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Les critiques de Bifrost

Les Tueurs Bannerman - 1

Les Tueurs Bannerman - 1

John-R MAXIM
DENOËL
908pp - 25,35 €

Bifrost n° 36

Critique parue en octobre 2004 dans Bifrost n° 36

Susan Lesko, journaliste, se rend dans la petite ville de West-port, intriguée par son taux remarquablement élevé de suicides et d’accidents mortels. À l’occasion d’une brocante, elle y rencontre Paul Bannerman qui dirige une agence de voyages. Promenades au clair de lune, bacon-cheeseburger chez Mario, la vie est simple à Westport, pour peu que l’on ne viole pas la loi Bannerman. Car Paul a placé ses tueurs dans les boutiques locales : ex Navy Seal, général dissident du KGB ou exécuteurs mercenaires en délicatesse avec la CIA. Auparavant, l’agence contrôlait Westport, une ville-transition créée par le mythique Allen Dulles, qui servait de refuge aux espions placés sous contrôle. Bannerman, l’un d’entre eux, s’en est emparé. Depuis, il veille sur ses chiens de guerre : Gary Russo, un médecin tortionnaire au discours halluciné, Carla Benedict, qui travaille du couteau, ou Billy McHugh, dont le seul défaut est de ne pas supporter que l’on maltraite une femme. À lui seul, Billy a éliminé onze maris violents depuis son arrivée à Westport. Les habitants jouissent d’une tranquillité dont ils ne connaissent pas le prix. Mais le gouvernement souhaite reprendre la ville. Une première tentative va se solder par un massacre en règle. La CIA perd l’un de ses directeurs et réplique par un programme informatique destiné à unir dealers et terroristes du monde entier contre Paul Bannerman. Celui-ci enlève l’un des responsables et déclare simplement : « Je vais vous éplucher le visage. Ce sera fait sur une table d’opération. Ensuite on vous ramènera à New York et on vous lâchera dans votre rue. Vous n’aurez plus de visage, plus d’yeux, plus de langue. Vos amis vous trouveront en train de tituber, d’essayer de hurler. J’ai besoin qu’ils vous voient dans cet état. » Finalement, Paul n’est guère différent de Raymond Lesko, père de Susan et flic-justicier : tous deux n’aiment simplement pas qu’on les dérange dans leurs habitudes. Les autorités se résignent à oublier Westport, et la vie tranquille reprend, jusqu’à ce que Lisa Benedict se fasse assassiner. Etudiante en cinéma à L.A., Lisa enquêtait sur un refuge pour gloires passées du cinéma. L’institution sert de paravent à un réseau de criminels en fuite, qui fait aussi à l’occasion trafic d’enfants obtenus par viol ou kidnapping. Prête à tout pour venger sa sœur, Carla se fera aider par un serial-killer et une cellule dormante du KGB. Le temps passant atténue les blessures, et les tueurs Bannerman assistent au mariage de Raymond Lesko avec Elena qui commandita jadis le meurtre de David Katz. Bien que mort, le coéquipier de Lesko continue de l’assister. Cet étrange ménage à trois s’envole pour un voyage de noces à Moscou, invité par Leo Belkine, officier du KGB. Cela, alors que la population du petit village de Vigirsk vient d’être éradiquée au gaz de combat, et que l’officier responsable se masturbe en écoutant les cris d’un Arménien pris dans un broyeur industriel. Paul Bannerman devra une nouvelle fois faire valoir sa loi en dehors de Westport.

Prenez la série Le Prisonnier. Virez blazers et canotiers, remplacez la boule par de la chair à saucisse couverte de globes oculaires, et vous obtenez l’effet Bannerman. Un catalogue d’atrocités commises par des tueurs psychotiques qui sont les gentils de John R. Maxim. Habitués à la violence et aux amours tarifés, ils découvrent avec maladresse les plaisirs simples d’une soirée télé, ou d’une conversation qui ne soit pas cryptée. L’auteur parvient ainsi à un parfait équilibre entre scènes insoutenables et situations à la Franck Capra, l’équivalent d’une comédie écrite par Clive Barker, avec sachet de pop-corn qui sert aussi de dégueuloir. Un pur bonheur, qu’atténuent toutefois les cent premières pages du deuxième opus, reprise de l’épisode précédent, et les digressions touristiques du dernier récit. Mais l’ensemble mérite ô combien d’être lu, ne serait ce que pour les formules de ce type : « Dans la bouche, il avait comme un goût d’entrejambe. » Cette seule phrase a-t-elle décidé le directeur de collection à traduire l’ensemble des romans ? C’est fort possible.

Xavier MAUMÉJEAN

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