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Les critiques de Bifrost

Variations sur l'histoire de l'humanité

Variations sur l'histoire de l'humanité

COLLECTIF, COLLECTIF
VILLE BRÛLE (LA)
256pp - 25,00 €

Bifrost n° 93

Critique parue en janvier 2019 dans Bifrost n° 93

En quatorze textes choisis et commentés par autant de scientifiques et auteurs, Variations sur l’histoire de l’humanité propose un arc de réflexion sur l’origine et le devenir de l’humain, allant de la tradition à la spéculation en passant par la raison. Cet ouvrage collectif, préfacé avec enthousiasme par Yves Coppens, se décline en quatre grands chapitres : les variations mythologiques, fondatrices, modernes et libres. Jean-Loïc Le Quellec dresse un arbre phylogénétique des mythes des origines, et on relira le mythe de Prométhée ou celui du Golem dans la Kabbale. La seconde partie consiste en une relecture critique de trois textes fondateurs de Lamarck, Darwin et Boule. Les contributeurs modernes s’appliquent à montrer que les sciences de l’homme sont conscientes d’elles-mêmes et de leurs origines, et n’hésitent pas à écorner leurs idoles. La troisième partie est consacrée aux études modernes à travers un choix de textes très pédagogique. On y trouve notamment le très beau « Race et culture » de Claude Levi-Strauss, « La mal-mesure de l’homme » dans lequel Stephen Jay Gould règle son compte à la sociobiologie, et une mise à jour des connaissances sur l’hérédité par Luca et Francesco Cavalli-Sforza. Les commentaires constituent évidemment la valeur ajoutée du recueil. Si le troisième chapitre est le plus technique, la qualité de l’accompagnement rend l’ensemble très abordable et passionnant.

Enfin, les variations libres s’ouvrent à l’imagination débridée des auteurs de fiction. Quatre textes sont proposés. « L’Ours » de William Faulkner (1940) peine à défendre sa place dans le livre. « Les Animaux dénaturés » de Vercors (1952), à l’inverse, est un texte séduisant et plein d’humour qui reprend l’idée de la Controverse de Valladolid et décrit le procès qui doit décider si une nouvelle espèce primitive mais bien vivante découverte par des paléontologues en Nouvelle-Guinée se verra attribuer le statut d’humain ou de bête. Les arguments des deux bords fusent et la chute est délicieusement grinçante. Je suis moins enthousiaste sur le troisième texte, «  Humanité et demi » de T.J. Bass (1971), proposé par Laurent Genefort. Tiré du roman du même nom, il livre une dystopie totale où en 2350, toute espèce autre que l’humanité a disparu, celle-ci est réduite à l’état de fourmilière dirigée par un ordinateur, et la surface de la Terre est entièrement couverte de champs de céréales subvenant aux besoins alimentaires de base de trois mille milliards de posthumains. Pour moi, ce genre de SF ne sert pas à penser l’avenir, juste à booster les ventes d’antidépresseurs. Avec le dernier texte, «  L’Appel de la nébuleuse » de Claude Ecken (2002), sélectionné par Roland Lehoucq, on touche au sublime. Ecken livre un superbe texte de hard SF, à la Stephen Baxter, qui est à la fois poétique, scientifique et prophétique. Une mission scientifique terrestre voyage jusqu’à une nébuleuse, espérant en vain y découvrir une vie naissante. La désillusion s’accompagnera d’un sentiment de solitude sidérale, et mènera à une décision radicale. Jouant sur l’hypothèse panspermique, Ecken imagine que la vie a besoin d’un petit coup de pouce pour émerger. Un texte brillant qui avait été publié dans Bifrost n°31.

FEYD RAUTHA

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