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Les critiques de Bifrost

Tous les oiseaux du ciel

Tous les oiseaux du ciel

Charlie Jane ANDERS
J'AI LU
21,00 €

Bifrost n° 92

Critique parue en octobre 2018 dans Bifrost n° 92

À l’âge de six ans, Patricia Delfine découvre, en sauvant un moineau blessé, qu’elle sait parler la langue des oiseaux, ce qui fait d’elle une sorcière. Conduite devant le Parlement des Oiseaux, elle échoue à répondre à l’énigme posée par l’assemblée. Son don lui confère un lien particulier avec les éléments naturels, même si elle est trop jeune pour le comprendre et le contrôler. Laurence Armstead est un geek surdoué. À partir de plans récupérés sur internet, il fabrique une montre à voyager dans le temps de deux secondes, un objet précieux à plus d’un titre. Les deux secondes gagnées lui permettent d’échapper aux pièges tendus par les autres enfants. Le fait d’avoir réussi à fabriquer cette montre lui offre la perspective d’intégrer le MIT (Massachussets Institute of Technology). Adolescents, Patricia et Laurence n’ont rien en commun, à part leur décalage avec la norme et une famille dysfonctionnelle. Leur marginalisation au sein de l’école qu’ils fréquentent les amène pourtant à se lier d’amitié. Une amitié bancale, mais qui les aide à survivre, à grandir et à se construire jusqu’à ce que leurs chemins se séparent, assez vite d’ailleurs. Lorsqu’ils se croisent à nouveau, une dizaine d’année plus tard, ils ont pleinement exploité leur talent. Patricia est devenue une sorcière si compétente qu’elle doit se garder de la Suffisance. Laurence a intégré un groupe de savants qui se destinent à coloniser une exoplanète pour sauver une partie de l’humanité du désastre imminent. La catastrophe écologique n’est pas loin, précédée de tremblements de terre, tempêtes et tsunamis. Les deux jeunes adultes ont pour destin de sauver le monde. Patricia utilise ses pouvoirs pour guérir et punir. Laurence a pour obsession de concevoir une technologie pour un exode lointain. Leurs approches, différentes, se révèlent antagonistes. Et deux élus, c’est toujours un de trop. Pourtant, il leur est impossible de s’affronter malgré l’influence de leurs communautés respectives qui les dressent l’un contre l’autre. Ce qui les lie dépasse le souvenir d’une amitié adolescente. Tous les oiseaux du ciel plaide pour la collaboration plutôt que la confrontation, pour l’acceptation de l’autre et de la différence plutôt que le rejet et l’affrontement.

Difficile de classer ce roman dans un genre particulier. Tous les oiseaux du ciel baigne dans la culture geek. Charlie Jane Anders sème une multitude de références multimédia. Elle joue aussi bien avec les codes de la SF (conquête spatiale, vortex, intelligence artificielle) que ceux de la fantasy urbaine (système de magie, apprentissage, dissimulation des sorciers, prophétie autour d’un élu). Le monde décrit est indubitablement le nôtre, dans un futur très proche. Mais ses particularités, cachées des individus lambda, nous le rendent étrange et étranger. Charlie Jane Anders s’amuse aussi des genres : du roman d’apprentissage – avec le difficile passage à l’âge adulte – dans son premier tiers, à la bluette amoureuse sur fond d’apocalypse et de guerre de clans, avec, en filigrane, le poids du destin sur les personnages. Qui trop embrasse mal étreint parfois. Ce n’est pas le cas ici, même si le roman souffre, passé ses deux premières parties, d’une forme de précipitation qui le conduit jusqu’à une fin abrupte. Rien de rédhibitoire cependant : il mérite les prix Nebula et Locus reçus.

Karine GOBLED

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