Connexion

Étranges éons

Albert Keith achète chez un brocanteur un tableau de goule qui représente parfaitement « Le modèle de Pickman » décrit dans la nouvelle de Lovecraft et dont il découvre, en le restaurant, la signature au bas de la toile. Dès lors, les ennuis s’accumulent : le brocanteur meurt, la tête rongée comme la victime de la goule sur le tableau. Découvrant par l’intermédiaire de son ami Waverly la biographie de Lovecraft, il se rend compte que, comme dans la nouvelle d’origine, l’auteur n’imaginait rien mais utilisait la fiction pour faire prévenir impunément l’humanité du retour de Cthulhu sur une île du Pacifique Sud, R’lyeh.

Trois récits distincts composent la trame de ce roman dédié à Lovecraft. Après Maintenant, Plus tard narre les péripéties d’une veuve courtisée par des gens à la recherche d’un document dissimulé dans la demeure qu’elle vient d’hériter de son ex-mari. Bientôt se déroule dans un futur où le maire de Los Angeles échappe à un attentat, tandis que la menace d’un retour des grands anciens se précise.

En fin connaisseur de l’œuvre de Lovecraft, Robert Bloch utilise les éléments de sa mythologie dans une trame horrifique qui fait de l’écrivain un témoin et un prophète. Aux textes nommément cités s’ajoutent les clins d’œil qu’il disperse, comme l’allusion aux nouvelles où Bloch et Lovecraft s’amusaient à tuer l’autre. Habilement, il décline dans ces fix-up des motifs récurrents, qui renforcent l’unité d’ensemble. Un fil court tout le long des récits, à savoir que s’intéresser au fantastique, à l’étrange ou aux rites mortuaires des sociétés tribales est une manière d’apprivoiser sa peur de la mort. 

Publié chez NéO en 1980 sous le titre de Retour à Arkham, Étranges Éons, tout en cherchant à unifier des pans de son œuvre et à l’inscrire dans la trame du quotidien, est un hommage appuyé au maître de Providence, aussi respectueux que plein de malice.

Ça vient de paraître

Architectes du vertige

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 114
PayPlug