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Les critiques de Bifrost

Rainbow Warriors

Rainbow Warriors

AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
528pp - 20,00 €

Bifrost n° 71

Critique parue en juillet 2013 dans Bifrost n° 71

Cela ne vous est jamais arrivé d’en avoir assez de toutes ces nouvelles pourries ? De ce monde qui semble tourner à l’envers et impossible à remettre dans la bonne direction ? De ces pays d’Afrique au destin joué d’avance : famine, pauvreté, corruption, dictatures ? Et on soupire, impuissant, devant pareil spectacle, avant de plonger dans un bon roman. Que faire d’autre ?

Akwasi Koffane, ancien secrétaire général des Nations Unies, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Après avoir réuni une impressionnante brochette de donateurs, il prépare, rien que ça !, un coup d’état en Mambesi, charmante dictature issue de la Françafrique. Il fait donc appel à Geoff Tyler, un général de division mis à la retraite pour ses prises de position (trop) franches et (trop) directes. Mais tout ceci ressemblerait à un scénario basique typique des rediffusions tardives de la TNT sans une composante inédite. Cette histoire serait d’une grande banalité sans un… détail : le choix des troupes. Et le défi est de taille, car l’armée sera composée exclusivement de LGBT. De quoi ? LGBT. L’acronyme de Lesbiennes, Gays, Bi(sexuels) et Trans(genres). Après un premier hoquet de surprise, l’ancien général relève le gant. Que le combat commence !

Ça débute comme un film ou un livre de guerre classique. Mais Ayerdhal reprend le schéma typique pour mieux le dynamiter, le faire exploser de vie et d’enthousiasme. On découvre tout d’abord les protagonistes principaux : outre Tyler et Koffane, une galerie haute en couleur s’offre à nous. Andrea, l’ancien commando devenu femme, croise Jean-No, inventeur génial et gay jusqu’au bout des ongles. Marlee et Anna-May, un des premiers couples mariés à Washington DC, se retrouvent embarquées dans la même aventure que l’inquiétante Pilar, tueuse mexicaine au corps devenu arme infaillible… Des personnages, nombreux, qui s’avèrent l’une des principales richesses de ce roman. En quelques chapitres d’exposition, vifs et entraînants, l’auteur sait les rendre vivants, attachants, malgré quelques lieux communs : le général est bourru, grossier, mais possède un cœur gros comme ça ; le sniper est d’une précision à toute épreuve ; le hacker d’une efficacité sans faille. Un tantinet stéréotypé, oui, mais au final, cela n’a rien de pesant. Au contraire, même, ça rassurerait presque, offrant un accès des plus faciles au monde dépeint. Et de nous laisser embarquer dans cette aventure…

Après les préparatifs, l’attaque. Et là, on s’accroche. Les actions s’enchainent, précises. Les fronts se multiplient sans que l’on soit perdu. Car Ayerdhal utilise juste ce qu’il faut de termes militaires et de tactique, de choix stratégiques et politiques. Sans excès. Les pages tournent presque toutes seules, la révolution LGBT est en marche !

Mais foin d’un optimisme trop béat et d’un angélisme malvenu. Le militaire laisse place au diplomatique. Et là, ça se corse ! Une autre force de cet ouvrage : la diversité des points de vue, la richesse du propos. Ce n’est pas seulement un roman de guerre militant, c’est aussi une réflexion pertinente sur le pouvoir, ses arcanes. Sans illusion, l’auteur dresse un tableau criant de vérité de ce monde qui nous entoure, des intérêts en jeu, des trahisons, des faiblesses. Mais aussi des envies, de la beauté des sacrifices pour une cause.

Rainbow Warriors, feuille de route pour tenter de changer les choses ? Peut-être pas, mais une aération bienvenue dans un contexte sociétal résigné.

Raphaël GAUDIN

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