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Les critiques de Bifrost

Starfish

Starfish

Peter WATTS
FLEUVE NOIR
384pp - 22,00 €

Bifrost n° 60

Critique parue en octobre 2010 dans Bifrost n° 60

Si Vision aveugle, le plus récent des romans de Peter Watts, avait été le premier de ses bouquins à arriver par chez nous, Starfish, son premier livre écrit et publié (en 1999 outre-Atlantique), s’avère donc son tout dernier titre à débarquer en français… Bref, après avoir commencé par le petit dernier, dernier qui nous avait clairement laissé sur le cul, s’imposant haut la main comme le meilleur roman de S-F publié dans l’Hexagone en 2009, on s’attaque désormais au premier, volume initial de la trilogie Rifters constituée du présent Starfish, de Maelstrom (annoncé pour 2011 au Fleuve Noir) et de Behemoth (énorme roman publié en deux parties en VO). On précisera enfin que Starfish s’ouvre par un prologue déjà publié dans nos pages sous la forme d’une nouvelle au sommaire du Bifrost n°54 (opus dans lequel on lira d’ailleurs la critique de Vision aveugle, sous la plume de Patrick Imbert) — l’environnement de Starfish n’est donc pas étranger aux habitués de Bifrost…

En plus d’être manifestement assez cintré, ami des chats et passablement misanthrope, en somme un type pour le moins fréquentable, Peter Watts est biologiste marin. Il y a de fait une certaine logique à ce que notre auteur place l’intrigue de son premier roman au fin fond des abysses, plus précisément dans les entrailles de Beebe, une station des profondeurs accrochée sur le rift de la côte pacifique. Nous sommes dans un avenir proche. Les occupants de Beebe, une équipe de cinglés physiquement trafiqués pour résister aux hautes pressions et respirer sous l’eau, ont pour tâche d’entretenir le matériel servant à extraire du rift des quantités phénoménales d’énergie géothermique. Une équipe de cinglés, oui, sélectionnés à dessein, les « déviants » s’avérant après tests les mieux armés pour ce type de job confiné en environnement hostile. « Ce n’est pas la quantité de merde que tu as soulevée qui fait que tu conviens pour le rift. C’est la quantité à laquelle tu as survécu. » (p.131) Nous voici donc, à plus de 10 000 mètres de profondeur, avec une équipe de six tarés (dont un pédophile et une accro à la violence, notamment sexuelle…) physiquement bidouillés, et pas qu’un peu, qui passent leur temps à se foutre sur la gueule quant ils ne baisent pas les uns avec les autres, voire à se faire attaquer par des horreurs abyssales à peine croyables. Ambiance… Qui promet de ne pas s’arranger, parce qu’au fil du temps nos amis « rifters », outre péter de plus en plus les plombs, se mettent à développer de bien curieuses aptitudes, en sus d’une paranoïa aigue somme toute légitime dans la mesure où ils ne tardent pas à découvrir un appareillage assez curieux et inédit aux environs de Beebe, appareillage qui s’avère être… une bombe nucléaire. Pourquoi un truc pareil dans un lieu pareil ? Et placé par qui ?

Moins vertigineux que Vision aveugle, moins ambitieux aussi, mais plus accessible même si un tantinet décousu, ce premier roman de Peter Watts propose d’emblée une science-fiction mature riche d’idées fascinantes, une littérature qui n’épargne en rien cette chère humanité, pas plus qu’elle ne lui fait crédit de quoi que ce soit — que ses récits prennent place aux confins du système solaire ou au cœur des océans, Watts décortique ses personnages avec la froideur précise d’un entomologiste dépassionné ; le vampire de Vision aveugle, c’est lui ! De fait, ce qui étonnerait presque au regard de la majorité de l’actuelle production dans nos domaines, c’est combien l’auteur ne prend pas ses lecteurs pour des cons, leur fait confiance, compte sur leur implication et leur capacité à tracer leur propre chemin dans ses pages. Un livre honnête, qui joue le jeu, respecte son lecteur en le considérant comme un adulte raisonnablement constitué ? Ben oui, ça surprend, et franchement ça fait du bien… Aussi, si Starfish n’est pas une révolution en soit, il n’en est pas moins un excellent roman de science-fiction, et l’acte de naissance d’un auteur déjà incontournable. Aussi suivons d’un cœur léger la suggestion de Peter Watts lui-même dans les remerciements de Starfish : « Cet exemplaire que vous tenez entre les mains est un début. Pourquoi ne pas en prendre d’autres et les distribuer aux Témoins de Jéhovah au coin de la rue ? » Oui, pourquoi ?

Olivier GIRARD

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