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Futurs foutraques

[Critique commune à Étranges enfances et Futurs foutraques]

Bien que l’œuvre de Sylvie Denis se compose pour une bonne part de nouvelles, Jardins virtuels et Pèlerinage restent ses seuls recueils papier. En 2014, les éditions ActuSF ont toutefois proposé deux mini-recueils numériques – faute de mieux.

La majeure part d’Étranges enfances est occupée par « La Nuit des grenouilles », une novella aventureuse que n’aurait pas reniée Jack Vance. Sur une planète lointaine, une chasseuse de prime se retrouve plongée dans une affaire impliquant de protéger deux orphelins d’une race de grenouilles géantes humanoïdes ayant commis ce qui, là-bas (et comme partout ailleurs), est considéré comme un acte tabou. Que vaut la loyauté ? D’autant plus que celle de l’humain affecté à la protection des orphelins tient à un implant ?« La Mort de l’ange (Féerie pour un Noël technologique) » emprunte les atours du conte et de la pièce de théâtre («  avec un metteur en scène particulièrement bavard ») : autour d’un carrefour surplombé par la statue d’un ange, de nombreux personnages qui semblent tout droit tirés d’un coffre à jouets, vont se croiser et se recroiser. La situation est grave, l’ennemi est aux frontières, mais d’étranges légendes courent au sujet de cette statue… La longévité d’une histoire dépend peut-être de sa postérité : dans « Peter Pan ne meurt jamais », différentes incarnations du garçon mythique se rencontrent dans la chambre d’un jeune garçon. Un récit à la conclusion cruelle. Dans un futur où tout est virtuel et sous contrôle, « Les Clefs du paradis » (nouvelle issue du Bifrost n° 52) se situent peut-être dans un terrain vague, où les enfants peuvent s’ébattre et se défouler à leur gré. Mais ce paradis reste tel tant qu’il est secret. Au bout du compte, Étranges enfances propose quatre nouvelles de qualité.

Axé SF, Futurs foutraques s’avère plus inégal. Le recueil commence fort avec « L’Aventure de la cité ultime » (récit paru dans le numéro 24 de Bifrost), novelette qui voit Sherlock Holmes et le docteur Watson téléportés sur la Lune, dans un futur distant de dix mille ans. Si les habitants de Lutopia ont besoin du célèbre détective, c’est pour une bonne raison : plusieurs femmes ont été assassinées, acte impensable dans cette société croyant avoir éradiqué la violence… Un excellent pastiche. Un brin anecdotique, le seul texte inédit du recueil, « Les Voies de l’amour », suit les pas de deux amoureux dans un avenir où l’humanité a envahi tout le système solaire. Reste-t-il encore un endroit inédit où aller ? Tombe aussi à plat « Spéléo. com » : dans ce récit, le nec plus ultra est désormais de vivre différentes expériences mais en réalité virtuelle, avec un système de points à la clé. Lorsque l’exploration hyperréaliste d’un gouffre se passe mal pour deux spéléologues, comment faire pour sortir de la simulation… sans perdre les points durement accumulés ? Enfin, « Ma grand-mère et les extraterrestres » commence lorsque les aliens arrivent, quelques heures après le décès de la grand-mère du narrateur – quel dommage, elle qui rêvait tant aux étoiles. Le narrateur va tâcher de parlementer avec les ET… mais rebooter la réalité suffira-t-il ? Une réjouissante pochade.

Cet ensemble choisi de textes confirme le talent de nouvelliste de notre autrice. Aussi, vu le tarif de l’octet, le lecteur équipé d’une liseuse aurait tort de se priver de ces deux recueils.

Étranges Enfances

[Critique commune à Étranges enfances et Futurs foutraques]

Bien que l’œuvre de Sylvie Denis se compose pour une bonne part de nouvelles, Jardins virtuels et Pèlerinage restent ses seuls recueils papier. En 2014, les éditions ActuSF ont toutefois proposé deux mini-recueils numériques – faute de mieux.

La majeure part d’Étranges enfances est occupée par « La Nuit des grenouilles », une novella aventureuse que n’aurait pas reniée Jack Vance. Sur une planète lointaine, une chasseuse de prime se retrouve plongée dans une affaire impliquant de protéger deux orphelins d’une race de grenouilles géantes humanoïdes ayant commis ce qui, là-bas (et comme partout ailleurs), est considéré comme un acte tabou. Que vaut la loyauté ? D’autant plus que celle de l’humain affecté à la protection des orphelins tient à un implant ?« La Mort de l’ange (Féerie pour un Noël technologique) » emprunte les atours du conte et de la pièce de théâtre («  avec un metteur en scène particulièrement bavard ») : autour d’un carrefour surplombé par la statue d’un ange, de nombreux personnages qui semblent tout droit tirés d’un coffre à jouets, vont se croiser et se recroiser. La situation est grave, l’ennemi est aux frontières, mais d’étranges légendes courent au sujet de cette statue… La longévité d’une histoire dépend peut-être de sa postérité : dans « Peter Pan ne meurt jamais », différentes incarnations du garçon mythique se rencontrent dans la chambre d’un jeune garçon. Un récit à la conclusion cruelle. Dans un futur où tout est virtuel et sous contrôle, « Les Clefs du paradis » (nouvelle issue du Bifrost n° 52) se situent peut-être dans un terrain vague, où les enfants peuvent s’ébattre et se défouler à leur gré. Mais ce paradis reste tel tant qu’il est secret. Au bout du compte, Étranges enfances propose quatre nouvelles de qualité.

Axé SF, Futurs foutraques s’avère plus inégal. Le recueil commence fort avec « L’Aventure de la cité ultime » (récit paru dans le numéro 24 de Bifrost), novelette qui voit Sherlock Holmes et le docteur Watson téléportés sur la Lune, dans un futur distant de dix mille ans. Si les habitants de Lutopia ont besoin du célèbre détective, c’est pour une bonne raison : plusieurs femmes ont été assassinées, acte impensable dans cette société croyant avoir éradiqué la violence… Un excellent pastiche. Un brin anecdotique, le seul texte inédit du recueil, « Les Voies de l’amour », suit les pas de deux amoureux dans un avenir où l’humanité a envahi tout le système solaire. Reste-t-il encore un endroit inédit où aller ? Tombe aussi à plat « Spéléo. com » : dans ce récit, le nec plus ultra est désormais de vivre différentes expériences mais en réalité virtuelle, avec un système de points à la clé. Lorsque l’exploration hyperréaliste d’un gouffre se passe mal pour deux spéléologues, comment faire pour sortir de la simulation… sans perdre les points durement accumulés ? Enfin, « Ma grand-mère et les extraterrestres » commence lorsque les aliens arrivent, quelques heures après le décès de la grand-mère du narrateur – quel dommage, elle qui rêvait tant aux étoiles. Le narrateur va tâcher de parlementer avec les ET… mais rebooter la réalité suffira-t-il ? Une réjouissante pochade.

Cet ensemble choisi de textes confirme le talent de nouvelliste de notre autrice. Aussi, vu le tarif de l’octet, le lecteur équipé d’une liseuse aurait tort de se priver de ces deux recueils.

Pèlerinage

Pèlerinage réunit cinq nouvelles, appartenant pour l’essentiel à la SF, avec des incursions dans d’autres terres de l’Imaginaire ainsi que l’univers de la pop-culture…

« Adrénochrome » agrège ainsi SF et fantasy. L’autrice y imagine l’apparition sur le dancefloor d’une boîte de nuit parisienne d’«  anges de quinze centimètres [qui] jouent au croquet ». Ce sont ce que l’on appelle des « Éleks ». Les uns tiennent ces créatures pour des effets secondaires et hallucinatoires de systèmes informatiques d’un avant-gardisme tout cyberpunk. Mais d’autres croient voir dans ces Éleks les représentants d’un autre monde. Une énigme que Jérémy, D.J. de son état, s’efforcera de percer dans cette nouvelle ajoutant à ses ingrédients fictionnels une touche à la Lewis Caroll…

De musique électronique et autre surgeon futuriste du rock’ n’roll, il est encore question dans « Le Zombie du frère ». Si le motif du mort-vivant annoncé par son titre n’y est présent que de manière métaphorique, cette nouvelle n’en est pas moins teintée d’horreur. D’inspiration scientifique, celle-ci tient autant à la façon dont Zahn (le protagoniste) a été conçu, qu’à la technologie spectaculaire – au sens premier du terme – dont il est malgré lui le cobaye. Sorte de déclinaison cyber de David Bowie, Zahn en possède la flamboyance pyrotechnique à la Ziggy Stardust et le tragique dandyesque façon The Thin White Duke.

Si « La Dame du Wisconsin » dépeint un avenir aussi inquiétant – où le dérèglement climatique a généré un chaos destructeur –, cette nouvelle n’a pas la gravité de la précédente. Ce récit est empreint d’un humour fantaisiste encore plus marqué que dans « Adrénochrome ». Et son évocation d’une étrange vieillarde devenue l’attraction quotidienne d’un salon de thé dans une Royan postapocalyptique amuse in fine plus qu’elle n’effraie.

La SF est aussi présente dans « Pèlerinage », une nouvelle qui parut en son temps dans Bifrost. Il n’est cependant plus question ici de l’anticipation des nouvelles précédentes, mais plutôt d’une échappée vers les lointaines contrées du planet opera. «  Pèlerinage » met ainsi en scène une planète essentiellement sylvestre, récemment colonisée par une humanité devenue maîtresse des voyages interstellaires. Celles et ceux qui s’y sont installés y cohabitent lointainement avec les « L’muls », un peuple extraterrestre et insectoïde ayant bâti un empire immense. Certains des humains et des aliens ont cependant développé des liens privilégiés, tels Tommy (le jeune fils d’Anne Marshall, docteure de son état) et Khan, un L’mul solitaire. D’abord amicale, cette rencontre du troisième type se muera en relation thaumaturge après que Tommy aura été empoisonné par la nature parfois bien peu hospitalière de la planète.

Enfin, « Le Ventre de la mer » est le seul de ces récits à ne pas relever de la SF. S’inscrivant dans le registre de la nouvelle à chute, l’histoire d’Émilie, fillette dont le frère immunodéficient est un « enfant-bulle », forme un bel exemple de conte fantastico-horrifique. Travaillant par ailleurs de manière troublante les motifs de l’engendrement et de la parentalité, « Le Ventre de la mer » souligne définitivement l’importance pour Sylvie Denis de ce thème. Courant à travers l’ensemble du recueil, cette vision rien moins qu’angélique des rapports familiaux constitue sans doute le trait le plus remarquable de l’univers protéiforme de Pèlerinage. Un recueil qui, de manière plus classique, use encore de l’Imaginaire pour interroger la question du rapport à l’autre ou bien des dangers d’une science sans conscience.

Phénix futur

[Critique commune à Les Îles dans le ciel et Phénix futur]

Pendant toute la décennie 2000, la collection « Autres mondes » des éditions Mango a proposé à ses jeunes lecteurs du « rêve et de la réflexion », comme l’indique la note d’intention présente en couverture, au travers de récits signés par la crème des auteurs francophones d’Imaginaire : Jean-Pierre Andrevon, Fabrice Colin, Johan Heliot, Christophe Lambert, Xavier Mauméjean… et donc Sylvie Denis, où notre autrice a publié deux romans.

Le premier, Les Îles dans le ciel, se déroule dans un avenir lointain. Grâce au voyage spatial dimensionnel, l’humanité a essaimé dans la Galaxie. Suite à un accident de parcours, des colons se sont installés sur Nuées, une planète au sol inhabitable, brûlant et balayé par les tempêtes, et dotée de nuages constitués d’un mélange de vapeur d’eau et d’une mousse extraterrestre, assez solides pour que l’on puisse y vivre. Des siècles plus tard, les habitants de Nuées n’ont plus guère de souvenirs de leurs origines. Au gré des vents, les nuages tracent leur route dans les cieux, chacun abritant sa propre société. Les résidents du Cygne mènent une vie paisible, jusqu’au jour où un groupe d’ados amateurs de cabrioles aériennes découvrent deux choses : une moisissure semble ronger l’intérieur du nuage, et un intrus se dissimule dans ses cavernes. Ce jeune homme vient de la Perle noire, un nuage où règne une impitoyable dictature… et dont la rencontre avec le Cygne est prévue dans peu de temps. Que faire du fuyard ? Roman d’aventure au rythme trop débonnaire, Les Îles dans le ciel n’exploite pas toutes les possibilités de son décor, et laisse hélas certains éléments en suspens. On peut supposer qu’une suite était envisagée mais en l’état, ce roman demeure l’unique volume du « Peuple du Cygne ». Dommage.

Phénix futur, le second roman de Sylvie Denis paru dans « Autres mondes », nous ramène sur Terre, dans les années 2030. On y suit les pas de Mirilh, un ado vivant dans la tranquille cité des Tournesols. Avec son ami T’Cha, il découvre d’étranges volatiles chez leur voisine, Madame Raymond. Ce sont là des Oiseaux Génétiquement Modifiés, destinés à des combats clandestins. L’un de ces oiseaux, avec son plumage rose, attire l’attention des ados : Mirilh le dérobe et l’adopte. Lorsque les Raymond, et notamment leur fils, Jordi, graine de caïd, se mettent en quête du volatile disparu, ça chauffe pour Mirilh… Cela, sans parler de l’étrange plante qui pousse dans un recoin de la cité. Si Phénix futur décrit avec justesse les amitiés à géométrie variable de ses protagonistes adolescents et questionne les dérives des manipulations génétiques, le roman reste plus léger sur tout le reste, et l’intrigue, rattrapée par les limites du format de la collection, se conclut bien trop vite, transformant l’étrange oiseau en rien de plus qu’un pigeon voyageur science-fictionnel. Dommage encore.

Après ce roman, la collection « Autres mondes » publiera encore deux autres titres avant de s’arrêter en septembre 2010. Dommage, toujours.

Erwann Perchoc

Les Îles dans le ciel

[Critique commune à Les Îles dans le ciel et Phénix futur]

Pendant toute la décennie 2000, la collection « Autres mondes » des éditions Mango a proposé à ses jeunes lecteurs du « rêve et de la réflexion », comme l’indique la note d’intention présente en couverture, au travers de récits signés par la crème des auteurs francophones d’Imaginaire : Jean-Pierre Andrevon, Fabrice Colin, Johan Heliot, Christophe Lambert, Xavier Mauméjean… et donc Sylvie Denis, où notre autrice a publié deux romans.

Le premier, Les Îles dans le ciel, se déroule dans un avenir lointain. Grâce au voyage spatial dimensionnel, l’humanité a essaimé dans la Galaxie. Suite à un accident de parcours, des colons se sont installés sur Nuées, une planète au sol inhabitable, brûlant et balayé par les tempêtes, et dotée de nuages constitués d’un mélange de vapeur d’eau et d’une mousse extraterrestre, assez solides pour que l’on puisse y vivre. Des siècles plus tard, les habitants de Nuées n’ont plus guère de souvenirs de leurs origines. Au gré des vents, les nuages tracent leur route dans les cieux, chacun abritant sa propre société. Les résidents du Cygne mènent une vie paisible, jusqu’au jour où un groupe d’ados amateurs de cabrioles aériennes découvrent deux choses : une moisissure semble ronger l’intérieur du nuage, et un intrus se dissimule dans ses cavernes. Ce jeune homme vient de la Perle noire, un nuage où règne une impitoyable dictature… et dont la rencontre avec le Cygne est prévue dans peu de temps. Que faire du fuyard ? Roman d’aventure au rythme trop débonnaire, Les Îles dans le ciel n’exploite pas toutes les possibilités de son décor, et laisse hélas certains éléments en suspens. On peut supposer qu’une suite était envisagée mais en l’état, ce roman demeure l’unique volume du « Peuple du Cygne ». Dommage.

Phénix futur, le second roman de Sylvie Denis paru dans « Autres mondes », nous ramène sur Terre, dans les années 2030. On y suit les pas de Mirilh, un ado vivant dans la tranquille cité des Tournesols. Avec son ami T’Cha, il découvre d’étranges volatiles chez leur voisine, Madame Raymond. Ce sont là des Oiseaux Génétiquement Modifiés, destinés à des combats clandestins. L’un de ces oiseaux, avec son plumage rose, attire l’attention des ados : Mirilh le dérobe et l’adopte. Lorsque les Raymond, et notamment leur fils, Jordi, graine de caïd, se mettent en quête du volatile disparu, ça chauffe pour Mirilh… Cela, sans parler de l’étrange plante qui pousse dans un recoin de la cité. Si Phénix futur décrit avec justesse les amitiés à géométrie variable de ses protagonistes adolescents et questionne les dérives des manipulations génétiques, le roman reste plus léger sur tout le reste, et l’intrigue, rattrapée par les limites du format de la collection, se conclut bien trop vite, transformant l’étrange oiseau en rien de plus qu’un pigeon voyageur science-fictionnel. Dommage encore.

Après ce roman, la collection « Autres mondes » publiera encore deux autres titres avant de s’arrêter en septembre 2010. Dommage, toujours.

Erwann Perchoc

L'Empire du sommeil

[Critique commune à La Saison des singes et L’Empire du sommeil]

Même si La Saison des singes et L’Empire du sommeil ont été écrits avec cinq ans d’écart, mieux vaut les lire d’une traite, et donc aborder ces deux tomes comme un tout de près de 900 pages. À l’origine de La Saison des singes, il y a une novella,« Avant Champollion », parue dans l’anthologie Escales sur l’horizon et décrivant une société religieuse où le froid et l’hiver sont inconnus et où le climat change doucement. Le diptyque oscille donc entre le planet opera partant du décor d’« Avant Champollion », où des naufragés vont reconstituer une société préspatiale dogmatique tout en se confrontant à la population arboricole autochtone, et un space opera où d’immenses vaisseaux spatiaux et deux conceptions des sociétés humaines (la Charte et les cartels) se livrent à une partie de cache-cache galactique. Le point commun entre ces deux réalités est le fameux naufrage : celui de l’ Abondant, vaisseau conscient ou plus exactement « grand modifié » victime d’un détournement par une terroriste échappée des cartels, Kiris T. Kiris.

À travers ces deux mondes, Sylvie Denis construit une histoire s’étendant sur des millénaires en abordant des thèmes comme la conscience de soi, le libre arbitre (des hommes mais aussi des machines, avec la Langouste et ses polytechs rebelles), l’opposition entre religion et science, l’altérité et une multitude d’autres sujets devenus des classiques du space opera depuis Ursula Le Guin et Iain M. Banks. Denis y apporte sa touche propre, passant délicatement sous le tapis ou à coups de « nanon » et de « voyage transdimensionnel » les problèmes techniques les plus insolubles pour se concentrer sur les personnages et leurs évolutions. Et il est vrai que certains d’entre eux, à l’image de la famille Malavel, Alesha, la fameuse Langouste ou Gabriel Burke, sont particulièrement réussis. Mais l’histoire souffre d’un problème de rythme flagrant. Sur le premier tome du diptyque, La Saison des singes, l’alternance entre la vie sur la planète et la vie dans l’espace est trop peu fréquente, d’autant que la première apparition des vaisseaux arrive comme un cheveu sur la soupe après la première partie alors que, chronologiquement, elle se déroule des siècles avant. Le lecteur, entraîné dans un planet opera aux frontières de la science-fiction et de la fantasy, se retrouve basculé avec de nouveaux personnages dans un space opera au tiers du roman pour, une fois qu’il commence à en comprendre les codes, repartir sur la planète vers une fin en forme de cliffhanger. La résolution n’arrivera que dans le second volume, L’Empire du sommeil, qui souffre de l’effet inverse. Chaque chapitre, extrêmement court, passe d’un bout à l’autre de la galaxie. De nouveaux personnages sont introduits et de nouvelles problématiques abordées (sans être réellement résolues, comme la surpopulation des cartels). Tout va très vite, à en donner le tournis, pour être sûr de conclure une histoire peut-être trop ambitieuse pour le format – quitte à en bâcler certains aspects. Dommage, les personnages méritaient mieux.

La Saison des singes

[Critique commune à La Saison des singes et L’Empire du sommeil]

Même si La Saison des singes et L’Empire du sommeil ont été écrits avec cinq ans d’écart, mieux vaut les lire d’une traite, et donc aborder ces deux tomes comme un tout de près de 900 pages. À l’origine de La Saison des singes, il y a une novella,« Avant Champollion », parue dans l’anthologie Escales sur l’horizon et décrivant une société religieuse où le froid et l’hiver sont inconnus et où le climat change doucement. Le diptyque oscille donc entre le planet opera partant du décor d’« Avant Champollion », où des naufragés vont reconstituer une société préspatiale dogmatique tout en se confrontant à la population arboricole autochtone, et un space opera où d’immenses vaisseaux spatiaux et deux conceptions des sociétés humaines (la Charte et les cartels) se livrent à une partie de cache-cache galactique. Le point commun entre ces deux réalités est le fameux naufrage : celui de l’ Abondant, vaisseau conscient ou plus exactement « grand modifié » victime d’un détournement par une terroriste échappée des cartels, Kiris T. Kiris.

À travers ces deux mondes, Sylvie Denis construit une histoire s’étendant sur des millénaires en abordant des thèmes comme la conscience de soi, le libre arbitre (des hommes mais aussi des machines, avec la Langouste et ses polytechs rebelles), l’opposition entre religion et science, l’altérité et une multitude d’autres sujets devenus des classiques du space opera depuis Ursula Le Guin et Iain M. Banks. Denis y apporte sa touche propre, passant délicatement sous le tapis ou à coups de « nanon » et de « voyage transdimensionnel » les problèmes techniques les plus insolubles pour se concentrer sur les personnages et leurs évolutions. Et il est vrai que certains d’entre eux, à l’image de la famille Malavel, Alesha, la fameuse Langouste ou Gabriel Burke, sont particulièrement réussis. Mais l’histoire souffre d’un problème de rythme flagrant. Sur le premier tome du diptyque, La Saison des singes, l’alternance entre la vie sur la planète et la vie dans l’espace est trop peu fréquente, d’autant que la première apparition des vaisseaux arrive comme un cheveu sur la soupe après la première partie alors que, chronologiquement, elle se déroule des siècles avant. Le lecteur, entraîné dans un planet opera aux frontières de la science-fiction et de la fantasy, se retrouve basculé avec de nouveaux personnages dans un space opera au tiers du roman pour, une fois qu’il commence à en comprendre les codes, repartir sur la planète vers une fin en forme de cliffhanger. La résolution n’arrivera que dans le second volume, L’Empire du sommeil, qui souffre de l’effet inverse. Chaque chapitre, extrêmement court, passe d’un bout à l’autre de la galaxie. De nouveaux personnages sont introduits et de nouvelles problématiques abordées (sans être réellement résolues, comme la surpopulation des cartels). Tout va très vite, à en donner le tournis, pour être sûr de conclure une histoire peut-être trop ambitieuse pour le format – quitte à en bâcler certains aspects. Dommage, les personnages méritaient mieux.

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