de Clifford Chase. Elle en a ensuite fait don à ses enfants successifs. Mais ce qu'aucun des membres de la famille Chase n'a deviné, c'est que Winkie n'est pas qu'un simple jouet inanimé. C'est un être conscient. Et un soir d'ouragan, l'impossible se produit : Winkie s'anime, prend vie, et s'enfuit dans la forêt. Il va y faire la rencontre d'un étrange professeur, ermite et terroriste à ses heures perdues…

Winkie, premier roman de Clifford Chase, est un bouquin malin. En apparence, il s'agit d'une fable animalière légèrement décalée, avec pour personnage principal un ours en peluche. Et quoi de plus inoffensif qu'une histoire de gentil nounours ? Mais très vite, Clifford Chase sort ses griffes, met un tigre dans son moteur et se métamorphose en écrivain teigneux et militant. À partir de là, son ambition est claire : écrire une satire au vitriol du système judiciaire américain, une critique sociale radicale et un réquisitoire sans appel contre l'Amérique selon G. W. Bush. Avec pour seule arme l'humour. Un humour absurde, nonsensique, frapadingue, et tout à fait explosif. Pari réussi. Car on rit beaucoup en lisant les mésaventures de ce pauvre Winkie. Arrêté puis emprisonné, le voilà devenu le héros involontaire d'un procès très médiatique. Pour la justice américaine, Winkie est l'ennemi, l'autre, l'étranger. Celui qu'on ne comprend pas, mais sur lequel se focalisent toutes les haines, toutes les peurs. Et là, Clifford Chase a une idée formidable : il utilise de courts extraits de procès réels. Procès d'Oscar Wilde, de Galilée, des « sorcières » de Salem… Effet comique garanti ! Et manière de démontrer, une fois de plus, que la réalité est parfois plus délirante que la plus délirante des fictions. Au-delà de ça, c'est surtout pour Clifford Chase l'occasion de faire le procès de l'obscurantisme et du fanatisme religieux.

Malgré quelques faiblesses (une écriture parfois un peu maladroite, quelques longueurs), Winkie est donc une belle surprise. Un premier roman hors normes, rusé et courageux. Un petit missile littéraire lancé à la face de l'Amérique bien-pensante et néo-conservatrice. Un peu à la façon de Roland C. Wagner dans La Saison de la sorcière et L.G.M., Clifford Chase utilise la fable, l'allégorie, pour faire passer un message ouvertement politique. Et pour le faire sans lourdeur. Certains passages de Winkie sont franchement hilarants. On passe un très bon moment en compagnie de cet ours en peluche un peu particulier. Et que les âmes sensibles se rassurent : il s'en sort à la fin, et ne termine pas sa vie en prison. Bravo Winkie !

Personne ne regarde

Si vous êtes en ce moment plongé dans la lecture d'un pavé de S-F de 700 pages (ou d'un cycle de fantasy en 23 volumes !), et que vous voulez faire une pause, histoire de souffler un petit peu, voilà le livre qu'il vous faut : Personne ne regarde, de Davis Grubb. Douze nouvelles ultracourtes, qui slaloment allégrement entre thriller horrifique, fantastique et science-fiction old school. Un excellent recueil, paru en 1965, jusqu'alors inédit en France, et dont on se demande bien pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour qu'il soit enfin traduit sous nos latitudes.

Davis Grubb n'est pourtant pas un complet inconnu. C'est en effet à lui qu'on doit La Nuit du chasseur, un roman étonnant, magistralement adapté au cinéma par Charles Laughton, et devenu un film culte pour toute une génération de cinéphiles. À le relire aujourd'hui, c'est vrai que le roman n'est pas sans défaut (beaucoup de longueurs inutiles). Et il est vrai aussi que le film, onirique et pervers, possède un charme vénéneux et brutal qui n'est présent dans le roman que par intermittence. Mais tout ça ne justifie sûrement pas le fait que l'œuvre de Davis Grubb soit tombée dans un quasi oubli.

Dans Personne ne regarde (Twelve tales of suspense and the supernatural en VO), ce qui étonne d'emblée, c'est le sens du rythme, de la concision, et l'énergie dont fait preuve Davis Grubb. Chaque nouvelle est construite sur le même schéma : un début intriguant, déroutant pour le lecteur ; un développement ultrarapide ; et une chute inattendue, souvent macabre, parfois hilarante. Mais si la construction est toujours identique, ce qui frappe, en revanche, c'est la diversité des thèmes, l'inventivité et la variété des genres abordés : fantastique, science-fiction, épouvante… On ne sait jamais où l'intrigue va nous mener, quelle direction elle va finalement prendre. Par contre, on devine très vite qu'avec Davis Grubb, tout est possible, y compris le délire total : douze rats, devenus juges et bourreaux, qui vengent la mort accidentelle d'un vieux marin (« Le Rat de Busby »). Un mari jaloux qui, suite à une fièvre typhoïde, découvre qu'il a la capacité de sortir de son enveloppe charnelle, et ne trouve rien de mieux à faire que d'utiliser ce corps immatériel pour terroriser sa femme (« La Malle en crin de cheval »). Un technicien travaillant pour la télévision qui utilise la réflexion des ondes hertziennes comme moyen de téléportation (« Personne ne regarde »)… Rien n'arrête l'imagination frénétique de Grubb. Et inutile de dire qu'il ne s'embarrasse pas d'explications scientifiques. C'est drôle, cruel, souvent incisif. Comme dans cette autre nouvelle, un petit bijou intitulé « La Radio » : l'histoire d'un couple torturé à domicile par une radio qui émet en permanence et qui les matraque de messages publicitaires. Evidemment, tout ça finira mal, très mal. Car on se venge beaucoup chez Davis Grubb, et on assassine de toutes les manières possibles et imaginables. Chaque nouvelle est un cocktail détonnant, un savoureux mélange de fausse naïveté et d'humour noir. On pense à d'autres grands maîtres de la nouvelle : Fredric Brown, Robert Bloch, voire même parfois à Richard Matheson. Et on n'est pas du tout surpris d'apprendre qu'un des textes de Personne ne regarde (« Tu ne me crois jamais ! »), a fait l'objet, en 1965, d'une adaptation pour la télévision, dans la mythique série Alfred Hitchcock Presents. En résumé, et pour conclure : Personne ne regarde est un livre que tout le monde devrait lire. Car un peu de méchanceté et d'humour macabre, dans notre société si policée, ça fait du bien. Et pas seulement aux zygomatiques.

Les Ombres

Au début, on est un peu inquiet : un roman de Neil Jordan, le cinéaste ? Le réalisateur, entre autres, de The crying game, et d'Entretien avec un vampire ? Ah bon, il écrit aussi ? Et on se demande si ce n'est pas un caprice d'enfant gâté d'Hollywood. Il faut dire que dans la catégorie « roman écrit par un cinéaste célèbre », on a lu tout et n'importe quoi. Et on se souvient — avec un frisson d'horreur rétrospectif ! — du récent Fountain society, le « roman » de Wes Craven : rien moins qu'un torchon usagé que Stephen King aurait pu écrire en cinq minutes top chrono, un soir de cuite sévère. Bref, on est un peu méfiant. Eh bien, pour cette fois au moins, on a tort. On commence à lire Les Ombres, et au bout de seulement quelques pages, l'évidence s'impose : Neil Jordan est également un écrivain, un vrai. Et qui ne manque pas d'ambition. Car Les Ombres n'a rien d'une œuvrette facile et racoleuse. C'est un roman ample, violent, complexe. Un de ces romans qui peut agacer ou fasciner, c'est selon, mais qui ne laissera personne indifférent.

La première phrase, simple et énigmatique, donne tout de suite le ton du récit : « Je sais exactement quand je suis morte. » Celle qui s'exprime ainsi, c'est Nina Hardy, une actrice de cinéma. Le quatorze janvier 1950, elle est sauvagement assassinée par son jardinier et ami d'enfance, George. Il se débarrasse du cadavre, après l'avoir décapité, en le jetant dans une fosse septique. Un meurtre horrible, mais qui ressemble étrangement à un acte d'amour. Pour Nina Hardy, le temps s'arrête. Mais au-delà de sa mort physique, tout le reste continue. Le passé, le présent et le futur ne forment plus qu'un. Elle comprend qu'elle a toujours été son propre fantôme. Et c'est tout l'enjeu de ce surprenant roman. La vie de Nina défile alors devant ses yeux, comme un film. Un film dont elle est à la fois actrice et spectatrice, depuis toujours. Car son propre fantôme a sans cesse été là, présent, depuis le début, depuis sa naissance. On l'aura compris, le parti pris qu'adopte Neil Jordan, dès les premières lignes du roman, n'a rien d'évident. C'est même un pari narratif assez osé, et qui exige du lecteur une concentration maximale. La suite est pourtant beaucoup plus « classique » : en 1900, Nina a trois ans. Elle vit en Irlande, à Bartlay House, la vaste demeure de ses parents. C'est une petite fille fantasque, à l'imagination galopante, et qui vit perpétuellement dans une sorte de réalité parallèle. Entre contes et légendes, Nina s'invente des histoires et parle régulièrement à une mystérieuse amie secrète, une présence fantomatique qu'elle est la seule à voir. Elle fait ensuite la connaissance de Janie et de son frère George, un garçon un peu simplet. Puis c'est l'arrivée à Bartlay House de Gregory, demi-frère de Nina, dont elle ignorait jusqu'alors l'existence. Ces quatre enfants sont vite inséparables. Et au fil des années, au sein de cet étrange quatuor, des relations amoureuses apparaissent. Mais la guerre y met fin. George et Gregory s'enrôlent dans l'armée. Nina avorte, et part pour Liverpool, où elle entame une carrière d'actrice…

Les Ombres n'est donc pas seulement un très beau portrait de femme en quête de son identité, c'est aussi une vaste saga qui s'échelonne sur une cinquantaine d'années. Entre classicisme et modernité, Neil Jordan ne choisit pas vraiment. Le texte est d'ailleurs truffé de références — directes ou indirectes — à la littérature du XIXe siècle (Charles Dickens, Henry James, Emily Brontë…), et peut presque se lire comme un remix modernisé des Hauts de Hurlevent. C'est surtout un roman qui se mérite, car Neil Jordan ne ménage pas son lecteur : d'une page à l'autre, on change brutalement d'époque, de point de vue. Et avouons-le, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver dans ce récit qui nous est livré façon puzzle. Mais pour tous ceux qui auront le courage de se plonger dans ce maelström de 367 pages, on peut parier que l'émotion sera au rendez-vous. Car Neil Jordan, en tant qu'écrivain, a du souffle. Il parvient surtout à entretenir, tout au long du récit, un climat très particulier : brutal, chaotique, envoûtant et largement teinté de surnaturel. Entre rêve et réalité, toute la magie de l'Irlande est là, et bien là. Et c'est sans doute ce qui donne à ce roman une tonalité unique, vibrante, à laquelle il est difficile d'échapper, même une fois le livre refermé. Les Ombres est une œuvre qui impressionne durablement. À tel point, d'ailleurs, qu'on finit par se poser la question : est-ce que finalement Neil Jordan n'est pas meilleur écrivain que cinéaste ? Le débat est ouvert…

Critiques Bifrost 40

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