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Les critiques de Bifrost

Éveil

Éveil

Robert James SAWYER
ROBERT LAFFONT
408pp - 21,00 €

Bifrost n° 59

Critique parue en juillet 2010 dans Bifrost n° 59

L’intelligence peut-elle venir au Web, cet immense réseau ? Les milliards d’informations stockées et partagées peuvent-elles donner vie à une conscience supérieure ? Quel phénomène pourrait permettre l’avènement d’une telle entité ? Autant de questions auxquelles tente de répondre la nouvelle trilogie de Robert J. Sawyer.

Une intelligence qui « s’éveille » donc dans ce premier tome, et qui va avant tout devoir prendre conscience de son existence. Puis de celle des autres. Et tenter de communiquer…

La construction de ce roman est classique : on suit plusieurs personnages simultanément tout en sachant qu’ils se rencontreront tôt ou tard (mais pas dans ce tome, pour la plupart). Sinanthrope, un dissident chinois expert en informatique, qui tente de révéler au monde un crime monstrueux commis par son gouvernement. La scientifique Shoshana et son chimpanzé Chobo, élève doué qui communique par gestes. Mais surtout Caitlin, une jeune et brillante étudiante américaine qui vient d’emménager au Canada avec sa famille. Seule particularité : elle est aveugle de naissance. Un jour, le professeur Kuroda la fait venir au Japon pour tester une nouvelle technologie censée lui redonner la vue. L’opération est un échec. Cependant, après quelques réglages, Caitlin finit par découvrir, en lieu et place de l’obscurité habituelle, des formes géométriques. Et plutôt que le monde qui l’entoure, elle se révèle alors capable de visualiser le Web. C’est là qu’elle rencontrera le Fantôme, cette entité qui « s’éveille » et se développe sous nos yeux…

Dès les premières pages, on se retrouve plongé en plein teen movie. Et ce n’est pas la suite de la vie de Caitlin qui va nous détromper. Outre les poncifs sur les facs anglo-saxonnes (le dragueur un peu lourd qui veut profiter d’une aveugle, l’amie fidèle, etc.), le style de Sawyer (du traducteur ?) s’avère racoleur au possible. A trop vouloir se rapprocher du « parler jeune », il en devient ridicule. Le nombre de fois où il utilise le mot « cool » (en anglais dans le texte) est désespérant, tout comme son utilisation excessive des marques. De fait, plutôt que d’ancrer le récit dans le réel, cette technique transforme certains passages en d’immenses plages publicitaires. Insupportable. Autre désavantage : à moins que les produits cités aient une durée de vie très longue, ce roman sera rapidement daté (ainsi Twitter n’apparaît-il nulle part, malgré son importance de nos jours). Sans parler de cette volonté de brasser des thèmes à la mode : la Chine, cynique et fermée au monde ; la grippe H5N1 (Sawyer a laissé la H1N1 de côté) et la panique qu’elle fait régner.

Le plus regrettable, en définitive, réside dans le fait que l’auteur explore et manie de nombreuses notions fort intéressantes : la théorie de la bicaméralité de Julian Jaynes, la loi de Zipf ou l’entropie de Shannon. Mais elles sont souvent survolées, à peine exploitées. Et constamment on revient à la petite vie de Caitlin et à la vanité de certaines de ses interrogations.

Le livre se lit vite, mais ce n’est pas par passion, plutôt parce qu’il s’avère d’une simplicité excessive, trop léger, malgré la force et les potentialités des thèmes abordés. Sauf miracle, les deux autres tomes (Watch/ Veille ; et Wonder/Merveille) ne devraient pas apporter de grands bouleversements. Dommage…

Raphaël GAUDIN

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