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Les critiques de Bifrost

Binti

Binti

Nnedi OKORAFOR
ACTUSF
17,90 €

Bifrost n° 98

Critique parue en mai 2020 dans Bifrost n° 98

Décidément, les éditions ActuSF aiment Nnedi Okorafor. Après avoir réédité fin 2017 son prometteur premier roman, Qui a Peur de la mort ? (initialement paru chez Panini), elles ajoutent à présent deux titres à leur catalogue : le recueil de nouvelles Kabu Kabu, à l’origine publié aux défuntes éditions de l’Instant, et l’inédit Binti, dont le premier des trois textes qui le composent a obtenu aux États-Unis les prix Hugo et Nebula dans la catégorie novella. L’histoire d’une jeune fille himba qui quitte le village où elle a grandi, et la Terre par la même occasion, pour rejoindre l’université Oomza située sur une lointaine planète et accueillant des étudiants en provenance des quatre coins de la galaxie. Un périple qui menace de tourner court lorsque le vaisseau organique dans lequel elle voyage est attaqué par les Méduses, une race extraterrestre belliqueuse, et que l’ensemble des passagers se fait massacrer. Tous sauf Binti…

Après des débuts prometteurs, sur les pas de cette jeune femme qui choisit de s’ouvrir au monde sans l’aval de sa famille et de ses proches, mais sans renoncer non plus à son héritage culturel, la confrontation avec les Méduses fait très vite basculer le récit dans une cuve de mièvrerie où Binti, à l’aide d’un artefact aux pouvoirs aussi magiques que providentiels, met en quatre pages un terme à des siècles d’une guerre qui ne reposait en fin de compte que sur un malentendu. Et c’est ainsi qu’humains et Méduses pourront désormais s’en aller main dans le tentacule vers un avenir meilleur.

« Binti : feu sacré » poursuit dans le même registre sirupeux tandis que Binti, loin des siens et profondément marquée par le voyage qui l’a conduite sur Oomza, trouve le réconfort parmi une troupe bigarrée d’aliens de toutes formes, lesquels se retiendront de justesse d’entonner « avoir un bon copain, voilà c’qu’il y a d’meilleur au monde » autour d’un feu de joie.

L’une des particularités de Qui a Peur de la mort ? est qu’il s’apparentait à peu près autant à la science-fiction qu’à la fantasy. Il en va de même pour Binti : le décor et l’imagerie relèvent sans ambiguïté de la SF (voyages spatiaux, extraterrestres, technologie futuriste), mais Binti apparait plus volontiers comme une héroïne de fantasy, lancée dans une quête qui la dépasse, possédant un artefact aux pouvoirs inexplicables, et tirant des mathématiques des pouvoirs en apparence surnaturels. « Binti : Retour », troisième et dernier texte au sommaire, apporte un certain nombre de réponses aux questions soulevées précédemment sans faire basculer le récit d’un côté ou de l’autre. Cette dernière partie, marquée pour Binti par le retour aux sources et la découverte de ses origines, est sensiblement plus réussie que les précédentes, suffisamment en tous cas pour qu’on ne puisse tout à fait écarter l’idée de jeter un œil prudent au second et dernier tome lorsque celui-ci sortira.

Philippe BOULIER

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