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Les critiques de Bifrost

Sous-titré Le Bestiaire de la SF à l’épreuve des sciences, cet ouvrage traite de l’apparence des extraterrestres en fonction des lois de la nature. Au regard de leurs particularités et de différences étonnantes ou inquiétantes, il est permis de s’interroger sur leur crédibilité et sur les conditions, environnementales ou biologiques, qu’elles induisent. Ça tombe bien, Roland Lehoucq, l’astrophysicien bien connu des lecteurs de Bifrost, et le paléontologue Sébastien Steyer (connu des mêmes lecteurs), s’appuient sur leurs disciplines respectives pour évaluer la plausibilité des espèces exotiques croisées en SF. Ils ont pour support visuel les saisissantes illustrations du paléoartiste et sculpteur numérique Marc Boulay, rompu, de par sa discipline, à représenter de façon cohérente des espèces disparues ou, comme ici, imaginaires.

L’exercice, assez proche de la rubrique « Scientifiction » des pages de Bifrost, en diffère par l’approche : alors que Roland Lehoucq engage une discussion scientifique autour d’un thème précis, le plus souvent à partir de l’actualité littéraire ou cinématographique de la SF, il part, avec Sébastien Steyer, d’un trope, d’un pouvoir ou d’une situation (le crâne surdimensionné des extraterrestres ou leur vitesse) pour en examiner les conditions requises et les conséquences prévisibles dans toutes les disciplines concernées. Il est donc question de plusieurs sciences à la fois, et de solutions différentes selon le contexte, ce qui explique le nombre de références autour d’une même question. On croise ainsi les grands noms de la SF française et anglophone, récente et classique, mais aussi les moins connus du grand public, de Varley jusqu’à Jean de la Hire. Les films n’appartiennent pas forcément aux blockbusters du moment, comme le Blob de Yeaworth (1958), Europa Report de Cordero (2013), leur loufoquerie parfois bien éloignée du moindre argument scientifique – on pense à Black Sheep de Jonathan King.

Les textes sont regroupés par thèmes : Humanoïdes augmentés traite des capacités des E.T. et mutants, Un bestiaire extraterrestre aborde les morphologies exotiques, Classiques revisités comprend les créatures ayant marqué l’imaginaire – Godzilla ou le monstre d’Alien –, Si loin, si proches s’appuie davantage sur les stratégies de survie, et donc d’évolution liées aux pressions environnementales : cette section regroupe aussi bien les armures de certaines espèces que l’écologie de la planète Dune ou les possibilités de vie sur des mondes glacés. Gigantisme et pouvoirs excessifs font l’objet de la section intitulée Est-ce bien raisonnable ? Enfin, un coda sur L’art de fabriquer les monstres se penche sur les notions de biologie et de paléontologue pour imaginer des créatures qui résistent à l’examen scientifique auquel les auteurs viennent de se livrer, ce qui est l’occasion de donner davantage la parole à Marc Boulay sur sa façon de donner vie à des Animaux du futur, titre d’un ouvrage avec Sébastien Steyer (même éditeur) dont on découvre quelques extraits dans un supplément.

Tirés de la revue Pour la Science, avec le partenariat de laquelle cet ouvrage est publié, les articles sont tous de longueur égale, ce qui fait parfois regretter, en fonction du sujet, l’absence de développements. Il s’agit davantage du survol d’une question que d’un traitement approfondi, de sorte que l’ouvrage est accessible à tous les publics, ce que confirme par ailleurs l’impression sur papier glacé à fort grammage, qui met en valeur les très riches illustrations et l’apparente à un livre-cadeau. Comme l’indiquent les auteurs, les œuvres d’imagination deviennent, par la lecture scientifique qu’on peut en faire, un passionnant terrain de jeu qui transforme le lecteur-spectateur en chercheur. À déguster à des moments perdus, comme autant de friandises pour l’esprit.

Claude ECKEN

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