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Les critiques de Bifrost

La Cité de l'indicible peur

La Cité de l'indicible peur

Jean RAY
ALMA
256pp - 18,00 €

Bifrost n° 87

Critique parue en juillet 2017 dans Bifrost n° 87

Il y a du jeu dans La Cité de l’indicible peur… Triggs, ce détective malgré lui, ne jauge ni ne juge les événements, mais il les fait pourtant jouer. Il permet ainsi d’aller au-delà du décor « plus british que british » de la ville d’Ingersham. Détective involontaire, il découvre non seulement un vrai trafic de faux billets, mais il fait aussi dire aux habitants des choses tues et cachées… Surtout, il fait jouer dans le roman cette alternance entre ce qui relèverait du roman policier et ce qui renverrait à la tradition du récit fantastique. Les deux perspectives se rejoignent, ce qui fait tout le sel du récit, au point que la critique ait pu avancer qu’il s’agissait là d’un faux roman policier, ou d’un faux roman d’épouvante. Si l’on semble donc s’écarter du récit fantastique, le lecteur pourra s’interroger sur cette ouverture historique de haute volée, avec cette « Grande peur » et ces « Ils » qui franchissent les siècles et parcourent l’Angleterre, avant d’atteindre la petite ville d’Ingersham, alors que les habitants n’ont que pour seules préoccupations gastronomie et sexualité. Que reste-t-il de cette « Grande peur » si Scotland Yard réussit à démonter la machination humaine ? Le lecteur pourra alors questionner le seul « vrai » fantôme du roman, qui erre solitaire dans l’hôtel de ville, sans que personne ne s’en préoccupe désormais.

Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui Ils sont, promettait en quelque sorte le début du récit. Dis-moi ceux que tu ne hantes plus, je te dirai ce qu’ils sont devenus, avance-t-il finalement… Ce qu’ils sont devenus ? Des personnages à l’écart de l’Histoire, qui refusent toute rupture, toute avancée, se contentant de profiter du présent, de ce qui est littéralement à portée de main. Pas de femme ? Un mannequin suffira. Pas d’homme ? Des repas et des objets les remplaceront. Pas de Dieu ? Un détective le supplantera. C’est ce règne du faux, des palliatifs, qu’invite à découvrir ce roman, avec un seul plaisir vrai : celui de la lecture.

Arnaud HUFTIER

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