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Faire des sciences avec Star Wars

La science s’intéresse à l’espace. Ce n’est pas nouveau. Les lecteurs de l’Imaginaire aussi, beaucoup. Bifrost ne peut donc pas être indifférent à ces questions. Récemment, cet intérêt s’est manifesté dans deux petits livres, aussi intéressants que distrayants, auxquels a collaboré, avec quelques corédacteurs, notre collègue chroniqueur Roland Lehoucq. Astrophysicien féru d’Imaginaire au point d’être devenu le président des Utopiales, l’énorme Roland réfléchit à la plausibilité scientifique de Star Wars dans Faire des sciences avec Star Wars, et aux mystères du Paradoxe de Fermi, en compagnie de Mathieu Agelou, Gabriel Charon, Jean Duprat et Alexandre Delaigue, dans Où sont-ils ?

[Critique de Où sont-ils ? par ici.]

Sujet plus léger maintenant avec Faire des sciences avec Star Wars de Roland Lehoucq en solo. Le physicien y revient sur un sujet qu’il avait déjà abordé en 2005 : la plausibilité scientifique de Star Wars et les connaissances scientifiques qu’on peut transmettre en discutant des films. Chapitre après chapitre, Lehoucq balaie les éléments marquants de l’univers SW pour les soumettre à l’examen scientifique.

La Force, la mystérieuse source du pouvoir des Jedi, est la première passée au crible. L’occasion de discuter gravitation, champs, éther et vide quantique. Quant aux midichloriens qui la véhiculent, ils permettent de parler mitochondries, superorganismes, et LUCA (Last Universal Common Ancestor, dont il était déjà question dans Où sont-ils ?).

Quid du sabre-laser ? Presque impossible en version laser tant en raison de la chose en soi que de son alimentation en énergie, il pourrait être en fait un sabre-plasma, ce qui ne règle pas la question de la source d’énergie.

Les blasters de Star Wars, ces fameux pistolets dont le rayon lumineux se traîne et que Kylo Ren parvient même à arrêter, amènent Lehoucq sur la nature de la lumière et le prodige de son ralentissement dans un condensat de Bose-Einstein. Mais comment les Jedi font-ils sans condensat ? Mystère.

Et puis il y a les stations. L’Étoile de la mort : taille, masse, énergie. Lehoucq évalue tout. Le problème ici est encore l’énergie, plus de 10 38 joules pour faire exploser Alderande. Mis à part un trou noir captif, Lehoucq ne voit pas ce qui pourrait la fournir. On étudiera donc l’énergie des trous noirs et sa récolte. En théorie ok, mais compliqué en pratique.

Le problème est le même en pire pour la station Starkiller. Plus grosse, plus puissante, elle doit « siphonner » une étoile pour fonctionner. C’est cela, oui. Et comment dissiper l’énergie thermique ?

Les vaisseaux spatiaux et leur hyperespace. Si une telle chose devait exister, ce serait sous forme de bulle d’univers déformé. Problème : de telles bulles sont impossibles à contrôler. Ennuyeux pour ce qui se veut un moteur. Déformer l’espace, alors, en creusant un « tunnel » dans l’espace-temps ? Difficile sans matière exotique.

Le Landspeeder de Luke, un véhicule à anti-gravité ? Mais comment l’alimenter ? Et ne parlons même pas de la crédibilité des quadripodes impériaux ou de l’utilité pratique de robots sphériques.

Les planètes enfin sont passées en revue par Lehoucq. De Tatooine à Naboo en passant par Hoth, entre autres, Lehoucq tente de comprendre et d’expliquer les caractéristiques et la genèse des mondes merveilleux imaginés par George Lucas, « crédibles » en dépit de leurs défauts mineurs de plausibilité.

On conclut sur la difficulté centrale qui est l’énergie mobilisable par l’Empire, ce qui nous ramène à Kardashev.

Bilan : deux livres intéressants, enrichissants et distrayants, qui montrent que science et plaisir font bon ménage.

La Bibliothèque de Mount Char

La Bibliothèque de Mount Char est le premier roman de Scott Hawkins. Et, pour un coup d’essai, c’est un sacré coup de maître. Entre fantastique et horreur, LBDMC est un roman qui n’aurait pas dû fonctionner. Trop barré, trop violent, trop graphique, trop cruel, trop tortueux. Trop tout, en fait. Qu’on en juge !

Carolyn est une jeune femme qui vit dans la petite ville américaine de Garrisson Oaks. Elle y partage une maison avec onze autres jeunes adultes, adoptés comme elle il y a bien longtemps par « le Père ». Il les sauva d’une mort certaine, les conduisit dans la Bibliothèque, puis s’occupa d’eux, à sa manière. Par des années d’un entraînement impitoyable, il fit des douze orphelins des armes mortelles à son service. Mais aujourd’hui, le Père a disparu. Est-il mort ou vivant ? S’il est mort, qui l’a tué ? Et que vont faire ses ennemis de la place qu’il laisse vacante ? Ses « enfants » — chacun maître d’un domaine, du meurtre à la prédiction en passant par la résurrection ou l’interrogation des morts – vont devoir le découvrir.

Ça pourrait être un simple polar fantastique, bonifié par le rôle trouble d’une Carolyn qui est la seule des douze à sembler avoir un agenda propre. Ça fonctionnerait peut-être, et ça serait oubliable. Mais Hawkins, qui n’a ni limite, ni surmoi, rend son histoire inoubliable en tissant un récit proprement incroyable, aux dimensions mythiques et aux développements résolument pyrotechniques. Qui, ici, peut citer un autre roman dans lequel l’auteur a fait tenir entre deux couvertures : une échelle de temps se comptant en dizaine de milliers d’années, un ennemi antédiluvien, une apocalypse qui surviendra peut-être sous peu, un (ou deux) complot(s) s’étalant sur la longueur d’une vie, un garçon qui parle aux animaux, un tigre et un calmar ancestraux, deux lions père et fille aidant un humain contre molosses et morts-vivants, une vieille femme ressuscitée qui fait des pâtisseries, des punitions d’une telle cruauté qu’on doit parfois relire pour être sûr d’avoir bien lu, une légende vivante des forces spéciales US, un tueur quasi invincible, une fille qui ne ressuscite que pour mourir encore et encore, un Président des USA sous influence, des héros si déconnectés du réel qu’ils se sapent comme des clowns, des opérations de police à la bombe atomique, une pyramide clairement non-euclidienne, sans oublier, bien sûr, du guacamole.

Ça ne devrait pas tenir. Ça devrait sombrer dans le grand guignol ou le ridicule. Et pourtant, ça n’est jamais le cas, bien au contraire. Hawkins réussit le tour de force de lier tous ces éléments dans la trame d’une histoire aussi vive que captivante, d’en faire les facettes incontestables d’un récit cohérent, mystérieux, dur et caustique à la fois. Il capture son lecteur dès les premières lignes, et ne le lâche plus avant de l’avoir conduit à une conclusion aussi rassurante qu’inattendue. Épuisé, pantelant, le lecteur sort de LBDMC aussi époustouflé que ravi. De tels romans, on n’en lit pas tous les jours, on n’en lit même pas tous les ans.

American War

« La seconde guerre de Sécession a eu lieu entre 2074 et 2093, opposant l’Union aux États séparatistes du Mississippi, de l’Alabama, de la Géorgie et de la Caroline du Sud (ainsi que du Texas, avant l’annexion mexicaine). La cause principale de cette guerre était la résistance du Sud à l’Amendement pour un futur durable, visant à prohiber l’utilisation d’énergie fossile aux États-Unis. » (p. 37) Les énergies fossiles à la place de la ségrégation, en somme, pour postulat de cette nouvelle guerre de Sécession… postulat qui nécessitera, même chez le plus motivé des lecteurs, une dose de « suspension d’incrédulité » assez soutenue. Pour le reste…

Dans soixante ans. Le climat a achevé de mettre à bas le monde tel qu’on le connaît, à grands coups d’ouragans et de montée des eaux, dessinant une géographie inédite en même temps qu’une géopolitique nouvelle émerge : la vieille Europe n’est plus que l’ombre d’elle-même ; l’Union russe fait ce qu’elle peut ; l’Empire Bouazizi, né du cinquième printemps arabe et réunissant sous sa bannière unique les actuelles nations du Maghreb et de l’Orient, fait figure d’Eldorado et s’échine à foutre le bordel aux quatre coins du monde, histoire d’assurer sa suprématie – un monde qui n’a pas besoin de ça –, les États-Unis sont la Syrie d’aujourd’hui, balkanisés, déchirés, en ruine, et bientôt ravagés par une peste qui fera cent millions de morts… American War est un récit de politique fiction. Omar El Akkad, grand reporter d’origine égyptienne, nationalisé américain, pratique dans ce qui est ici son premier roman, cette science-fiction de l’inversion, du pas de côté, du changement de point de vue. Il explore un demain hypothétique pour nous parler d’aujourd’hui.

« Si jamais tu vas n’importe où sur cette côte – disons, à la Nouvelle Alger –, tu verras s’approcher des tas de petits bateaux miteux en provenance d’Europe. Des bateaux pleins de migrants des vieux pays de l’Union, en quête de vies meilleures. Voilà ce que c’est, un empire : un centre de gravité, un soleil autour duquel tournent toutes les choses faibles. »

American War est le récit d’une trajectoire familiale. Celle de Sarat Chestnut, celle de ses parents, et celle de sa descendance, au sein de cette Amérique future déchirée. C’est une histoire d’amour, puis de haine, de manipulation, de résistance et, in fine, de terrorisme. C’est un récit d’apprentissage. L’apprentissage de l’horreur et de ce qui grossi en son sein – à commencer par l’idée de vengeance. Les questions qui le traversent sont celles du monde d’aujourd’hui : le terrorisme, ses origines et ses mécanismes, les populations déplacées, le droit d’ingérence, les conséquences des changements climatiques, etc. Le monde d’aujourd’hui, on l’a dit, mis en perspective dans un hypothétique demain proprement effrayant pour nous, Occidentaux privilégiés et protégés (jusqu’à quand ?), mais qui est déjà un aujourd’hui on ne peut plus concret pour toute une partie du monde… Un roman politique, donc, mais aussi un roman qui se lit d’une traite, porté par l’appétit de vie de ses protagonistes (quand bien même on émettra quelques doutes sur certains choix de traductions – le passé composé, c’est casse-gueule) et un personnage central, Sarat Chestnut, proprement ébouriffant.

Au final, Omar El Akkad signe ici un premier roman saisissant, une politique-fiction implacable dont la réussite définit elle-même la limite : il faut avoir envie de s’immerger dans pareille horreur. Qui franchit le pas déroulera les 450 pages d’un seul tenant ou presque, pas de doute, pour en ressortir ébranlé jusque dans l’intime. N’est-ce pas là le propre de la littérature, et tout particulièrement celle de science-fiction ?

Sous le soleil de cendres

En ce XXIIIe siècle, l’humanité semble avoir enfin trouvé un équilibre. Ainsi, après les guerres et catastrophes climatiques du Siècle Noir ayant failli la conduire à l’annihilation, est née l’Instance, une société stable, pacifiée, plus égalitaire et respectueuse de l’environnement. Pour la majorité de ses habitants, du moins. Afin de résoudre les conflits et autres survivances d’un passé violent, un corps d’élite a vu le jour, celui des Enquêteurs. Lyla Tran-Dinh est l’une d’entre eux. Particulièrement efficace, parce que précise dans son travail et dotée d’une intuition hors pair. Appelée en Haute-Occitanie, dans la charmante ville de Teixat, elle va devoir faire appel à tous ses talents pour trouver le responsable de quatre meurtres, évènement rarissime depuis l’avènement de l’Instance. Sans parler de l’apparition d’un mystérieux soleil de cendres, cause de perturbations violentes, aussi bien au niveau climatique que dans les esprits de chacun. Ses recherches vont la mener loin, très loin. Jusqu’à remettre en cause les bases mêmes de son éducation, les fondations de ce monde pourtant si juste, si droit.

Sous le soleil de cendres aurait dû faire partir d’un cycle romanesque initié par Jean-Marc Ligny, «  Les Voies de l’utopie ». Le projet, dont Lyla devait être le personnage central, n’a pas abouti. Ce roman paraît donc de façon tout à fait indépendante, et signe de fait le retour du couple Belmas après les trois volumes du cycle des « Terres mortes », paru chez trois (micro)éditeurs différents sur près d’une quinzaine d’années (un recueil, deux romans), et Mars Heretica (roman paru en 2002 chez les défuntes éditions Imaginaires sans Frontières). Et c’est une chance, car Claire et Robert Belmas ont rendu une copie de qualité. Le récit se divise en trois grandes parties. L’enquête, d’abord, essentielle pour permettre au lecteur de se familiariser avec l’héroïne et les principaux protagonistes, mais aussi avec cet univers présenté comme idyllique. La deuxième étape, plus brutale, plus cruelle, conduit Lyla à découvrir la face cachée de l’Instance : le sort réservé aux parias, incapables de respecter les normes, de contenir leurs pulsions destructrices. Enfin, le dernier mouvement, plein d’actions et de rebondissements, qui clôt l’ensemble.

Certaines scènes, surtout sur la fin, sont parfois convenues. Et si certains personnages s’avèrent un poil stéréotypés (à l’image de Van Zern, la grosse brute bodybuildée, ou Axel, victime (trop) vite devenue bourreau), d’autres déploient en revanche une profondeur tantôt touchante (Gert et ses emportements), tantôt inquiétante, détestable ou appréciable. De plus le paysage, une entité en soi, est joliment décrit et compense la faiblesse de certains protagonistes : l’Orri, l’Himalaya des zones grises et ses pentes vertigineuses marquent le lecteur par leur noirceur. De fait, l’ensemble est convaincant : tant les postulats de base de cette société que les questions en découlant. Est-il possible de maintenir un groupe de femmes et d’hommes dans une communauté sur un pied d’égalité ? Tous les individus peuvent-ils se contenter d’une vie raisonnable sans céder à la démesure, à une volonté de s’affirmer comme plus fort, plus méritant que les autres ? Et, sur un autre plan, est-il possible de revenir à la normalité quand on a franchi le miroir, quand on a vu et réellement appréhendé la noirceur de certains esprits ? Autant d’interrogations qui traversent un récit somme toute bien mené, agréable à lire et poussant le curseur finalement au-delà de la simple lecture « de distraction ». Bref, un retour convaincant pour le couple Belmas.

On est bien seul dans l’Univers

Avec plus de soixante ans de carrière, Philippe Curval est un des géants français de la SF. Il publie toujours, pour notre bonheur, des romans : Juste à temps en 2013 ou, en 2016, un récit en partie autobiographique, Les Nuits de l’aviateur (tous chez La Volte, éditeur fidèle s’il en est). Mais les nouvelles sont plus rares. Aussi, la parution de ce fort volume de vingt-et-un textes, plus toujours disponibles, dont un inédit, est une chance à ne pas laisser passer pour l’amateur. Simon Bréan ouvre le bal avec une préface savante, mais abordable et pertinente. Le fidèle et précieux anthologiste, Richard Comballot, le clôt dans une brève postface expliquant ses choix. Sans oublier un court texte de l’auteur intitulé « Écrire » : deux pages remplies d’enseignements sur les techniques de Philippe Curval et son rapport à l’écriture.

On est bien seul dans l’univers nous offre un panorama, sinon complet, du moins très vaste (de 1975 à nos jours) et très riche de la dimension nouvelliste de l’auteur : les thèmes qui lui sont chers, mais aussi son goût pour la forme, la belle phrase. Car Philippe Curval est un écrivain à part entière, soucieux, non seulement de la conduite d’un récit, mais aussi de la manière de nous entrainer dans ses rêveries. Convaincu que les mots importent par leur sens mais aussi par leurs sonorités, il se régale d’allitérations et d’assonances, créant ainsi un univers sonore propice à la plongée narrative. Il hypnotise, en quelque sorte, son lecteur et l’embarque dans un monde où les sens sont mis à contribution, exacerbés.

La vue, par exemple, est questionnée dans « Un voyage objectif » par l’intermédiaire de la photographie (avec le petit parfum suranné des pellicules photo et de leur développement). Mais aussi quand Decroux, le personnage central de « Regarde, fiston, s’il n’y a pas un extraterrestre derrière la bouteille de vin », se trouve obligé de flirter avec le coma éthylique pour voir et donc dialoguer avec un être venu d’une autre planète (au passage, dans cette nouvelle à la version initiale datant de 1975, Betamax et magnétoscopes sont devenus DVD et lecteur-graveur). L’odorat, le toucher et le goût, surtout, sont à la base des relations avec les autres, humains ou extraterrestres : l’œil est impuissant à réellement les comprendre. Il faut plutôt les sentir, les effleurer, les goûter, voire les ingérer. Ainsi seulement, on peut entrer en communication avec ses semblables ou de parfaits étrangers, comme l’expérimentent Phil Wagner dans« Le Sourire du chauve » ou le narrateur de « La Nécropole enracinée ».

D’où l’importance de la sexualité dans l’œuvre de Curval. Le corps est parole, le corps est lien avec l’autre. «  Parlez-moi d’amour » sublime les fantasmes jusqu’à la mort, tandis que les relations sexuelles sont sources de tensions meurtrières parce que limitées dans le temps pour les protagonistes de« Passion sous les tropiques ». Quant aux narrateurs de « L’Arc tendu du désir » et de « L’Enfant-sexe », aimer implique se donner entièrement, pleinement, totalement.

Mais se limiter à cet aspect charnel serait oublier bien des richesses chez un auteur curieux de découvertes, curieux de l’autre sous toutes ses formes. Le rapport au temps, par exemple, traverse plusieurs nouvelles. Tandis que « L’Homme qui s’arrêta » l’utilise comme simple dimension, « Perdre son temps » et « Au tirage et au grattage » interrogent sur la relation à la mort, le côté fini de l’existence, le désir d’immortalité. Et « Deathbook » et « Debout, les morts ! Le train fantôme entre en gare » envisagent même, de manière différente, la vie après la mort : que devenons-nous ? Pouvons-nous encore communiquer (toujours ce lien à l’autre) avec les vivants ?

Aux connaisseurs de l’œuvre de Philippe Curval, ce gros recueil sera une piqûre de rappel bienvenue. Aux autres, passés à côté, On est bien seul dans l’univers s’impose comme une nécessité, tant cet auteur offre une palette colorée, odorante, sensuelle, en un mot, enthousiasmante.

2312

Dans trois cents ans, l’humanité aura domestiqué le système solaire. Certaines planètes (Mars) seront terraformées, d’autres (Mercure) seront habitées de façon atypique : une ville mobile glissant sur des rails pour échapper à la fournaise du soleil. Pour se déplacer entre ces mondes ? Rien de plus simple : des astéroïdes forés, transformés en terrariums, vous permettent de vous occuper pendant le voyage – paysage arctique, savane, mais aussi vaste lupanar offrant des expériences sexuelles débridées. Vous trouverez votre bonheur dans la diversité de ces vaisseaux de pierre. Quant à l’apparence physique, faites votre choix. Vous êtes un homme, mais ce sexe ne vous convient pas tout à fait ? Aucun problème ! Devenez une femme, ou faites-vous greffer des organes des deux sexes. Votre corps est un champ d’expérimentation à part entière, dont vous pourrez qui plus est profiter longtemps : l’espérance de vie se compte en siècles.

Un tableau en apparence idyllique. Mais à l’équilibre soudain remis en question : un meurtre a été commis. Alex n’est pas réellement morte d’une maladie, comme on le prétendait. Et les conséquences de cette découverte prennent des proportions gigantesques, incalculables. Est-ce un complot à une échelle insoupçonnée ? Swan veut comprendre pourquoi sa parente a disparu ainsi… et se lance donc à la poursuite d’indices à travers le système solaire, sautant de monde en monde.

Kim Stanley Robinson est connu pour la qualité de ses recherches, pour la précision des mondes imaginés, pour la pertinence de ses réflexions sur notre avenir : bouleversements climatiques dus à l’homme, envol pour l’espace. Le « Cycle de Mars » a marqué, par sa richesse et sa puissance évocatrice, nombre de lecteurs. C’est dire l’attente créée par 2312, présenté comme son grand œuvre, et qui paraît chez nous six ans après son dernier bouquin, Le Rêve de Galilée. C’est dire la déception devant ce pavé indigeste. Mais que lui a-t-il donc pris ? Si l’univers décrit est enivrant, si certains passages nous projettent avec force sur Mercure ou sur une Terre en perdition, le roman en lui-même est une torture, tant le rythme est bancal, voire inexistant. Une série de scènes, même enchanteresses, ne fait pas un livre. Il faut un souffle, ou, au minimum, une histoire. Et Kim Stanley Robinson semble se moquer totalement de son propre récit. Il met toute sa force dans le portrait de son monde, mais oublie la narration. Et avec elle ses personnages : Swan, malgré son exubérance, laisse totalement froid. Tout comme le Titanien Wahram ou l’inspectrice Jean Genette. Et les pauses insérées entre les chapitres, telles les listes à la Dos Passos, ne font que rajouter à cette impression de grand fourre-tout.

Le résultat est une sensation d’immense gâchis. On aurait tant aimé pouvoir se laisser embarquer dans cette évocation d’un avenir si pensée, si maitrisée. On peut toujours piocher quelques passages magiques, trouver quelques sujets de réflexion sur la direction prise par nos gouvernants et nous-mêmes. Mais se lancer dans la lecture in extenso de 2312, franchement, non.

Le Sultan des nuages

Dans ce lointain futur, des consortiums privés régissant les transports spatiaux ont colonisé le système solaire. Malgré la chaleur et l’atmosphère acide, l’humanité prospère sur Vénus à bord de villes flottantes positionnées à une idéale distance de la surface. Plusieurs milliers d’entre elles appartiennent au même empire industriel de Nordwald-Gruenbaum, fruit de l’association de deux familles qui avaient trouvé dans le mariage le moyen d’empêcher une concurrence néfaste à leurs intérêts. C’est la raison pour laquelle l’actuel descendant, encore adolescent, Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, ne jouira de son héritage que s’il se marie, perspective qui suscite les convoitises des autres familles.

Répondant à une invitation de sa part, Léa Hamakawa, belle et froide écologiste de retour d’une mission sur Mars, et David Tinkerman, le technicien et pilote secrètement amoureux d’elle qui l’accompagne, ignorent tout de ces obligations, de même qu’ils méconnaissent les us et coutumes de cette société qui s’est développée à l’écart du reste du système solaire. Personne ne s’empresse non plus de les en informer, pas plus que Carlos ne daigne expliquer à Léa pourquoi il s’intéresse à la terraformation, inenvisageable sur le sol vénusien. C’est du reste la principale question qui intéresse les cités libres, peu désireuses de tomber sous la domination de la puissante famille.

Les dômes et les minarets donnent à la ville une coloration orientale, mais ce qui fascine surtout sont les aspects de cette société aérienne. Il est évident que Geoffrey A. Landis, spécialiste à la NASA de l’exploration de Mars et Vénus, et des technologies qui lui sont liées, notamment dans le photovoltaïque, a soigné les détails de son univers. On assiste ainsi à une sortie en kayak qui se déplace au milieu des nuages comme un surf sur les vagues.

En comparaison, l’intrigue a un côté naïf et désuet, qui rappelle les récits de Jack Vance pour la présentation de cultures exotiques, ou les intrigues de Poul Anderson menées au pas de charge. Le ton alerte et l’absence de temps mort détournent d’ailleurs l’attention de quelques problèmes de crédibilité, comme l’absence de guerres, impensables en raison de la fragilité de l’habitat, alors même que des intrigues de palais et des projets hors normes les justifieraient. Il est également difficile de croire que les visiteurs soient à ce point ignorants et indifférents de la société vénusienne (c’est par ennui, lors du voyage, que David entreprend de lire une histoire de la colonisation de la planète) et que personne ne les informe de ce à quoi ils s’engagent en raison de cette méconnaissance des usages. Cette petite réserve n’impacte nullement l’ouvrage, par ailleurs lauréat du prix Sturgeon 2011, mais fait simplement regretter que la brillance et l’originalité des idées n’ait pas été davantage développé.

Est-il besoin d’encore signaler que les couvertures d’Aurélien Police sont de toute beauté ? Non, mais il convient de signaler qu’elles contribuent grandement à l’identité de la collection « Une heure-lumière ».

Interférences

Briddey, employée dans une firme de smartphones, va bénéficier avant ses fiançailles avec Trent, séduisant cadre de la boîte, d’une AEC, intervention cérébrale permettant à chacun d’éprouver les émotions de l’autre. Au sein de l’entreprise, seul C.B. Schwartz, génial bricoleur au style négligé, original bougon peu apprécié de ses collègues, relégué au sous-sol de l’entreprise, où les portables ne passent pas, lui déconseille cette opération. Sa pesante et omniprésente famille s’y oppose également, car elle espérait un mariage avec un Irlandais, mais Briddey passe outre.

Évidemment, rien ne se déroule comme prévu : Trent, impatient de réaliser cette communion d’esprit, s’inquiète de ne rien ressentir, tandis que Briddey, paniquée, découvre qu’elle est en contact avec un autre, qui plus est par un lien télépathique. C’est le début d’une réaction en chaîne qui fera d’elle le réceptacle des pensées de tout le monde, au risque de la folie, si elle n’apprend pas à se protéger de cette invasion mentale, laquelle ne serait pas liée à l’AEC proprement dite…

Dès le départ, le ton est donné : il s’agit d’une comédie proche du théâtre de boulevard, qui accumule les interruptions et les quiproquos pour dynamiser une intrigue sans épaisseur. De fait, elle repose sur les dissimulations qui deviennent mensonges, anodins à l’origine, mais finissent par créer des situations intenables. L’ambiance survoltée qui domine le récit s’appuie dès lors sur un sentiment d’urgence le plus souvent factice, proprement épuisant.

Les intrigues basées sur des pouvoirs psi, surtout télépathiques, en vogue dans les années 40 et 60, avec notamment la psionique campbellienne, étaient tombées en désuétude en science-fiction. Aussi, cherchant à dominer son sujet pour mieux le justifier, Connie Willis effectue un tour d’horizon de cas limites, depuis les voix qu’entendent les mystiques et les malades mentaux jusqu’aux expériences de laboratoire comme celles de Rhine. Ce faisant, elle ne le renouvelle en rien. Pis, elle ne tient pas compte des avancées en neurosciences et cognition sur les processus de la pensée, préférant s’en tenir à une conception simpliste de la télépathie, proche d’un échange téléphonique (allô, je te réveille ? t’es où ?), qui assoit définitivement son roman dans le registre du divertissement.

Le roman est bien sûr une critique de la société de communication qui enferme tout un chacun dans une sphère électronique saturée d’e-mails et de SMS ne laissant aucun instant de répit, prélude à l’enfer ultime que serait l’implant « télépathique ». La conclusion selon laquelle il n’est pas souhaitable de lire dans l’esprit de son entourage ne surprendra personne. Reste qu’évoquer l’ensemble des conséquences indésirables à la faveur d’intrigues intimistes ne contribue pas à sauver un roman excessivement bavard. Si les longueurs dont Connie Willis est coutumière favorisent, dans ses récits de voyage temporel, l’immersion dans la période historique considérée, elles se révèlent pesantes dans un cadre contemporain qui multiplie, comme un clin d’œil au lectorat visé, les références à des stars du show-biz et de la télé-réalité.

Qu’on se rassure : Connie Willis n’a rien perdu de son sens de la narration ; elle sait mieux que personne transformer une scène banale en véritable page-turner. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le roman soit un jour adapté en téléfilm diffusé pour les fêtes de fin d’année. Mais ce savoir-faire ne peut rien face au choix d’un sujet aussi galvaudé et à son traitement dans le cadre d’une comédie romantique.

L'Exégèse T2

[Critique du premier volume par ici.]

Il y a, un peu avant la moitié de l’ouvrage, un émouvant passage, où Philip K. Dick imagine qu’il questionne Dieu sur ses visions de février-mars 74. Dieu lui dit qu’il est l’infini : tous les raisonnements que l’auteur pourra jamais élaborer ne déboucheront sur rien qu’une pensée saurait enfermer. Chaque proposition de thèse et antithèse se solde par la même réponse : « Me voici ; voici l’infini. » De régressions en nouveaux échafaudages, à chaque illumination, patiemment, Dieu réplique à l’identique. Il le met au défi : « Chaque pensée conduit à l’infini, n’est-ce pas ? Trouves-en une qui n’y conduise pas. »

Rien n’est plus poignant que ces pages où Dick, qu’on suppose infiniment malheureux, s’obstine et recommence sans aboutir à un résultat. Voilà six ans et demi qu’il livre cette formidable bataille intellectuelle, croyant une nuit trouver une solution puis s’apercevant le lendemain qu’un élément de l’hypothèse ne correspond pas. Toute L’Exégèse est traversée d’exclamations comme « j’y suis, j’ai compris, ça y est, c’est évident, c’est extraordinaire, j’en suis convaincu, pas étonnant que, dire que je ne m’en étais pas encore rendu compte », litanie accompagnée d’un retentissant « cette fois ! », qui n’est jamais définitif.

Il s’agit, réellement, d’une tragédie, soit la victoire du destin sur la volonté, dont l’essence est selon lui la collision de deux absolus. Dick repart malgré tout à l’assaut, car il ne trouve intellectuellement aucune satisfaction. Il convoque Heidegger et le Bardo Thödol à la suite des philosophes et des gnoses qu’il a déjà interrogés, y mêle hardiment les présocratiques et le tao de la physique, constructions d’improbables théories traversées d’éclairs de génie, étayées de fulgurantes intuitions sur la réalité comme champ unifié, sur la perception de l’univers comme système d’information, où matière et esprit seraient les facettes d’un seul et même objet, hasardeux bricolages de vacillants édifices conceptuels à la borgésienne profusion. Ils n’en soulignent pas moins l’immensité de sa culture, l’ampleur de la tâche et la douleur métaphysique qui la provoque : « Seul de mon espèce, j’ai choisi de devenir fou en affrontant la souffrance au lieu de la nier. » Car il a, par éclipses, conscience de son désordre mental, avouant qu’il s’agit d’un choix assumé, l’irrationnel étant la seule voie possible pour penser un univers où la causalité n’est qu’illusion.

Il obtient malgré tout, on l’a dit, des réponses partielles, et parvient même à une conclusion en creux, l’aporie de sa démarche devenant la preuve qui la justifie : « Le but véritable de cette exégèse n’est pas de trouver la réponse mais de consigner l’expérience  », celle qui l’a ébranlé dans son être et mis en branle l’extravagant projet : «la quête a autant de valeur que le but de la quête ; la quête est la vie dynamique de l’esprit. (…) J’apprends donc je suis », écrit-il au terme de près de huit mille feuillets. Et c’est au final cette obstination, avec ce qu’elle suppose d’abnégation et de souffrance, qui le restaure dans sa dignité d’homme ; l’héroïsme est la seule attitude permettant de l’emporter sur le tragique.

Cette radicalité est aussi éthique quand Dick refuse la confortable avance d’Hollywood pour rédiger ou autoriser une novélisation de Blade Runner, qui supposait aussi le retrait des« Androïdes rêvent-ils de moutons électriques » à son sens plus chargé de Vérité, afin de pouvoir écrire à la place son dernier opus dicté par l’urgence, malgré un misérable à-valoir. Il voyait dans le « matérialisme pessimiste » le Mal absolu, générateur du tort fait à la vie, dont il voulait racheter l’humanité, expiant dans le même temps les crimes qu’il se reproche, le scarabée torturé dans l’enfance ou le rat qu’il a mal tué, en léguant au monde cette Exégèse qu’il voyait comme un troisième testament.

Sa lecture est passionnante mais exigeante. Elle est aussi éprouvante, à vouloir suivre la superposition aberrante de constructions intellectuelles et leur interprétation sans cesse mouvante, mais elle reste une aventure intellectuelle aussi brillante que roborative.

Aussi, ce n’est pas sans compassion qu’on voit Dick, terrassé par la lassitude, reconnaître n’être arrivé à rien au terme de vingt ans de réflexion, puis écrire à nouveau, quelques jours avant son décès : «Bien. Recommençons de zéro pour la milliardième fois. »

Lui qui se voyait Prométhée n’aura été que Sisyphe. Un semblant de sérénité apparaît cependant dans le dernier quart, le sentiment de n’avoir pas accompli ces efforts en vain. Aussi peut-on conclure avec Camus : «  Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

Pour ce que cette somme lui a coûté, on réserve à Dick admiration et tendresse.

Certains ont disparu et d'autres sont tombés

Joël Lane (1962-2013) est un auteur peu connu par chez nous – deux nouvelles et un article traduits, article qui plus est paru dans Phénix, une revue belge (et réduite à l’état de webzine depuis longtemps)… Il n’en est pas moins un écrivain reconnu par ses pairs, poète et critique, auteur de deux seuls romans mais de quelques deux cents nouvelles, lauréat d’un prix World Fantasy et de deux British Fantasy. Jean-Daniel Brèque, qui n’est pas seulement le traducteur, mais le compilateur de ce recueil, dit que ses connaissances appréciaient son intelligence, sa sincérité, sa générosité et son intégrité, qualités qu’on retrouve dans cette trentaine de nouvelles.

On y relève un sens certain du macabre et de l’horreur urbaine. Il est indéniable que l’auteur écrit en direction des opprimés et des défavorisés, ceux dont on n’entend jamais la voix. Ce n’est pas seulement l’ère de Margaret Thatcher qu’il met en scène, mais celle, bien contemporaine, de l’Angleterre des friches industrielles abandonnées, des licenciements, des enfants des rues et des hôpitaux sans moyens ( « Pour leurs propres fins »).

Les symboles jouent un grand rôle dans ces récits, ils suffisent à donner une coloration fantastique ou mythologique avec des versions contemporaines de Moloch ou du Minotaure. Symbole d’enfants imprudents, les papillons de nuit se précipitant dans la bouche d’un jeune homme ( « D’autres sont tombés »), mutilations volontaires, cicatrices des ailes d’un ange (« Albert Ross ») ou marques de reconnaissance de gens à la dérive, coupures de rasoir contre brûlures de cigarettes, qui voient dans la scarification «autant de raisons que de cicatrices » et dans la peau «le lieu où se rejoignent monde intérieur et monde extérieur » ( « La Dernière Galerie »).

La souffrance est omniprésente, essentiellement psychologique, causée par des disparitions tragiques génératrices de fantômes, mais surtout par un mal de vivre faite d’errances et de rencontres sans lendemain, d’addictions multiples, alcool notamment, vodka souvent, drogue également, avec son pourcentage de prostitution, de délinquance et d’avilissement, qui expriment une lassitude de la vie, la désespérance sur fond de crise économique. La cruauté n’est plus l’apanage des créatures fantastiques, comme l’exprime si justement un des derniers vampires : «La nuit n’est plus à nous, la nuit c’est vous » ( « Derrière le rideau »). De même, quand un nécrophage assumé apprend que sa collègue de bureau s’est suicidée en raison de la pression au travail, il observe que lui, au moins, ne se nourrit pas de vivants. Le Moloch contemporain est la grande machine broyant les ouvriers nus qui, sur fond de fermetures d’usine, lui vouent à présent un culte («  Réveil dans Moloch »). Image forte de ce grignotage des chairs humaines, les antigens, créatures récurrentes qui arrachent aux plus faibles l’organe, poumon, foie, qui les emportera ( « Sans Esprit : toujours la dépression »). Les policiers plusieurs fois mis en scène ne sont pas des redresseurs de torts mais les témoins de la nécrose urbaine. « Certains ont disparu » indique clairement la cause de ce marasme : «  Le contraire de l’amour, c’est l’indifférence. » Souvent, le suicide est la porte de sortie que choisissent ceux qui ne savent comment lutter (« Un Chant d’hiver »).

Joël Lane est un auteur engagé dont les récits sordides sont autant de dénonciations d’une société sans âme ni dignité, seule responsable des cruautés et des drames qu’elle suscite chez les plus fragiles. On trouve, derrière ce lot de misères humaines, de la tendresse et de poignantes étreintes, comme ce marin qui retrouve, pour une nuit, son amant disparu en mer. Si l’auteur n’a jamais caché son homosexualité, comme en témoignent nombre de récits, il met en scène avec la même subtilité et une égale justesse tous ses personnages, un talent qui est d’abord la preuve de sa grande humanité. Des titres comme « Le Dernier Cri », « Ma voix déjà se meurt » illustrent son désir d’offrir sa plume à tous les déshérités.

C’est une plume riche, par la densité du récit et la concision de la phrase. La narration est parfois âpre, jamais dénuée de poésie, même si cette grande qualité d’écriture est volontiers mise au service d’un récit aussi efficace et brutal que la colère qu’il exprime. Il faut remercier Jean-Daniel Brèque qui a su, à travers ce recueil, faire entendre la voix de cet auteur disparu pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Chapeau bas — et un accessit spécial au (micro)éditeur Deampress. com, auprès duquel on commandera directement le présent ouvrage sur son site internet, faute de le trouver en librairie

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