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Les critiques de Bifrost

Mars la verte

Mars la verte

Kim Stanley ROBINSON
POCKET
832pp - 11,70 €

Bifrost n° 32

Critique parue en octobre 2003 dans Bifrost n° 32

Le premier tome (coupé en deux dans son édition poche) de la trilogie martienne de Kim Stanley Robinson s'achevait sur un constat d'échec : la Terre, soucieuse de maintenir son emprise sur les colons martiens, a détruit l'ascenseur spatial et livré une guerre courte, mais meurtrière. À présent que les Cent Premiers, divisés, suivent des chemins différents, certains entrant en clandestinité, les enfants de la seconde et de la troisième génération occupent de plus en plus souvent le devant de la scène. Ce n'est pas un hasard si le personnage de Nirgal, adolescent martien découvrant progressivement son monde, ouvre le récit.

La terraformation est entrée dans une nouvelle phase : les lichens et les algues capables de survivre dans des environnements extrêmes envahissent progressivement le paysage. Plusieurs programmes d'enrichissement et de réchauffement de l'atmosphère coexistent : comètes détournées et précipitées sur Mars, loupes géantes en orbite amplifiant les rayons du soleil, cocktails chimiques extraits du sous-sol et répandus dans l'atmosphère, etc., certains risquant d'ailleurs de saturer l'air en CO2.

Mais les opposants à la terraformation demeurent actifs, de même que les transnationales terriennes : William Fort, puissant fondateur de la Praxis, envoie comme ambassadeur Art Randolph négocier avec les clandestins afin de leur offrir des services qui permettront à sa société de s'implanter sur Mars et de rafler les marchés du futur. La Terre, exsangue et polluée, toujours plus pressée de bénéficier de nouvelles ressources, réprime sévèrement, par le biais des transnationales, les rêves d'indépendance de Mars.

Dix parties de longueur inégale structurent ce livre, présentant successivement les événements fondamentaux de cette période de la colonisation, vus à travers les yeux d'autant de personnages clé ; la multiplicité des points de vue permet de mieux apprécier la diversité des opinions qui s'expriment à propos de la terraformation de Mars sans qu'il soit toujours aisé de prendre parti : l'obstination d'Ann Clayborne pour la préservation de l'écologie martienne devient un entêtement passéiste face aux réflexions de Sax Russel, partisan d'une transformation raisonnée, à l'opposé des objectifs économiques d'une Phyllis Boyle.

Les problèmes individuels et humains donnent à ce récit touffu la dimension émotionnelle nécessaire pour suivre des événements de cette ampleur. Et c'est avec passion qu'on dévore cet épais roman dense, rigoureux, intelligent et profondément humain.

Claude ECKEN

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