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La Glace et le feu

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

L'Art de la guerre

[Critique commune à Fils du ciel, Lever du jour sur la montagne de fer, L'Empire du milieu, La Glace et le feu et L'Art de la guerre.]

Zhongguo. La Chine. Vaste pays qui fascine et effraie à la fois, y compris de nos jours. À juste titre, si l’on doit croire David Wingrove. Car en cette fin de XXIe siècle, le monde va connaître un bouleversement terrifiant. Sous la conduite de Zao Chun, un haut dignitaire, la Chine lance une attaque imparable contre le monde occidental. Premières visées, les bourses, centres névralgiques où tout se décide. L’assassinat du président des Etats-Unis d’Amérique et l’effondrement des marchés financiers sont le début d’une mécanique précise à l’efficacité redoutable. En quelques mois, l’Europe retourne au Moyen Age. En Angleterre, les gens vivent tant bien que mal dans des communautés refermées sur elles-mêmes. Sans nouvelle des autres pays. Mais tandis que les survivants reconstruisent patiemment un semblant de civilisation, l’ennemi approche. Son but : unifier le monde en une gigantesque cité construite de toutes pièces ; faire disparaître un passé de guerre et de divisions ; pacifier la planète. Mais à quel prix ?

Il est des œuvres portées par leur auteur envers et contre tout. Il est des histoires qui veulent exister jusqu’à leur dénouement. « Zhongguo » est de celles-là. David Wingrove est tenace. Cette série, qu’il défend depuis des années, a déjà été publiée dans les années 80. Mais devant le tassement des ventes, elle n’est pas vraiment arrivée au bout, l’auteur bricolant une fin, plutôt décevante, avant l’heure. Depuis 2011, grâce à un nouvel éditeur, l’aventure recommence. Et, ce qui n’avait pris « que » huit volets doit à présent s’épanouir en vingt romans dont l’architecture est déjà prévue, les titres annoncés.

Les deux premiers tomes, Fils du ciel et Lever du jour sur la montagne de fer, absents de la première mouture, racontent la transition entre notre monde et celui imaginé et voulu par Zao Chun. Les personnages, européens, nous servent de guide. En effet, proches de nous, ils sont la porte d’entrée d’une société codée selon des valeurs parfois bien éloignées des nôtres. C’est d’ailleurs un des problèmes de cette introduction. David Wingrove a voulu tenir par la main son lecteur, ne pas le plonger tout de suite dans un environnement résolument asiatique, aux règles inconnues, voire dérangeantes. Il a donc situé ces deux premiers romans en Angleterre, adoptant pour seul regard celui des Occidentaux victimes d’une attaque imprévue et cruelle. D’où une impression pour le lecteur que tout ce qui vient de l’Est est mauvais, les Chinois sont des monstres sans cœur, etc. Bref, une approche assez caricaturale. Une impression que la suite de la saga dissipe, et c’est tant mieux : dès L’Empire du milieu, traîtres et criminels se recrutent aussi bien chez les maîtres de la société que chez les Hongmao, les Occidentaux.

À partir de ce troisième tome, nous voilà donc sommes immergés dans les eaux troubles du pouvoir… Au XXIIe siècle, le monde est unifié. Tous les habitants (près de quarante milliards !) sont logés dans sept gigantesques cités. La paix semble régner. Mais les rancœurs et les jalousies sont à vif. Les Hongmao ruminent leur défaite et veulent renverser une société sclérosée où ils n’ont pas leur place. Et c’est parti pour des intrigues riches et parfois surprenantes, des complots, des haines, des passions et des trahisons. Tous les ingrédients d’une série nichée dans les hautes sphères sont déployés. Avec une érudition distillée sans ostentation, à bon escient, l’auteur révèle son univers par petites touches. Les personnages n’ont rien de coquilles vides : ils prennent corps, sont animés de sentiments puissants. David Wingrove est un artisan habile. Il connaît son affaire et sait multiplier les points de vue, les intrigues, les coups du sort pour donner du souffle à une saga qui en aura besoin (vingt volumes ! rappelons-le). Souhaitons-lui de trouver son public, d’aller au bout de son dénouement, de ne pas laisser, une fois encore, au bord de la route ceux qui auront cru en « Zhongguo ». Un pari que cette série mérite…

Même pas mort

Bellovèse, fils de Sacrovèse, fils de Belinos, devrait être mort. Jeté comme un jeune chien fou dans la guerre, il plonge au milieu des ennemis. Le corps transpercé de lances, il est considéré comme perdu. Mais il guérit miraculeusement. Chez les Celtes, à cette époque, pas question de se réjouir d’un tel prodige. Cet homme revenu d’entre les morts est un monstre puni par les dieux. Pour quel crime ? Il lui faudra le découvrir en allant interroger les puissantes et terrifiantes habitantes de l’île des Vieilles. Et comprendre ce qu’on attend de lui.

Ce livre, premier d’une trilogie (le chiffre trois est très important pour les Celtes), est le récit de la vie de Bellovèse. On y découvre un vieil homme, puissant et fier, qui revient sur son existence ; un parcours qui mérite d’être conté, et ce depuis l’enfance, quand il a perdu son père, tué par son oncle Ambigat. Rien de surprenant entre tribus rivales. Le jeune Bellovèse est élevé, avec son frère, par une mère consciente de son rang, resserrée sur sa haine et sa colère, pleine d’une violence légitime mais dévastatrice. Il est éduqué aussi par la forêt et ses habitants, des êtres magiques et cruels, sans tolérance aucune pour la naïveté des humains.

Car le monde que fait éclore Jean-Philippe Jaworski, ancré dans le concret, est empli des personnages fabuleux de l’imaginaire celte. Dans cette culture, la différence entre surnaturel et réel s’estompe sans cesse. Une légère brume, un marais, une île écartée… et on se retrouve aux prises avec des créatures effrayantes que seul un druide peut expliquer et, parfois, apaiser. Dire un mot de trop, aller trop loin dans les bois peut se révéler fatal. Le danger est présent partout, même, et surtout, parmi ses congénères. Les rapports sociaux sont extrêmement codifiés et, par rapport à notre vision actuelle de l’humain, d’une rare violence. La mort est banale, et souvent souhaitable car préférable au déshonneur.

Jean-Philippe Jaworski a abandonné pour un temps son Vieux Royaume, théâtre de Janua Vera, un recueil de nouvelles, et de Gagner la guerre, son premier roman (réédité à l’occasion de la sortie de Même par mort dans une luxueuse édition à couverture rigide). Se plongeant dans un monde qui le fascine depuis longtemps, il réussit le tour de force de faire vivre cette société disparue, revisitée et déformée au fil des générations, et redécouverte ces dernières années grâce aux progrès de l’archéologie. Il immerge son lecteur dans un bain acide, tant la vie est dure, les sentiments exacerbés ; fleuri également, tant la nature, décrite avec précision et amour, impose sa présence. Autre force de cet ouvrage : son exigence. Jean-Philippe Jaworski a la passion des mots. Il emploie le terme juste, même s’il est rare. À l’instar d’un artisan poète, il les choisit, les fait vibrer pour jouer de leur sonorité autant que de leur sens, comme un peintre, il file un motif inscrit dans la trame, mais sans rester linéaire dans sa narration. Les bonds dans le temps sont multiples et toujours justifiés. L’effet est puissant, l’immersion totale. Ce roman est riche et beau. Il ne faut pas passer à côté. Vraiment pas.

Chroniques des ombres

Suite à l’Apocalypse nucléaire, l’humanité survivante est regroupée dans des Cités Unifiées dotées de purificateurs d’air, reliées entre elles par des tubes sous-marins, comme c’est le cas de NyLoPa, qui réunit New-York, Londres et Paris, soit cent quatorze millions d’habitants. À l’extérieur, dans le pays horcite, des clans retournés à la barbarie survivent comme ils le peuvent. Outre la précarité, la misère et la violence, les cancers et malformations dus aux radiations diminuent fortement l’espérance de vie ; quelques individus ont acquis un pouvoir, de métamorphose ou de prescience. L’accès aux cités est impossible, l’absence de biopuce logée dans le cerveau de chaque citoyen des CU identifiant immédiatement les intrus. La sécurité omniprésente est assurée par une force de police traditionnelle et des fouineurs, super-agents dont la biopuce, équipée d’un logiciel connecté aux données numériques, dope les capacités d’analyse et de réflexion.

Ganesh Parvati, au nom et à la symbolique transparents, fouineur récemment nommé, est doté d’une puce de nouvelle génération, une IA à même de prendre le contrôle de son corps pour le sortir de situations mal engagées… Avec Théo, un vétéran, et Ava, une stagiaire, il enquête sur divers meurtres en série perpétrés par des assaillants invisibles dénommés les Ombres. La terreur causée a des répercussions politiques. Le territoire horcite est, quant à lui, menacé par les Cavaliers de l’Apocalypse, qui déciment chaque tribu, annonçant que la fin de l’humanité est proche. Naja, qui les a vus, suit Deux Lunes, un jeune guérisseur opposé à toute violence, dont la douceur et la compassion permettent de se tirer de bien des mauvais pas. En cours de route s’ajoute Josp, orphelin presque aveugle du fait de sa réclusion dans des grottes, qui a, par éclipses, un don de prescience bien utile pour prévenir certains dangers.

L’intrigue suit en alternance les deux groupes, autour desquels gravitent d’autres personnages, avec des péripéties dignes de thrillers d’espionnage pour l’un, plus aventureuses pour l’autre. Il s’agit de comprendre quel complot politique se trame derrière ces meurtres commis par centaines, et d’identifier la menace pesant sur l’humanité déjà au bord du gouffre. En auteur populaire confirmé, Bordage multiplie les rebondissements et les coups de théâtre, séparant ses personnages pour mieux leur permettre de se retrouver, dévoilant avec parcimonie mais régularité les éléments de son intrigue.

À l’origine, il s’agissait de relever un nouveau défi : écrire un feuilleton de trente-six épisodes à la manière des auteurs du XIXe siècle, ce que Bordage avait déjà réalisé avec Les Derniers hommes, la rédaction se poursuivant cette fois pendant la publication sous forme numérique. Une mise en danger réel-le puisque, pour raisons de santé, la série connut une brève interruption l’été dernier.

Aussi, on ne s’étonnera pas si l’intrigue progresse à travers les dialogues et si le décor semble par moments hâtivement esquissé. Mais c’est un choix clairement assumé, car le feuilleton était en outre proposé en version MP3 ainsi qu’en BD filmée, laquelle alterne, pas toujours de façon très heureuse, plusieurs styles de dessin, du classique au manga, visant clairement un public davantage adolescent. Il y a, feuilleton oblige, des facilités, un peu de mou en milieu de récit, mais ce ne sont que broutilles, vu le challenge. Dans la dernière partie, le texte retrouve davantage de densité et propose un finale réglé au cordeau. Avec un sens du rythme certain, Pierre Bordage se sort brillamment de l’exercice. Du grand art, populaire certes, mais pleinement abouti.

La Vague montante

[Critique commune à La Vague montante et Continent perdu.]

En réaction aux dérives autocratiques de son époque, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), propose dans sa philosophie que l’homme touche au bonheur en retrouvant « l’état de nature » de ses lointains ancêtres, car « ses premiers mouvements [ceux de la nature] sont toujours droits ». Un peu plus tard, dans Walden ou la vie dans les bois, l’Américain Henry David Thoreau (1817-1862) explore sa « révolte solitaire » en s’éloignant de la société du milieu du XIXe siècle, esclavagiste, et en s’installant donc dans « des bois ». Nous avons peut-être là les racines de la pensée écologique (si tant est qu’une telle pensée existe, ce dont on peut douter, tant il y a de courants dans l’écologie contemporaine, qui va du terrorisme mâtiné de deep ecology jusqu’aux partisans d’un nucléaire maîtrisé, surveillé, mais absolument nécessaire au progrès social).

En 1955, Marion Zimmer Bradley écrit le texte anti-écologique parfait (façon de parler), « La Vague montante », dans lequel des centaines d’années après le premier voyage interstellaire, l’humanité a régressé et vit en petites communautés agricoles (genre Amish, le poids religieux en moins). Une description frontale d’une Terre maoïste ayant totalement renoncé à l’industrie légère (les deux jambes du maoïsme sont la paysannerie et l’industrie légère), et au confort moderne qui va de pair. N’y allons pas par quatre chemins : aujourd’hui, à cause de sa naïveté politique, naïveté qui ne frôle pas l’idiotie mais se roule dedans, « La Vague montante » est un texte ridicule et, pour tout arranger, farci de détails techniques obsolètes qui amplifient son côté daté. Rien n’y tient debout, que ce soit l’intrigue, les personnages ou le monde décrit. Quant au style, c’est simple, il n’y en a aucun. Certains textes de Clifford D. Simak, dans la même veine, ont beaucoup mieux résisté au travail de sape du temps (et c’est sans doute ce qui sépare un grand écrivain d’un auteur médiocre). Texte probablement marquant en 1955, « La Vague montante » a quand même une qualité : nous montrer à quel point notre regard sur la problématique environnementale a changé en un peu plus d’un demi-siècle. Remontez le temps plus en amont, lisez plutôt Walden ou la vie dans les bois ou La Désobéissance civile de Thoreau.

On reste un peu dans la même veine « écologique » avec « Continent perdu » de Norman Spinrad, une novella de 1970 où de riches Africains viennent visiter les ruines des USA et notamment le métro de New York dans lequel on trouve encore, en état de marche, des machines à bonheur. « Continent perdu » a un peu le même défaut que Rêve de fer, les meilleures blagues sont les plus courtes, et une fois le postulat de dé-part énoncé, le texte patine un peu dans la semoule, mais il est si bien écrit (à défaut d’être bien rythmé) qu’on l’avale d’une traite avec un vrai plaisir. Paradis artificiels, racisme, pollution, devenir des sociétés modernes, ici celle de l’âge de l’espace, « Continent perdu » est un texte malin, riche et ambitieux. À l’exception de sa « machine à bonheur » très datée années 70, il aurait pu être écrit de nos jours. Une fois de plus, Norman Spinrad nous séduit par son espièglerie et son sens de la provocation « payante ».

Avec ses livres-objets agréables à lire, son choix de textes très divers, la collection « Dyschroniques » est une jolie entreprise à soutenir.

Continent perdu

[Critique commune à La Vague montante et Continent perdu.]

En réaction aux dérives autocratiques de son époque, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), propose dans sa philosophie que l’homme touche au bonheur en retrouvant « l’état de nature » de ses lointains ancêtres, car « ses premiers mouvements [ceux de la nature] sont toujours droits ». Un peu plus tard, dans Walden ou la vie dans les bois, l’Américain Henry David Thoreau (1817-1862) explore sa « révolte solitaire » en s’éloignant de la société du milieu du XIXe siècle, esclavagiste, et en s’installant donc dans « des bois ». Nous avons peut-être là les racines de la pensée écologique (si tant est qu’une telle pensée existe, ce dont on peut douter, tant il y a de courants dans l’écologie contemporaine, qui va du terrorisme mâtiné de deep ecology jusqu’aux partisans d’un nucléaire maîtrisé, surveillé, mais absolument nécessaire au progrès social).

En 1955, Marion Zimmer Bradley écrit le texte anti-écologique parfait (façon de parler), « La Vague montante », dans lequel des centaines d’années après le premier voyage interstellaire, l’humanité a régressé et vit en petites communautés agricoles (genre Amish, le poids religieux en moins). Une description frontale d’une Terre maoïste ayant totalement renoncé à l’industrie légère (les deux jambes du maoïsme sont la paysannerie et l’industrie légère), et au confort moderne qui va de pair. N’y allons pas par quatre chemins : aujourd’hui, à cause de sa naïveté politique, naïveté qui ne frôle pas l’idiotie mais se roule dedans, « La Vague montante » est un texte ridicule et, pour tout arranger, farci de détails techniques obsolètes qui amplifient son côté daté. Rien n’y tient debout, que ce soit l’intrigue, les personnages ou le monde décrit. Quant au style, c’est simple, il n’y en a aucun. Certains textes de Clifford D. Simak, dans la même veine, ont beaucoup mieux résisté au travail de sape du temps (et c’est sans doute ce qui sépare un grand écrivain d’un auteur médiocre). Texte probablement marquant en 1955, « La Vague montante » a quand même une qualité : nous montrer à quel point notre regard sur la problématique environnementale a changé en un peu plus d’un demi-siècle. Remontez le temps plus en amont, lisez plutôt Walden ou la vie dans les bois ou La Désobéissance civile de Thoreau.

On reste un peu dans la même veine « écologique » avec « Continent perdu » de Norman Spinrad, une novella de 1970 où de riches Africains viennent visiter les ruines des USA et notamment le métro de New York dans lequel on trouve encore, en état de marche, des machines à bonheur. « Continent perdu » a un peu le même défaut que Rêve de fer, les meilleures blagues sont les plus courtes, et une fois le postulat de dé-part énoncé, le texte patine un peu dans la semoule, mais il est si bien écrit (à défaut d’être bien rythmé) qu’on l’avale d’une traite avec un vrai plaisir. Paradis artificiels, racisme, pollution, devenir des sociétés modernes, ici celle de l’âge de l’espace, « Continent perdu » est un texte malin, riche et ambitieux. À l’exception de sa « machine à bonheur » très datée années 70, il aurait pu être écrit de nos jours. Une fois de plus, Norman Spinrad nous séduit par son espièglerie et son sens de la provocation « payante ».

Avec ses livres-objets agréables à lire, son choix de textes très divers, la collection « Dyschroniques » est une jolie entreprise à soutenir.

Cœurs de rouille

[Critique commune à Cœurs de rouille et Mordred.]

Très grièvement blessé, en quelque sorte crucifié à son lit de douleur, le jeune chevalier Mordred se souvient de son enfance, d’un sein dévoilé, de sa première bataille, de sa mère Morgause, de l’Aspic et de son oncle, Arthur.

Cela pourrait être le résumé du début, mais non, c’est bien le résumé du quatrième roman adulte de Justine Niogret (l’éditeur allant encore plus loin, puisqu’il raconte la fin en quatrième de couverture). Mordred par Niogret s’impose très vite comme un anti-Excalibur (John Boorman / Rospo Pallenberg - 1981). Toute la matière de Bretagne y est raclée jusqu’à l’os. Quant à la fin du paganisme et l’ascension du dieu unique, il n’en reste quasiment rien, une allusion ici ou là. Pareil pour la dimension (anti-)chrétienne du personnage de Mordred, traitée de façon oblique, avec forces allusions. Certes, l’auteur le surnomme Armageddon, mais pour mieux nier cette facette du héros qui ne semble pas l’intéresser.

L’Antigone de Jean Anouilh, en guerre contre son oncle Créon (Pétain, à peine grimé), fumait des cigarettes ; le Mordred de Justine Niogret (trop désireux d’exister aux yeux de son oncle/ père Arthur) lit des romans… Un anachronisme qui montre bien quel est le projet du livre : une exploration brutale, car dans l’agonie, des pires tourments de l’amour filial. Un sujet de littérature générale ? Oui, car en fin de compte l’auteur s’est débarrassé de toute la quincaillerie fantasy et n’en garde qu’une brume presque inutile. Chapitres relevant ni plus ni moins de la poésie en prose, d’autres faisant preuve d’une maîtrise littéraire peu commune (le prologue, la première bataille), ce Mordred chasse ses lecteurs sur les terres de Céline Minard (Bastard Battle), de John Gardner (Grendel), et de Pierre Pelot (C’est ainsi que les hommes vivent). On regrettera juste quelques phrases malheureuses, et une poignée de lourdes redites qui empêchent ce passionnant tour de force d’accéder au statut de chef-d’œuvre.

Complet changement d’univers et d’époque avec Cœurs de rouille : Saxe, un jeune ouvrier travaillant sur les golems, et Dresde, une au-tomate qui n’a connu que la richesse jusqu’à ce que son maître l’abandonne, s’associent pour quitter la cité. Bientôt un golem se lance à leurs trousses : Pue-la-Viande.

Cœurs de rouille est un roman qui laisse sans cesse dans l’expectative (même si on occulte sa forte ressemblance avec The Alchemy of Stone d’Ekaterina Sedia). D’abord par son positionnement en collection jeunesse ; on ne voit pas bien ce qu’il y aurait dans cet ouvrage — obscur, glauque, allusif, complexe — pour de jeunes lecteurs. Ensuite, par sa narration : tortueuse (volontairement ?), confuse. Et pour finir, ni Dresde ni Saxe ne sont attachants, en tout cas moins que Pue-La-Viande, leur traqueur, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Cœurs de rouille est une road-story dans les viscères hantés d’une cité steampunk, un livre qui ne permet pas à ses lecteurs de s’identifier à ses protagonistes, ce qui est pourtant le moteur central de la littérature jeunesse. Ce qui s’imposait comme des qualités dans Mordred — le ressassement permanent, un style puissant plein d’allusions, des descriptions très vite avortées — devient ici un frein à la lecture.

Malgré de beaux passages (dans le musée abandonné, notamment), de fines métaphores et de puissantes idées, Cœurs de rouille ne convainc pas : ses péripéties semblent forcées, ses décors ne se déploient jamais, ses enjeux restent trop obscurs. Voilà un diamant brut à la logique floue qui n’a pas été taillé, dont les lignes de forces n’ont pas été dégagées, un roman au style inadapté… et à son propos, et à la collection qui lui fait écrin.

Avec ces deux sorties concomitantes, Mordred / Cœurs de rouille, Justine Niogret continue de s’imposer comme un auteur terriblement attachant, mais tout autant inégal, avec une voix propre qui, pour le moment, ne s’est exprimée pleinement que dans le registre médiéval/historique.

Mordred

[Critique commune à Cœurs de rouille et Mordred.]

Très grièvement blessé, en quelque sorte crucifié à son lit de douleur, le jeune chevalier Mordred se souvient de son enfance, d’un sein dévoilé, de sa première bataille, de sa mère Morgause, de l’Aspic et de son oncle, Arthur.

Cela pourrait être le résumé du début, mais non, c’est bien le résumé du quatrième roman adulte de Justine Niogret (l’éditeur allant encore plus loin, puisqu’il raconte la fin en quatrième de couverture). Mordred par Niogret s’impose très vite comme un anti-Excalibur (John Boorman / Rospo Pallenberg - 1981). Toute la matière de Bretagne y est raclée jusqu’à l’os. Quant à la fin du paganisme et l’ascension du dieu unique, il n’en reste quasiment rien, une allusion ici ou là. Pareil pour la dimension (anti-)chrétienne du personnage de Mordred, traitée de façon oblique, avec forces allusions. Certes, l’auteur le surnomme Armageddon, mais pour mieux nier cette facette du héros qui ne semble pas l’intéresser.

L’Antigone de Jean Anouilh, en guerre contre son oncle Créon (Pétain, à peine grimé), fumait des cigarettes ; le Mordred de Justine Niogret (trop désireux d’exister aux yeux de son oncle/ père Arthur) lit des romans… Un anachronisme qui montre bien quel est le projet du livre : une exploration brutale, car dans l’agonie, des pires tourments de l’amour filial. Un sujet de littérature générale ? Oui, car en fin de compte l’auteur s’est débarrassé de toute la quincaillerie fantasy et n’en garde qu’une brume presque inutile. Chapitres relevant ni plus ni moins de la poésie en prose, d’autres faisant preuve d’une maîtrise littéraire peu commune (le prologue, la première bataille), ce Mordred chasse ses lecteurs sur les terres de Céline Minard (Bastard Battle), de John Gardner (Grendel), et de Pierre Pelot (C’est ainsi que les hommes vivent). On regrettera juste quelques phrases malheureuses, et une poignée de lourdes redites qui empêchent ce passionnant tour de force d’accéder au statut de chef-d’œuvre.

Complet changement d’univers et d’époque avec Cœurs de rouille : Saxe, un jeune ouvrier travaillant sur les golems, et Dresde, une au-tomate qui n’a connu que la richesse jusqu’à ce que son maître l’abandonne, s’associent pour quitter la cité. Bientôt un golem se lance à leurs trousses : Pue-la-Viande.

Cœurs de rouille est un roman qui laisse sans cesse dans l’expectative (même si on occulte sa forte ressemblance avec The Alchemy of Stone d’Ekaterina Sedia). D’abord par son positionnement en collection jeunesse ; on ne voit pas bien ce qu’il y aurait dans cet ouvrage — obscur, glauque, allusif, complexe — pour de jeunes lecteurs. Ensuite, par sa narration : tortueuse (volontairement ?), confuse. Et pour finir, ni Dresde ni Saxe ne sont attachants, en tout cas moins que Pue-La-Viande, leur traqueur, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Cœurs de rouille est une road-story dans les viscères hantés d’une cité steampunk, un livre qui ne permet pas à ses lecteurs de s’identifier à ses protagonistes, ce qui est pourtant le moteur central de la littérature jeunesse. Ce qui s’imposait comme des qualités dans Mordred — le ressassement permanent, un style puissant plein d’allusions, des descriptions très vite avortées — devient ici un frein à la lecture.

Malgré de beaux passages (dans le musée abandonné, notamment), de fines métaphores et de puissantes idées, Cœurs de rouille ne convainc pas : ses péripéties semblent forcées, ses décors ne se déploient jamais, ses enjeux restent trop obscurs. Voilà un diamant brut à la logique floue qui n’a pas été taillé, dont les lignes de forces n’ont pas été dégagées, un roman au style inadapté… et à son propos, et à la collection qui lui fait écrin.

Avec ces deux sorties concomitantes, Mordred / Cœurs de rouille, Justine Niogret continue de s’imposer comme un auteur terriblement attachant, mais tout autant inégal, avec une voix propre qui, pour le moment, ne s’est exprimée pleinement que dans le registre médiéval/historique.

Gigante - Au nom du père

[Critique commune à Au nom du père et Au nom du fils.]

Etrange concept éditorial que voici : un univers développé par deux auteurs, la planète Gigante, chacun de ces deux auteurs y plaçant son histoire, mais l’une destinée à un public adulte, signée par Pierre Bordage, l’autre, écrite par Alain Grousset, proposée dans la collection jeunesse des éditions l’Atalante (« Le Maedre »), et donc destinée à un lectorat plus adolescent. Etant entendu que les deux histoires sont liées, bien évidemment. Un compagnonnage étonnant, pour le moins, dont on se demande quel est l’enjeu. Réunir deux publics d’âge différents ? Mais auquel cas, pourquoi ne pas avoir fait une double exploitation de chacun des titres, à la fois en adulte et en jeunesse ?…

Gigante est une bizarrerie de l’espace. Pour Zaslo et Koeb, les destinées se croisent : le fils arrive avant le père, parti sans savoir que sa femme était enceinte. L’un veut tuer son géniteur tandis que l’autre rêve de grandeur et de découverte.

Pierre Bordage et Alain Grousset explorent donc Gigante, monde titanesque sur lequel deux parcours se confrontent. Pour ce planet opera, l’idée était de raconter l’histoire d’un père et de son fils selon un angle différent : l’histoire du père à l’auteur jeunesse ; celle du fils à l’adulte.

Hélas… Sans doute le cadre est-il trop vaste et les idées trop nombreuses pour les deux auteurs. Quelques lacunes sur l’environnement, des raccourcis plus pratiques que scénaristiques dans le récit d’Alain Grousset, un manque de profondeur de certains personnages (tant chez Bordage que chez Grousset)… autant d’éléments qui ternissent la lecture des deux volumes : on reste sur sa faim, des questions sans réponses plein la tête.

Pouvant se lire indépendamment et de façon interchangeable, « Gigante » se termine trop vite dans sa partie jeunesse, comme si Alain Grousset s’était retrouvé à court de temps ou de place pour finir. Si Au nom du fils manque de consistance et de caractérisation des personnages, l’univers en pâtit, et Au nom du père avec lui (la limite de l’exercice d’imbrication, en somme).

Malgré une idée intéressante et un ensemble non dénué d’intérêt, on demeure perplexe. Devant la qualité des livres, d’abord (surtout Au nom du fils, dispensable), mais aussi devant ce projet de véritables récits transversaux se répondant et s’explorant mutuellement. Un univers vaste, trop vaste sans doute, pour ces deux seuls volumes.

Gigante - Au nom du fils

[Critique commune à Au nom du père et Au nom du fils.]

Etrange concept éditorial que voici : un univers développé par deux auteurs, la planète Gigante, chacun de ces deux auteurs y plaçant son histoire, mais l’une destinée à un public adulte, signée par Pierre Bordage, l’autre, écrite par Alain Grousset, proposée dans la collection jeunesse des éditions l’Atalante (« Le Maedre »), et donc destinée à un lectorat plus adolescent. Etant entendu que les deux histoires sont liées, bien évidemment. Un compagnonnage étonnant, pour le moins, dont on se demande quel est l’enjeu. Réunir deux publics d’âge différents ? Mais auquel cas, pourquoi ne pas avoir fait une double exploitation de chacun des titres, à la fois en adulte et en jeunesse ?…

Gigante est une bizarrerie de l’espace. Pour Zaslo et Koeb, les destinées se croisent : le fils arrive avant le père, parti sans savoir que sa femme était enceinte. L’un veut tuer son géniteur tandis que l’autre rêve de grandeur et de découverte.

Pierre Bordage et Alain Grousset explorent donc Gigante, monde titanesque sur lequel deux parcours se confrontent. Pour ce planet opera, l’idée était de raconter l’histoire d’un père et de son fils selon un angle différent : l’histoire du père à l’auteur jeunesse ; celle du fils à l’adulte.

Hélas… Sans doute le cadre est-il trop vaste et les idées trop nombreuses pour les deux auteurs. Quelques lacunes sur l’environnement, des raccourcis plus pratiques que scénaristiques dans le récit d’Alain Grousset, un manque de profondeur de certains personnages (tant chez Bordage que chez Grousset)… autant d’éléments qui ternissent la lecture des deux volumes : on reste sur sa faim, des questions sans réponses plein la tête.

Pouvant se lire indépendamment et de façon interchangeable, « Gigante » se termine trop vite dans sa partie jeunesse, comme si Alain Grousset s’était retrouvé à court de temps ou de place pour finir. Si Au nom du fils manque de consistance et de caractérisation des personnages, l’univers en pâtit, et Au nom du père avec lui (la limite de l’exercice d’imbrication, en somme).

Malgré une idée intéressante et un ensemble non dénué d’intérêt, on demeure perplexe. Devant la qualité des livres, d’abord (surtout Au nom du fils, dispensable), mais aussi devant ce projet de véritables récits transversaux se répondant et s’explorant mutuellement. Un univers vaste, trop vaste sans doute, pour ces deux seuls volumes.

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