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Les critiques de Bifrost

Les Portes perdues

Les Portes perdues

Seanan MCGUIRE
PYGMALION
224pp - 19,90 €

Bifrost n° 105

Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105

Depuis 2008, Seanan McGuire a publié plus d’une cinquantaine de romans et nouvelles. Elle est aussi connue sous le pseudonyme de Mira Grant pour sa trilogie zombie – Feed, Deadline et Red Flag chez Bragelonne. Pygmalion publie déjà sa série de fantasy urbaine, October Daye. Les Portes perdues, prix Hugo, Nebula et Locus 2016 et 2017 dans la catégorie novella, devrait faire l’objet d’une adaptation puisque les droits ont été acquis par la Paramount.

Pour chaque enfant (ou presque) existe une porte vers un autre monde. Un univers différent, obéissant à sa propre logique, sombre ou lumineux, parfois cruel et toujours dangereux. Tous les pensionnaires de la Maison des en­fants indociles d’Eleanor West en sont revenus, changés, et tous ne rêvent que d’une chose : retrouver la porte qui les y con­duira à nouveau tant ils s’y sentaient chez eux, à leur place. En confiant leurs enfants au pensionnat, les familles, déchirées entre incompréhension et in­quiétude, espèrent un retour à la « normale », une guérison de ce qu’ils perçoivent comme un traumatisme ou une pathologie mentale. Ils ignorent que Eleanor West est elle-même une enfant indocile et que sa définition du mot guérison diffère quelque peu. Ce premier tome – la série, toujours en cours, en compte six outre-Atlantique – s’attache aux pas de Nancy, autrefois une fillette enjouée et lumineuse, qui revient du Couloirs des Morts. Peu après son arrivée, Sumi, sa camarade de chambre, est assassinée, et très vite les meurtres s’en­chaînent. Commence alors une enquête dou­blée d’une course contre la montre pour trouver le coupable et l’empêcher de poursuivre le carnage.

Les histoires de passages vers un autre monde foisonnent en littérature, particulièrement en jeunesse et young adult, qu’on y accède par un terrier de lapin ou une armoire magique. Sea­nan McGuire décide de s’intéresser à l’après, au retour dans le monde gris et terne que nous connaissons, loin des merveil­les de ces pays que l’on dit ima­ginaires. Un pari réussi de ce point de vue, d’autant que la ca­ractérisation et les états d’âme de ces élèves aux parcours atta­chants se révèlent à la hauteur. La nostalgie du pays perdu le dispute à l’angoisse adolescente et à la difficulté à vivre dans un monde hostile. Autre point intéressant, les adultes du pensionnat, respectueux des enfants, de leurs récits, leurs vécus et identités (voire de leur transidentité pour certains) deviennent des alliés rendant le monde un peu plus supportable.

Le format court constitue à la fois un atout, avec une narration fluide et entrainante, un tempo rapide où les évènements s’enchaînent sans temps mort, et une faiblesse, car l’univers semble parfois survolé. On se gardera de juger une série sur un premier tome. Cependant, force est de constater que ce premier opus laisse un goût de trop peu et qu’il ne reste plus qu’à espérer que les suites donneront un peu plus de consistance à cet univers prometteur. Nous serons vite fixés puisque De brindilles et d’os, le deuxième tome, est annoncé chez Pygmalion pour février 2022. À ajouter aussi dans la liste de ce qui fâche : le prix du livre. 19,90 euros en version papier et 13,99 euros en numérique, ça fait cher la novella…

Karine GOBLED

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