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Les critiques de Bifrost

Les Clans de la lune alphane

Les Clans de la lune alphane

Philip K. DICK
J'AI LU
5,00 €

Bifrost n° 18

Critique parue en mai 2000 dans Bifrost n° 18

Dans ce roman, paru en 1964, P. K. Dick poursuit sa réflexion sur la « normalité » et la vision du monde par des « fous ». Il imagine donc un monde dont la culture serait « folle » : la lune alphane est un ancien hôpital psychiatrique dont les pensionnaires ont été abandonnés à eux-mêmes et ont créé une culture adaptée à leurs visions du monde de « malades mentaux », se regroupant par clans selon leurs « maladies » : pares (paranoïaques), manses (maniaco-dépressifs), hébés (hébéphrènes), schizes (schizophrènes), polys (schizophrènes polymorphes), deps (dépressifs), ob-coms (obsessifs)... Les descendants des « malades » d'origine sont donc amenés à choisir un clan en fonction de leurs tendances et de l'éducation reçue, et la culture ainsi créée est un équilibre instable entre les différents clans.

Cet équilibre va être remis en cause par l'arrivée du premier vaisseau d'exploration terrien. Se souvenant de cette colonie abandonnée, la Terre désire « soigner » la culture déviante qui est apparue. Bien sûr, les « colons » veulent conserver ce qui est devenu leur culture traditionnelle. Un conflit conjugal entre un opérateur de la CIA et son épouse, psychiatre envoyée établir la marche à suivre, aboutira à la sécession de la lune, sous la protection des Alphanes de la planète voisine.

Ce que Dick veut montrer avec ce roman, c'est d'une part la relativité de la notion de normalité et la possibilité d'une culture différente ; d'autre part que la société « normale » de la Terre est entièrement noyautée par les polices, la CIA et les psychiatres, et que la libération exige qu'on se débarrasse de cette enrégimentation.

Contrairement à bien d'autres romans de la même période, Les Clans de la lune alphane ne fait pas appel aux drogues pour justifier la mise en doute de la perception usuelle de la réalité, et la mention des drogues est rare dans le livre. C'est que l'opposition entre la vision dite normale, celle des Terriens, et les visions des « colons » en fonction de leur « maladie » suffit à justifier cette mise en doute. Et le fait que celui qui a provoqué la scission se retrouve à la fin du roman seul membre d'un clan de « Norms » (normaux) tandis que sa femme, qui a défendu les intérêts terriens, se révèle une dépressive latente, confirme cette relativité de la norme.

C'est un roman assez soigné, qui s'inscrit dans la recherche de Dick sans marquer une étape importante, mais aussi sans descendre au niveau des romans « alimentaires » que Dick a parfois écrits pour exploiter ses thèmes sans les creuser.

Georges BORMAND

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